Lettres d'Hippolyte Valmore à Gustave Revilliod conservées aux Archives d'État de Genève (1859-1873)/13


Archives privées 18.8.1866/85


30 avril 1866.

Bien cher Monsieur et ami, j'ai reçu vos deux portraits avec plaisir et reconnaissance. Vous ne pouvez encore venir : c'est vous voir, sinon vous parler. On dirait que le plus ancien a été fait sur un destin ; je préfère le second, mais surtout celui qui accompagne Madame votre mère.

Ce dernier rend, à mes yeux, votre bonté, votre finesse de cœur et le mouvement de votre esprit : il a cette physionomie qui vous fait des amis avant que vous ne parliez des amis qui vous connaissent déjà d’un regard et sentent qu’ils peuvent aller à vous le cœur sur la main.

Oui, notre vie est changée par cette triste perte. Une conversation libre et toujours nouvelle, sans pédanterie, sans recherche d’esprit ; puis un mois de liberté à la campagne, où nous retrouvions en Langlais ce que Paris a de plus intéressant pour l’intelligence, tout en respirant l’air pur, et la vie rustique, tout cela est passé, et ne sert plus qu’à attrister le présent. Nous ne savons ce que le gouvernement va faire d’Aimé. Il songe à un consulat, mais ne veut pas retourner au Mexique.

Vous savez, cher Monsieur, que Mlle Olivier est mariée ; Mlle Hélène Ruchet va probablement aussi épouser un de mes amis. J’ai en l’occasion de la saluer : elle paraît sérieuse et très pure, très simple, et je m’en réjouis pour mon ami, l’un des meilleurs, un chevalier des anciens temps devenu démocrate à la suite des siècles.

On parle beaucoup de guerre ici ; il est difficile que la France reste au port d’armes, mais comme vous le désirez, que l’Helvétie soit protégée par ses montagnes : il faut bien que la liberté se réfugie quelque part.

À votre mère comme à vous cher Monsieur et ami, mon respect et mon affection inaltérables

Hippolyte Valmore

Mon père, dont la santé est relativement bonne, vous envoie ses souvenirs affectueux. Il vous désire aussi bien vivement.