Lettres choisies du révérend père De Smet/16

Victor Devaux et Cie ; H. Repos et Cie (p. 191-205).
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XVI


Cincinnati, collège Saint-François Xavier, 3 août 1854.

D’après ma promesse, je vais vous entretenir de la chasse indienne. Si je réussis à rendre ma narration claire, je m’en réjouirai et je ne me repentirai pas d’y avoir mis du temps.

Être bon chasseur et bon guerrier, voilà les deux qualités qui constituent le grand homme par excellence chez toutes les tribus nomades de l’Amérique septentrionale. Je me bornerai à vous parler de la première.

La chasse absorbe toute l’attention du sauvage. La connaissance qu’il a acquise, par une longue expérience, de la nature et de l’instinct des animaux, est vraiment merveilleuse ; il s’en occupe dès sa tendre enfance. Dès qu’il est capable de manier un petit arc, c’est la première arme que son père lui met entre les mains, pour lui apprendre à tirer aux oiseaux et aux petits animaux. Les jeunes Indiens sont initiés de bonne heure à tous les stratagèmes  ; on leur apprend avec autant de soin à s’approcher du gibier et à le tuer, qu’on en met, dans une société civilisée, à apprendre aux enfants les éléments de la lecture, de l’écriture, de l’arithmétique.

Un bon chasseur indien connaît les habitudes de tous les quadrupèdes auxquels on peut donner la chasse  ; il sait les endroits qu’ils fréquentent de préférence  ; il est essentiel qu’il sache distinguer l’espèce de nourriture qu’un animal recherche le plus, et le temps favorable auquel il quitte son gîte pour l’obtenir. Le chasseur doit être au courant de toutes les précautions à prendre pour tromper l’oreille attentive et les instincts de ses futures victimes  ; il doit pouvoir apprécier la trace d’un animal qui vient de passer, le temps qui s’est écoulé depuis son passage, et la direction qu’il a prise. L’atmosphère, les vents, les pluies, les neiges, les glaces, les forêts, l’eau sont les livres que lit l’Indien, qu’il consulte et qu’il examine, lorsqu’il quitte sa loge pour aller faire une chasse ou une traque.

Les tribus nomades subsistent principalement par la chasse : la chair des animaux leur procure la nourriture, et les peaux leur fournissent le vêtement. Avant l’arrivée des blancs, la manière de tuer le gibier était très-simple  ; elle consistait ordinairement en stratagèmes et en pièges que les sauvages tendaient aux animaux. Ils ont recours encore aujourd’hui à leur ancienne méthode, surtout dans la chasse des grands ruminants, lorsqu’ils n’ont point de chevaux capables de les poursuivre, et qu’il leur manque de la poudre et du plomb.

La trappe pour prendre les bisons dans un enclos ou parc est une de leurs méthodes primitives et peut-être la plus remarquable dans son exécution  ; elle demande beaucoup d’adresse et de ponctualité  ; elle donne une haute idée de la sagacité, de l’activité et de la hardiesse du sauvage. Comme dans toutes les occasions importantes, les jongleurs naturellement sont consultés et la chasse est précédée d’une grande variété de pratiques superstitieuses. J’ai été témoin d’une de ces scènes ou cérémonies au pied des montagnes Rocheuses  ; elle mérite, je pense, d’être rapportée dans ses détails  ; je vais tâcher de vous en faire le récit fidèle.

C’est un fait assez connu que les bisons parcourent les grandes plaines de l’Amérique en bandes ou troupeaux de plusieurs centaines et même de plusieurs milliers. Dans presque tous mes voyages, j’ai vu souvent de mes propres yeux, d’aussi loin que je pouvais distinguer quelque chose dans ces immenses prairies, un nombre considérable de ces nobles animaux se mouvoir lentement comme un seul troupeau et dans une même direction, broutant l’herbe à mesure qu’ils poursuivaient leur route. Ils avaient une apparence effrayante ; leurs énormes têtes velues surtout inspirent la terreur à ceux qui ignorent les habitudes pacifiques de ces excellents quadrupèdes. Telle est leur timidité qu’un seul homme peut mettre en fuite des bandes entières, quel qu’en soit le nombre. Quand les bisons se mettent à fuir, le bruit de leurs pas précipités et de leurs beuglements, au milieu des nuages de poussière qu’ils soulèvent dans leur course, ressemble au murmure sourd d’une tempête, mêlée de coups de tonnerre, dont l’écho s’affaiblit à mesure que l’orage s’éloigne. La chair de ces animaux est très-estimée et très-nourrissante, elle est comme le pain quotidien des tribus indiennes qui habitent les grandes plaines.

Une tribu qui a peu d’armes à feu, presque pas de chevaux pour suivre la piste des animaux, qui manque de provisions pour subsister et de robes pour se vêtir (et telle était la condition de nos Assiniboins, doit nécessairement recourir à la chasse primitive, et employer pour se nourrir l’ancienne méthode, qui existe ici de temps immémorial. Les sauvages que j’ai vus occupés à cette chasse étaient campés dans un endroit choisi pour la construction d’un parc ou enclos. Le camp dont je parle se composait d’environ trois cents loges, ce qui représente deux à trois mille âmes. On avait fixé pour emplacement le voisinage d’une chaîne de collines, dont la pente douce formait une belle et immense nappe de verdure  ; toutes les loges y furent dressées. En face des coteaux, s’étendait une vaste plaine.

Aussitôt après l’installation des loges terminée, un grand conseil est convoqué  ; tous les chefs et les chasseurs y assistent. On désigne en premier lieu une troupe de guerriers chargés d’empêcher les sauvages de quitter le camp, seuls ou en bandes détachées, de peur que les bisons ne soient inquiétés et ne s’éloignent du campement. La consigne est très-sévère sous ce rapport : non-seulement tous les Indiens doivent s’y conformer, mais elle atteint aussi les voyageurs, quand même ils ignoreraient qu’une chasse au parc doit avoir lieu. S’ils font lever ou s’ils effrayent les animaux, même par accident, ils sont encore punissables  ; toutefois les sauvages du camp qui transgressent la loi sont punis avec plus de rigueur. Leurs fusils, leurs arcs, leurs flèches sont brisés, leurs loges coupées par morceaux, leurs chiens tués, toutes leurs provisions et toutes leurs peaux enlevées. S’ils ont l’audace de se refuser à subir la punition, ils sont fouettés avec le rotin, et reçoivent des coups de bâton ou de massue  ; ce supplice se termine souvent par la mort des malheureux patients. Quelqu’un qui mettrait le feu à la prairie, soit par mégarde, soit par imprudence, ou qui aurait contribué d’une manière quelconque à faire fuir les animaux, n’échapperait pas à une vigoureuse bastonnade.

Dès que le règlement est promulgué, on commence à construire le parc ou l’enclos. Tout le monde y travaille avec ardeur et avec joie, car c’est une affaire de la plus haute importance, et d’où dépend la subsistance d’un grand nombre d’individus pour plusieurs mois de l’année. Le parc a une superficie d’environ un arpent  ; pour le clôturer en forme de cercle, les sauvages plantent en terre et fixent fortement des poteaux, dont ils remplissent les intervalles avec des bûches, des branches sèches, de gros blocs de pierre, de la terre, des broussailles, en un mot avec tout ce qu’ils peuvent trouver dans le voisinage. L’espèce de palissade qui constitue ce cercle n’a qu’une seule ouverture ou, si l’on veut, qu’une sortie étroite. Devant cette ouverture, est une pente de quinze à vingt pieds, qui s’étend entre deux coteaux  ; la pente va s’élargissant à mesure qu’on s’éloigne du cercle  ; sur les deux bords ou lisières de cette pente, on établit encore de longues et fortes barricades qui s’étendent au loin dans la plaine.[1]

Dès que tous les préparatifs sont achevés, les sauvages choisissent le grand maître des cérémonies et du parc. C’est généralement un vieillard, un personnage distingué, qui appartient à la bande du Wah-kon (ou incompréhensible), et qui s’est rendu fameux dans l’art de la jonglerie. On sait que les Indiens la regardent comme une science surnaturelle. Ce vieux sorcier est jugé le plus capable de décider du moment opportun de faire entrer les bisons dans le piège, et il a seul tout le pouvoir requis pour mettre la grande chasse en mouvement. Il plante le mât de médecine au centre du parc et y attache les trois charmes qui doivent attirer les animaux vers cette direction, c’est-à-dire, un morceau de drap écarlate d’une ou de deux aunes, un rouleau de tabac et une corne de buffle. Chaque matin, à la pointe du jour, il bat du tambour, entonne ses chants de conjurations, consulte son Wah-kon privé et les Manitous, ou esprits qui guident les animaux, pour connaître si le moment favorable est arrivé.

On met à sa disposition quatre individus ou

coureurs, choisis parmi les plus habiles. Ils vont chaque jour à la découverte des bisons et lui rapportent fidèlement le résultat de leurs observations : ils disent à quelle distance du camp les animaux se trouvent, quel est à peu près leur nombre, et dans quelle direction ils marchent. Ces coureurs font souvent trente à cinquante milles en divers sens. Dans toutes leurs courses, ils prennent avec eux une balle de Wah-kon, que le grand maître leur confie  ; elle est faite de poils de buffle et couverte d’une peau. Si les coureurs jugent que le moment d’ouvrir la chasse est arrivé, ils envoient aussitôt l’un d’entre eux au grand maître, avec la balle et les bonnes nouvelles. Aussi longtemps que cette balle mystérieuse est en route, le maître des cérémonies ne peut prendre aucune nourriture  ; et il prolonge son jeûne rigoureux quelquefois pendant plusieurs jours  ; de plus, tant que dure la chasse, il ne touche à aucune viande ni à aucun mets qui ne soit trouvé ou ne provienne de quelque animal tué dans le parc même. On reste quelquefois un mois et davantage à attendre le moment propice pour commencer la grande opération de chasse  ; le grand maître alors se trouve réduit à de bien petites rations, à moins qu’il ne prenne des arrangements avec sa conscience et qu’il ne mange furtivement pendant la nuit. C’est probablement ce qu’il fait, car généralement il ne paraît pas plus souffrir du jeûne que ses subordonnés du camp.

Supposons maintenant que tout soit prêt et que le temps paraisse propre à la traque. Le grand maître bat le tambour et annonce la nouvelle que les «  bisons sont en grosses bandes à la distance de quinze ou vingt milles  ; que le vent est favorable et vient directement de l’endroit où sont les animaux  !   » Aussitôt tous les cavaliers montent leurs coursiers  ; les piétons, armés d’arcs et de flèches, de fusils, de lances, prennent leurs positions, formant deux longues rangées, depuis l’extrémité des deux barricades qui, partant de l’entrée du parc, s’avancent dans la plaine  ; ils prolongent ainsi les lignes de cette vaste enceinte. Lorsque les piétons sont placés à une distance de dix ou quinze pieds les uns des autres, les cavaliers continuent à tenir les mêmes lignes, qui s’étendent fort au loin, en sorte que le dernier chasseur à cheval se trouve probablement (à deux ou trois milles du parc, et est à peu près à une même distance du dernier chasseur de l’autre ligne dans une direction transversale. Si les hommes viennent à manquer, les femmes et même les enfants comblent les lacunes.

Après la formation de ces deux lignes immenses, un seul Indien, monté sur le meilleur coursier du camp, est envoyé, sans armes, dans la direction et à la rencontre des bisons. Il s’en approche, contre le vent, avec la plus grande précaution, jusqu’à la distance d’environ cent pas  ; se couvrant alors d’une grande peau de buffle, le poil en dehors, il enveloppe son cheval autant qu’il le peut, et imite le cri plaintif d’un veau de bison. Ce cri attire, comme par enchantement, l’attention de tous les animaux ; au bout de quelques secondes, plusieurs centaines d’entre eux se dirigent vers le cavalier ou veau farceur. Ils arrivent d’abord à pas lents, ensuite au trot, enfin au galop. Le cavalier ne cesse de répéter les cris du veau et dirige sa course vers le parc, ayant soin de se tenir toujours à la même distance des bisons qui le suivent. Lui seul, grâce à cet habile stratagème, conduit l’innombrable troupeau par tout l’espace qui le sépare de ses compagnons, qui sont sur le qui-vive, brûlant d’ardeur et d’impatience de commencer le mouvement ou l’action.

Dès que les bisons sont arrivés dans l’enceinte comprise entre les extrémités des deux lignes, la scène change subitement : tout devient empressement et furie. Les chasseurs à cheval s’élancent de part et d’autre à bride abattue, et vont se rejoindre derrière les bisons. L’entrain des sauvages se communique aux animaux déroutés et effrayés qui essayent de s’échapper dans diverses directions ; alors en même temps se montrent les piétons. Les bisons, se voyant enfermés et entourés de toutes parts, sans issue possible, excepté par la seule ouverture qui donne entrée dans le parc circulaire et qui est devant eux, se mettent à pousser des beuglements et « des mugissements effroyables, et s’élancent en avant à toute vitesse. Les lignes des chasseurs se resserrent graduellement, à mesure que moins d’espace leur est nécessaire ; la masse des bisons et les groupes des chasseurs deviennent ainsi de plus en plus compactes. À ce moment, les Indiens commencent à décharger leurs fusils, à tirer leurs flèches, à lancer leurs dards. Beaucoup d’animaux tombent sous leurs coups avant d’atteindre le parc  ; le plus grand nombre toutefois se rue vers l’entrée. Ils ne s’aperçoivent que trop tard du piège qui leur est tendu  ; les plus avancés tentent de revenir sur leurs pas, mais la foule effrayée qui les suit les force de s’avancer, et ils se précipitent pêle-mêle dans l’enclos, au milieu des hourras et des cris de joie de toute la tribu, et des décharges répétées des armes à feu.

Dès que les animaux sont claquemurés dans le parc, on en ferme l’entrée et on les tue à coups de flèches, de lances et de dards. Les hommes, les femmes et les enfants, au comble du bonheur par le succès de la chasse et du carnage des bisons, prennent part à la grande boucherie, et commencent à écorcher et à découper les animaux. Pour les voir se livrer à cette révoltante opération, il faut être un peu fait à leurs mœurs et à leurs habitudes, sans quoi on ne pourrait s’empêcher d’en éprouver du dégoût. Pendant qu’ils dépècent, coupent et taillent, les femmes et les enfants dévorent, tout crus et encore chauds, les foies, les rognons, le cerveau, etc. ; ils se barbouillent le visage, le cou, les cheveux, les bras et les jambes avec le sang des animaux tués  ; de tous côtés on n’entend que des clameurs confuses  ; on crie à tue-tête, on s’emporte, on se querelle, on se bat. C’est un spectacle unique et pittoresque au possible  ; une scène vraiment de sauvages, une sorte de pandémonium, impossible à décrire.

Dans la chasse que j’ai essayé de vous dépeindre et à laquelle j’ai eu l’honneur d’assister, plus de six cents bisons furent tués.

Après l’abattage des animaux, les peaux et les chairs, soigneusement mises en différents tas, sont divisées entre les familles d’une manière proportionnelle au nombre de membres qui les composent. Les quartiers sont ensuite coupés en tranches et séchés  ; les os pilés après qu’on en a extrait la graisse. Les chiens reçoivent aussi leur part du festin et dévorent tout ce qui reste sur le sol de l’arène. Deux jours après la chasse, tout vestige de ce grand carnage a disparu.

Avant de se séparer et de quitter le campement, les sauvages passent encore plusieurs jours ensemble en festins et en réjouissances. Un de Keyser ou un Verboeckhoven devrait pouvoir assister à une de nos scènes si animées du grand désert  ; il y trouverait le sujet d’un splendide tableau  ; la petite esquisse qui accompagne ma description ne peut vous en donner qu’une faible idée.

Un ancien proverbe dit : «  qu’une moitié de la terre ne sait pas comment vit l’autre.  » Les sauvages de l’Amérique, qui vivent seulement de ce que la nature leur donne, peuvent dans tout cas en dire autant. Les troupeaux innombrables de bisons qui parcourent leurs vastes plaines servent d’aliment quotidien à toutes ces tribus nomades du grand désert.

Les Soshocos sont considérés comme la plus infime des races indiennes de ce vaste continent. Les Américains les appellent les pauvres diables, et les voyageurs français et canadiens les distinguent par la dénomination de dignes de pitié. Ils parcourent les plages désertes et stériles d’Utah, de la Californie, et la partie des montagnes Rocheuses qui s’étend dans l’Orégon. Dans mes missions et mes nombreux voyages, j’ai rencontré plusieurs fois des familles entières de ces pauvres Soshocos  ; ils sont vraiment misérables. J’ai eu le bonheur de baptiser plusieurs de leurs enfants malades ou plutôt qui étaient sur le point de mourir.

Tandis que les sauvages des plaines, qui se nourrissent de la chair des animaux, sont grands, robustes, actifs et généralement bien vêtus avec des peaux d’animaux, le Soshoco, au contraire, qui mange principalement des sauterelles et des fourmis, est un être assez petit, chétif, faible, maigre, à peine habillé  ; il inspire naturellement le dégoût à ceux qui traversent les contrées arides qu’il occupe.

Après vous avoir donné la description de la chasse grandiose aux bisons parmi les Assiniboins, je veux vous montrer le revers de la médaille, en vous faisant connaître la chasse aux sauterelles qui se pratique chez les Soshocos. Elle vaut la peine d’être mentionnée, ne fût-ce qu’à titre de contraste.

Une grande partie du territoire soshoco est sablonneuse et stérile, couverte d’absinthes, grande et petite, et d’artémises  ; les sauterelles y fourmillent  ; ce sont ces lieux que les pauvres Soshocos fréquentent. Lorsqu’ils sont assez nombreux, ils font la chasse ensemble. Ils commencent par pratiquer une excavation de dix à douze pieds de diamètre sur quatre à cinq pieds de profondeur  ; ils s’arment de longues branches et entourent un champ de trois à quatre arpents, plus ou moins, d’après le nombre des personnes engagées. Ils se placent à une distance d’environ vingt pieds les uns des autres  ; toute leur opération ensuite consiste à frapper la terre pour effrayer et faire lever les sauterelles. Ils les poursuivent enfin en s’approchant peu à peu du centre, où a été creusé le trou pour recevoir les insectes. La quantité de sauterelles est si considérable que trois ou quatre arpents en fournissent assez pour remplir le réservoir.

Les Soshocos s’arrêtent dans un même endroit aussi longtemps que durent leurs provisions. Que voulez-vous  ! ils ont leur goût comme les autres : quelques-uns mangent ces locustes en soupe ou potage  ; d’autres les écrasent et en font un pâté, qu’ils durcissent au soleil ou au feu  ; il en est qui les croquent différemment, c’est-à-dire que, prenant des baguettes pointues avec lesquelles ils enfilent les plus grosses sauterelles, ils plantent ensuite ces baguettes en terre autour du feu, et à mesure que les orthoptères se trouvent assez rôtis, les pauvres Soshocos s’en régalent jusqu’à ce qu’il n’en reste plus un seul.

Ils passent ainsi d’un endroit à un autre. Quelquefois ils rencontrent quelques lapins et des coqs de bruyère, mais rarement un chevreuil ou d’autres animaux.

La différence de condition entre l’Indien des plaines et le Soshoco est vraiment frappante, mais celui-ci, tout pauvre et misérable qu’il est, reste très-attaché au sol natal, comme les Hottentots.

Je quitterai bientôt Cincinnati pour me rendre à Louisville dans le Kentucky et ensuite à Saint-Louis. Si le temps me le permet, je continuerai de vous communiquer les notes de mon carnet indien, d’après le désir que vous m’en avez exprimé. Je pourrai vous donner entre autres choses la relation d’une expédition de paix, envoyée de la part de la nation des Corbeaux vers les Pieds-Noirs. J’ai recueilli les faits sur les lieux mêmes et je vous en exposerai les détails curieux aussi fidèlement que je le pourrai.

C’est dans les idées religieuses et superstitieuses des sauvages, dans les expéditions de chasse et de guerre qu’on découvre le mieux leur caractère et leurs mœurs.

Agréez, etc.

P. J. De Smet, S. J.
  1. Voici le plan de cette construction, d’après un dessin envoyé par le R. P. De Smet.

    A B C. Parc.

    D. Ouverture.

    E. Pente.

    A F et C G. Lisières ou bords de la pente et barricades.

    H. Mât de médecine.