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XXXIX

Paris, dimanche 16 janvier 1843.

Je vous remercie d’avoir pensé à me rassurer, mais je crains cette chaleur aux joues dont vous parlez si légèrement. Je regrette bien, je vous assure, d’avoir insisté tant pour vous procurer cette affreuse averse. Il m’arrive rarement de sacrifier les autres à moi-même, et, quand cela m’arrive, j’en ai tous les remords possibles. Enfin, vous n’êtes pas malade et vous n’êtes pas fâchée ; c’est là le plus important. Il est bien qu’un petit malheur survienne de temps en temps pour en détourner de plus grands. Voilà la part du diable faite. Il me semble que nous étions tristes et sombres tous les deux ; assez contents pourtant au fond du cœur. Il y a des gaietés intimes qu’on ne peut répandre au dehors. Je désire que vous ayez senti un peu de ce que j’ai senti moi-même. Je le croirai jusqu’à ce que vous me disiez le contraire. Vous me dites deux fois : « Au revoir ! » C’est pour de bon, n’est-ce pas ? Mais où et comment ? J’ai été si malheureux dans ma dernière invention, que je suis tout à fait découragé. Je ne m’en fierai plus qu’à vos inspirations.

Je suis très-enrhumé ce soir, mais la pluie n’y est pour rien, je pense. J’ai passé toute la matinée à voir des talismans et des bagues chaldéennes, persanes, etc., dans une galerie sans feu, chez un antiquaire qui mourait de peur que je ne les lui volasse. Pour le tourmenter, je suis resté au froid plus longtemps que mon inclination ne m’y portait.

Bonsoir et au revoir bientôt. C’est à vous à commander maintenant. Ne fût-ce que pour m’assurer que cette pluie ne vous a pas enrhumée, découragée ni irritée, je voudrais bien vous voir.