(1p. 87-89).

XXVI

Paris, mardi soir.

Je ne vous comprends pas et je suis tenté de vous prendre pour la pire de toutes les coquettes. Votre première lettre, où vous me dites que vous ne me connaissez plus, m’avait mis de mauvaise humeur et je n’y ai pas répondu tout de suite. Aussi vous me dites, avec beaucoup d’amabilité, que vous ne voulez pas me voir, de peur de vous ennuyer de moi. Si je ne me trompe, nous nous sommes vus six ou sept fois en six ans, et, en additionnant les minutes, nous pouvons avoir passé trois ou quatre heures ensemble, dont la moitié à ne nous rien dire. Cependant, nous nous connaissons assez pour que vous ayez pris quelque estime de moi, et vous m’en avez donné la preuve jeudi. Nous nous connaissons même plus que ne font des gens qui se seraient vus dans le monde, depuis le temps que nous causons ensemble assez librement par lettres. Convenez qu’il est peu flatteur pour mon amour-propre que vous me traitiez ainsi après six ans. Au reste, comme je n’ai pas de moyen de combattre vos résolutions, il en sera de celle-ci ce que vous voudrez, mais je trouve un peu niais de ne pas nous voir. Je vous demande pardon de ce mot, qui n’est ni poli ni amical, mais qui est malheureusement vrai, à mon sens du moins. Je ne me suis nullement moqué de vous l’autre soir. Je vous ai même trouvé beaucoup d’aplomb. Quant au cachet antique, vous en verrez une empreinte sur cette lettre, et il est à vos ordres, lorsque vous m’aurez dit où je dois vous le donner ; non, comment je dois l’envoyer. N’offensons pas l’eternal fitness of things. Je ne vous demande rien en échange, par la raison que tout ce que je vous ai demandé, vous me l’avez refusé. Si vous croyez faire mal en me voyant, ne faites-vous point mal en m’écrivant ? Comme je ne suis pas très-fort sur votre catéchisme, cette question demeure embrouillée pour moi. Je vous parle trop durement, peut-être ; mais vous m’avez fait de la peine, et les choses que j’ai sur le cœur, je ne m’en délivre pas comme vous, en mangeant des gâteaux. En vérité, cela est digne de Cerbère.