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CXXXVIII

Paris, lundi 15 juin 1851.

Ma mère va mieux et je pense que sous peu elle sera tout à fait remise. J’ai été bien inquiet ; j’ai craint une fluxion de poitrine. Je vous remercie de l’intérêt que vous lui avez témoigné.

Hier, je suis sorti pour la première fois depuis huit jours, pour aller voir les danseuses espagnoles qui travaillaient chez la princesse Mathilde. Elles m’ont paru médiocres. La danse chez Mabille a tué le mérite du boléro. En outre, ces dames avaient une telle quantité de crinoline par derrière et tant de coton par devant, qu’on s’aperçoit que la civilisation envahit tout. Ce qui m’a le plus amusé, c’est une petite fille de douze ans et une vieille duègne, l’une et l’autre encore toutes surprises de se voir hors de la tierra de Jésus et aussi barbares qu’on puisse le désirer. — Je viens de recevoir votre coussin ; vous êtes vraiment une très-habile ouvrière, ce dont je ne vous aurais jamais soupçonné. Le choix des couleurs et la broderie sont également merveilleux. Ma mère a fort admiré le tout. Quant à la symbolique, il m’a suffi du commencement d’explication que vous avez bien voulu me donner pour comprendre tout le reste. — Je ne sais comment vous remercier.

Je joins ici le Saint-Évremont. Je l’avais perdu, et il m’a fallu des efforts de mémoire prodigieux pour le retrouver. Vous me direz ce que vous pensez du père Canaye. Je trouve qu’on ne peut plus lire après cela rien du XIXe siècle.

Adieu.