(1p. 265-267).

CXIV

Paris, 22 août 1846.

Nos lettres se sont croisées. J’espérais que la vôtre m’apporterait de meilleurs nouvelles, je veux dire l’annonce de votre prochain retour. Avant de partir, vous paraissiez plus pressée de nous revoir. Il y a longtemps que je me plains de la trop grande différence entre le dire et le faire pour vous. À ce qu’il paraît, vous passez le temps si heureusement, si agréablement, que vous ne pensez pas même à l’époque de votre retour à Paris. Vous me demandez si cela me ferait bien plaisir, ce qui est une dérision assez méchante. Pour moi, je m’ennuie fort ici, encore plus qu’en voyage, et cependant je suis assez occupé pour ne plus avoir le loisir de regretter le monde absent de Paris ; mais ce n’est pas à cela que je tiens. C’est vous, ce sont nos promenades qui me font faute. Si vous les aimiez la moitié autant que vous le dites, elles ne se feraient guère attendre. J’y ai pensé pendant tout le temps de mon voyage, et j’y pense maintenant plus que jamais. Pour vous, vous les avez oubliées.

Paris est absolument dépourvu d’habitants intelligents. Il n’y reste plus que des bonnetiers ou des députés, ce qui revient à peu près au même. Je crois que je partirai pour Cologne dans les premiers jours de septembre. Sera-ce avant de vous avoir revue ? J’ai bien peur que vous ne me disiez que, pour si peu, ce n’est pas la peine de revenir. Ainsi la moitié de notre année se sera passée vous absente ou malade. Il me prend des envies d’aller vous voir à ***, et j’y céderais probablement si vous trouviez des possibilités que je ne prévois pas. Pourtant, voyez. Adieu ; je suis de trop mauvaise humeur pour vous écrire longuement. Je finis comme j’ai commencé, en vous répétant que rien ne pourra me faire plus de plaisir que de vous revoir, surtout si ce plaisir est partagé par vous. Sinon, restez là-bas tant que vous voudrez.