Lettres à sa marraine/28 novembre 1915

Gallimard (p. 56-57).


28 novembre 1915


Petite marraine, je ne puis vous écrire longuement aujourd’hui, car j’ai beaucoup à faire, venant d’être promu officier.

Mais non, il n’y a point de sarcasme en moi, surtout à votre égard, un peu de peine que le gentil sourire a dissipé. Je n’ai point d’impatiences pédagogiques. J’irai volontiers à Montpellier mais pas maintenant : vous n’imaginez point, marraine, je suppose, que j’aie fait vœu de chasteté. C’est pourquoi je n’irai pas à Montpellier passer ma permission.

Je suis content que vous ayez bien compris « L’Hérésiarque » et les qualités que vous y avez trouvées je les trouve aussi, d’une façon plus féminine mais non moindre, dans l’« Histoire de l’Espine ». Il faut travailler et ne point vous rebuter, ni vous décourager. Votre roman par lettres doit être charmant. Vos vers sont délicieux. Je lis dans la « Vie anecdotique » du « Mercure » un peu de ma vie actuelle, parfois la censure coupe un morceau, mais ça ne fait rien.

Ne craignez point que je veuille vous agacer par des déclarations d’amour. Je me méfie d’un sentiment qui m’a beaucoup fait souffrir et comme je ne dois pas vous voir de sitôt, je me livre à une correspondance agréable et désintéressée…

Je baise vos mains de songe.

G. A.