Lettres à la princesse/Lettre259

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 360-362).

CCLIX

Ce 29 août 1868.
Chère Princesse,

Je ne sens mon mieux qu’à l’absence de souffrance, mais il n’y a plus ni charme ni contentement véritable pour moi.

Dalloz, en effet, me paraît avoir perdu la partie. On va faire plaisir à P…, à M. N… et à M. de S… et à quelques autres subalternes, qui y trouveront leur compte : je serais étonné que le gouvernement n’y perdit pas. Je crois que Dalloz entend ses affaires : c’était une raison pour lui faire des conditions étroites, non pour l’évincer. Pour moi, je sais bien une chose : c’est que, mieux au fait que la plupart, de ces questions de presse et de Moniteur dès l’origine, personne n’a jamais daigné me demander un avis que j’eusse donné en homme honnête et de bon sens. Je me considérerai donc comme parfaitement délié envers la nouvelle administration ; je ne déserterai personne, mais j’irai où il me plaira : c’est bien le moins. Ce qu’on aura entrepris sans nous, on le continuera sans nous.

J’ai lu le triste article Sacy-Baudrillart sur une dame illustre. Quand la… connaîtra-t-elle des bornes ? Quand les écrivains éviteront-ils de faire sur le public l’effet contraire à celui qu’ils croient produire ?

J’ai vu L… ; il m’a dit des choses curieuses, et tout cela ne me rend pas optimiste : j’aimerais à l’être toutefois.

Mérimée m’avait raconté le retour à Fontainebleau, c’est bien ; il faudra, dans de telles situations, de l’intelligence, du tact et du caractère : on ne saurait s’y accoutumer de trop bonne heure, et c’est d’un heureux augure.

Le brave M. Giraud ne me paraît pas trop triste ; sa légèreté lui vient en aide, et ce qu’on appelle légèreté n’est peut-être qu’un des noms sous lesquels se déguise la philosophie.

On m’a parlé de la statuette de Barre, comme d’une belle chose et vivante. — Je serai bien curieux de voir que Zeller aura servi de fidèle secrétaire. Il ne faut pas perdre toutes ses pensées ni tous ses souvenirs. — C’est avec les souvenirs que je vis quand je fais ma ronde solitaire le long de mes boulevards et que je me reporte aux bonnes et brillantes heures où le cœur et l’imagination trouvaient leur délicate jouissance.

Je mets à vos pieds, Princesse, l’hommage de mon tendre et inviolable attachement.