Lettres à la princesse/Lettre258

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 358-360).

CCLVIII

Ce 15 août 1868.
Chère Princesse,

L’heure a laquelle je pouvais espérer vous voir est passée. Il faudrait bien de la conversation et ce qui se dit de vive voix pour s’expliquer sur ces dernières émotions ; mais ce qui est frappant et ce qu’un bon médecin politique noterait et dont il tiendrait grand compte, c’est cette disposition fébrile, cette maladie de l’opinion qui fait que tout devient sujet d’émotion et de scène. Dans le cas particulier, le point capital me paraît être la maladresse de ceux qui, ayant charge de veiller et de prévoir, ont manqué essentiellement de tact. Comment avoir l’idée de faire présider semblable cérémonie par un enfant[1], lequel, à ne tenir compte que des études, serait encore assis sur les bancs les plus inférieurs ? Le reste n’a été qu’une conséquence[2].

Je suis fort affecté de tout ce que je vois et j’observe. Baudrillart est une plume honnête, mais qui réussit peu auprès du public ; et qu’est-ce qu’un journaliste qui ne réussit pas ? « Je crois souvent reconnaître Sacy sous ses phrases. Sacy a été, en son temps, un bon journaliste ministériel : il est usé. Son gendre ne sera jamais un journaliste à plume adroite et alerte. La combinaison n’a pas été heureuse[3]. — Ils sont, à chaque instant, condamnés à combattre le Journal des Débats, dont ils ont été, dont ils sont sortis et avec qui on était accoutumé à les identifier. C’est une position fausse.

Mais je rabâche moi-même et je fais comme les gens qui vivent trop avec eux-mêmes et avec leurs pensées. Que je voudrais les rafraîchir et les noyer dans des torrents d’air salubre et de mouvement champêtre, les renouveler dans les entretiens et avec l’enjouement de l’amitié !

Je mets à vos pieds, Princesse, l’hommage de mon tendre et respectueux attachement.


  1. Le prince impérial occupait une place d’honneur à la distribution des prix du grand concours (10 août 1868).
  2. L’ovation faite à l’un des élèves couronnés, fils du général Cavaignac.
  3. MM. de Sacy et Baudrillart avaient pris la direction du Constitutionnel.