Lettres à la princesse/Lettre252

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 350-352).

CCLII.

28 juin 1868.
Princesse,

Robert Halt est un nom de guerre… Il est du Midi et a été d’abord chez des prêtres, et en a souffert, et a appris à les connaître. Il connaît beaucoup Mme Champseix, qui a écrit elle-même de très-remarquables romans sous le nom d’André Léo. Vous pourriez les faire demander, Princesse. Ce sont des philosophes. Robert Halt connaît beaucoup mon secrétaire Troubat, et il a même été quelque temps son professeur dans le Midi, ce qui lui donne environ quarante ans. Eh bien, le croiriez-vous, Princesse ! au ministère de l’intérieur, on a refusé l’estampille à Madame Frainex. C’est ainsi que l’empereur est servi par des idiots ou des peureux ou des hypocrites de pudeur. Voilà donc un homme de talent dont on gêne le succès tant qu’on peut : ainsi on a fait dans le temps pour Madame Bovary de Flaubert.

— On est en train de faire pour le Moniteur une grosse sottise, et on la fera. X… intrigue pour avoir l’affaire ; je n’en ferai mon compliment à personne. M. Rouher bouffi est inabordable ; et puis qu’est-ce que ça lui fait, ainsi qu’à La Valette ? C’est ainsi que tout chef d’État qui n’est pas méfiant, vigilant, toujours sur le dos des gens, toujours interrogeant, est servi ! il ignore ou sait mal. En donnant à tous la liberté de la presse, le gouvernement s’arrangera pour perdre le seul organe considérable qu’il ait et où il réunit sous le drapeau des noms honorables et des plumes estimées. Pour moi, je ne resterai jamais au Moniteur de Plon, censuré par M. Norbert-Billiard. Ô Sire, que de sottises on commet en votre nom !

Vous voyez, Princesse, à mon pessimisme, que je suis souffrant. Ces souffrances n’ont pas diminué.

Je mets à vos pieds, chère Princesse, l’hommage de mon tendre et inviolable attachement.


Soulié sera, quand il le voudra, le plus fin des critiques. Mais qu’il veuille donc ! ordonnez, Princesse !