Lettres à la princesse/Lettre175

Lettres à la princesse, Texte établi par Jules TroubatMichel Lévy frères, éditeurs (p. 241-243).

CLXXV

Ce 28 septembre 1866.
Princesse,

J’espère que ce vilain rhume aura cédé et que ce beau temps revenu comme par miracle aura opéré sur votre santé, comme il semble avoir fait depuis hier sur toute la nature.

J’ai vu hier (car on est amenée irrésistiblement, quand on a l’honneur de vous écrire, à parler de bienfaits passés ou futurs), j’ai vu ce brave Duveyrier malade et, je le crains, atteint. Son fils, âgé de vingt-quatre ans ou vingt-cinq au plus, est un charmant garçon qui se trouve sans carrière. À dix-neuf ans, il a médité un grand voyage dans l’intérieur de l’Afrique, dans une contrée inexplorée : les Touâreg. Il a exécuté ce voyage périlleux ; il en a rapporté un volume d’observations exactes sur le climat, les mœurs, les ressources de ce pays[1]. À la suite de ce voyage, des chefs touâreg sont venus à Paris. Lui-même, le jeune Duveyrier, a été décoré de la Légion d’honneur à l’âge de vingt-deux ans. Il a bonne conduite, zèle, ardeur, modestie. C’est un jeune sujet à placer, à diriger dans une voie où il puisse être utile a son pays. Mais comment persuader cela à un ministre ? Il n’y a qu’une personne qui ait ce don de persuasion et la baguette a laquelle on obéit par enchantement. Il faudra que cette baguette agisse pour ce fils distingue (et qui peut de plus en plus le devenir) d’un brave père resté pauvre malgré le voisinage et l’intimité des Pereire.

Je serais heureux de savoir la Princesse tout à fait remise et contente de sa santé.

Je mets à vos pieds, chère Altesse, l’hommage de mon respectueux et tendre attachement.


  1. M. Sainte-Beuve a écrit un article sur ce volume (Nouveaux Lundis, tome IX).