Lettres à Mademoiselle Jodin
Lettres à Mademoiselle Jodin, Texte établi par J. Assézat et M. TourneuxGarnierŒuvres complètes de Diderot, XIX (p. 410).


XVII

À LA MÊME.
24 mars 1769.

Je vous suis infiniment obligé, mademoiselle, de l’énorme jambon que vous m’avez envoyé. Il ne sera pas mangé sans boire à votre santé avec madame votre mère.

Cultivez vos talents, je ne vous demande pas les mœurs d’une vestale, mais celles dont il n’est permis à personne de se passer : un peu de respect pour soi-même.

Il faut mettre les vertus d’un galant homme à la place des préjugés auxquels les femmes sont assujetties.

Méfiez-vous de la chaleur de votre tête qui sans cela vous mènera souvent trop loin, et du premier mouvement de votre cœur facile qui vous conseillera de bonnes actions indiscrètes.

Si vous vous donnez le temps de la réflexion, vous ne ferez jamais le mal, et vous ne ferez que le bien qui convient à votre situation ; vous ne serez jamais méchante et vous serez bonne avec juste mesure. Je prêche l’économie à votre mère tant que je puis, mais l’économie est entre les autres vertus une chose de caractère et d’habitude ; cela ne se prend pas en un moment.