Lettres à Frederic Donnadieu.djvu/2

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II


Gontaud, 2 mars 1885.


Monsieur et cher Président,

Vous me comblez de vos bienfaits et je ne sais plus comment vous exprimer ma reconnaissance. À peine vous avais-je remercié de votre Bonaparte-Wyse qu’il faut que je vous remercie de votre Santo Mario del Soulel. J’avais lu ces vers si gracieux dans la Revue qui me donne, tous les mois, des nouvelles de mes bons et aimables confrères du Midi en général, du Languedoc en particulier[1]. Mais je suis bien heureux d’avoir pu les relire dans un exemplaire si coquet, si élégant réservé à de si rares bibliophiles. Cette nouvelle et exquise attention, Monsieur et cher président, me rend confus et me fait regretter encore plus vivement de ne pouvoir vous faire obtenir ma copie Forcadel. Car, je ne dois pas vous le dissimuler, la démarche que vous allez faire sera fatalement stérile, si j’en crois du moins ce que l’on me racontait dernièrement encore de la farouche douleur de Madame Blanchemain. On m’assurait que, par une sorte d’incurable et jalouse manie, la pauvre femme s’obstine à ne vouloir laisser toucher un seul des livres de son mari. Rien, paraitrait-il, ne peut triompher de ce qui chez elle est maladif. Je n’ai pas l’honneur de connaître Madame Blanchemain je sais seulement qu’à la mort de son mari, avec lequel je n’étais lié que par correspondance (car je l’avais rencontré une seule fois à Paris), elle m’écrivit une lettre vraiment déchirante. Elle habite · · · · · · · · · · Je vous autorise à lui demander ma copie du recueil de 1579 et mes notes diverses qui, du reste, avaient été fondues par M. Blanchemain dans la Notice déjà prête pour l’impression. En parlant de moi à la désolée veuve, transmettez-lui, s’il vous plait, l’hommage de mon profond respect et de ma profonde sympathie. Je voudrais de tout mon cœur que votre tentative fût couronnée de succès, car la possession de mon manuscrit vous déciderait peut-être à donner l’édition complète laquelle j’avais pensé, et que votre grande modestie vous fait hésiter à entreprendre · · · · · · Nous avions signalé, mon cher collaborateur et moi, l’intérêt historique des poésies de Forcadel. Moi aussi, j’ai lu le recueil rarissime sous le regard plongeant d’un employé · · · · · · Quant à m’occuper jamais de votre poète, cela ne me sera pas possible, je vieillis et j’aurai à peine le temps d’achever mes travaux commencés. À de plus jeunes et de plus méritants ma succession ! Je vous remercie, etc.

Tamizey de Larroque.
  1. La Revue des Langues Romanes.