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APPENDICE


LETTRES DE TAMIZEY DE LARROQUE
À Frédéric Donnadieu


I


Gontaud, 8 janvier 1885.


Monsieur le Président et très honoré Confrère,


Vous avez été bien aimable de m’envoyer votre belle brochure sur Bonaparte-Wyse. Décidément c’est de Béziers, cette année, que me viennent mes meilleures étrennes, car j’ai déjà reçu de votre cher et vénéré Secrétaire perpétuel un délicieux volume[1]. J’avais déjà lu et avec beaucoup de plaisir, dans la Revue des Langue Romanes, votre remarquable étude sur le félibre irlandais. Je viens de la relire avec un nouveau plaisir dans le splendide tirage à part dont vous avez si gracieusement enrichi la collection d’un homme qui aime fort — l’avez-vous deviné ? — le papier qui sonne sous le doigt du lecteur. Je vous remercie cordialement d’un don qui réunit toutes les qualités qui me plaisent le plus, et où, en un style excellent, vous faites admirablement connaître l’homme de cœur et de talent avec lequel j’ai passé à Roquefavour, en 1880, une journée qui comptera parmi les meilleures de ma vie. Je souhaite, mon cher Président, que vous trouviez, un jour, un biographe qui parle de vous avec autant de sympathie et avec autant de charme.

Quant au projet de publication des Poésies de Forcadel[2], où sont les neiges d’antan ? La mort inopinée de mon pauvre ami Prosper Blanchemain a tout brisé, au moment où nous allions nous entendre avec Lemerre. J’avais fait faire à Paris une excellente copie du rarissime recueil de 1579. J’avais communiqué à mon cher collaborateur toutes mes notes recueillies un peu partout. Il avait déjà rédigé, soit à l’aide de ces notes, soit à l’aide des siennes, une Notice comme il savait les écrire, élégante, agréable. Qu’est devenu le manuscrit ? J’ai vainement demandé des nouvelles de tout cela à la famille. Madame veuve Blanchemain n’a permis à personne de toucher aux papiers de son mari. Je me suis discrètement incliné devant son refus et depuis lors, je vous l’avoue, je n’ai plus pensé à Forcadel, absorbé que je suis par la préparation de l’immense travail que nécessite l’édition de la correspondance de Peiresc. Reprenez notre beau projet, mon cher Président, c’est à vous qu’il appartient de réaliser ce que de douloureuses circonstances m’ont obligé d’abandonner, ce que vous ferez mieux que moi, mieux que personne.

Avec tous mes vœux, avec tous mes nouveaux remerciements, je vous prie d’agréer, très honoré confrère, l’assurance de mes sentiments les plus dévoués.

Tamizey de Larroque.


  1. Il s’agit du dernier recueil de poésies languedociennes, publié par Gabriel Azaïs sous le titre : Lou Reprin. (Le Regain).
  2. Les Poésies d’Étienne Forcadel, de Béziers (1534-1579), ont eu plusieurs éditions à Paris, à Lyon, Toulouse, etc. Un exemplaire de la dernière édition, publiée à Paris, en 1579, par Le fils de notre poète et ayant appartenu à Charles Nodier a atteint successivement, en trois ventes, les prix de 59 fr., 270 fr., et 820 fr. Il est enfin porté à 1.000 fr. au 5e cat. des libraires Morgand et Fatout.

    On voit par ces prix quelle doit être la rareté du volume qualifié, du reste, comme il convient, dans la lettre ci-dessus, et combien il est regrettable que projet de réimpression Tamizey-Blanchemain n’ait pu aboutir. Les circonstances ne nous ont pas permis, jusqu’à présent, de déférer à l’invitation si aimable, mais beaucoup trop flatteuse, de T. de L. On verra, par des lettres subséquentes combien était délicate la reprise des négociations avec la famille de M. Prosper Blanchemain. L’occasion, qui a fait défaut jusqu’ici, se présentera peut-être quelque jour.