Lettre d’hommage à Émile Zola par Paul Alexis
Il y a dix-huit ans, en tête de mon premier volume La fin de Lucie Pellegrin, j’écrivais :
» À vous, mon ami, pour votre accueil fraternel, dès mon premier jour de Paris ; à vous, pour toutes les bonnes heures que nous avons passées depuis dans une communauté d’idées et de sentiments ; à vous, pour le courage que m’ont apporté toutes vos œuvres ; à vous, enfin, pour cet avenir que je rêve toujours à vos côtés et dans le triomphe certain de notre combat.
« Paris, le 1er janvier 1880. »
Depuis, s’est réalisé ce programme d’amitié et de littérature. Non seulement je n’ai jamais « quitté » Zola, moi, mais je l’ai mieux connu chaque jour, davantage aimé et admiré. De sorte que sa courageuse intervention dans l’affaire Dreyfus, qui a étonné les sots et ceux qui le connaissaient mal, révolté tant de misérables, m’a paru à moi des plus naturelles.
Aussi, sa subite et révoltante impopularité ne m’impressionne guère. Et sa condamnation, mon premier mouvement d’indignation passé, me laisse indifférent. Ses accusateurs et ses juges ne se sont certainement pas doutés qu’en condamnant, ils ne faisaient que préparer l’avenir, consacrer son œuvre, élargir son champ d’action : trois-cent-soixante-cinq jours de prison non mérités peuvent contenir toute une éternité de gloire.