Lettre *392, 1675 (Sévigné)

Texte établi par Monmerqué, Hachette (3p. 433-434).
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1675

*392. — DE MADAME DE MAINTENON À MADAME DE COULANGES.

5e février.

J’ai plus d’impatience de vous dire des nouvelles de Maintenon[1], que vous n’en avez d’en apprendre. J’y ai été deux jours qui m’ont paru un moment ; mon cœur y est attaché. N’admirez-vous pas qu’à mon âge je m’attache à ces choses-là comme un enfant ? C’est une assez belle maison : un peu trop grande pour le train que j’y destine. Elle a de fort beaux dehors, des bois où Mme de Sévigné rêveroit à Mme de Grignan fort à son aise.

Je voudrois pouvoir y demeurer ; mais le temps n’est pas encore venu. Il est vrai que le Roi m’a nommée Madame de Maintenon, que j’ai l’imbécillité d’en rougir, et tout aussi vrai que j’aurois de plus grandes complaisances pour lui que celle de porter le nom d’une terre qu’il m’a donnée. Je dirai bien à Mme de Montespan qu’il y a de faux frères, et que du soir au lendemain la ville est fort exactement informée de tout ce qui se fait ici. Les amis de mon mari ont tort de m’accuser d’avoir concerté avec le Roi ce changement de nom : ce sont ou mes ennemis ou mes envieux ; peu de bonheur en attire beaucoup. Le voyage de Baréges[2] n’est pas encore fixé ; au retour, je serai plus libre, et j’aurai le plaisir de vous écrire moins souvent. M. de Coulanges est ici, on s’en aperçoit bien : on s’ennuyoit.


  1. Lettre 392. — 1. Mme Scarron avait acheté le marquisat de Maintenon le 27 décembre 1674. Voyez Walckenaer, tome V, p. 235.
  2. 2. Voyez plus loin les lettres du 7 août (vers le milieu) et du 3 novembre 1675.