Éditions Édouard Garand (37p. 28-32).

VI

UN ENLÈVEMENT.


Mme Péan traversa ce passage qui ressemblait à un vestibule et sur lequel donnaient plusieurs portes, elle ouvrit l’une d’elles, entra dans un petit salon et de là dans son boudoir dont elle ferma méticuleusement les portes.

Un candélabre à deux bougies bleues éclairait sur une crédence. La jeune femme y courut, se pencha fébrilement vers la lumière, et le sein troublé, les mains tremblantes, elle regarda avidement la suscription. Elle tressaillit, rougit, pâlit, et murmura, inquiète :

— Qu’est-ce cela !

Cette grosse écriture irrégulière lui était inconnue. Le papier grossier de l’enveloppe la surprit, et, enfin, cette bizarre expression « Son Excellence » devant son nom l’étonna… à ce point même qu’elle eut envie de rire. Mais le rire avec l’inquiétude à l’esprit sonne mal. Elle se contint.

— Que veut dire ceci ? se demanda-t-elle encore.

L’inquiétude primait la forme de la peur. Elle n’osa pas ouvrir de suite cette enveloppe. Mais elle frappa un timbre placé sur la crédence.

Une soubrette vint à l’appel.

— Justine, dit Mme Péan, veuillez appeler le domestique qui a apporté cette lettre !

L’ordre, l’instant d’après, avait été exécuté, et le serviteur paraissait.

— Dites-moi, dit Mme Péan, qui vous a remis ce pli ?

— Un marmiton de l’Auberge de France, Madame.

— Ah ! ah ! Est-il reparti ?

— Pardon, Madame ! Il attend la réponse.

— Ah ! il y a une réponse à faire ?

— Oui, Madame.

— C’est bien, retirez-vous, j’appellerai.

Le domestique sortit.

« Cette réponse à faire » parut apaiser l’inquiétude de la jeune femme. Quoi ! si c’était quelque demande de secours de miséreux, comme cela se présentait souvent en ces années de famine ? Mme Péan se rassura… Mais elle tremblait encore à cause de sa déception… Oui, elle avait tant espéré que ce fût une lettre de LUI… de l’Intendant !

Elle ouvrit l’enveloppe et en tira la lettre des grenadiers que nous avons lue.

Au plissement des lèvres de la jeune femme on aurait pensé qu’elle avait une forte envie d’éclater de rire, et l’on aurait pu penser aussi, à voir une certaine contraction de ses sourcils, que la chose, toute gaie qu’elle put paraître, n’en contenait pas moins une certaine note de gravité. Il est à présumer que la jeune femme pouvait se demander si elle devait rire ou s’émouvoir sérieusement. Quoi qu’il en fût, elle conserva son sérieux. Une chose sûre, elle reconnaissait que cette missive avait été écrite par des gens de peu d’instruction et ignorants des usages du monde. Les noms de Pertuluis et Regaudin la laissèrent quelque peut troublée. Ces noms lui étaient inconnus… ou, si elle les avait entendus déjà, elle les avait oubliés.

— Qui peuvent être ce Chevalier de Pertuluis et son écuyer… Des nouveaux venus de France… de Louisiane peut-être ?

Alors lui vint le souvenir de Foissan.

— Foissan !… murmura-t-elle. Oh ! je devine. C’est lui qui m’appelle à son chevet. J’en avais eu le pressentiment. Il a donné dans un piège pour tomber entre les mains de Vaucourt et de Flambard. Il est sans doute ou blessé gravement ou condamné à mort pour espionnage et trahison. Eh bien ! j’y vais… Oh ! gronda-t-elle, Foissan doit avoir, en effet, de terribles révélations à me faire… de ces révélations qui, peut-être, me permettront de faire rentrer Monsieur Bigot dans l’ordre et de foudroyer cette petite Deladier qui m’a supplantée. Oh ! si cela est ainsi, comme je vais me venger terriblement, cruellement, férocement…

Jamais encore Mme Péan n’avait paru aussi terrible et vindicative. Elle s’était redressée, elle avait cambré sa taille aussi souple que celle d’un félin, et sa figure s’était animée curieusement, son bras nu et blanc s’était élevé, et les battements violents de son sein, son souffle devenu rauque, sa bouche tordue par la férocité, tout lui donnait un aspect vraiment étrange et admirable à la fois. La haine et la rage, qui déforment certaines beautés, rehaussaient au contraire, celle de Mme Péan, ou, peut-être mieux, ces deux passions développaient chez cet être séduisant, une beauté nouvelle qui fascinait…

— Oh ! oui, je me vengerai… je me vengerai, rugit-elle sourdement, tant, et si bien que l’Histoire du monde en gardera l’éternel souvenir !

Et rudement elle marcha au timbre et le frappa d’un grand coup de marteau.

La soubrette reparut.

— Allez dire au porteur de ce message que je serai dans un quart d’heure à l’Auberge de France.

La servante s’inclina et sortit.

Mme Péan pénétra dans sa chambre à coucher et fit rapidement une toilette de voyage. Elle s’enveloppa de fourrure, dissimula une bourse bien remplie de pièces d’or, puis sortit par une porte masquée qui donnait sur l’arrière de la maison. Mais là elle parut se raviser avant de quitter tout à fait sa demeure. Elle sonna un gong près de la porte. Une autre servante accourut à l’appel.

— Si on s’informe de moi, dit la jeune femme, vous répondrez que je suis absente pour deux ou trois jours !

— Et si Monsieur…

— C’est ce que je vous prie de dire à Monsieur… interrompit durement, Mme Péan.

Et sans plus elle s’en alla.

Elle se trouva dehors, à l’arrière de l’habitation, dans une cour obscure qu’éclairaient quelque peu le clair d’étoiles et la blancheur de la neige. Cette cour séparait la maison des dépendances. La jeune femme se mit à marcher vers l’extrémité opposée de l’habitation en rasant le mur et en évitant de faire le moindre bruit. Comme on le pense, elle gagnait la partie de la maison habitée par LeQuesnel. Bientôt, en effet, elle s’arrêtait devant une fenêtre dont les volets clos laissaient passer un tout petit rayon de lumière. Mme Péan frappa doucement aux volets, et d’une certaine façon. Peu après, elle entendait qu’on ouvrait la fenêtre et elle voyait les volets s’écarter légèrement pour encadrer une figure d’homme… un homme dont il eût été difficile de définir l’âge, mais à coup sûr un homme d’âge mûr. Il se trouvait dans la fenêtre de son cabinet de travail, et c’était le sieur LeQuesnel.

— Oh ! Oh ! fit-il dans un murmure de surprise, C’est vous, chère amie ?

— Chut ! Chut ! monsieur, interrompit la jeune femme. Je vous attendais pour dix heures ce soir, comme il a été convenu, mais mon mari est chez nous… il ne s’est pas rendu à l’invitation qu’on lui avait faite.

— Alors, c’est vous qui venez…

— Non, non, vous interprétez mal… souffla rapidement Mme Péan. Écoutez, je suis pressée : je viens de recevoir un message qui m’appelle au Fort Jacques-Cartier auprès d’un mourant…

— Tiens ! c’est Foissan qui vous fait demander, je parie !

— Vous savez donc ?

— Je sais tout, puisque c’est à moi que le capitaine Chester est venu conter l’aventure.

— Ah ! ah ! en ce cas je n’ai pas d’explications à vous donner.

— Ainsi, vous allez au Fort ?

— Oui, mais je serai revenue après-demain…

— C’est bien, chère aimée.

Il tendit sa main. Mme Péan approcha la sienne, et sur cette main satinée et odorante l’homme appuya longuement ses lèvres.

— Bon voyage, chère ! murmura-t-il avec amour.

— Ne vous ennuyez pas, chéri !

Volets et fenêtre furent refermés tandis que la jeune femme, d’un pas rapide, gagnait l’Auberge de France.

Là, elle se garda bien d’aller frapper à l’entrée principale ; elle contourna le bâtiment, pénétra dans les cours d’arrière et alla heurter le marteau d’une porte de service.

Une servante vint ouvrir.

Mme Péan avait eu soin, pour ne pas être reconnue, de jeter sur son bonnet de velours et de fourrure une mantille de soie grise, de sorte qu’on n’apercevait que ses yeux, son nez, et sa bouche.

— Mon amie, dit la jeune femme, vous allez me conduire à un appartement à l’étage supérieur et ensuite prévenir les deux gentilshommes qui désirent me faire certaines communications importantes.

— Qui sont ces gentilshommes, Madame ?

— Le Chevalier de Pertuluis et son écuyer…

La servante s’inclina et conduisit la visiteuse à un salon de l’étage supérieur. Cela fait, elle alla informer l’aubergiste des désirs de la dame inconnue.

— Oh ! oh ! fit l’aubergiste en écarquillant les yeux. Tu dis une dame inconnue qui a l’air d’une dame de marque ?…

Et il pensa, sans y croire :

— Si c’était Madame Péan… l’exquise Madame Péan !

Et le cabaretier courut, prévenir Pertuluis et Regaudin.

À la nouvelle de cette visite inattendue pour eux, les deux grenadiers bondirent, car le marmiton fiancé de la Friponne n’avait pas, pour une raison qui nous est inconnue, rapporté la réponse de Mme Péan à la missive des deux grenadiers, de sorte que ceux-ci attendaient toujours cette réponse.

— Oui bien, Messeigneurs, ajoutait l’aubergiste en se courbant, une dame de grand monde qui désire vous entretenir.

— Une dame du grand monde ! bredouilla Pertuluis qui chancelait légèrement.

— Une d… dame d… du grrrrr… Regaudin ne put finir : il éternua avec tant de force qu’il failli retomber sur son siège.

— Et je ne serais pas étonné, poursuivit l’aubergiste sans vouloir le jurer sur « la sainte Évangile », que cette dame serait…

Le cabaretier se pencha à l’oreille des grenadiers et acheva ainsi dans un souffle :

— … la belle… la splendide… la suave… la séduisante Madame Péan !

Cette fois, les deux grenadiers sourirent et se regardèrent avec attendrissement.

Disons qu’il approchait dix heures et que, durant tout le temps qu’ils avaient attendu une réponse à leur épître, les deux compères avaient vidé bon nombre de carafons, en sorte qu’ils se trouvaient dans un état d’ivresse passablement avancé. Mais comme c’étaient de rudes buveurs, ils étaient assez solides encore pour faire leurs affaires.

Alors Pertuluis se redressa, prit un air fier et hautain et commanda :

— Maître aubergiste, puisqu’il en est ainsi, il nous faut une carriole… une carriole attelée de deux bons chevaux, munie de vos meilleures fourrures et conduite par votre plus intrépide cocher.

— J’ai ce qu’il vous faut, Messeigneurs.

— Bien. Mais il faut aussi seller nos moulures… sur le champ !

— Vous repartez donc ?

— Séance tenante avec la « dame du grand monde ». Compris ?

— Messeigneurs, répliqua l’aubergiste, vos ordres vont être exécutés de suite.

Il appela un serviteur.

— Vite, cria-t-il à celui-ci, ordre au cocher d’atteler les deux noires à la carriole bleue, avec les meilleures fourrures, et aussi, ordre de seller les montures de ces messieurs !

Le valet partit comme un trait.

— Comme vous le voyez, Messeigneurs, reprit le cabaretier non sans un certain orgueil, attelage et montures seront devant ma porte dans une minute et tout prêts à vous recevoir.

— Ça va bien, Maître aubergiste, dit Pertuluis avec satisfaction. Maintenant daignez nous conduire à Madame…

— Pardon, mes gentilshommes… mais qui va solder la dépense ! vos carafons, la carriole, la litière de vos chevaux…

— Au fait, interrompit Regaudin, c’est moi qui vais solder cette fois. Combien ?

— Je vais vous faire cela au rabais, vu que… Ce sera dix livres, mes gentilshommes, rien que dix livres…

Malgré l’énormité du prix, Regaudin paya sans sourciller. Pour eux l’honneur de conduire Mme Péan au Fort valait tout l’or du monde.

L’instant d’après les deux grenadiers traversaient la salle commune précédés par le cabaretier. Ils marchaient posément et faisaient d’inouïs efforts pour demeurer épaule contre épaule et se maintenir sur leurs jambes fléchissantes.

— On dirait que ça tangue ! murmurait Regaudin.

— Il me semble que je marche sur des vagues hautes comme cette maison, ventre-de-roi ! répliquait Pertuluis.

Toute la salle avait fait silence pour observer le passage des trois personnages. Puis ceux-ci s’engagèrent dans une sorte de vestibule où se trouvait l’escalier des hôtes de la maison. Là, l’aubergiste prit sur une table un candélabre en argent, disant :

— Messeigneurs, il s’agit d’une dame du grand monde, et il importe de savoir user de convenances… venez !

Les deux grenadiers approuvèrent de la tête cette haute marque d’étiquette et de politesse, et suivirent le cabaretier dans l’escalier. L’instant d’après, l’aubergiste poussait une porte, s’inclinait révérencieusement, s’effaçait… Et les deux grenadiers, le bonnet de fourrure à la main droite, la main gauche sur le pommeau des rapières se courbaient jusqu’à terre devant Mme Péan qui se tenait debout devant eux…

Mais la jeune femme venait de faire un pas de recul… Aussitôt tout son sang afflua à son cœur lorsqu’elle reconnut les balafres couleurs d’arc-en-ciel de Pertuluis et le visage de fouine de Regaudin. Quoi ! ne revoyait-elle pas les deux terribles acolytes de Flambard, ceux-là qui avaient si bien secondé le spadassin à l’auberge de la Cloche d’Argent, à la Pointe-aux-Trembles, lors de la capitulation de Québec ? Oh ! si elle avait pu oublier leurs noms, leurs affreuses binettes étaient demeurées dans sa mémoire. Elle recula d’un autre pas, au moment où Pertuluis et Regaudin avec une gravité d’arabe redressaient leur taille, puis instinctivement ; elle jeta ce cri :

— Trahison !

Les deux grenadiers tressaillirent…

L’aubergiste, qui attendait quelque ordre, sauta en l’air, échappa son candélabre d’argent et, à son tour, jeta d’une voix de tonnerre :

— Trahison !

— À l’aide !… Au secours ! clama encore Mme Péan.

Les deux grenadiers, n’y comprenant rien, demeuraient comme pétrifiés.

— Trahison ! Alerte ! vociféra l’aubergiste en se jetant dans l’escalier… Gardes ! Soldats ! ajouta-t-il, à la rescousse… on égorge Madame Péan !

Déjà une sourde rumeur montait en bas de la salle commune. Puis une clameur effrayante emplit l’auberge.

L’aubergiste avait crié : « On égorge Madame Péan » !

Et cela avait suffi ! Car disons ici que, pour une grande partie de la population des Trois-Rivières, les noms de Bréart et Péan signifiaient argent et plaisirs ; ainsi, autrefois, sous certains empereurs romains le peuple recevait les jeux et le pain… Panem et circences ! Si les paysans maudissaient Péan et la bande dont il était l’un des chefs, par contre beaucoup d’artisans, de militaires et de petits échoppiers les bénissaient, surtout aux Trois-Rivières où Péan, depuis le mois de septembre, s’était fait de la popularité par ses largesses.

Toute la salle de l’auberge s’était donc précipitée vers l’escalier : les militaires avaient mis les armes à la main, les bourgeois et ouvriers s’étaient armés de gourdins, de bouteilles, de tout enfin ce qui pouvait servir d’assommoir, et les cuisiniers, marmitons, valets et servantes, de couteaux, fourchettes et autres ustensiles pouvant blesser ou écorcher. Deux domestiques toutefois s’étaient abstenus de se joindre au reste de la valetaille, et c’étaient la Friponne et son fiancé, le marmiton. La Friponne avait dit au marmiton :

— Laisse faire la danse et fais comme je t’ai dit… moi je cours avertir Mademoiselle Deladier qui attend dehors, dans la cour.

Et la servante, ayant jeté un châle sur sa tête, sortit par une porte de la cuisine.

Cependant les hôtes de l’auberge montaient l’escalier en hurlant et vociférant… ils venaient d’entendre un nouvel appel au secours de Mme Péan.

Celle-ci, en effet, avait jeté un nouveau cri lorsque les deux grenadiers, devinant pour eux un danger, avaient tiré leurs rapières.

— Je touche ! avait murmuré Pertuluis tout effaré.

— J’extirpe ! avait répondu Regaudin interdit.

Alors ils avaient tourné le dos à Mme Péan pour faire face à ceux qui venaient. Ils virent bientôt la masse menaçante apparaître au haut de l’escalier. Les deux grenadiers firent entendre leurs cris de guerre.

Taille en pièces !

Pourfends et tue !

La rapière au poing ils se ruèrent furieusement contre la meute.

— Arrière, chats-huants ! vociférait Pertuluis.

— Place, vermines maudites ! hurlait Regaudin.

Tous deux se firent un passage sanglant dans cette masse humaine déjà prise d’épouvante, puis ils culbutèrent ceux qui ne pouvaient s’écarter assez vite et dégringolèrent l’escalier. Cela n’avait duré que ce que dure le zigzag de l’éclair.

L’instant d’après Pertuluis et Regaudin se trouvaient dehors, encore tout interloqués, et entendant les cris de toutes sortes qui partaient de l’hôtellerie.

— Ventre-de-cochon ! jura Pertuluis, la donzelle n’a pas l’air commode… Qu’allons nous faire ?

— Il faudra la prendre au traquenard et l’emporter en paquet ! répondit Regaudin.

À ce moment, la carriole commandée s’avançait au bruit argentin de ses grelots, et suivait un valet d’écurie tirant les deux montures des grenadiers.

— Bon ! fit Pertuluis, voici notre carriole et nos chevaux…

Lui et son compagnon allèrent vivement à la rencontre de l’attelage. Mais, soudain, Regaudin entrevit une fine silhouette humaine qui courait et semblait sortir de l’auberge par une porte de l’arrière.

— Pertu… Pertu… souffla-t-il, regarde… c’est elle !

Pertuluis sursauta d’émoi.

Ventre-de-chat ! il faut la piger au vol !

Ce disant il courut au cocher du traîneau et lui dit rapidement :

— Suis-nous de loin et attends nos ordres !

Et, suivi de près par Regaudin, il s’élança vers la silhouette humaine qui, maintenant, marchait d’un pas hâtif. Les deux grenadiers, en quelques bonds, avaient rejoint la femme. Elle jeta un faible cri. Pertuluis l’étreignit dans ses bras puissants et Regaudin, se servant de l’écharpe grise qui entourait sa tête, la bâillonna. Alors Pertuluis, enlevant la femme dans ses bras, prit sa course vers le traîneau qui venait à quelque distance.

Et l’on entendait encore les cris des hôtes de l’auberge, et toute la cité, réveillée par le chahut, s’emplit bientôt de rumeurs sourdes, puis de clameurs.

Les deux grenadiers jetèrent leur prise dans le fond du traîneau, la ficelèrent proprement dans les fourrures et montèrent à cheval.

— Et à présent, commanda Pertuluis au cocher sur un ton menaçant, si tu connais le chemin du Fort Jacques-Cartier, claque tes fend-le-vent et glisse vite, sinon ta peau ne vaut pas celle du premier Iroquois qui nous tombe sous la patte !

Le cocher n’en demanda pas davantage : les chevaux, vigoureux et frais, et stimulés par quelques bons coups de fouet, s’élancèrent dans une course d’épouvante et le traîneau sortit de la cité comme un ouragan, escorté des deux grenadiers qui poussaient des cris effrayants pour exciter davantage la ruée des chevaux.