Revue L'Oiseau bleu (1p. 210-227).

XII. — LES FILS DE LA LIBERTÉ


La soirée se prolongea assez tard chez les Précourt. Le Dr  Wolfred Nelson était entré vers neuf heures, en compagnie du Dr  Duvert et de l’instituteur Siméon Marchessault, de St-Charles. La dissolution du parlement, au bout d’une session de huit jours, indiquait que les événements prenaient une tournure grave.

« Peut-être, prudemment, faudrait-il organiser quelques forces », remarquait Nelson.

En tout cas, il s’agissait de se concerter au plus tôt avec M. Papineau et ses amis à Montréal. Tel était l’avis de tous. Olivier annonça son départ pour le lendemain matin.

— Si vite, Olivier, dit la voix tremblante de la grand’mère, qui apparaissait à la porte du salon et saluait avec affabilité les visiteurs.

— Je ne tiens plus en place, grand’mère. Mon sang si vif bout dans mes veines. Ne m’en voulez pas de ne pas vous l’avoir dit plus tôt. Je l’ignorais moi-même il y a deux heures. Les nouvelles politiques extraordinaires que nous avons apprises, et surtout, chère grand’mère, l’arrivée de Michel avec un message particulier et urgent pour moi, m’y contraignent vraiment. J’aurai tout à l’heure une conversation de quelques minutes avec vous à ce sujet.

Les visiteurs se levèrent à ces mots. Du reste, il se faisait tard, et les préparatifs pour le départ s’imposaient. Olivier n’avait pas trop de temps devant lui.

Le Dr  Nelson s’entretint quelques minutes à l’écart avec le jeune homme avant de quitter la maison.

En traversant le jardin des Précourt, le Dr  Duvert aperçut Michel qui retenait avec peine le chien César. Un peu plus loin, la bonne Sophie accourait, tenant par la main Josephte.

— Bonjour, Michel, fit le Dr  Duvert. Comme tu as bonne mine ! Eh ! eh ! tu as gagné au changement de maître… Et le bon docteur passa avec complaisance la main sur la tête du petit garçon.


Oh ! Olivier, supplia Josephte en se pressant contre son frère, donne-lui la permission de onze heurs.

— Je vous aimais bien aussi, M. le docteur, murmura l’enfant.

En revenant vers la maison, ses visiteurs une fois partis, Olivier appela Michel.

— Écoute, petit, ne prolonge pas trop la veillée. Dès cinq heures, nous serons sur pied, demain.

— Oh ! Olivier, supplia Josephte en se pressant contre son frère, donne-lui la permission de onze heures. Je l’ai obtenue, moi. Puis, il fait si chaud, si clair, ce soir. Regarde quelle belle lune danse sur le Richelieu !

— Pas une seconde de plus, par exemple. Tu entends, Josephte ? Ton compagnon doit obéir avec la promptitude du soldat. À onze heures et cinq, il devra être au lit.

— Merci, monsieur Olivier, fit Michel, qui regardait avec affection la bonne petite Josephte qui sautait de joie, après avoir embrassé son frère.

Olivier entra au salon et s’approcha de sa grand’mère. Elle reposait sur le divan. Il prit sa main puis s’assit tout près d’elle.

— Alors, mon grand, dit doucement la vieille dame, tu as reçu un mot de Mathilde. Ce Michel est arrivé à ses fins. Il a déjoué toute surveillance.

— J’ai recouvré la paix. La lettre de ma fiancée est telle que je la désirais, grand’mère.

— Ah !

— Oui. Celle qui me désespéra, il y a huit jours, lui avait été dictée par son père.

— Tout de même…

— Sans doute, je ne suis pas devenu et ne deviendrai jamais le gendre rêvé par le cousin Perrault. Mais Mathilde me dit que son entrée au couvent est remise à cet hiver… D’ici là, son père espère la voir devenir raisonnable, surtout si elle ne me revoit plus… ce qu’elle a dû promettre. Seulement, si les circonstances et non la volonté de l’un ou de l’autre nous rapprochent, nous pourrons échanger quelques mots… Concession importante ! Je suppose que la douleur sincère de Mathilde a fini par toucher notre ambitieux et servile parent… Puis il a aussi promis, figurez-vous, de me recevoir de nouveau chez lui si je consens à embrasser sa foi bureaucratique… Peuh !

— Mon pauvre Olivier !

— Naturellement, Mathilde, qui me connaît et me sait incapable de cette sorte de trahison, me recommande la modération, le sacrifice de quelques démarches trop retentissantes. Je suis prêt à la satisfaire… pourvu…

— Pourvu ?

— Que les événements ne se compliquent pas trop. Hélas ! même pour l’amour de Mathilde, je ne saurais m’empêcher de défendre, si on l’attaque par trop, mon pauvre pays pressuré, méprisé, poussé aux abîmes.

— Comptes-tu me quitter pour longtemps ?

— Quelques semaines. Et encore, je m’échapperai bien pour quelques jours.

— Au fait, tu ne sais pas encore que ta sœur Marie vient de prendre, elle aussi, une décision aussi rapide que surprenante.

— Oui ?

— Elle part pour Burlington, dans le Vermont, et veut s’installer pour l’hiver chez des cousins de sa mère. Tu sais qu’ils l’invitent depuis longtemps.

— Où est Marie ? Je ne l’ai pas aperçue ce soir.

— Chez les Debartzch.

— Encore ?

— Comme cela semble te déplaire !

— Écoutez, grand’mère, vous savez que M. Debartzch n’est plus beaucoup avec nous… Alors, ma situation devient délicate vis-à-vis de ces grands amis de ma sœur et mes amis. On me raille d’y aller souvent, ne fût-ce que pour y conduire courtoisement ma sœur…

— Eh bien ! tu n’auras plus à supporter ce contretemps puisque ta sœur s’apprête à nous quitter, dans une semaine tout au plus.

— Si tôt !

— Oui. Mais il y a autre chose : Marie veut amener Josephte. Elle la trouve nerveuse, surexcitée. Avec ses petites amies du village, elles ne parlent que trop, paraît-il, de batailles, de héros… Elle n’a plus, en un mot, dans l’esprit, que l’idée des patriotes et de leurs allures de braves sans exemple.

— Ma sœur a dû bien pincer les lèvres en prononçant ce mot qu’elle exècre : patriotes, murmura Olivier, les sourcils froncés, le regard sombre.

— Naturellement, je n’ai pas abondé dans son sens. Je l’ai rassurée sur ses craintes…Comme si notre bonne petite comprenait goutte dans tout ceci ! « Au fond, ai-je conclu, tu sais fort bien, Marie, que c’est Olivier qu’elle admire sous tous ces mots et à travers tous ces héros »…

— Alors, grand’mère, vous lui avez permis d’emmener notre petite ?

— J’ai réservé ma décision. Je voulais avoir ton avis, mon grand. Seulement…

— Eh bien ! dites, dites, grand’mère !

— Ne crois-tu pas que si les événements prennent bientôt une tournure dramatique — et je le crois hélas ! de plus en plus — ne crois-tu pas que notre petite, qui serait en sûreté là-bas, deviendrait un souci de moins, pour toi comme pour moi ?

— Vous vous abusez, grand’mère. Sans doute, le malaise général est à son paroxysme, mais de là à quelque grande tragédie, il y a loin encore.

— Olivier, Olivier, tu as l’optimisme de ta vaillante jeunesse. Enfin…

— Josephte souhaite-t-elle ce voyage ?

— Elle ne sait rien de nos projets.

Olivier se leva. Il marcha durant quelques minutes, en silence, à travers la pièce.

— Grand’mère, dit-il enfin, en venant se rasseoir près d’elle, je préférerais que Josephte demeure près de vous.

— Très bien, mon grand.

— Vous ne songez jamais à vous. Quelle existence triste, sombre, mènerez-vous ici, toute seule ? Vous le savez, et je le répète, mes voyages à Montréal sont appelés à devenir fréquents.

— Si tu ne les prolonges pas trop, chaque fois, je les comprendrai et les approuverai. Notre pauvre pays tourmenté a besoin du dévouement de tous.

— Alors, il vous faut absolument près de vous ce rayon de soleil qui s’appelle Josephte… Tenez, écoutez-la rire au jardin. Cela vous rafraîchit l’âme malgré vous.

— Tu adores cette petite, Olivier, fit la grand’mère en souriant.

— Nous sommes bien de votre race, tous deux, madame, répliqua Olivier, en baisant avec grâce la main de la vieille dame. Oui, notre vive affection est sans nuage. Cette petite me tient au cœur tout comme vous. Je ne puis la sentir loin de moi, longtemps.

— Marie sera désappointée de ta décision.

— Il faudra qu’elle s’en console. C’est à vous que nous devons songer d’abord. Voulez-vous que je lui en parle ? Elle est sur le point d’entrer.

— Non, Olivier, non, laisse-moi manœuvrer notre chère Marie à ma guise.

— Vous avez peur de mon intervention trop brusque ? Ne le niez pas, vos yeux vous ont trahie tout à l’heure ! Ah ! ah ! ah ! chère, bien chère grand’mère… Là, voici Marie, je me sauve. Apprenez-lui mon départ, tout d’abord. Cela va la disposer à faire des concessions…

— Olivier !

— Bonsoir, grand’mère, bonsoir. Je vais faire les préparatifs indispensables.

— Tu n’as pas besoin de Michel ?

— Il me rejoindra dans un quart d’heure. Onze heures sonneront bientôt. Ne vous occupez pas de cet enfant. Il dormira sur le canapé qui se trouve au pied de mon lit.

— Tu es toujours content de ton protégé ?

— Très.

— Alors, tout est pour le mieux. Bonsoir, mon grand. Demain, s’il fait beau, nous irons tous vous reconduire au bateau.

— À la bonne heure !

***

Dès le lendemain de son arrivée à Montréal, vers dix heures du matin, Olivier Précourt avait couru chez son ami André Ouimet. Il y trouva Rodolphe Desrivières et Thomas Storrow Brown. On l’accueillit avec enthousiasme, et tout de suite chacun le mit au courant des derniers incidents politiques.

— Mais que fait donc Amédée Papineau ? dit soudain, avec impatience. André Ouimet. Il devrait être ici depuis un quart d’heure, n’est-ce pas ?

— Ovide Perrault n’est pas plus exact, déclara Storrow Brown, qui guettait à la fenêtre. Quant à Rodier…

— Il y a donc rendez-vous ici ? demanda Olivier Précourt. Si je suis indiscret ?

— Pas du tout, mon cher, s’écria Desrivières. Bien au contraire, vous donnerez votre opinion sur les projets que nous discuterons.

— Ah ! fit Olivier. Il y a anguille sous roche, je vois cela. Je serai tout oreilles, allez, mes amis.

Voilà le jeune Papineau, et au pas de course, apprit avec satisfaction Storrow Brown.

On courut ouvrir la porte et le fils du grand tribun fit son entrée au milieu des bravos et des bons mots.

Louis-Joseph-Amédée Papineau était encore un tout jeune homme. Mais il avait été formé à bonne école et très tôt son éducation politique se trouva faite. Les idées paternelles s’étaient logées sans peine dans sa tête, et il s’était habitué à discuter des événements avec justesse et assez de perspicacité. Son ingéniosité d’esprit plaisait à ses amis. Des projets naissaient sans cesse dans cette cervelle fertile. En ce matin du 1er septembre, il avait justement une proposition extraordinaire à mettre en discussion devant les quelques patriotes dont ils voulaient obtenir l’adhésion, coûte que coûte.

— Sommes-nous au complet ? demanda le fils du tribun, après avoir salué avec empressement Olivier Précourt qu’il connaissait très bien, comme tous les gens de Saint-Denis-sur-Richelieu.

— Nous attendons encore Ovide Perrault et Édouard Rodier. Chamilly de Lorimier et le Dr  Gauvin se sont fait excuser. Mais ils sont avec nous de cœur.

— Nous commencerons donc sans Perrault et Rodier. L’heure avance, trancha André Ouimet.

On s’attabla. Amédée Papineau sortit de sa poche quelques notes et prit la parole. Il fut interrompu par des coups frappés à la porte. Charles-Ovide Perrault et Édouard Rodier entrèrent vivement, tout en s’excusant et en prenant place auprès de leurs compagnons. Ceux-ci les blaguèrent avec plaisir durant quelques instants. Olivier Précourt, qui plaisait beaucoup à Perrault, reçut une cordiale poignée de main et des mots de bienvenue agréables.

Rodier eut à répondre à presque toutes plaisanteries sur le retard. On le taquinait volontiers, ne fût-ce que pour l’entendre se défendre avec esprit et une verve, sans égale peut-être parmi ses amis. Très beau garçon, aventureux, brave, gentilhomme jusqu’au bout des ongles, il était de toutes les fêtes et se voyait soumettre tous les projets. Sa gaieté mettait je ne sais quel entrain, quelle vie profonde dans l’atmosphère. Il parlait avec beaucoup d’éloquence dans les assemblées politiques ; son nom, sur un programme, faisait vibrer d’avance la foule. Sans doute, Ovide Perrault avait une intelligence plus haute et pénétrait au cœur des questions avec une rapidité et une clarté admirables, il écrivait et parlait avec un talent plus ferme que son ami, mais celui-ci gardait une popularité indéniable.

Enfin le silence se rétablit et le projet du jeune Amédée Papineau fut exposé. On l’écouta avec attention, sans l’interrompre. Ne s’agissait-il pas de former, enfin, une association avec un but défini, de grouper toute la jeunesse, de Montréal d’abord, puis ensuite des environs et des campagnes ? La défense de la cause nationale, par la parole, par la plume, par la force des armes (si on y était astreint), imposait ce ralliement des forces vives françaises. Les esprits partout surexcités depuis la dissolution des Chambres, les insultes de plus en plus virulentes des ennemis intimes, les bureaucrates, le ton des journaux surtout, feraient sûrement éclater quelque conflit, un de ces matins.

« Et alors, comment tenir tête à l’émeute si nous n’avons pas même l’ombre d’une organisation ? demanda le jeune Papineau. Créons vite, continua le jeune homme, une forte association sous le nom de Fils de la Liberté.

— Les Fils de la Liberté, dit pensivement Perrault. Mais cela me fait souvenir d’une institution du même nom, anglaise, The Sons of Liberty. Les Américains y ont songé, dans des circonstances analogues, il y a soixante ans, si je ne me trompe.

— Perrault, vous êtes impayable. Vous saviez déjà ces choses, s’écria Rodier.

— Mon cher, un journaliste doit ignorer le moins de choses possible, répartit vivement, mais en souriant, Charles-Ovide Perrault.

— J’ai en effet calqué la nouvelle société des Fils de la Liberté sur ce groupement des Américains, en 1777. Ai-je eu tort ? Notre indépendance politique vaut bien la leur.

— Mais oui, mais oui, s’écrièrent tous nos compagnons.

— Notre organisation sera à la fois civile et militaire, reprit encore Amédée Papineau. Les civils parleront et écriront ; les militaires, eh bien ! si l’on en vient à quelque fâcheuse extrémité, montreront de l’éloquence par la bouche de leurs fusils, sinon des canons.

— Vous serez le grand général de la division militaire, mon cher Storrow Brown, dit gaiement Rodier. Cela vous ira comme un gant, ce généralat un peu improvisé mais nécessaire.

— En effet, dirent-ils tous en souriant.

Thomas Brown hocha la tête, sourit, mais ne répondit pas.

— Il nous faut une assemblée nombreuse pour lancer ce projet, reprit Amédée Papineau. En outre, elle sera tenue dans un endroit public connu.

— Rodier, fit Perrault en riant, vous êtes notre bouche d’or canadienne, préparez-vous à électriser la foule !

— À titre de revanche, mon ami, répliqua celui-ci.

— Si nous fixions la date du 5 septembre pour cette assemblée ? demanda Amédée Papineau.

— Hum ! Quatre jours pour organiser une telle manifestation, murmura Desrivières à Olivier Précourt, son voisin.

— J’offre mes services, s’empressa de dire Olivier. Le temps est court. Toutes les bonnes volontés doivent être mises à contribution.

— Bien dit, Précourt, cria André Ouimet, qui avait été silencieux jusqu’ici. D’ailleurs, si comme vous le dites le temps est court, l’enthousiasme qui nous dévore embrasera et décidera la foule avec une promptitude qui tiendra du miracle, vous le verrez.

— Notre enthousiasme… Je dirais plutôt notre brûlante passion pour la cause nationale, remarqua Perrault.

— Peu importent les mots, reprit Storrow Brown. Mais que diriez-vous de l’hôtel Nelson, sur la Place Jacques-Cartier, pour cette assemblée ?

— J’allais vous le proposer, dit vivement Amédée Papineau. Tout comme j’ai songé à faire accepter comme orateurs : Édouard Rodier, que Perrault vient de suggérer, et…

— Bravo ! Bravo ! cria-t-on. Édouard ! rends-toi ! Édouard ! fourbis tes armes !

— Me rendre ? Moi ?… Mais paix, paix ! Ne criez pas ainsi. Je parlerai de mon mieux en la date fatidique du 5 septembre prochain.

— À part Rodier, il y aurait à la tribune Charles-Ovide Perrault, Robert Nelson, André Ouimet, puis…

— Assez, assez interrompit en riant Desrivières, il faudrait tout de même clore l’assemblée avant le chant du coq.

— Avez-vous pensé à la musique militaire, remarqua Storrow Brown à Papineau fils.

— Général, vous jouez déjà votre personnage avec soin, lança Rodier. Vivent les marches au ton bien martial.

— Je propose, moi, un numéro extraordinaire à tout ce programme, s’écria tout à coup André Ouimet.

— Ouimet va nous servir une pensée géniale, j’en suis sûr, dit Perrault en riant. Ah ! si vous le connaissiez comme moi… Tenez, c’est lui que vous devriez nommer président de tous ces futurs et célèbres Fils de la Liberté.

— Perrault, vous parlez d’or, approuva Desrivières. Qu’en dites-vous, Précourt ? Vous le connaissez bien, vous aussi, votre futur associé dans la firme légale Ouimet, Perrault et Précourt ?

— Je vote pour Ouimet avec enthousiasme, répondit Olivier, qui s’amusait beaucoup de la verve gaie et railleuse de ses compagnons.

— Ouimet, Ouimet, crièrent-ils tous. Tu seras président ou nous n’en sommes pas. Ouimet, Ouimet !

— Nous avons interrompu notre futur président tout à l’heure. Il allait nous faire part d’une idée… Allez-y, Ouimet, allez-y, dit avec empressement Storrow Brown.

— Pourquoi n’irions-nous pas, recommença avec bonne humeur André Ouimet, dès l’issue de l’assemblée, présenter nos hommages en corps à la maison de l’honorable Louis-Joseph Papineau d’abord, puis ensuite à celle de l’honorable Denis-Benjamin Viger ?

— Admirable ! Magnifique ! Acclamons Ouimet et son idée ! cria-t-on.

— Nous irions… musique en tête, n’est-ce pas ? précisa Rodier. Et sans nous soucier de troubler les rêves d’anges de nos chers bureaucrates, lorsque nous passerons sous leurs fenêtres.

— Rodier a raison, appuya Charles-Ovide Perrault. Une telle sérénade politique devant les maisons de nos grands patriotes impose des accords harmonieux, bien prenants… Oh ! fit-il en consultant sa montre, mais c’est terrible… Il est une heure ! Pour un jeune marié, et c’est mon cas, quelle grave offense qu’un pareil retard, finit-il en riant de bon cœur et en prenant congé de ses amis.

On le taquina, bien entendu, jusqu’à ce qu’il eût disparu.

Bientôt, tous se dispersèrent à son exemple, mais non sans avoir décidé qu’une nouvelle assemblée serait tenue le soir même. Le temps pressait.