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SUARD.



Un cippe en marbre blanc, une urne cinéraire, une épitaphe modeste, tel est le tombeau de M. Suard, membre distingué et secrétaire perpétuel de l’Académie française ; écrivain érudit, philosophe profond et sans pédanterie, moraliste affable et gracieux, qui vécut dans l’intimité des personnages les plus recommandables du siècle dernier, exerça une grande influence sur l’esprit, et même sur les événements de ce siècle, moins, peut-être, par ses écrits, que par ses relations avec les classes les plus élevées de la société et la haute considération dont il jouissait.

Sur le cippe est gravé :

jean baptiste antoine
SUARD,
secrétaire perpétuel
de l’académie française,
officier de l’ordre royal
de la légion d’honneur,
chevalier
de l’ordre de saint michel,
décédé a paris
le 20 juillet 1819,
agé de 85 ans.
il attend son amie.




M. Suard naquit à Besançon en 1732 : son père, secrétaire de l’université, lui donna une éducation soignée : ses études furent brillantes ; quoiqu’il fut supérieur à ses camarades, et qu’il remportât presque tous les premiers prix, l’aménité de son caractère, et les excellentes qualités de son cœur, lui concilièrent toujours l’estime et l’amitié même de ses rivaux.

Après avoir passé treize mois au fort Sainte-Marguerite, poursuivi par la vengeance d’un ministre dont le neveu avait été tué en duel par un jeune homme qui n’était point l’agresseur et dont il était l’ami et avait été le témoin, il vint à Paris, jeune encore, sans fortune, et presque sans recommandation ; il travailla, pour subsister, à la traduction d’une feuille hebdomadaire anglaise qui eut la plus grande vogue, se livra avec ardeur à l’étude et à la littérature, et remporta le premier prix de prose propose par une académie de province pour un éloge de Montesquieu. C’est de ce moment que commencent à dater ses relations avec les hommes célèbres qui se partageaient alors l’empire des lettres, et ses brillants succès dans les salons les plus renommés de la capitale. Nous n’entreprendrons point ici de rapporter les particularités remarquables de la vie de M. Suard, son histoire est presque tout entière celle du siècle où il a vécu et dépasserait les bornes dans lesquelles nous sommes forces de nous restreindre : cette tâche d’ailleurs a été remplie avec autant de talent que d’impartialité dans l’ouvrage publie sur ce sujet par M. Garat. Il nous suffira, pour faire connaitre cet homme extraordinaire, d’emprunter ici une partie des propres expressions de ses plus éloquents panégyristes. Tous s’accordent à vanter « la modération de son caractère, l’ingénieuse délicatesse de son esprit, l’exquise politesse de ses manières, la justesse de ses idées, la facile correction de son style, et cette finesse de gout qui lui faisait unir sans efforts, dans ses écrits, les plus ingénieuses combinaisons de la pensée aux plus savants artifices de la parole[1]. M. Suard, dit M. Garat, a vécu dans toutes les conditions de la société : il a vu dans le cours de sa longue vie les générations paraître et disparaître autour de lui ; toutes ont reçu des exemples propres à tous les états et à tous les âges, et son existence est liée à ce qui s’est fait de grand et de mémorable dans le dix-huitième siècle ».

Ses principaux ouvrages sont : Histoire de Charles Quint, traduite de l’anglais de Robertson ; Mélanges de littérature, Notice sur les écrits et la vie de Labruyère, Notice sur les écrits et la vie de Larochefoucauld etc.

  1. Discours prononces sur sa tombe et à l’Académie.