Les mausolées français/Grétry

GRÉTRY.



Sous un monument de marbre blanc de forme antique et du goût le plus simple, repose Grétry, l’un de nos premiers compositeurs qui a peut-être le plus contribué à illustrer la comédie lyrique ; qui par son génie naturel, la révolution qu’il était destiné à opérer dans l’art, ce sentiment du vrai répandu dans tous ses ouvrages, sa fécondité extraordinaire ; par ses défauts mêmes enfin, reprochés peut-être avec trop d’amertume, s’est acquis des titres certains à la célébrité.

Au-dessous d’une lyre d’or gravée sur le marbre, on lit :


andré ernest modeste
GRÉTRY,
né a liège le 11 février 1741,
décédé a l’ermitage d’émile,
le 24 septembre 1813,
repose
sous ce monument
érigé en sa mémoire
par ses neveux et ses nièces.


Après quelques années d’études élémentaires dans sa patrie, Grétry fut se perfectionner à Rome, où il porta une incroyable avidité de s’instruire. Disciple de Casali, il étonna par la rapidité de ses progrès, et ses premiers essais justifièrent l’excellence de la méthode du professeur.

Il débuta à Paris, en 1769, par l’opéra du Huron. Les applaudissements furent unanimes, et dès-lors s’ouvrit pour l’auteur cette longue et brillante carrière où presque tous ses pas furent marqués par des succès. Et Marmoutel et Sédaine lui doivent une partie de leurs lauriers.

Honoré à la cour et à la ville, la gloire, la fortune et les honneurs ont été le prix de ses heureux travaux.

Grétry est mort à Ermenonville, à l’âge de 72 ans, dans la maison qui avait appartenu à Rousseau, lieu connu sous le nom de l’Ermitage ; son corps fut apporté à Paris, où on lui fit des obsèques magnifiques[1]

C’est dans ses ouvrages et dans ses écrits sur la musique, qu’il faut suivre la marche de son génie ; c’est la qu’il donne aux jeunes artistes le secret de sa composition, et qu’il les instruit par l’exemple. Nous avons beaucoup de Traités de musique ; pas un, peut-être, dit un de ses panégyristes, n’offre une grammaire aussi raisonnée, une rhétorique aussi complète[2].

  1. Voir le Moniteur du 29 septembre 1813.
  2. C’est par le naturel, la saillie et l’à-propos, que Grétry a su donner à ses chants, par la vérité étonnante d’expression, et le caractère propre qu’il avait l’art de donner à ses personnages, que ce grand compositeur tient le premier rang. Ses succès ont toujours été constants ; et Méhul l’appela le Molière de l’opéra comique. Il était si pénétré de son sujet lorsqu’il composait, qu’il lui est souvent arrivé de s’attendrir lui-même, et de répandre des larmes en exécutant sur son clavecin. On a reproché à Grétry de n’être pas un profond harmoniste : à la vérité, tout son génie semble être dans sa mélodie ; et on désirerait de trouver dans son orchestre, des motifs mieux développés, l’usage du contre-point, et des accompagnements plus riches : peut-être écrivait-il la musique avec trop de facilité, et ses chants lui coutaient trop peu. Mais, qui ne lui pardonnerait pas quelques défauts quand on a entendu l’ouverture et les airs de son admirable chef-d’œuvre Richard-Cœur-de-Lion ? qui ne reconnaitrait une originalité, piquante et vraiment comique, un cachet inimitable enfin, dans les opéras de L’Amant jaloux, Le Silvain, La Fausse Magic, Zémire et Azor, etc., etc. ? On a dit que Grétry composait par instinct, comme Sedaine écrivait la comédie ; il ne recherchait que la seule expression du vrai, et à soutenir ses caractères sans s’embarrasser du reste, répondant à ceux qui lui reprochaient ses fautes d’harmonie : Il y a des fautes ! c’est bon ; j’ai voulu les faire. Il n’y a rien à répliquer à l’homme de génie ; il faut écouter, admirer et se taire.
    (Note de M. de Jolimont le jeune.)