Les mausolées français/Brogniart

BROGNIART.



Ce monument simple, mais de bon goût, principalement orné d’un médaillon où l’on voit, en demi-relief, la façade du nouveau palais de la Bourse, indique assez qu’il est élevé à la mémoire de l’homme de génie qui conçut le plan de ce bel édifice que le commerce et les arts réclamaient depuis long-temps dans la capitale ; à l’architecte habile et laborieux à qui la ville de Paris doit une partie de ses plus beaux hôtels ainsi que d’utiles embellissements, et qui traça enfin d’une manière si pittoresque la distribution du cimetière de Mont-Louis où trop tôt, hélas ! il devait reposer lui-même. Une figure de femme dans l’attitude de la douleur, une lampe sépulcrale, un sablier, une guirlande de cyprès et d’immortelles attachés à des flambeaux, sont les ornements symboliques qui décorent les autres parties de son tombeau, perpétuellement entouré de fleurs soigneusement cultivées, et sur lequel on trouve souvent une couronne nouvellement déposée par l’amitié.

Sur la pierre horizontale qui couvre la tombe on lit :

ce monument
renferme
les restes matériels
d’alexandre théodore BROGNIART,
architecte,
né a paris en 1738, mort le 6 juin 1813.
sa veuve, ses enfants et ses amis
conservent et transmettront
le souvenir de ses qualités aimables.
les travaux et les artistes
perpétueront
la mémoire de ses talents.




Alexandre Brogniart, fils d’un pharmacien, était destiné par son père à apprendre la médecine ; mais, entraîné par un goût inné pour les beaux-arts, il se livra exclusivement à l’architecture. Il fut élève du célèbre Boulée, et ses premiers travaux lui assignèrent dans son art le rang distingue qu’il y occupa. Un des premiers, il apprit à répandre moins de monotonie dans nos jardins, et à les rendre plus pittoresques en s’éloignant moins des effets de la simple nature. Habile dans l’art des décors et des ornements, il a puissamment contribué à épurer le style dans le dessin des meubles, les décorations intérieures et les peintures sur porcelaine ; la manufacture de Sèvres et beaucoup de fabriques particulières lui doivent, en ce genre, plus de perfection dans leurs produits.

Ses principaux travaux en architecture sont, l’hôtel ou le petit palais du duc d’Orléans, l’hôtel Montesson, Frascati, l’hôtel de la princesse Monaco, l’hôtel de Sainte-Foix, les bains souterrains de l’hôtel de Bensenval, l’église des Capucines, l’hôtel du prince de Condé, les archives de Saint-Lazare, le théâtre Louvois, plusieurs maisons de campagne fort remarquables dans les environs de Paris, beaucoup d’améliorations et d’embellissements utiles à l’Hôtel des Invalides et à l’École Militaire, des distributions nouvelles dans les plantations qui entourent ces édifices. Le parc de Maupertuis, dit l’Élysée, est encore son ouvrage ; et, comme nous l’avons déjà dit, l’ingénieuse métamorphose de l’antique apanage du révérend père Lachaise est un magnifique champ de repos, ou, sous des ombrages frais, dans des bosquets varies de mille manières, l’empire de la mort a perdu son hideux aspect, où l’amitié peut enfin, sans répugnance, épancher sa douleur et rendre aux morts un culte plus touchant. Enfin, le nouveau palais de la Bourse et du Tribunal de Commerce a mis le sceau à la réputation d’Alexandre Brogniart ; il en posa la première pierre, le 24 mars 1808. Il ne put y travailler que pendant cinq ans, et n’a pu jouir de son plus bel ouvrage.