III


Ce n’est pas tout d’un coup que M. Sulte en est venu aux extrêmes que j’ai signalés dans son livre ; mais, dès le commencement, il était facile de voir qu’il faisait fausse route et qu’il s’engageait dans une pente, sur laquelle de plus forts que lui n’ont pas su ou n’ont pas pu s’arrêter. Aujourd’hui, ayant à passer condamnation et réprobation de son œuvre, on aurait un regret à ajouter aux autres, si des avertissements charitables, venant des personnes sages qui suivaient les progrès de la publication de son ouvrage, ne lui avaient pas été donnés à temps. Heureusement qu’il n’en est point ainsi ; M. Sulte a reçu de nombreux avis, c’est lui-même qui nous le dit, et nous allons voir comment il a accueilli les conseils de gens assez bien disposés, assez bienveillants, pour lui écrire lui-même, dans un but qui ne pouvait être autre qu’un but de charité, à son égard et à l’égard du public, surtout des jeunes gens.

Au mois de septembre 1882, M. Sulte publiait dans le journal le Canada, une correspondance, trop longue pour être reproduite ici en entier, mais que, cependant, il ne faut pas vouer toute entière à l’oubli ; c’était précisément une réponse, en masse, aux personnes charitables qui avaient voulu lui offrir quelques bons conseils, lui signaler les erreurs et les dangers de ses voies.

Cette correspondance, par manière d’exemple des dangers auxquels on est exposé et auxquels on succombe, peut servir de cave canem, à tous ceux qui veulent pénétrer dans le domaine de la littérature :

« L’hiver dernier, dit M. Sulte, au cours d’histoire du Canada à l’Institut, je me faisais adresser des billets, auxquels je répondais, séance tenante, avec un bonheur remarquable. Ce petit truc animait la scène. Aujourd’hui, en le révélant au public, je le brûle, comme disent les agents de police. »

« Depuis le printemps, les livraisons de l’Histoire des Canadiens-Français défilent devant les souscripteurs, et voilà bien que les petits papiers reparaissent ! Cette fois, ce n’est pas moi qui les invite, soyez-en persuadés. »

Avant d’aller plus loin, arrêtons-nous un instant à contempler ce truc, dont M. Sulte est si fier. Au fait, c’est qu’il est superbe ! C’est d’une dignité et d’un respect pour le public que n’a jamais surpassés Robert Macaire. La pépite de plomb doré que Barnum avait attachée par une énorme chaîne au plancher de son muséum, n’atteint pas les proportions d’une muscade de bois, comparée à ces billets de M. Sulte.

En brûlant son truc (comme on dit à la police), M. Sulte a bien un peu grillé ses admirateurs ; mais que voulez-vous ? Quand on tient tant de ficelles, il faut bien qu’il en échappe. Un de ces admirateurs quand même a eu l’air, il n’y a pas bien longtemps encore, de vouloir représenter les travaux de M. Sulte, comme une résurrection ; une résurrection historique, sans doute. C’eut été très exagéré et fort naïf, avant la correspondance de septembre ; mais depuis que M. Sulte a tourné le dos à son auditoire, on n’est vraiment pas excusable de ne pas voir et de ne pas sentir que ce n’est pas une résurrection historique, mais une exhibition scénique que M. Sulte sert au public.

M. Sulte continue, dans sa correspondance :

« Il y en a de trois sortes (les petits papiers) : ceux qui publient les gazettes, ceux qui me sont envoyés privément et ceux qui circulent dans l’intention de les placer sous mes yeux. Pris en bloc, ces billets, plus ou moins tendres, constituent le critique de mon ouvrage.

« Eh bien ! elle est pauvre la critique. Sur plus de trente attaques, il n’y en a pas une qui sorte de la plume d’un homme instruit.

« Je vais répondre, cependant, quelques mots à ces remarques désagréables, et cela parce qu’elles m’ont été faites par plus d’une personne — ce qui montrerait que les fausses notions qu’elles comportent sont assez répandues. »

Naturellement ! Parbleu ! À qui s’adresse-t-on ? Vous n’êtes que trente et plus. Je ne vous dis que ça : me critiquer, moi ! arrière ! allez en chercher cinquante autres, pour que ça vaille la peine que je vous démolisse, et

Vous leur ferez, Seigneur,
En les croquant, beaucoup d’honneur.

Il serait fastidieux de citer toute cette correspondance ; mais on me pardonnera d’en donner encore quelques extraits, M. Sulte répond donc à « ces remarques désagréables »

« 1o Vous tenez bien peu compte de la tradition. — Oui, Dieu merci. Je sais par expérience que toute tradition historique renferme une poignée d’erreurs. Cette expérience m’a coûté assez cher pour que je l’apprécie.

« 2o Vous n’êtes pas toujours d’accord avec les historiens, — Je m’en garderais bien ! Est-ce que vous croyez qu’on écrit l’histoire à l’aide des livres des historiens ? Ne savez-vous pas que la seule bonne méthode consiste à étudier les documens de l’époque dont on veut parler etc., etc…

« 3o — Vous semblez prendre à la légère certains faits que personne n’a contestés jusqu’à présent. — Charlevoix a écrit une espèce de livre de prières qu’il intitule Histoire de la Nouvelle France. Il y a de tout dans cet ouvrage, excepté l’histoire de la Nouvelle France, etc…

Il y en a sur ce ton là et comme ça, jusqu’au numéro 8 inclusivement. Dans un de ces numéros, il dit de Jacques Cartier :

« Il fait mettre dans ses instructions une ou deux phrases religieuses qui étaient de simples formules et tout le reste du document contredit ce passage hypocrite. »

C’est sans doute à cause de son expérience contraire à la tradition véritable que tout ce qu’il écrit lui-même de son cru, dans son livre, n’est, d’un bout à l’autre, qu’une tentative d’établir une tradition qui n’a jamais existé. C’est encore à cause du mépris qu’il professe pour les historiens en général, à l’exception, bien entendu, de M. Benjamin Sulte en particulier, que, de beaucoup, comme je l’ai déjà dit, la plus grosse partie de son ouvrage est faite de citations et d’analyses des historiens, y compris Charlevoix.

M. Sulte parle de documents, toujours, sans cesse. Ce mot a l’air d’être employé par lui comme une espèce de formule magique, une incantation. Quand il vous a dit : Documents ! c’est, pour lui, comme s’il vous avait fait passer par le baquet de Mesmer. Le fait est que le très peu, mais infiniment peu, de documents et le grand nombre d’autorités qu’il cite ou analyse, sont absolument le contre-pied des assertions qu’il aventure. Pour quiconque a l’habitude du discernement et de la critique, le livre de M. Sulte suffit à la complète réfutation de M. Sulte.

Parmi les papiers pour lesquels M. Sulte semble réserver le titre de documents, il y en a qui font autorité, qui sont vrais, mais il y en a beaucoup qui sont sans valeur, qui sont faux ; on doit placer ces pièces en regard des circonstances, des faits constatés, des résultats, des autres documents qui les confirment ou les contredisent. M. Sulte, qui parle beaucoup des documents, mais qui n’en cite et n’en examine guère, n’a pas même la sagesse vulgaire de se demander, en tout cela : — Quid est veritas ? Je le répète, ses assertions sont, règle générale, la contradiction manifeste des autorités qu’il produit ; j’en ai donné des exemples frappants ; on pourrait les multiplier ad nauseum.

On a vu que M. Sulte contredit le témoignage de Champlain, de M. Boucher et de toutes les autorités respectables, quand il représente les Jésuites comme ayant été « détestés, méprisés » par les Canadiens-Français ; ceux-ci comme ayant été appauvris pour le soutien des Jésuites et des missions, et comme ayant été menés à la boucherie malgré eux, pour protéger les missionnaires. Il peint encore les Jésuites comme ayant joué leur rôle à notre détriment, comme s’étant occupés de toutes autres choses que de la colonie. Il cherche à établir une distinction injurieuse entre le clergé français et le clergé canadien ; et que sais-je encore ? C’est d’un vomito-négro qu’il est pris contre les Français, contre le premier clergé du Canada et contre les Jésuites surtout. Eh bien ! Il n’y a pas une seule de ces assertions, pas une seule de ces attaques qui ne reçoive, dans son livre même, le démenti le plus formel, soit qu’il cite, soit qu’il analyse. Il serait trop long, pour ces correspondances, auxquelles il me tarde de mettre un terme, de parcourir tout ce qui a été publié de la compilation impossible à classer de M. Sulte ; mais parcourons seulement un peu.

Il repousse l’intervention du prêtre presque partout ; il dit, à propos de M. d’Avaugour :

« Ses désaccords avec Mgr de Laval ont aveuglé les historiens. Il n’entendait pas voir l’État gouverné par des prêtres — il avait raison. »

Voilà une expression d’opinion bien tranchée ; mais il oublie que parlant, dans son premier volume, de l’organisation de la compagnie mise sur pied par madame de Guercheville pour l’Acadie, compagnie dont les Jésuites faisaient partie à titre d’associés, et cela sans l’avoir demandé, en sus d’être maintenus par des dotations, il oublie, dis-je, qu’il avait dit :

« Ce contrat d’association témoigne de l’énergie et de l’habileté de cette femme chrétienne, quoique les parties évincées aient pu dire à l’encontre de droit qu’il lui arrogeait. Mieux valait un monopole de cette nature que d’être à la merci des entrepreneurs de colonisation qui ne colonisaient point. D’ailleurs les marchands s’étaient déclarés prêts à céder leurs droits, argent comptant, et madame de Guercheville les avait pris au mot. »

Mais ce qui était bon à Saint-Sauveur, en Acadie, n’aurait pas dû être si mal à Québec, où on était loin d’en avoir fait autant.

D’où viennent ces contradictions dans les idées, ces démentis de théories et d’appréciation donnés à M. Sulte par M. Sulte lui-même ? Cela vient, tout probablement, de mauvaises lectures. La droiture d’une éducation chrétienne prend quelquefois le dessus, ou bien un bon auteur consulté sur le moment donne une bonne inspiration ; d’autres fois les influences néfastes l’emportent.

Cette circonstance de l’établissement de la compagnie organisée par Mme de Guercheville fut le prétexte, comme bien on peut penser, comme toujours du reste, d’attaques contre les Jésuites. Il est bon de citer ici Champlain, qui, avec son honnêteté, son courage et sa rondeur ordinaires, repousse ces calomnies : « C’est ce contrat d’association, » dit l’illustre fondateur de la Nouvelle-France, « qui a fait tant semer de bruits, de plaintes et de crieries contre les Pères Jésuites, qui, en cela et en toute autre chose, se sont équitablement gouvernés selon Dieu et raison, à la honte et confusion de leurs envieux et médisants. »

La grande ombre de Champlain ne vous semble-t-elle pas, ici, se dresser en face des héritiers et successeurs de ces calomniateurs d’autrefois ?

On a vu que M. Sulte cherche à mettre les Jésuites et leurs œuvres en antagonisme, en hostilité même avec les intérêts de la colonie et avec les habitants, à mettre à leur charge tout ce qui arrivait de fâcheux, en leur attribuant l’exercice d’une influence néfaste. Voyez, à l’encontre de tout cela, ce qu’il dit à la page 17 de son second volume, parlant des gens que la compagnie de Caen avait chez les Hurons, pour faire la traite :

« Les missionnaires ne parvenaient pas toujours à contrôler ces gens qui, en partie, étaient huguenots. Sous le régime des compagnies, les questions de morale n’étaient pas ce dont on s’occupait. Champlain, les Récollets, les Jésuites, les habitants du pays s’en plaignaient à qui de droit ; mais leur influence ne s’étendait point au-delà du poste de Québec, etc. »

À la page 21 du même volume, il parle de l’accord qui régnait entre les Pères et les habitants. À la page 42 du même volume, il parle d’une expédition « frétée par les Jésuites » pour venir au secours de la colonie. À la page 63 du même volume, il reconnaît la conformité d’idées qui existait dans les plans de Champlain et ceux des Jésuites, et du zèle que ceux-ci mettaient à profiter de toutes les circonstances pour faire progresser la colonie.

« Les Pères Jésuites, dit-il, étaient persuadés, comme Champlain l’avait été, que pour rendre plus facile la conversion des sauvages, il fallait créer des établissements au moyen desquels on pût les arracher à la vie nomade. Le Père Paul Le Jeune se saisit d’une excellente occasion qui se présenta d’exécuter ce projet, etc., etc. »

Il cite, page 70 et suivantes du même volume, l’admirable lettre du Père Le Jeune sur la colonisation et ses travaux. Il dit, page 75 du même volume :

« Il n’y a pas à douter du rôle qu’a joué l’influence du clergé dans le recrutement de nos colons ; les étrangers l’admettent, et on est surpris de voir ensuite ceux-ci affirmer — sans preuve — que nous descendons d’une classe de misérables chassés par les tribunaux français. »

Il dit encore, page 87 de ce même second volume :

« Lorsque la relation du Père Le Jeune (1635) lui tomba entre les mains, madame de Combalet eut comme une révélation. C’est au Canada, se dit-elle, c’est au Canada que j’accomplirai l’œuvre principale de ma vie. »

Il dit, page 118 du même volume :

« Les Pères Jésuites avaient mis toute leur influence au service de l’association qui se formait au sujet de Montréal ; les directeurs des Cent-Associés paraissaient voir l’entreprise d’un œil favorable ; mais il n’en était pas ainsi de certains traiteurs, employés ou membres de la grande compagnie ; ceux-ci dénonçaient comme des abus les privilèges accordés à la société de Montréal. »

Il dit encore, dans le même volume, page 130 :

« Les religieux n’obtenaient presque rien des Cent-Associés ; néanmoins, voyant que les sauvages ne voulaient pas venir à eux, ils eurent le courage de se porter avec plus d’énergie que jamais du côté des missions. »

Dans le même volume, parlant des accusations lancées par certains traiteurs contre les Jésuites, il dit, page 132 :

« La compagnie des Cent-Associés comptait parmi ses membres les plus actifs plusieurs commerçants, ceux-là même qui dirigeaient la traite et avaient contracté l’obligation d’aider les Jésuites dans leurs travaux apostoliques, mais qui s’écartaient si facilement de ce devoir. On les entendit se plaindre de ce que les religieux traitaient à leur détriment. Dès 1636, le Père Le Jeune se défendit de cette accusation et protesta que les Pères étaient, au contraire, très pauvres. Tout nous indique, en effet, qu’ils vivaient dans les plus grandes privations, à Québec et ailleurs. »

Dans le même second volume, page 141, il donne la preuve de l’empressement que les Jésuites mettaient à coloniser leurs terres. Avant même d’avoir vu terminer les difficultés, à propos de la propriété de leur seigneurie du Cap de la Magdeleine, ils avaient commencé à l’établir, M. Sulte dit :

« Nous voyons que le 1er juin 1649, le Père Buteux en distribua quatorze lopins à des Français qui y devinrent immédiatement des colons stables. »

Dans le troisième volume, des témoignages de ce genre se rencontrent partout. À la page 8, M. Sulte établit le chiffre de cette taxe dont il parle ailleurs contre les Jésuites : il dit :

« Cinq mille francs étaient accordés, chaque année, aux Jésuites pour leurs missions. »

Imaginons, moins de mille piastres sur les revenus de la traite ! À la page 23 de ce même volume, il dit :

« Les noms de Brébœuf, Lallemand, Daniel, sont entourés d’une auréole de grandeur que le temps ne saurait diminuer. Tous nos écrivains leur ont payé un tribut d’hommage. »

Mais, M. Sulte, tous les autres Jésuites ont fait ce que ces grands serviteurs de Dieu ont fait ; plusieurs autres sont morts, comme eux, sur les bûchers, et si tous n’y ont pas passé, cela n’est pas dû à ce qu’ils se soient épargnés. Pourquoi parlez-vous ailleurs avec mépris et « de ces dix ou douze victimes volontaires du zèle religieux » et pourquoi appelez-vous les Jésuites des vantards à ce propos ? À la page 32 de ce même troisième volume, M. Sulte cite un document, c’est celui par lequel on demandait au général des Jésuites à Rome, de consentir à ce qu’un Père Jésuite fût nommé évêque de la Nouvelle-France ; cette supplique se terminait ainsi : « cela réussissant selon nos souhaits, le pays et notre compagnie nous aurions très grande obligation de tout le bien qu’il y pourra faire en cette dignité, etc. » M. Sulte y met une note de bas de page qui se lit ainsi :

« Le pays protestait précisément contre tout ceci ! »

C’est-à-dire qu’en l’an de grâce 1882, M. Benjamin Sulte proteste, sans autorisation, et malgré les documents.

Enfin c’est comme cela tout le long des trois volumes publiés, dans lesquels c’est M. Sulte, aidé de l’histoire, qui donne le démenti à M. Sulte, fabricant d’histoires. Mais à mesure qu’il avance, on s’aperçoit qu’il supprime, de plus en plus, la vérité historique, pour se substituer aux autorités qui en sont les interprètes autorisés.

En dehors de ces questions relatives à la religion et au clergé, M. Sulte a encore des erreurs et des étourderies, à la vérité, plus ridicules que pernicieuses ; mais qui démontrent combien il a eu tort d’entreprendre une tâche qui ne va pas du tout à sa taille et à sa force.

C’est ainsi qu’il contredit, à propos du chiffre de la population, le renseignement donné par la Mère Marie de l’Incarnation dans ses lettres historiques, pour l’année 1653. La noble et sainte femme avait évalué la population française à environ 2 000 en tout. M. Sulte dit :

« Nous estimons la population fixe, c’est-à-dire les habitants du Canada, été 1653, à six cent soixante et quinze âmes »

En y ajoutant ceux qui ne comptaient pas parmi la population fixe, M. Sulte dit :

« Tous nos renseignements autorisent à penser que la population du Canada, en 1653, ne dépassait pas un millier d’âmes. »

M. Sulte aurait dû comprendre que, contrôlant et surtout corrigeant, à deux cent trente ans de distance, un renseignement qui date de l’époque même dont il est question, renseignement fourni par une autorité de premier ordre, il était tenu de donner les raisons et appuis du « nous estimons » suivi d’un chiffre qui se donne l’air d’une précision rigoureuse, et encore d’indiquer quelque chose au moins de tous nos renseignements. La curiosité du lecteur est ici piquée au vif. On demande, à M. Sulte, des estimations et des renseignements, appuyés de documents. Avec cela que M. Sulte ne donne pas une fameuse idée de sa critique statistique, quand il dit ailleurs, parlant de l’année 1655 :

« C’est à peine si les Français de tout rang, âge et sexe, dépassaient un millier d’âmes — soit deux cents hommes en état de porter les armes. »

Compter que le cinquième de la population est composé d’hommes en état de porter les armes peut très bien faire, pour une population régulièrement et normalement constituée ; mais appliquer cette règle à la population française du Canada en 1655, c’est commettre une erreur grossière, pour la bonne et simple raison que les femmes et les enfants ne formaient alors, au sein de cette colonisation, qu’une très faible partie du total. C’est ainsi que dix ans plus tard, en 1665, alors que cette proportion des non combattants avait été de beaucoup augmentée, le recensement nous donne plus de 1 300 hommes en âge de porter les armes, sur une population établie de 3 215, à l’exclusion de la population non encore fixée. En comptant tout, un chiffre de près de 2 500 combattants, sur un grand total de 4 415 ; c’est-à-dire, non pas 1 sur 5, mais notablement plus que 1 sur 2.

De tout cela il faut conclure qu’il ne reste qu’une chose à faire à M. Sulte, c’est de confesser ses erreurs, de se rétracter et de fermer boutique d’histoires. C’est pour lui un devoir, et le seul moyen de se réhabiliter, dans la bonne opinion de ceux dont l’opinion vaut quelque chose.