Les gouttelettesLibrairie Beauchemin (p. 143).


L’ENGERBAGE


S’il fallait engerber les grains laissés épars,
Aux jours déjà lointains de mes jeunes années,
Nous portions au lieur les javelles fanées,
Et les gerbes criaient sous l’étreinte des harts.

Vous avez, aujourd’hui, l’industrie et les arts ;
Tout se fait vite. Et puis, vos machines damnées
Travaillent mieux que l’homme avec ses mains tannées.
Les choses du vieux temps font sourire les gars.

Mais le soleil joyeux qui mûrissait les orges,
Bronzait nos fronts sereins et les vaillantes gorges
Des filles qui chantaient en revenant du clos.

Et dans nos cœurs aimants, paysans, paysannes,
Nous sentions s’enfiltrer des rayons diaphanes
Qui formaient comme un nimbe au dernier rêve éclos.