Louis Perrault, imprimeur (p. 353-377).

III.



GONZALVE était l’homme au caractère noble et ouvert qui qualifie à juste titre le véritable gentilhomme français. Au moment de la lutte entre les Américains et notre pays, il n’avait pas été pris à l’improviste comme la plupart des conscrits Canadiens. Il joignait déjà l’art au courage de la nation. Jamais la guerre n’avait encore éprouvé ses forces. Mais nourri dans les vielles et nobles maximes de son père, il s’était fait une habitude de combat, par le repos continuel de son esprit sur ce sujet. Plus tard il prouva que sa théorie était aussi saine et martialement étudiée que celle cueillie dans les champs de Mars. C’était donc un vieux militaire qui sans faire ostentation de blessures cicatrisées, ni de membres enlevés, pouvait néanmoins compter de longues années d’expérience.

Les préjugés ont presque toujours donné au gens de guerre un caractère particulier qui les note d’immoralité et de cynisme. Il n’y a ce semble pour eux ni Dieu ni diable ; rien enfin de ce qui prescrit l’ordre des choses humaines, et qui régit le reste des mortels. On leur crée un monde spécial, qui semble être entouré d’épées et de canons pour les protéger contre les bienfaits de la morale et des lois civiles. On entend parler un militaire, « Ah !: « horreurs ! s’écrie-t-on. Ecoutez : « donc, quels propos ! quel scandale ! »

— Mais qu’est-ce donc qui vous fait dresser les cheveux ? »

— Si vous entendiez comme il parle de Dieu, de la religion, de la bible, des prêtres… des choses horribles !.

Un esprit un peu mieux apprivoisé s’approche et écoute. Ce sont deux amis qui s’entretiennent familièrement de tout ce qui leur passe par la tête. Des sujets les plus indifférents ils étaient passés à parler de bible, de Jésuites et d’Athéisme. L’un est aussi bon chrétien que l’autre ; mais l’un cite Bossuet, l’autre invoque Voltaire. Chacun s’échauffe, dogmatise à son genre ; et dans un même verre de punch, ils noient les pères de l’Église avec les docteurs du matérialisme. L’un prend le bras de l’autre, ils vont de concert à l’office divin, avec ni plus ni moins de ferveur chez aucun d’eux. Au sortir de là, ils iront au théâtre ; lorgneront de tout côté et partiront avec le même degré de satisfaction ou de désappointement.

Cependant dans l’esprit de l’ignorant qui les aura écoutés d’abord, l’un est un vrai Jésuite qu’il faut vite enfroquer de soutane ; l’autre est un démon qu’il faut enfouir avec les bêtes qui trouvent après leur mort une retraite pour leur corps et leur âme.

Que l’on dise à ce pauvre ignorant qu’il est rempli de préjugés.

— Oui, dira-t-il, vous appelez des préjugés, les choses les plus saintes de notre sainte religion ; Vous appelez des préjugés qu’on aille à la messe, &c. &. c. &c.

— Eh ! non, mon ami. Mais les prêtres et la bible sont-ils choses plus sacrées que Dieu même ? Faut-il ne les regarder que de loin, et prendre une lunette d’approche, de peur qu’ils ne s’aperçoivent qu’on les observe. Si un prêtre à un œil croche, faut-il dire qu’il l’a plus droit qu’aucun. N’est-il pas permis à l’homme de dire : « Moi je pense ainsi ; je ne suis pas de votre opinion. ”

Depuis l’époque de la régénération du monde, il s’est tenu plusieurs conciles pour décider sur des points capitaux de la religion. Dans ces assemblées de mille prélats et plus, chacun avait son opinion libre. Les dogmes les plus faux y ont été, non pas soutenus par les conciles, mais élevés par quelques membres de l’église. A-t-on aussitôt soulevé contre eux des faisceaux d’anathèmes ? C’aurait été injuste. Il s’agissait néanmoins de donner des lois à l’univers. Pourquoi serait-il donc moins permis à un cercle d’amis, qui ne prêchent aucune doctrine pour la faire adopter ; mais qui expriment franchement ce qu’ils pensent, de discuter librement sur tout ce qui passe sur les ailes rapides de la conversation, et ne laisse pas plus de trace que l’oiseau dans les airs ?

Regardez néanmoins derrière vous. Il y a là un jeune homme portant encore ceinture de collège. Il va vous entendre dire que le mystère de l’unité des trois personnes en Dieu est une chose incompréhensible et incroyable par les voies de la raison humaine. Vous ne croyez sans doute pas moins au mystère, parceque la foi vous l’ordonne. Mais ce jeune homme va partir en se bouchant les oreiles. « Horreurs ! criera-t-il. »

— Mais qu’avez vous donc ?

— Ce monsieur est un pédant, un philosophe, un athée, un fou, qui fait consister le mérite de la science à combattre la religion. »

Rien de plus commun que ces réputations d’impiétés, créées le plus souvent par ces pieux chevaliers de manchette, qui passent leur vie à l’église ou sous la soutane d’un prêtre.

Et que sont ces détracteurs, si chrétiens ? En voici un …

— Mr. le Commissaire des Banqueroutes, je vous salue très humblement. Je viens ici pour mettre mes affaires en ordre. Il est dix heures du matin. Croiriez vous que sans la manière que je vais dire, je ne serais jamais parvenu à imaginer le moyen de me tirer d’embarras. Depuis cinq heures ce matin, je suis à l’église pour demander à Dieu la grâce de pouvoir donner bonne marche à mes affaires. Après donc cinq heures de prières ferventes, après m’être frappé la poitrine avec humilité, après une confession générale et une communion des plus salutaires, après tout cela, dis-je, la reine du ciel et de la terre, notre bénigne mère, la vierge, oh ! non, dis-je, la très sainte et très miséricordieuse Vierge Marie, m’a inspiré d’avoir recours à vous pour me délivrer d’un accablant passif de cent mille louis qui constituent à peine ma fortune. Tenez, Mr. s’il me faut payer cela, je perds l’avenir de ma famille et le rang que j’occupe dans la société. »

— Mais. Mr, vous êtes indigne de ce rang, avec une fortune acquise aux dépens des familles que vous aurez ruinées. »

— Mais, ça donc ! Mr. le commissaire, vous n’y êtes pas. La très sainte vierge ne chante pas comme vous. La bible ne dit pas un mot contre les Banqueroutes. Les prophètes, les apôtres, tous les saints, et Jésus Christ même n’en ont jamais soufflé. D’ailleurs la loi approuve, autorise, favorise même la Banqueroute, nos prêtres n’en disent rien, pourquoi donc satisfaire des créanciers qui ont gauchement fait ma fortune.

Voyez donc mon ami… qui sort de l’église avec moi, et qui vient de terminer une retraite en l’honneur de la sainte Vierge, mon ami, dis-je, a déjà suivi ses inspirations cinq fois. Cinq Banqueroutes l’ont rendu millionnaire. Mais aussi, quel homme charitable ! Vite, s’il vous plait, écrivez ma déclaration. J’ai encore quelques petites affaires à régler ; et je ne voudrais pas perdre le beau sermon qui se donnera ce soir à la cathédrale. »

C’est ainsi que cet homme volera une fois, deux fois, cinq fois ses bienfaiteurs sous la protection de la loi. Mais que dire de lui ? Vous le voyez tous les jours à l’église ; de plus le cordon d’une relique sainte se marie au nœud de sa cravate. Qu’en dire ? Ce serait blasphémer que de le dire malhonnête.

Voila pour les actes publics de ces détracteurs de métier. Que ne peut on sonder les secrets de ces hommes machiavéliquement hypocrites ! Quelles fraudes cachées ! Quels crimes ignorés ! Quelle immoralité secrète ! Plus le méchant se cache, plus ses coups sont terribles. Mais quand il parait dans le public, c’est toujours pour quelqu’acte de bienfaisance.

Il a un carrosse. Un prêtre est à ses côtés. Il descend, prend son compagnon d’une main, et de l’autre verse une poignée d’or dans la main d’un pauvre aveugle. Il agit tranquillement, laissant aux passants le temps de lui voir performer sa charité. « Quel homme de bien ! s’écrie-ton. Quel digne citoyen. » Il remonte en sa voiture. En partant un homme, passe près d’eux.

— Voyez, donc, monsieur, tenez, voila l’homme le plus méchant, le plus immoral, le plus impie que la terre ait jamais porté. Deux pareils à lui, pervertiraient la société entière. » Voilà une réputation faite. Ceux qui l’auront, entendu, parleront de cet homme delà même manière, toutes les fois que l’occasion s’en présentera. Tel juget-on des choses et des personnes.

Que deux amis soient à converser ensemble. L’un d’eux échappera quelques paroles qui ne seront pas conformes à la morale suivie par l’autre Si ce dernier a le moindre tact de savoir vivre, le condamnera-t-il comme méchant parce qu’il se sera trop livré à l’abandon familier de l’amitié ? Non, sans doute. Mais quand il l’aura vu agir méchamment et d’une façon à le pendre indigne de sa société ; alors et alors seulement il devra se croire meilleur que lui. Ne jugeons donc jamais sans connaître.

Gonzalve, disions nous, était doué de ce naturel noblement militaire qui sans faire faste d’une piété empruntée, professait néanmoins une religion éclairée et bien entendue. Quand il s’agissait de rendre publiquement hommage au culte secret de son cœur, il payait de sa personne comme aux jours de bataille. La guerre avait quelque peu réhabilité son petit patrimoine. Une pension honorable lui permettait d’occuper le rang que lui donnaient son nom et sa valeur. Dans la visite de l’évêque il étala tout son luxe de jeune homme. L’équipage de St. Felmar était aussi splendidement monté que possible. Mais il n’avait pas le ton noble et simple en même temps, de celui d’un militaire indépendant. Toute la paroisse se rendit au lieu du débarquement. Sa Grandeur cédant aux pressantes sollicitations de St. Felmar, monta dans son carosse. Le colonel avait eu autrefois quelques relations avec un Vicaire général dont la libéralité et la franchise de caractère avait gravé un respect amical dans sa mémoire. Il fut heureux de le retrouver, à l’a suite de l’évêque, et de lui offrir la place d’honneur dans sa voiture.

— Tiens vous voilà, dit amicalement le bon vicaire. Vous êtes encore brillant de jeunesse et de gloire aussi. Mais êtes-vous marié ?

— Pas encore, je vous attendais pour m’aider à le faire ; j’ai réellement besoin de vous.

— Quoi ! vous m’auriez réservé cet honneur !

— Qui en serait plus digne ? Vous pouvez m’être très utile.

Mais comment donc, reprit le Vicaire ? » Gonzalve lui raconta longuement ses affaires avec la famille St. Felmar, et termina par lui demander si, aux yeux du peuple, ce serait une grande faute d’enlever son amante, et si on refuserait de le marier à Montréal.

— On ferait peut-être quelqu’objection, dit le Vicaire, mais je me charge de les lever. »

Il lui promit alors de lui remettre le lendemain une autorisation de l’évêque pour soustraire son amante à la cruauté de St. Felmar. Comme. nous l’avons déjà dit, il aurait été facile au colonel de passer sur ces petites difficultés. Mais il aimait Louise avec tant d’âme, tant de passion, qu’il ne voulait lui laisser aucun remord, aucun chagrin sur sa conduite. D’ailleurs le peuple de la campagne est si sévère sur les formalités, qu’il porte tout à l’extrême et peut faire un crime de l’action la plus simple. Il voulait donc avoir une épouse intacte de tout blâme, et heureuse sans réserve. Cette promesse du Vicaire le combla de joie.

Brandsome avait déjà manifesté à St. Felmar le désir d’épouser sa fille. Les propositions de mariage se firent mutuellement et furent acceptées avec joie par toutes les parties. On fixa pour la célébration, le jour du départ de l’évêque.

Louise et Brandsome avaient exprimé le désir de faire les noces à Montréal, vu qu’Alphonse et sa sœur se mariaient tous deux le même jour. Comme ils s’y attendaient bien, St. Felmar les refusa nettement, préférant illustrer la fête par la présence de l’évêque. On n’en parla plus.

Les préparatifs furent magnifiques. St. Felmar ouvrit ses coffres et répandit l’or à pleines mains. Il se croyait enfin au port. Ses désirs étaient en tout satisfaits.

Louise était folle et se livrait de corps et âme à une joie délirante. Chacun comptait les jours avec impatience et hâtait, par ses désirs, l’aurore si désirée qui éclairerait l’union des deux époux. Jamais St. Felmar n’avait été si affable et si aimable. Sa maison affluait de visites et de féliciteurs, Deux tables étaient continuellement dressées ; l’une pour les amis parasites, l’autre pour les mendiants. Enfin toute la. paroisse entrait dans le bonheur de cette famille nouvellement animée, après une longue mort de troubles et de peines.

Le frère de Québec était arrivé sous la pressante invitation de St. Felmar. Gustave fit connaissance avec une charmante cousine, qui lui donna un peu de gaieté. Il voyait sa sœur moins fréquemment, mais chaque fois qu’il la rencontrait, c’était le même tourment pour lui et la même sensation pour elle. Il la servait toujours avec un zèle qui ne connaissait pas de bornes.

Le jour d’attente était enfin arrivé. Le soir précédent fut splendide et joyeux. Les fiançailles se célébrèrent avec une joie enivrante. L’épouse de St. Felmar s’était opposée à ce qu’aucun étranger ne fût admis. Elle était dans le secret des amis ; mais c’était avec peine qu’elle voyait son mari si ridiculement et si magnifiquement dupé.

St. Felmar laissa de bonheur la société de famille pour prendre du repos. C’était justement le compte des jeunes gens. Gustave sortit et revint en annonçant une magnifique soirée. L’oncle et la cousine étant aussi très fatigués, prirent congé pour la nuit. Les convenances attachaient Louise aux pas de son prétendu fiancé. Elle y demeura donc. Aussitôt le départ des étrangers au Trick des amants, elle monta prestement à sa chambre, et en redescendit en peu d’instans avec toute sa parure de noces, et recouverte d’un habit de voyage.

Gonzalve entra dans le moment, et se jeta avec son amante aux genoux de la tendre Emilie, qui bénit leur union et les embrassa en pleurant.

Le généreux Vicaire avait amplement satisfait à ses engagements. Il partit lui même avec eux pour recevoir leurs vœux à l’autel.

Brandsome brûlait de retrouver son aimable Eugénie. L’entrevue fut tendre et heureuse. Le baiser de l’hyménée leur était aussi permis ; car dans quelques instants, ils allaient être unis pour la vie. Il y avait encore quelques heures de ténèbres quand ils arrivèrent. La famille d’Alphonse connut alors les projets des amis, qui ne pouvaient avoir un dénouement plus heureux, ni mieux calculé.

Gustave était demeuré chez son père, afin de préparer la dernière scène. St. Felmar avait peu reposé. Un cauchemar accablant avait continuellement troublé son sommeil. Il fut sur pieds de bonne heure. Une humeur scabreuse descella ses paupières avant même le lever du jour. « Mauvaise nuit» dit-il en sautant à bas du lit. « Le jour est assez beau pour me faire oublier mes songes. » Il ouvrit ses volets. Le temps lui sembla pesant et d’un fâcheux pronostic. Toute la maison était encore ensevelie dans un sommeil paisible. « Les époux doivent être à leur toilette pourtant, murmura-t-il. » Il sortit et alla soigneusement frapper à la porte de sa fille. Il tremblait en approchant du lieu où il avait reçu naguère de si durs reproches, lors de sa dernière tentative de mariage. Il frappa néanmoins avec vigueur ; mais aucune voix ne répondit. Supposant qu’elle pouvait être encore endormie, il ouvrit pour la presser à faire sa toilette. La chambre était noire… noire comme l’âme de ce père inhumain. Quel coup terrible lui porta alors l’ouverture du volet !… « Quoi ! partie ! »… s’écria-t-il. « Où est-elle ; où est elle ? Et ce généreux Brandsome ! Ah ! il va m’accabler de sa honte et de sa colère ! Mais non ! elle ne peut-être partie ; si joyeuse hier. » Une pensée digne de son âme démoralisée, lui fit alors soupçonner une explication honteuse. « Peu m’importe, dit-il, ils n’en seront que mieux mariés. » Courant alors à la chambre de Brandsome, où il espérait trouver les deux époux par prématurité ; il écouta longtemps à la porte. Mais aucun bruit ne frappa son oreille. « Le sommeil aura sans doute trompé leurs jouissances, » pensa-t-il. « Il est néanmoins étonnant que des moments si doux se soient passés l’œil fermé. Mais il ne faut pas leur laisser voir que j’ai découvert leur friponnerie. Allons ! à la ruse encore une fois. »…… Il partit par délicatesse, et prenant ; une cloche à l’autre extrémité de la maison, il sonna le réveil, et se retira pour leur laisser le temps et l’opportunité de cacher leur honte. Mais les amis n’avaient pas eu assez de noirceur pour tendre ce nouvel appas à leur dupe. Après un assez long espace de temps, il remonta à la chambre de Brandsome et frappa cette fois… Mais même silence qu’à la porte de Louise. Il ouvrit alors, mais le lit n’était pas plus défait que celui de sa fille. « Malheur ! » s’écria-t’il. En un moment toute la maison était accourue sur le bruit de ses exclamations.

Gustave parut très contrarié, mais comme par une inspiration soudaine,

—Je parie, dit-il, qu’il sont allés se marier à Montréal. Je leur en ai entendu parler sourdement. Alphonse et sa sœur se marient ce matin ; ils ont voulu compléter le trio. »

«A Montréal donc, dit St. Felmar. »

Dix minutes après deux voitures rapides comme le vent emportaient la famille sur la route de Montréal. Gustave avait fini son rôle ; il les suivit néanmoins. Comme l’aurore commençait à poindre, ils arrivaient près de l’Église paroissiale de la ville. L’heure avait été marquée par les amis. Gustave avait ralenti ou accéléré la marche suivant le besoin. Ils arrivaient à point.

Un grand concours de voitures couvraient presqu’entièrement la Place d’Armes. Plus de cent chevaux mutins s’y cabraient gracieusement et piaffaient avec une joyeuse impatience. Des domestiques en livrée chevauchaient en cercle sur la place publique. St. Felmar reconnut parmi eux le vieux Maurice, dont l’antique figure était ridée sous un perpétuel sourire de bonheur.

L’Équipage de St. Felmar était tout simplement celui d’un voyageur. La course avait été si rapide que les chevaux étaient blancs d’écume. Les manières joyeuses du vieux Maurice lui donnèrent quelque défiance. Il descendit avec hâte de sa voiture et marcha vers l’Église, suivi de sa famille.

Maurice s’était approché auprès de ses domestiques. Il regarda l’heure, et otant son chapeau comme un soldat après la victoire. « Enfoncé le bon. homme, » dit il.

St. Felmar était entré dans l’église. Il s’approcha de l’Autel, et en vit bientôt descendre sa fille appuyé sur le bras de Gonzalve, Eugénie sur celui de Brandsome, et Ithona tenant Alphonse par la main… Les vœux étaient prononcés……

Cette vue fut un coup de foudre pour le cruel millionnaire. Le colonel passa près de lui, conduisant son épouse. Emilie, leur douce mère, s’était caché la figure dans ses mains ; elle ne vit pas Gonzalve remettant indifféremment à son beau père, l’autorisation de l’évêque. Mais le pauvre dupe ne comprenait rien à tout cela. Son esprit était entièrement obscurci. Il lut le papier avec autant d’indifférence qu’on le lui avait transmis. Il comprit tout alors ; mais ce n’était pas le lieu de poursuivre son ressentiment. Sa figure ne changea nullement d’expression. Il était entré comme égaré et avec un air glacé par la stupidité ; il resta dans la même apparence d’insensibilité mentale. Il se mordit seulement les lèvres, mit le papier dans sa poche, et entraînant son épouse et son frère, il reprit la route de sa demeure. Quant à Gustave, il demeura aux noces avec sa cousine, qui s’amusa beaucoup du dénouement de l’énigme qu’on venait de soumettre à ses regards étonnés.


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