Mercier & Cie (p. 84-96).

VII

PRÈS DU CRIME


Le mot million faisait rêver Dolbret. Stenson, lui, restait plutôt calme ; il appartenait à cette race forte qui doit son succès à l’effort sans cesse renouvelé et ne l’attend pas des coups du hasard. Il avait appris, dès son enfance, à se conduire d’après ces principes. Pour lui, un coup manqué ce n’était pas une espérance déçue mais un acheminement vers le but, ce n’était qu’un incident désagréable mais utile. Cette éducation se reflétait dans toutes ses actions, dans toutes ses paroles et c’est ce qui explique pourquoi le jeune homme avait offert si généreusement ses services à Dolbret. Le temps lui importait peu ; réussir aujourd’hui, c’était fort bien ; réussir demain, plus tard, c’était aussi bien, peut-être mieux ; la fortune ainsi gagnée serait plus solide. Quant à Wigelius l’argent ne l’occupait pas du tout. Dolbret comprit cette indifférence quand, au cours d’une de leurs longues causeries du soir, dans la buvette, entre les verres de Bass et les pipes, le Finlandais lui confia qu’il possédait dans le nord de son pays une étendue de terrains à bois de pulpe dont il ne connaissait seulement pas la superficie ; qu’il était propriétaire d’au moins cinquante chutes d’eau pouvant toutes être exploitées et produire l’énergie électrique ; qu’en outre il avait trente maisons de rapport dans le quartier le plus en valeur de Helsingfors et un château à Borga.

Dolbret se sentait petit à côté de ces hommes dont la fortune était déjà faite, même à côté des aventuriers qui s’en allaient conquérir la leur, et il se demandait tristement si jamais il gagnerait de grosses sommes, s’il pourrait jamais oser prétendre à la main de Berthe Mortimer. Il faisait des projets, il imaginait des entreprises immenses, il se voyait travaillant comme un mercenaire jour et nuit pour jeter les bases d’une fortune colossale, puis, à force de peine et de misère, de génie, de travail, réussissant à prendre le dessus et enfin, après être sorti de l’ornière, marchant sûrement et fièrement dans la voie du succès. Les noms des hommes puissants hantaient son esprit : il pensait aux faiseurs de fortunes, au génial Cecil Rhodes, l’homme qui avait donné toute une contrée à son pays et dont les biens se comptaient par millions. Mais il revenait bien vite à la réalité quand il regardait les habits qu’il devait à la charité de ses semblables.

Depuis l’élévation de José au rang de garçon de table, Dolbret, Stenson et Wigelius ne se quittaient plus, ils conféraient toute la journée. Le premier soir, ils avaient discuté la question de savoir quel parti l’on pouvait tirer du voisinage de la cabine du Dean. Dolbret, prenant la parole, avait dit :

— Vous, Stenson, vous n’avez aucun intérêt à espionner — espionner est le mot — les agissements de ces gens-là, et je ne voudrais pas demander une chose comme celle-là à votre amitié.

— Je vous assure, avait répondu Stenson, que pour vous je ferais…

— Non, non, il n’y faut pas songer ; faisons autre chose.

— Quelle autre chose ?

— Voici, vous êtes bien avec le capitaine, n’est-ce pas ?

— Oui, pas mal, très bien même.

— Bien, si vous demandiez au capitaine de me changer de cabine ?

— De vous prendre dans ma cabine ?

— Oui.

— Je veux bien ; cependant je doute que mon compagnon de cabine y consente.

— Je me charge de le lui demander.

— Je vous souhaite de réussir, mais j’en doute.

— Il a tout avantage à changer : ma cabine a un hublot, la vôtre n’en a pas, il y gagne donc.

— En effet, vous avez raison ; il va consentir tout de suite. Je vais voir le capitaine immédiatement.

— Vous êtes charmant.

Pendant ce temps-là José ne perdait pas son temps. Les passagers de seconde classe n’étaient pas nombreux, il y avait des cabines de libres et l’Italien Frascani était tout seul dans la sienne, de sorte qu’il pouvait y amener quelqu’un quand cela lui plaisait. José était plein de bonne humeur ; Comme Frascani ne parlait pas anglais, il avait vite lié connaissance avec lui. En effet, presque tous les passagers, y compris ceux de seconde classe, ne parlaient pas autre chose que l’anglais, sauf Frascani que cela ennuyait énormément, jusqu’à ce qu’il rencontrât le soldat Labbé avec qui il pouvait causer en français. Depuis quinze jours que le bateau était parti de Boston, ils avaient eu le temps de se dire beaucoup de choses, et c’est grâce à ce commerce de tous les jours que José avait pu tirer de son ami ce qu’il savait. Maintenant il avait plus de loisirs et il passait de longues heures dans la cabine de l’Italien ; mais les confidences ne venaient pas assez vite à son gré et il n’avait pas toujours du nouveau à servir à son maître en même temps que le menu du jour. Il essayait de surprendre Frascani par des phrases dans le genre de celle-ci :

— Vous avez bien de la chance d’avoir rencontré un homme comme le Dean ; moi, je ne sais pas trop ce que je ferai, une fois rendu à Durban.

Puis d’autres fois :

— Croyez-vous que cela vous rapporte beaucoup, cette expédition ?

Et comme l’autre ne répondait pas ou hochait la tête :

— La lettre dit peut-être le chiffre de la somme.

— Je n’en sais rien, signor José.

Ce mutisme, évidemment voulu et calculé, décourageait José. Il commençait à regretter d’avoir mis Dolbret sur une piste impossible à suivre ; il se disait : « Je lui ai mis en tête une chose inutile en lui disant de tâcher d’avoir la cabine de monsieur Stenson. Il va certainement obtenir d’être mis dans cette cabine, mais il ne sera pas plus avancé. » José avait un air triste qui faisait pitié à voir. Et les jours se passaient ; il y avait déjà quelque temps que le bateau avait fait escale aux îles Saint-Vincent pour se ravitailler en charbon ; dans quinze jours on serait à Durban et le docteur ne serait pas plus riche qu’auparavant. Dans la pensée dé José, les millions du Dean devaient nécessairement échoir à Dolbret ; ce dernier aurait bien ri si le soldat José lui eût fait part de ses espérances.

Un matin José descendit à la cabine de Frascani. Il avait un plan.

— Bonjour, mon rieur Frascani.

— Bonjour, monsieur José, rien de nouveau aujourd’hui ?

— Oui, du nouveau.

— Dites-nous ça.

— Je veux bien vous dire tout, mais auparavant, mon cher monsieur Frascani, faites-moi le plaisir de fermer votre porte comme il faut et de m’écouter attentivement.

— Voilà, fit Frascani en mettant le crochet de la porte dans l’anneau, je suis tout oreilles.

— Monsieur Frascani, si je vous donne deux louis, me direz-vous ce que contient la fameuse lettre ?

Les yeux de l’Italien brillèrent un instant, mais il reprit :

— C’est ça votre nouveau ? vous pouvez vous en vanter.

— Vous ne voulez pas ?

Jamais de la vie, monsieur José.

Dans un sac ouvert, parmi les objets de toilette, José prit un joli poignard dont la pointe effilée brillait au soleil du hublot. Il se disait : « Il vaut mieux que ce beau petit couteau soit entre mes mains qu’entre les siennes, et comme je pourrais lui dire des choses très surprenantes, désagréables même, il faut que je sois prudent. » Il continua, en appuyant sur ses mots :

— Vous perdez deux louis, monsieur Frascani.

— J’aime mieux les perdre que de les gagner de cette manière-là.

— Oui, oui, je comprends. Eh ! bien, c’est moi qui vais les gagner alors, les deux louis.

— Comment ferez-vous ?

— Je les gagne puisque je les ai et que je ne les donne pas.

— Je ne comprends pas.

— Vous n’êtes pas vif, monsieur Frascani.

— Ça se peut, expliquez-vous tout de même.

— Voici : Si vous me disiez ce que contient la lettre, je vous donnerais deux louis. Vous ne me le dites pas, je garde les deux louis : donc ils sont à moi.

— Oui, mais vous ne savez pas ce que contient la lettre.

— Et si je le sais ?

— Si ? mais vous ne le savez pas.

— Eh ! monsieur Frascani, faites-en votre deuil, je ne sais pas ce que contient la lettre, mais je vais le savoir, car la lettre n’est plus en possession du Dean, on la lui a enlevée et j’en ai vu le commencement…

Il n’eut pas le temps de finir que l’Italien bondit sur lui. Mais José lui présenta en riant la pointe du poignard :

— Bon, bon, monsieur Frascani, vous vouliez m’embrasser, je gage ; vous êtes trop bon.

L’Italien, honteux de ce mouvement, reprenait son calme, mais sa figure était toute bouleversée par la rage. Il reprit :

— C’est un truc pour avoir mon secret, ce n’est pas bien ce que vous faites là, monsieur José.

— Je n’ai pas besoin de votre secret. Même je commence à croire que vous ne connaissez pas grand’chose de cette affaire ; on ne vous a rien dit. Quant à moi, j’ai vu le commencement de la lettre, et c’est tout.

Ce qui faisait bonne la position de P’tit-homme, c’est que la veille, pendant que l’évêque lisait sa bible, Dolbret avait vu, sur une page de manuscrit reliée avec le petit volume, le mot « Prétoria », et qu’il avait confié cette découverte à son auxiliaire en lui recommandant d’en tirer le meilleur parti possible. Comme on le voit, P’tit-homme faisait de son mieux. Ses dernières paroles firent sourire l’Italien, qui lui dit :

— Je vous parie un louis que vous n’avez rien vu.

— Ça y est, Frascani.

— Attendons un peu.

— Je suis prêt à gager un louis, le voici.

— Non, attendons un peu. Tiens, je vous mets à l’épreuve.

— Bien.

— Puisque vous dites avoir vu le commencement de la lettre, dites m’en la date.

— Prétoria, 10 mai 97 !

— Frascani pâlit. À venir jusque-là, il n’avait pas cru une seconde aux paroles de José, même il n’avait pas cru qu’il fût intéressé à pénétrer son secret. Il pensait qu’il essayait de le faire parler seulement pour tuer le temps, par désœuvrement, et il s’était amusé à jouer avec lui, à lui faire entrevoir quelque chose, à le mettre sur la trace, puis à l’écarter, à le désorienter, aussitôt qu’il le voyait prêt à saisir un fait important. Mais José avait habilement profité du moindre geste, de la moindre parole tombée de la bouche de l’Italien, et cette étude constante de son caractère, de ses habitudes, de sa physionomie l’avaient si bien renseigné qu’il s’était risqué à lancer cette bombe. En effet, c’était jouer gros jeu ; c’était se mettre entre les mains de son ennemi, se vouer à la vengeance de ses employeurs, que José savait ou soupçonnait fortement d’être des hommes sans foi ni loi. Mais le coup réussissait, car Frascani était resté pétrifié en entendant sortir des lèvres de José ces simples mots : Prétoria, 10 mai 1897. Pourtant, José ne pouvait en déduire grand’chose et toute l’importance qu’ils pouvaient avoir, ils la tiraient des demi-révélations faites par Frascani. Ce dernier avait cherché vaguement son poignard, mais il s’était souvenu à ce moment même que l’arme était aux mains de son interlocuteur. José restait calme, il voyait sur le visage de Frascani ce qui se passait dans son âme : la rage, le désespoir et la crainte d’avoir trop parlé et d’avoir compromis l’entreprise par ses indiscrétions. Ces sentiments prirent encore plus de consistance quand José lui dit :

— Eh ! bien refusez-vous toujours mon or ? Vous comprenez que mes amis vont profiter de leur découverte ; tôt ou tard je saurai le secret, car je suis lié au docteur par des liens éternels ; il m’a sauvé la vie, je lui ai rendu le même service ; partout où il ira, je le suivrai et il ne partira jamais sans moi ; mon sort sera le sien, et, tôt ou tard, je dois savoir tout ce que lui-même sait. Mais en attendant, je ne vous le cache pis, je ne sais rien, sauf le commencement de la fameuse lettre. Et je brûle de savoir ce qu’elle contient. Dites-le moi et vous gagnez deux louis.

— Les avez-vous les deux louis !

José exhiba les deux louis de Stenson et les fit miroiter.

— Comment se fait-il, reprit l’autre, que vous ayez tant d’argent, vous un naufragé ?

— Cela vous montre que j’ai des relations à bord.

— Quelles relations ?

— Monsieur Frascani, cela vous importe peu. Voulez-vous que je vous dise tout de suite ce qui en est : La lettre contient le secret des millions et mon compagnon l’a lue ! Maintenant vous voyez que c’est moi et non pas vous qui ai le poignard dans la main et qu’il est inutile de me faire rentrer dans la gorge ce que je sais. Marchons plutôt ensemble, et, foi de José, je vous fais engager dans l’expédition.

— Quelle expédition ?

— Monsieur Frascani, vous m’avez fait des confidences, je vais être de bon compte avec vous, je vais vous en faire, moi aussi. Nous avons votre secret et nous organisons une expédition de notre côté.

— Nous serons arrivés avant vous.

— Oui, à moins que vos patrons ne soient arrêtés en arrivant à Durban.

— Et comment cela pourrait-il se faire ?

— Parce que l’un d’eux, le Dean Polson, a essayé d’empoisonner le docteur Dolbret, il y a trois semaines. Venez-vous avec nous monsieur l’Italien ?

— Attendez jusqu’à ce soir, je vous dirai ce que je ferai.

José brandit le poignard en disant : « Tout de suite ! »

Jamais dans sa vie, le pacifique José Labbé n’avait montré des instincts si féroces. Le poignard n’est pas dans nos mœurs et nous ne sommes pas batailleurs ; nous avons l’humeur bonne et endurante. Mais le soldat Labbé s’était dit : « Si j’attends à ce soir, je suis un homme fini, je ne saurai rien, il aura repris son poignard, il aura consulté ses amis, j’aurai tout perdu le fruit de mes efforts : il faut absolument que je fasse un grand coup, je vais le prendre à la gorge. Bon Dieu ! ce n’est pas une petite affaire que d’assassiner son prochain. Ah ! si la pauvre bonne femme de mère Labbé voyait son José, qu’est-ce qu’elle dirait ? ça l’achèverait. Mais aussi, s’il y avait des millions au bout de tout ça. Après tout, tuer un Italien ce n’est toujours pas plus mal que de tuer un Irlandais ; et puis, je ne le tuerai peut-être pas, je vais y aller en douceur. » Le pauvre garçon n’avait probablement pas eu le temps de se faire toutes ces réflexions, mais tout cela avait tournoyé dans son cerveau et avait contribué à amollir son élan. Heureusement, car s’il avait frappé, c’aurait été inutilement. En effet, Frascani, au lieu de se défendre, lui avait tendu la main en disant :

— J’accepte les deux louis.

José eut besoin de tout son courage pour ne pas le prendre dans ses bras et l’étreindre chaleureusement, tant il était satisfait de la tournure que prenaient les choses. Il tendit tranquillement les deux pièces à Frascani qui allongea la main. Mais l’autre se ravisa.

— En voici un ; dites-moi ce que contient la lettre et vous aurez l’autre. Je suis généreux même, car, en justice, vous ne devriez les avoir qu’une fois votre promesse remplie.

Frascani prit le louis, le tourna plusieurs fois entre ses doigts, le mit dans le soleil, sourit, regarda José, puis commença :

— La lettre est signée « Docteur Aresberg. »

— Hein, vous dites ? fit José qui ne comprenait pas bien.

— Aresberg, le docteur Aresberg.

Bon ! pensa, José, il faut que je me tienne les flancs pour me souvenir des noms, je ne suis pas bien fort sur les noms, moi. Docteur, Aresberg, docteur Aresberg.

— Qu’avez-vous à remuer les lèvres comme ça, dit Frascani ?

— Il me semble avoir entendu parler de ce docteur, et j’essayais de me rappeler…

— Oui, vous devez en avoir entendu parler, en effet, fit l’Italien, en riant, le docteur Aresberg est assez connu.

S’apercevant de l’ignorance de José, pour qui les noms mis en vedette par la guerre étaient lettre morte, il essaya de l’éclairer. Il reprit :

— Vous savez qu’il y a de la guerre en Afrique, n’est-ce pas ?

— Je crois bien que je le sais, dit José, qui avait encore sur le cœur son engagement à demi-forcé.

— Bien, la guerre est entre l’Angleterre et le Transvaal, et le docteur Aresberg se bat pour le Transvaal.

Comme on peut le voir, les connaissances de Frascani étaient aussi assez rudimentaires. Il continua :

— Il y a quatre ans, le docteur Aresberg a envoyé à un Portugais de Lourenço-Marquès une lettre où il lui disait à peu près ceci…

Il baissa la voix. Puis il alla voir si la porte était bien close et revint s’asseoir près de José. Celui-ci eut un mouvement de défiance, mais il se remit et dit :

— Personne ne nous entend, je vous écoute.

L’autre s’arrêta, puis, après un instant de réflexion :

— Dites-donc, est-ce que vous me prendrez avec vous, si je vous dis tout ?

— Je ne puis pas vous le promettre, mais je demanderai au docteur, au mien.

— Donc, continua Frascani, la lettre était adressée à un Portugais de Lourenço-Marquès.

— Lourenço-Marquès, répéta José ; que c’est difficile ces noms-là, c’est comme quand le docteur lisait dans ses livres de médecine

— Ce Portugais est très riche. Il habite à Lourenço-Marquès un château bâti dans la partie haute de la ville. Il demeure là tout seul avec sa nièce. Dans la lettre, le docteur Aresberg lui disait qu’il lui écrivait de la part de Paul Kruger. Yous savez ce que c’est que Paul Kruger ?

— Non.

— Il est président de la république du Transvaal.

— Ah !…

— Donc, le docteur Aresberg lui écrivait de la part de Paul Kruger et lui disait à peu près ceci : Le président croit que nous aurons la guerre avec l’Angleterre. Nous avons tout ce qu’il nous faut, nous battrons les Anglais. S’il fallait nous soumettre, nous nous soumettrons, mais ce ne sera pas pour longtemps. Même après sa mort, Paul Kroger veut encore travailler pour le Transvaal et voici comment : Si jamais le Transvaal a besoin d’or pour faire la guerre, vous lui en fournirez. Vous trouverez dix millions en or et deux millions en diamants près de Kimberley, à l’endroit appelé Halseopje. Cet endroit n’est connu que du président et il ne le sera que de vous. Le trésor a été enfoui en 1866. La carte incluse vous montre le plan exact de l’endroit et vous enseigne comment y arriver. À un mille plus loin, comme vous le verrez sur la même carte, il y a un autre trésor composé de diamants pour une valeur de deux millions et demi. Je vous le donne en reconnaissance des services que vous avez rendus à la république.

José était abasourdi et restait bouche bée. Enfin il se réveilla de son ahurissement :

— Deux millions, dix millions, deux millions cinq cent mille, ça fait quatorze millions cinq cent mille, est-ce que ça fait beaucoup, ça ?

— Ça fait quatorze millions cinq cent mille dollars, c’est tout ce que je puis vous dire.

— Et comment se fait-il qu’ils aient la lettre ?

— Si vous me faites accepter dans votre expédition, je vous le dirai.

— C’est entendu, je vous le promets. Et c’est tout ce que contenait la lettre ?

— Non, elle était bien plus longue que cela, mais je ne l’ai jamais lue.

— Comment se fait-il que vous sachiez ce qu’il y a dedans ?

— Le Dean me l’a dit quand il m’a engagé, et j’ai droit à une part dans les bénéfices.

— Vous aurez la même part, si vous venez avec nous. Tenez, voici votre autre louis. Bonjour.