Les courses de taureaux (Espagne et France)/06

Les courses de taureaux : Espagne et France
E. Maillet (p. 63-80).


VI

Funeste invasion en France


Jusqu’en 1852, nous ne connaissions, en France, sous le nom de courses de taureaux, que l’Écart, espèce de lutte en usage dans beaucoup de localités des Landes, et dont la plume élégante de Mme Louis Figuier a fait une description si fidèle[1]. Cet amusement grossier, brutal, parfois féroce, bien qu’il ne soit pas une course de taureaux à mort, donne lieu, chaque année, à des accidents mortels ; beaucoup d’hommes de cœur et de progrès, parmi lesquels je citerai avec sympathie MM. Henri Tartière et de Sausse-Villiers, demandent au nom de la civilisation et de l’adoucissement des mœurs qu’on y substitue d’autres exercices ayant aussi l’avantage de développer l’énergie et l’adresse de nos populations méridionales, des jeux sans tortures pour les animaux et sans causes de deuil pour les familles.

En 1853, un souffle impur franchit les Pyrénées ; il s’abattit sur nos frontières, apportant le vertige et la soif du carnage. Une première course à la mode espagnole fut donnée à Saint-Esprit-Bayonne. Pendant trois jours, ces fêtes tauromachiques, installées dans une enceinte découverte et construite en charpente grossière, attirèrent une affluence énorme de spectateurs. Elles furent brillantes ; mais il y manquait encore les hommes à cheval qui, la lance au poing, provoquent et blessent le taureau.

Sur cette même place, d’autres courses se succédèrent bientôt, avec tout l’appareil et dans tous les détails d’une course complète. Cuchares, célèbre dans la Péninsule, y donna des représentations qui durèrent trois jours. Trente-neuf chevaux et vingt-quatre taureaux y furent mis à mort.

« Cela me semble, écrivait M. Pargat (des Landes), dans l’Illustration du 10 septembre 1853, cela me semble, eu égard au temps où nous vivons, une assez jolie hécatombe. Il faudrait être un païen ou un Espagnol pour ne point s’en contenter… Il faut avoir vu les transports frénétiques, il faut avoir entendu les clameurs passionnées de la foule, qui encombrait le vaste cirque du Saint-Esprit, pour comprendre avec quelle merveilleuse facilité s’oblitère le sentiment de l’humanité, sous l’influence des émotions poignantes dont nous faisons un passe-temps à notre oisiveté. » Les femmes assistaient à ces tueries sans qu’un cri d’effroi ou de douleur témoignât de quelque sympathie pour les victimes. « Quant à moi, dussé-je renoncer à l’estime des hommes forts, je déclare librement que je n’eusse jamais été jusqu’à la fin du spectacle, si je n’avais découvert le côté ridicule qui me les a fait supporter. » Et il ajoute : « Je ne saurais définir le sentiment douloureux dont j’ai été saisi en visitant cette partie du cirque que l’on nomme l’infirmerie, dans laquelle la prévoyance de l’entrepreneur avait fait disposer deux grabats pour recevoir les combattants malheureux[2]. »

La même année, à Nîmes, une troupe — cuadrilla — venue de l’Espagne, attira vingt mille personnes dans le cirque romain des Arènes. L’affiche avait annoncé que le matador n’immolerait aucune victime sous les yeux du public ; mais il se regarda comme offensé dans son honneur et réclama énergiquement le droit de tuer les taureaux. L’immense majorité des spectateurs força, par ses cris, l’autorité d’accorder qu’on versât le sang.

Parmi les protestations qui se sont produites à cette époque, et plus tard, je signalerai d’abord celle d’un vénéré prélat, Mgr l’évêque d’Aire, et surtout une supplique, malheureusement isolée, qui s’est élevée jusqu’au trône. Le 24 juin 1854, un digne pasteur de l’Église réformée, à Bayonne, M. Joseph Nogaret, adressait à l’empereur Napoléon la pétition suivante :

« Sire, des courses de taureaux ont été établies en 1853 dans nos contrées, et il paraît qu’on se prépare à célébrer de nouveau ces jeux sanguinaires, dans le courant de cette année. Sera-t-il permis à un homme d’ordre et de paix de venir déplorer auprès de Votre Majesté toutes les mesures qui favoriseraient, dans notre patrie, l’établissement d’un usage aussi opposé aux principes du christianisme qu’au caractère général de la nation française ? Elles tendent, par la vue du sang, à détruire les sentiments nobles et humains, et à développer les instincts sauvages et cruels[3].

« Sire, j’ose vous supplier de mettre un terme à ces spectacles dignes des siècles de barbarie, et qui contrastent d’une manière si affligeante avec les progrès des lumières et de la civilisation.

« Je le demande, au nom du profond respect, de l’obéissance éclairée et consciencieuse qu’il importe d’obtenir pour les autorités établies, aussi bien que dans l’intérêt des mœurs publiques.

« Je le demande au nom de la morale chrétienne, au nom de la loi qui condamne à la prison ceux qui auront publiquement et abusivement exercé de mauvais traitements envers les animaux domestiques. »

C’était le devoir de notre Société protectrice des animaux de protester énergiquement contre ces spectacles. Elle l’a fait publiquement, hautement. Mesurant moins la difficulté de la tâche, que son utilité, elle s’est constamment efforcée d’arrêter, par toutes ses démarches, le mal qu’elle n’avait pu conjurer.

En 1853, dans une séance solennelle, à l’Hôtel-de-ville, M. le vicomte de Valmer, président de la Société, terminait un éloquent discours, en exprimant ce vœu : « Que toutes les mères, toutes les épouses, toutes les reines adressent une requête à la Souveraine des Espagnes, pour mettre fin à ces combats hideux qui dégradent l’homme et souvent le condamnent à une mort sans gloire[4]. »

L’année suivante, à pareille solennité, le baron de Lagarde Montlezun, chef de bureau au ministère de l’Agriculture, et l’un des membres de la Société, lisait aux applaudissements unanimes de l’assemblée, un remarquable et chaleureux réquisitoire contre l’importation de ces divertissements barbares. J’emprunte quelques lignes à sa péroraison :

« Lorsque sur les confins de la France et de l’Espagne, dans une petite île de la Bidassoa, aujourd’hui déserte et silencieuse, fut conclu, en grande pompe, sous une tente de soie, de velours et de brocart d’or, un mariage célèbre qui unissait deux couronnes, le roi de France put s’écrier avec orgueil : « Il n’y a plus de Pyrénées. » Nous acceptons ce mot pour l’union fraternelle des deux nations, pour le commerce, les chemins de fer, pour les arts ; mais nous ne l’acceptons pas pour les combats de taureaux.

« Nous voulons au contraire qu’il y ait des Pyrénées : nous les exhausserions encore, s’il était possible, et, comme les Titans, nous entasserions volontiers montagne sur montagne, pour empêcher l’accès de ces jeux cruels, de ces spectacles navrants, dont l’idée seule attriste l’âme[5]. »

En 1855, les courses de Bayonne surpassèrent en éclat les précédentes. M. Louis Ratisbonne en a donné le récit, dans le Journal des Débats. La quadrille fit son entrée dans le cirque, et vint saluer les autorités de Saint-Esprit et de Bayonne, qui présidaient. En tête du cortège marchaient, couverts de brillants costumes, Tato, l’élève et déjà le rival de Cuchares, et le fameux Salamanquino.

La porte de l’étable s’ouvre à deux battants. Un taureau s’élance et fond sur un des hommes armés de piques. Il enfonce sa corne tout entière dans le ventre du cheval, qui se dresse frémissant. Les écarteurs se précipitent au secours de l’homme désarçonné : ils détournent la bête irritée, en agitant devant ses yeux leurs capes de soie rouge. « Alors — spectacle horrible — le picador remonte sur le cheval éventré, et pousse au taureau. Le cheval refuse d’avancer, il chancelle sur ses jambes toutes baignées de sang ; le cavalier lui enfonce dans les flancs un éperon long de plusieurs pouces, aiguisé comme un poignard. Le pauvre animal fait quelques pas, haletant, tandis que de sa large blessure les entrailles s’échappent et lui battent les jambes. Il se traîne ainsi jusqu’à ce qu’il tombe, pour ne plus se relever. »

Les banderilleros, armés de flèches garnies de frisures en papier découpé, voltigent autour du taureau, le harcelant, lui clouant dans l’encolure et les épaules ces dards à crochet, souvent garnis de pétards dont la morsure et le bruit exaspèrent sa fureur. Alors s’avance Salamanquino, tenant d’une main une épée longue, à large tranchant, et de l’autre, un petit drapeau d’étoffe écarlate, qu’il agite aux yeux de l’animal pour l’exciter davantage et tromper sa fureur. Ce sont les passes de la mort.

Le taureau se précipite, tête baissée, et reçoit dans le cou l’épée jusqu’à la garde. Il bondit, tourne convulsivement sur lui-même, plie les jarrets et tombe. Un toreador de bas étage, « quelque chose comme le valet du bourreau, » vient, par derrière, lui donner le coup de grâce, en lui tranchant la moëlle épinière avec un stylet poignard.

Au bruit des acclamations et des fanfares, les mules caparaçonnées, portant rubans, grelots et panaches, entraînent au dehors les cadavres du cheval et du taureau.

« Dans ce drame sanglant, véritable scène d’abattoir, ce que je trouvai de plus extraordinaire, ajoute M. Ratisbonne, c’est la part qu’y prenait le public… Des femmes agitaient leurs mouchoirs, comme elles auraient pu le faire dans un cirque de Madrid ; des jeunes filles, la joue empourprée, l’œil en feu, restaient là, comme à l’opéra, souriant, à côté de leurs mères… Au moment où le matador tira son épée fumante du corps du taureau, je crus que le cirque allait s’écrouler… La vue du sang peut seule, on le croirait, causer une telle ivresse… Il y a, dans le cœur de l’homme, une bête féroce, qu’il faut se garder d’éveiller. »

Le lendemain, plusieurs taureaux furent immolés par des suppléants, qui firent très mal la besogne. Un d’eux perdit dans le corps d’une malheureuse bête jusqu’à sept coups d’épée — une ignoble boucherie ! Les spectateurs hurlaient, lui montraient le poing, l’appelaient chien, bourreau ! Mais tout à coup, le taureau fond, la corne basse, sur cet homme ahuri qui recule, hésitant et pâle. On crie alors : « Le lâche ! le lâche ! » El Tato descend dans l’arène, en costume de ville, et tue enfin l’animal mutilé.

« Le divertissement n’eut pas d’entr’acte : c’est l’usage, dans ce genre de pièces ; on n’aime pas à respirer : il faut que le sang coule sans interruption. Un nouveau taureau fut lancé dans l’arène, puis un second, puis un troisième, jusqu’à six, tous blessant et tuant des chevaux, recevant des coups de lance et des banderilles, et tous immolés à la fin, comme le premier, par l’épée du matador.

« Dans le nombre, quelques-uns plus pacifiques refusèrent le combat : on leur attacha des banderilles de feu : alors l’animal courait, fou de douleur, dans le cirque, secouant les flèches sur ses chairs grésillantes.

« Le triomphe de cette journée fut pour el Tato, qui pourfendit un des taureaux d’un coup d’épée ramené. L’enthousiasme fut à son comble : on lui cria : « À toi, le taureau ! » Et l’espada de couper l’oreille de la bête morte, en signe de propriété. »

Sur l’affiche on lisait qu’une quadrille de femmes, sous la direction de la fameuse Martina Garcia, la première épée du cirque de Madrid, terminerait le spectacle, en combattant de formidables taureaux. « Ces femmes, en jupe courte et en maillot blanc, les unes à pied, les autres à cheval, étaient, dit M. Louis Ratisbonne, de si épouvantables sorcières, avec leurs figures flétries et terreuses, leurs yeux d’araignée féroce, et leur sourire qui ressemblait à une blessure ; elles étaient si horribles de taille, d’allure, de costume et de visage, que le taureau lui-même en eut peur. » Leur entrée fut accueillie par d’insultantes risées. À la première attaque de la bête dont les cornes étaient garnies de tampons, les femmes furent désarçonnées et roulèrent dans la poussière. Seule, Martina Garcia fut applaudie ; elle égorgea deux taureaux haut la main, et fut gratifiée d’une oreille[6].

Des spectateurs sont descendus dans l’arène pour interpeller les membres de la quadrille, auxquels le public en révolte a lancé des pommes de terre et des fragments de bois arrachés au cirque.

Le sentiment de dégoût excité par ces malheureuses femmes s’est manifesté pendant le long trajet qu’elles ont dû faire, au milieu des huées et des sifflets de la population[7].

Une lettre adressée de Biaritz au Journal des Débats, par M. Baissas, le 8 août 1859, nous fait connaître les péripéties d’un drame saisissant. C’est encore à Bayonne qu’il se passe. J’abrége le récit. Le taureau fond sur Mindivil, qui, pour l’éviter, franchit la barrière. L’animal, la franchissant aussi, poursuit, atteint le matador dans le couloir. L’homme meurtri, foulé, pâle et défait, saute dans l’arène : le taureau l’y suit et court à un picador dont il éventre le cheval. On crie : « Bravo ! » Les amateurs sont charmés que la bête ait été tuée du coup. Mais, si le cavalier est démonté, ils perdront la chance de voir tuer un cheval de plus. Ils se mettent donc à crier : « Un autre cheval. » Il faut que le picador se remette en selle sur une autre monture. On entretient la fureur de l’animal aux cornes redoutables… Deux chevaux sont encore éventrés. Les amateurs voyant la rage du taureau qui ne se lasse pas de faire des victimes, et qui revient sur leurs cadavres pour perfectionner son œuvre de vengeance, les amateurs se disent : « Mais cela peut devenir encore plus émouvant ! Ils crient donc à tue-tête ; « Le feu, le feu ! » L’animal fend l’air à coups de cornes ; il bondit, se roule, frappe la terre, écumant, beuglant, affolé par la rage, secouant avec désespoir les dards qui le brûlent et qui font couler son sang. C’est à faire frémir les cœurs les plus tranquilles. Il éventre encore des chevaux, franchit une seconde fois la barrière, pour frapper, dans le couloir, ses adversaires qui s’y sont blottis, puis rentre dans l’arène. Domingo l’aborde et lui plonge sa longue épée entre les deux épaules. Mais l’animal secoue ses flancs et fait sortir l’épée de la profonde blessure. Domingo la ramasse et l’enfonce à la naissance des vertèbres. Le taureau tombe, les quatre sabots en l’air, aux applaudissements frénétiques de la foule[8].

Lorsque, malgré toutes les attaques et les blessures, le taureau n’entre pas assez en fureur, ou qu’épuisé par la souffrance et la lutte impuissante, il ne cherche plus à combattre, on lâche sur lui des chiens de bouchers qui le déchirent[9]. Alors il se réveille, avec des mugissements effroyables de rage et de désespoir ; il foule aux pieds les uns et les écrase, il lance en l’air les autres ou les perce de coups. Brûlé par la poudre, écorché par le fer et lacéré par les dogues, il jette autour de lui l’épouvante et la mort. S’il devient trop dangereux, un toréador armé de la demi-lune, faux emmanchée sur une longue perche, le frappe par derrière, tandis qu’il présente la tête aux chiens. Ses jarrets sont tranchés ; il tombe, se relève, marchant sur les moignons de ses membres, effrayant dans les angoisses de son agonie, et ne pouvant mourir. M. Théophile Gautier s’écriait, en assistant il cette scène : « Ce n’est plus un combat, mais une boucherie dégoûtante. » Enfin un coup de stylet termine le supplice, au milieu d’une mare de sang.

Lorsqu’en 1861, le journal de la Gironde annonça qu’il était question d’organiser des courses de taureaux à la Bastide, où devait être construit un cirque assez spacieux pour contenir huit à dix mille spectateurs, la Société protectrice fit remettre au préfet de la Gironde une requête invoquant son autorité pour qu’il voulût bien s’opposer à l’entreprise.

De cette lettre à laquelle un gracieux accueil a été fait par l’honorable M. de Mentque, qui a refusé l’autorisation demandée, j’extrais les passages suivants :

« …De telles atrocités transformées en spectacle public démoralisent les populations. La vue du sang éveille et développe les instincts sauvages et féroces, qui mènent au crime.

« Nous ne nions pas que ces fêtes odieuses n’aient un certain intérêt : la pompe théâtrale et guerrière qu’on y déploie, les fanfares, les costumes chevaleresques des acteurs, la fureur du taureau, le danger même que courent les hommes qui l’attaquent, et leur adresse à s’y soustraire, tout cela émeut, passionne la foule : c’est une raison de plus pour qu’elles soient interdites. D’ailleurs, le mal est contagieux. Tolérées à Bordeaux, les courses s’établiraient sur d’autres points. Mais non ; faire de la souffrance et de la mort un objet de plaisir, c’est la plus grave atteinte qui puisse être donnée à la morale publique. La France ne saurait le permettre.

« La civilisation a fait abolir, dans toute l’Europe, les supplices atroces et prolongés. Quand la justice croit devoir s’armer de son glaive, elle fait dresser l’échafaud dans un endroit écarté, et l’arrêt s’exécute dans l’ombre : c’est que la sagesse des gouvernements a reconnu que la vue des tortures endurées même par de grands criminels endurcit le cœur des assistants ; loin de décourager les natures perverses, elle les enhardit à enfreindre les lois.

« Sous la Restauration, le préfet de police, M. de Belleyme, a fait fermer d’autorité l’établissement ignoble de la barrière du Combat, où des taureaux, des ours et des chiens féroces, s’entre-déchiraient. L’Angleterre a prohibé les combats de taureaux, d’ours, de blaireaux, de chiens, de coqs, qui, pendant des siècles, avaient servi d’amusement à toutes les classes de la population, et qui étaient passés dans les mœurs. Enfin, tout récemment, le Sénat du royaume de Portugal, a pris des mesures pour abolir les courses de taureaux dans cette partie de la Péninsule, malgré la passion des habitants pour ces joutes.

« Établir chez nous ces combats d’animaux, quand ailleurs, à mesure que les peuples s’éclairent et se moralisent, on les abolit, ce serait rétrograder de la civilisation vers la barbarie[10]. »


  1. La Ferrade, qui a pour but de marquer les bêtes à cornes paissant dans les vastes marais de la Camargue, en leur imprimant sur la cuisse, à l’aide d’un fer rouge, le chiffre de leur propriétaire, sert aussi de spectacle et de joute.
  2. Après la course, des chevaux blessés à mort furent traînés, la corde au cou, par des gamins et jetés vivants dans l’Adour. Les enfants, à coups de pierres, les mariniers, à coups de rames et de gaffes, les éloignaient du bord et les assommaient. La populace accourue sur le rivage assista, pendant plus d’une heure, avec des cris joyeux, à l’agonie de ces malheureuses bêtes. Ces faits odieux, qu’on peut lire dans un journal de la localité, m’ont été cités par le duc de Doudeauville, auquel un témoin oculaire les avait confirmés.
  3. Le grand Bossuet l’a dit : « L’humanité envers les animaux conduit à l’humanité envers les hommes. »
  4. Bulletin de la Société protectrice, 1855, page 115.
  5. Société protectrice, compte rendu, 1857, page 55.
  6. Journal des Débats, 6 octobre 1855.
  7. C’est ici le lieu de rappeler, à l’honneur de M. Billaut, alors ministre de l’Intérieur, qu’à l’époque de l’Exposition universelle de 1855, des entrepreneurs de courses s’étant proposé de donner des représentations de ce genre à la population parisienne, il a nettement refusé de laisser établir, au centre de la civilisation, cette école de férocité ?

    Pareille prohibition avait été faite, deux ans auparavant, en Belgique. Au mois de juillet 1853, M. Charles de Brouckère, bourgmestre de Bruxelles, avait fait arracher des affiches couvrant les murs de la capitale belge et portant : Courses de taureaux. Dans une lettre que cet ancien ministre de la guerre adressait au gouverneur de la province de Brabant, il s’exprimait ainsi : « Ce genre de spectacle familiarise le peuple avec la vue du sang, avec les émotions violentes ; il doit influer défavorablement sur la morale publique… »

    En Angleterre, par une loi rendue, le 1er août 1840, sous l’heureuse influence du vénérable duc de Beaufort, les combats de taureaux, d’ours, de blaireaux, de chiens, de coqs et de toutes autres espèces d’animaux, soit domestiques, soit sauvages, ont été interdits. En cas d’infraction, une amende de vingt-cinq livres sterling est prononcée même contre ceux qui assistent à ces jeux.

  8. Journal des Débats, 8 août 1860.
  9. « Un autre recours tout aussi cruel, en cas de lâcheté de la part de l’animal, c’est l’entrée de la meute. Ces petits dogues féroces se jettent sur le taureau, se pendent en grappe après lui. »
    (Charles Yriarte, Le monde illustré, 30 mai 1868.)
  10. Voir la réponse du préfet de la Gironde. — Bulletin de la Société protectrice, 1861, page 354.