Les contes choisis (Aulnoy)/Notice sur madame D’Aulnoy

Les contes choisisBelin-Leprieur et Morizot (p. v-vii).


NOTICE
SUR
MADAME D’AULNOY



L
e succès prodigieux des Contes des Fées de Perrault fit naître une foule d’imitateurs ; les éditeurs de ce temps-là demandaient des contes de fées à tous les ouvriers littéraires un peu en vogue, et comme il arrive toujours en pareille circonstance, le chef-d’œuvre enfanta mille pastiches médiocres et ridicules.

Madame D’Aulnoy est à peu près le seul des imitateurs de Perrault dont les contes sont restés populaires et ont survécu à cet engouement passager. On ne saurait disconvenir cependant qu’il y eut entre le copiste et le modèle une différence notable. Madame la comtesse d’Aulnoy justifie un peu trop le reproche qu’on a l’habitude d’adresser aux personnes de son sexe ; ses récits sont attachants, mais en général beaucoup trop longs et remplis de détails inutiles. Nous avons cru pouvoir corriger ce défaut dans la nouvelle édition des contes choisis que nous publions aujourd’hui.

Marie-Catherine-Jumelle de Berneville, comtesse D’Aulnoy, était déjà connue par différentes publications, quand elle donna ses Contes des Fées ; on a d’elle un roman qui se lit encore, l’Histoire d’Hippolyte, comte de Duglas. Madame D’Aulnoy passa une partie de sa vie à la cour d’Espagne ; elle fit paraître en 1692 deux volumes de Mémoires sur cette cour. Elle se livra encore à d’autres travaux historiques peu estimés.

C’est une chose digne de remarque que Perrault et madame D’Aulnoy ne doivent leur célébrité qu’à celui de leurs écrits auquel ils attachaient le moins d’importance. Qui se souviendrait aujourd’hui de ces deux auteurs s’ils n’avaient fait leurs Contes des Fées ?

Une circonstance dramatique marqua la vie de madame la comtesse D’Aulnoy. Le comte son mari fut accusé du crime de lèse-majesté par trois imposteurs. Son procès fut instruit. Les accusateurs maintenaient leurs premières dépositions. La perte du comte paraissait certaine : il était sur le point d’être condamné à mort, quand madame D’Aulnoy décida par son éloquence entraînante et son désespoir un de ces malheureux à rétracter sa calomnie. Elle eut ainsi le bonheur et la gloire de sauver son époux.

Madame D’Aulnoy vécut presque toujours à la cour et dans la plus haute société, où son esprit la faisait rechercher ; elle fut l’amie des hommes les plus distingués de son temps. Elle mourut à Paris, à l’âge de 55 ans, en 1705. La postérité l’a placée au-dessous de Perrault, comme elle a mis Florian à la seconde place après La Fontaine.

Madame la comtesse D’Aulnoy était la nièce de madame Desloges, que son esprit rendit célèbre sous Louis XIII, et elle fut mère de madame De Héere, qui acquit aussi une honorable célébrité.