Les cinq sous de Lavarède/ch23

XXIII

LES AMAZONES KIRGHIZES

Au fond d’une étroite vallée s’élevait la maison de Dagrar, tel était le nom de l’indigène. Une habitation basse en équerre, avec l’étable destinée aux yaks, un hangar pour remiser le chariot, voilà ce que Dagrar appelait pompeusement sa ferme. Du moins on y était à l’abri du froid et le foyer primitif, placé sous un trou arrondi découpé dans la toiture, réchauffait les hôtes tout en les enfumant.

Rachmed avait repris ses sens. La violence du coup l’avait étourdi, mais sa blessure en elle-même ne présentait aucune gravité.

— Une nuit de repos, dit-il, et demain nous repartirons.

D’ailleurs, les soins éclairés de Lavarède ne lui firent pas défaut.

Le lendemain on tint conseil. Qu’allait-on faire ? Le Français poussait à gagner Beharsand que leur hôte avait indiqué comme proche.

— Vous avez relevé la trace d’une bande de guerriers, disait-il au Tekké. Il est probable que les ravisseurs de miss Aurett habitent la ville. Dans ce pays, il n’est pas d’usage et cela se conçoit, de s’éloigner beaucoup de l’agglomération à laquelle on appartient. C’est donc là qu’il faut chercher.

Murlyton se rallia à cet avis. Dagrar interrogé, leur apprit que Beharsand se trouvait à trois heures de marche.

— Les Kirghizes, ajouta-t-il, sont assez durs aux étrangers ; mais, aujourd’hui, vous n’avez rien à craindre d’eux ; ils célèbrent la fête des « Amazouns. »

— Des amazones ! se récrièrent les voyageurs surpris.

— Je pensais que les dernières étaient au Dahomey, termina le journaliste.

— La tribu dont Beharsand est la forteresse prétend, comme plusieurs autres du reste, descendre d’une nation scythe de femmes guerrières, habiles au maniement de l’arc et de la lance. La légende dit que, dans une guerre très ancienne contre un peuple venu de l’Occident, presque toutes furent exterminées. Quelques-unes échappèrent au massacre et, fuyant vers l’est, atteignirent les hauts plateaux du Turkestan chinois, où nous nous trouvons. En souvenir de ces ancêtres, les femmes kirghizes, un jour par an, deviennent maîtresses absolues de la cité. Elles portent les armes des guerriers, et ceux-ci vaquent au soin du ménage. Vous m’avez rencontré au milieu de la nuit parce que j’avais été employé jusqu’au soir aux préparatifs de la fête. Ne craignez pas d’y assister, cela vous intéressera et vous ne courrez aucun danger.

Armand secoua la tête.

— En d’autres temps, nous aurions été heureux de nous réjouir avec les Kirghizes ; mais, aujourd’hui, nous avons une tâche à remplir. Il nous faut retrouver la fille de mon ami, enlevée par des cavaliers inconnus.

Il désignait l’Anglais. Une larme roula lentement sur la joue de ce dernier.

— Sa fille, redit Dagrar à voix basse.

Il semblait se consulter.

— Tu sais quelque chose, interrogea Lavarède ?

L’homme avança les lèvres en signe de doute.

— Parle-donc !

— Non, je me trompe peut-être !… et puis Lamfara est un chef puissant qui ne pardonne pas une trahison !

Il regardait autour de lui avec crainte comme si celui dont il venait de prononcer le nom eût pu l’entendre. Mais le Français n’était point disposé à se contenter d’une demi-explication. Il saisit Dagrar par le bras et d’un ton bref, menaçant, qui rendait presque inutile la traduction par le Tekké :

— Écoute, reprit-il, nous t’avons sauvé la vie, nous avons le droit de te la reprendre et je jure Dieu que je n’hésiterai pas si tu refuses de répondre.

Puis s’adoucissant soudain :

— Je menace et j’ai tort. Nous ne demandons pas ton concours. À quoi bon ? Apprends-nous ce que tu soupçonnes. Nous partirons. Et jamais ton nom ne sortira de nos lèvres, fussions-nous captifs, attachés au poteau des tortures.

Les Asiatiques sont clairvoyants. Dagrar comprit qu’il devait avoir confiance, et sans hésitation :

— Je parlerai donc, mais tu te souviendras de ta promesse. Celle que tu poursuis a-t-elle les cheveux dorés comme les herbes des plateaux à la fin de l’été ?

— Oui.

— Elle ne connaît pas la langue du pays ?

— Non. Mais où l’as-tu rencontrée ?

— En sortant de la ville. Dans la plaine, des guerriers avaient dressé leurs tentes autour d’un grand feu. Je m’en étonnais quand une femme s’élança à ma rencontre en disant des mots que je ne compris pas. Soudain, Lamfara parut à son tour, força la femme à rentrer et m’ordonna de m’éloigner. Il attendait sans doute que tout dormit dans Beharsand pour conduire la prisonnière à sa demeure.

Armand échangea un regard étincelant avec le gentleman.

— Et qui est ce Lamfara ?

— Il commande à cent guerriers. Il est riche et possède plus de cinq cents yaks. Et puis il est savant, autant que nos médecins. Il a été élevé loin d’ici, de l’autre côté des grands lacs, dans |e pays du Père-Blanc.

— En Russie, souligna Rachmed. Le tzar est le « Père-Blanc » pour toutes les populations d’Asie.

Lavarède l’interrompit. Il ne tenait plus en place. Aussi impatient que lui, sir Murlyton s’armait à la hâte. À peine laissèrent-ils au Tekké le temps d’indiquer à Dagrar en quel endroit étaient cachés la nacelle et les nombreux objets qu’ils y avaient abandonnés.

C’était le prix du service rendu.

Après un rapide adieu, ils se mirent en marche vers Beharsand. Ils repassèrent auprès de la fontaine chaude. Déjà les grands vautours avaient dépecé le cadavre de l’ours gris, après une nuit, du terrible carnassier il ne restait qu’un squelette auquel pendaient quelques lambeaux sanguinolents.

Personne ne s’arrêta. Tous avaient hâte d’atteindre la ville kirghize.

Enfin, après avoir escaladé un monticule, ils l’aperçurent se développant dans un cirque formé par des collines peu élevées.

Beharsand est une bourgade peuplée de trois à quatre mille habitants ; mais dans le steppe glacé de l’Asie centrale, elle représente l’un des centres les plus importants.

L’Anglais retint Armand.

— Nous allons pénétrer dans cette cité ?

— Pourquoi non ?

— Mais il me semble que c’est nous jeter dans la gueule du loup.

Lavarède se prit à rire.

— Hier, vos craintes, auraient été fondées, demain elles le seraient encore. Aujourd’hui c’est autre chose.

Et comme le gentleman ouvrait la bouche :

— Inutile. La fête des Amazones commence. Profitons-en.

Sur ce, le Parisien se dégagea et se dirigea vers les premières maisons. Force fut à ses compagnons de le suivre. À leurs questions, il ne répondait que par monosyllabes. Il avait son idée sans doute, mais le moment de l’exprimer ne lui paraissait pas venu.

La distance qui les séparait des murailles diminuait. La ligne des fortifications coupée de tours carrées se dressait devant eux. Le Français alla droit vers une porte où des femmes montaient la garde, le casque en tête, le bouclier rond pendu à la ceinture.

— Voilà de solides commères, remarqua le jeune homme. N’étaient leurs cheveux nattés et quelques autres indices, on les prendrait pour de véritables guerriers.

Le poste féminin fit mine d’arrêter les voyageurs ; mais Rachmed, soufflé par le journaliste, s’enquit de la demeure du chef Lamfara. Aussitôt ces dames esquissèrent leur plus aimable sourire, ouvrant la large bouche qui coupe leur visage aplati aux pommettes saillantes.

— Il vous faut traverser la place Ameïraïkhan, dit enfin l’une d’elles ; mais vous devrez attendre, car l’assemblée des amazones y est réunie en ce moment.

Armand eut une exclamation joyeuse.

— L’assemblée des femmes ? Courons, mes amis !

— Mais pourquoi, hasarda Murlyton ?

— Pourquoi ? Décidément vous ne comprenez pas le parti que l’on peut tirer de l’émancipation des femmes.

Saisissant Rachmed par le bras, le journaliste l’entraîna en lui parlant avec volubilité. Essoufflé, se maintenant à grand’peine à dix pas en arrière, le père d’Aurett ne parvint pas à saisir un mot.

Dans les rues, mesdames les Kirghizes se pavanaient majestueusement, escortées de leurs époux, qui, ce jour-la, étaient chargés de tous les objets encombrants, depuis les larges miroirs chinois jusqu’aux petits enfants trop jeunes pour marcher. Ces promeneurs lançaient des regards curieux aux étrangers, puis reprenaient leur conversation commencée.

Enfin Lavarède et ses compagnons débouchèrent sur la place Ameïraïkhan. Un spectacle étrange les y attendait.

Assises sur des blocs de pierre disposés suivant une circonférence, des femmes, engoncées dans leurs fourrures, écoutaient une de leurs compagnes. Celle-ci, juchée sur un siège plus élevé, parlait d’une voix gutturale dure à l’oreille. Les autres opinaient gravement de la tête, en fumant à petits coups des pipes au longs tuyaux couverts d’ornements de métal.

Sans souci d’interrompre l’orateur, Lavarède pénétra dans le cercle. Une clameur de stupéfaction s’éleva aussitôt. Debout, menaçantes, les Kirghizes semblaient prêtes à s’élancer sur l’intrus. De mémoire d’amazoun, jamais un homme n’avait osé troubler le « Patich » — reproduction du conseil des cheffesses dans la tribu-mère.

By god ! qu’avez-vous fait là !… s’écria l’Anglais en rejoignant le Parisien.

Celui-ci, aussi calme qu’un conférencier à la salle des Capucines, se tourna vers Rachmed et doucement :

— Va ! dit-il.

Aussitôt l’interprète commença de haranguer l’assistance dans une langue inconnue du gentleman. Il répétait la leçon que venait de lui apprendre Lavarède.

— Mesdames, clama-t-il, si nous avons troublé la délibération de vos puissantes seigneuries, c’est pour vous signaler un crime de lèse-coutumes commis par un homme de cette ville.

Murlyton ne comprit pas le sens des paroles, mais il constata que l’assemblée devenait attentive.

— En ce jour, continua le Tekké, toute femme est libre. Aucune ne peut être retenue contre sa volonté.

— Voï ! voï ! répondirent des voix nombreuses.

— Elles disent oui, glissa rapidement le guide à Armand.

Puis, reprenant le dialecte des plateaux :

— Pourtant une jeune fille est prisonnière à Beharsand. Voici son père et son fiancé. Ils vous demandent justice. Vous la leur accorderez, vous qui à travers les siècles perpétuez le souvenir de vos vaillantes ancêtres.

Un hourra frénétique ébranla l’atmosphère. Les amazouns voulaient connaître l’endroit où était enfermée miss Aurett.

— Chez le chef Lamfara, répliqua Rachmed !

— À la maison de Lamfara !

À ce cri, toutes les femmes quittèrent l’enceinte du Patich et, se formant en colonne serrée, se mirent en marche vers le lieu désigné.

— Où vont-elles ? interrogea l’Anglais.

— Délivrer votre chère fille, mon bon monsieur.

— Comment ? Pourquoi ?

— Parce que nous profitons des circonstances ; on vous expliquera plus tard ! Pour l’instant, reprenons miss Aurett à son ravisseur et fuyons à toutes jambes cette cité ! Demain, il n’y ferait pas bon pour nous.

À la même heure Aurett rêvait. Une immense tristesse pesait sur elle.

Elle se revoyait attachée au travers de la selle de Lamfara, emportée dans la nuit par le galop furieux du coursier turcoman. Puis la halte du jour, et, la nuit revenue, la course infernale recommençant. Et avec un serrement de cœur, elle songeait que chaque bond de sa monture l’avait éloignée de son père et d’Armand.

Un instant, elle avait espéré. Parmi les tentes dressées, au milieu de la seconde nuit, un chariot était passé. Elle avait couru au-devant du conducteur, cherchant un défenseur dans le voyageur inconnu. Mais alors son maître s’était dressé devant elle. Brutalement il l’avait ramenée à la tente où elle reposait ; et dans l’ombre, le bruit du chariot s’était éteint peu à peu.

Plus tard, juchée de nouveau sur un cheval, son escorte l’avait conduite dans une ville étrange, aux maisons largement espacées. Elle se souvenait d’avoir passé sous un arc triomphal, en pierre, aux formes bizarres. Puis sa monture s’était arrêtée au milieu d’une cour. Invitée à mettre pied à terre, la captive avait été enfermée dans une pièce basse.

Et, dans son esprit, au désespoir d’être séparée de ses amis se joignait la crainte de voir face à face celui qui la tenait prisonnière.

Que voulait cet homme ? Question menaçante ! Nulle jeune fille n’y répondrait, mais toutes frissonneraient devant l’interrogation.

Aurett se représentait le guerrier asiate à peine entrevu, marchant vers elle, le regard dur, le geste menaçant. La tête cachée dans ses mains, elle se demandait quelle attitude prendre en présence de cet ennemi.

Une voix d’homme la fit tressaillir. Elle leva les yeux, Le chef Lamfara était devant elle. Il avait fait sa toilette. La tunique ornée de broderies, les bottes de cuir rouge, le kandjar à fourreau d’argent passé dans la ceinture, indiquaient son désir de plaire.

Courbé respectueusement, les mains croisées sur la poitrine, le chef parlait. Des syllabes sonores et douces coulaient de ses lèvres, mais leur sens échappait à la prisonnière.

Lamfara s’en aperçut. Il se tut un instant, parut chercher, puis reprit la parole en anglais. La jeune fille fit un geste de surprise.

— Vous comprenez maintenant, dit-il souriant. Heureusement, au pays du « Père-Blanc », on enseigne non seulement le russe, mais encore les autres langues européennes. Ne répondez pas, mademoiselle, avant de m’avoir entendu. Là-bas, à Moscou, en étudiant, j’ai appris la beauté comme la comprennent ceux de votre race. Rentré ici, les jeunes filles m’ont paru lourdes, disgracieuses, disons le mot, hideuses. Riche, toutes convoitaient ma main, je les ai dédaignées. Pourquoi ? Parce que je me souviens de l’Européenne avec sa grâce, son esprit et sa tyrannie.

Par une légère moue, Aurett indiqua que cela lui était parfaitement égal. Elle était rassurée, l’attitude de l’Asiate n’était rien moins que menaçante.

— J’arrive au but, reprit celui-ci, j’étais à la chasse avec quelques fidèles, lorsque j’ai aperçu votre ballon en feu. Mes compagnons croyaient à une apparition fantastique, mais moi j’avais reconnu un aérostat. Des gens d’Europe, pensai-je. La curiosité me prit, j’assistai à la descente. Sur vos pas je me glissai jusqu’à l’entrée de la caverne et là…

Il s’interrompit un instant et continua d’une voix étranglée :

— Là, je vous vis… Dans ce pays où je dois vivre pour conserver la fortune et le rang légués par mes ancêtres, vous vous êtes montrée à moi, image vivante de mes regrets. J’ai épargné vos compagnons, me contentant de dérober le trésor que je convoitais.

Puis, s’exaltant par degrés :

— Je suis un chef redouté et respecté, je possède de nombreux yaks, d’immenses plaines. Nul coursier ne résiste quand mes genoux pressent ses flancs et jamais ma balle n’a manqué son but. Deviens ma compagne, jeune fille, tous se courberont devant toi. On ne regarde pas en face l’épouse de Lamfara.

Un feu sombre brûlait dans les prunelles du khan. Ce nomade qui, depuis des années, vivait avec un songe rapporté d’Europe, empruntait à sa manie quelque chose d’inspiré.

Les craintes d’Aurett renaissaient. Ce personnage étrange, aux mouvements bizarres, ce khan, barbare, compliqué d’un civilisé, était inquiétant. Lamfara se méprit à son hésitation :

— Ne prenez pas encore de décision, je vous en prie… je sais que vos compatriotes ne veulent pas être contraintes. J’attendrai !…

Sur ces mots il sortit.


Lamfara.

Restée seule, Aurett fondit en larmes. Sous l’apparente douceur du Kirghiz, elle avait senti sa volonté implacable.

Comment résisterait-elle ? Hélas !… Perdue au centre du massif asiatique, séparée de ses compagnons que rien ne mettrait jamais sur ses traces, était-elle condamnée à finir ses jours à Beharsand ?

Que de projets fous se présentèrent à son esprit !… Que de résolutions désespérées elle abandonna une à une !…

Tout à coup un bruit confus arriva du dehors. Curieuse, la jeune fille courut à la fenêtre, l’ouvrit et regarda.

Dans la cour, le chef Lamfara discutait avec une centaine de femmes, au milieu desquelles se démenaient Murlyton, Lavarède et Rachmed.

— Monsieur Armand, s’écria Aurett, sauvez-moi !…

Une grande clameur répondit à cet appel. L’Anglaise vit le chef faire un geste de rage et tout le groupe s’engouffrer dans la maison.

Un instant plus tard, elle était libre. Elle marchait entre son père et le jeune homme, une illumination de joie dans les yeux. Elle interrogeait : « Que s’était-il passé ? » Mais Lavarède l’interrompit :

— Plus tard, plus tard… il s’agit de quitter cette ville. À minuit, plus rien ne pourrait nous tirer des griffes de Lamfara.

Sur son conseil, elle demanda, toujours par la voix de Rachmed, aux femmes du Patich, empressées autour d’elle, de lui permettre de continuer son voyage. Celles-ci, enchantées de voir partir cette étrangère qui avait fait battre le cœur insensible du riche Lamfara, ne résistèrent pas à sa prière.

Elles mirent même à la disposition de la petite troupe des yaks et des vivres. Elles y ajoutèrent, non sans étonnement et sur la prière de l’Anglaise, un énorme sac rempli de tous les débris de poterie, de vaisselle, de verre qu’elles purent se procurer. C’était encore Armand qui avait désiré ce singulier cadeau.

— Pourquoi charger nos bêtes de ce fardeau inutile ? fit le gentleman.

— Inutile, je le souhaite, mais je crois, moi, qu’il nous rendra un grand service.

— Lequel ?

— Vous le verrez.

Escortés par les Amazouns, les voyageurs quittèrent Beharsand juchés sur quatre yaks vigoureux.

Lamfara les suivait de loin. Lorsqu’ils eurent pris congé des femmes kirghizes, le khan fit signe à l’un de ses serviteurs, et d’un ton bref :

— Va ! ne perds pas leur trace ! Sitôt cette damnée fête terminée, je partirai avec mes cavaliers… et, par Tamerlan, la rose d’Europe m’appartiendra !

L’homme se courba et, d’un pas élastique, s’élança à la poursuite d’Aurett. Cependant Lavarède pressait ses compagnons.

— Mes chers amis, poussons nos montures, nous ne serons en sûreté que dans les montagnes que vous apercevez là-bas à l’ouest.

— Quel danger craignez-vous donc ? questionna Murlyton absorbé dans la contemplation de sa fille.

— Presque rien… Le chef Lamfara, lié à cette heure par une coutume que je qualifierai d’admirable, car elle nous a servis, ne le sera plus ce soir. Il voudra sans doute reprendre le trésor que nous lui avons enlevé.

Le visage de l’Anglaise exprima la terreur. Armand s’en aperçut.

— Rassurez-vous, il ne réussira pas, car à la nuit nous aurons traversé cette plaine unie où l’avantage resterait forcément au nombre.

Et tous, fouaillant leurs montures, hâtèrent leur marche vers le point désigné par le Français.