Les chevaliers de la nuit/6
CHAPITRE VI
LA SECONDE ASSEMBLÉE
Dans le bureau du sergent, à part celui-ci et Baptiste, il y a là présents :
Buck Martin.
Alain Gradier.
Son fils…, Slime.
Et Natole Pomerleau.
Le sergent Robitaille dit aux ranchers :
— Vous êtes tous au courant de l’incendie criminel du ranch Merceau et de la mort violente de ce dernier… ?
Buck Martin fit :
— Criminel… ? Violente… ?
Baptiste le regarda…
Martin mesurait plus de 6 pieds.
Il se dégageait de sa personne une force physique sûre d’elle-même et un je ne sais quoi de raffiné…
Verchères lui dit :
— Oui, l’incendie est criminel, ayant été allumé par les chevaliers de la nuit ; et la mort a été violente puisque ce n’est pas un homme que les flammes ont consumé, mais un cadavre.
Buck objecta :
— Mais dans l’état actuel des restes mortels, aucune preuve positive d’identification ne peut être faite. Qui, en effet, peut jurer que l’amoncellement d’os calcinés a été Abel Merceau ?
Baptiste observa, légèrement railleur :
— Vous parlez comme un homme instruit, mon ami, et aussi comme un détective de l’est, de Montréal par exemple…
Martin dit en souriant jovialement :
— Pas de corpus delicti, pas de cause de meurtre…
Il ajouta :
— J’ai fait mon cours classique au petit séminaire de Québec.
— Et il connaît la géologie à fond. Il m’a expliqué l’histoire géologique des 9 volcans dont l’inaction a causé la naissance des canyons et des plateaux fertiles.
Baptiste s’invita :
— J’irai un de ces jours à votre ranch, Martin, et vous demanderai des renseignements techniques sur les 9 volcans ; ils m’intéressent énormément.
— Vous serez le très bienvenu, chef.
Verchères dit :
— Revenons à nos moutons, et ne nous écartons plus du sujet. Nous n’avons peut-être pas la preuve idéale, il nous manque le corpus delincti…
— … delicti…
— … enfin, mais, selon la loi de la plaine, nous avons assez de preuves pour pendre haut et court à la branche d’arbre classique le chef et les membres des chevaliers de la nuit. Ce sont eux indubitablement qui ont incendié le ranch Merceau et assassiné celui-ci.
« Nous avons une grève sur les bras.
« Ou plutôt c’est vous qui l’avez à cet endroit.
« Le moment est grave.
« Le C.P.R. doit passer sur vos terres et le médiateur du chemin de fer peut passer d’une journée à l’autre vous faire une offre.
« S’il vous trouve dans le trouble, il cherchera sans doute à abuser de votre faiblesse momentanée pour régler l’expropriation à vil prix.
« J’ai une proposition à vous faire…
« Que diriez-vous de consentir pour un mois, un mois seulement, l’augmentation de $40 aux grévistes ? Pendant ce temps, le sergent et moi, nous irions au fond de cette mystérieuse et criminelle affaire et arrêterions les coupables ».
Baptiste insista :
— Qu’en dites-vous, messieurs les ranchers ?
Alain et Slime Gradier répondirent presque ensemble :
— Correct.
— Correct.
Pomerleau déclara :
— J’accepte.
Mais Buck Martin, lui, refusa :
— Non, dit-il. Je ne veux plus de Sandy Marlowe ni de ses cowboys ; ils me feraient trop vivre sur les épines. Je partirai bientôt pour Winnipeg d’où je reviendrai avec des cowboys dignes de confiance.
Le sergent dit d’une voix grave :
— Ce sera la guerre ouverte.
Buck répliqua :
— Votre devoir est de m’accorder protection.
— Vous l’aurez, Martin.
Comme les ranchers allaient sortir, Baptiste dit :
— Slime et Alain, voulez-vous rester ici quelques instants de plus ?
— Volontiers.
Le chef de police de Squeletteville regarda le gros bacais en souriant.
— Qu’y a-t-il ?
— Ce qu’il y a ? L’adresse de Céline est a.s. de madame Claude Robitaille. Comme tu meurs d’envie de la rencontrer, mon Slime, vas-y donc avec notre triple bénédiction.
Il sortit.
Se tournant vers Alain, Baptiste dit :
— Je m’invite à visiter votre ranch.
— Vous êtes le bienvenu.