Les bases de l’histoire d’Yamachiche/18

C. O. Beauchemin et Fils (p. 228-Image).

CHAPITRE XIV.

PARTICULARITÉS D’INTÉRÊT LOCAL.


La direction du premier chemin public, dit chemin du Roi, doit aussi nous conduire à l’endroit où se trouvait le groupe des premiers colons sur la petite rivière. Or ce chemin venant des Trois-Rivières suivait autant que possible le bord du fleuve, et à partir de la grande rivière Yamachiche, il se dirigeait vers la partie de Grosbois appartenant au seigneur de Grandpré, près du sentier déjà battu que suivaient les colons pour arriver chez eux et aller à la chapelle de la grande rivière. Le premier pont jeté sur la petite rivière pour poursuivre le chemin de Québec à Montréal fut construit entre les terres des Gelinas, côté sud-est, et celle de J.-B. Gelinas dit Bellemare, côté nord-est. Il existe encore. Ce pont a été si longtemps le seul à l’usage du public, qu’on ne saurait douter qu’il fut le premier ; le second pont, au nord-est de l’église actuelle, n’a été fait qu’au commencement du siècle dernier, à la requête des habitants de la grande rivière, quelques années après la construction de l’église paroissiale au nord de la petite rivière, en la seigneurie des MM. LeSieur.

Cependant l’ancien chemin, comme l’ancien pont, a continué d’être utile aux voyageurs pressés allant d’une ville à l’autre sans s’arrêter au village ; il était plus court de quelques arpents de route.

Après la grande inondation de 1865, les habitants de la rivière aux Glaises ayant tous transporté leurs résidences et leur bâtiments au haut de leurs terres, le chemin public fut aussi détourné de ce côté-là, se joignant au chemin de la petite rivière, au village actuel. En conséquence de ce changement, le vieux chemin de la rivière aux Glaises fut fermé au public en 1874, par le conseil municipal, et, par suite, le vieux pont des Bellemare et la route à Bezotte ou chemin des Gelinas, n’ont plus qu’une utilité locale. Cette route et ce pont resteront sans doute, mais le vieux chemin de la rivière aux Glaises n’est déjà plus qu’un souvenir qui se perdra avec le temps, si rien n’est fait pour conserver la date de la grande inondation et du déplacement de tout un rang si considérable d’Yamachiche. C’est pourtant un événement assez important pour en transmettre la mémoire aux générations futures.

Nous soupçonnons que des dérangements semblables, pour la même cause, ont eu lieu par le passé dans notre paroisse, quoiqu’on n’en trouve l’explication ni dans les vieux papiers, ni dans le souvenir des habitants.

On se souvient bien d’avoir entendu dire que l’ancien chemin passait sur le coteau de la grande rivière jusqu’à la ligne seigneuriale entre les deux sections du fief Grosbois et montait de là jusqu’à la petite rivière pour aller traverser sur le pont chez les Bellemare, mais personne ne se souvient de l’avoir vu. On ne sait pas s’il a été tracé plus haut à cause de la crue des eaux du lac à certaines saisons de l’année.

Avant d’arriver au village d’Yamachiche la petite rivière fait un détour et coule du nord-est au sud-ouest sur une distance d’à peu près un mille, et de là descend, dans la direction du nord au sud, pour aller déboucher dans le lac. C’est sur cette partie du bas de la petite rivière coulant du nord au sud, que les terres d’Étienne et de Pierre Gelinas ont été tracées sur le cadastre de 1700, aboutissant en profondeur à la ligne seigneuriale, autrement dit à la seigneurie des LeSieur ou Grosbois-Est. Elles étaient donc parallèles au cours du fleuve sur leur longueur, avec front sur la petite rivière.

C’est conforme à la description qui en est donnée dans les actes de concession pour le côté nord-est, mais le tracé du côté sud-ouest ne correspond pas à la description des actes.

Cependant plus tard et aujourd’hui les champs des cultivateurs, près du domaine, descendent directement au lac dans la direction de la ligne seigneuriale sur laquelle elles aboutissaient autrefois, et leurs habitations sont en haut près de la petite rivière, partie où elle coule du nord-est au sud-ouest.

Il y a donc eu un nouvel arpentage et une entente avec le seigneur, dont le domaine a aussi changé de place et de forme.

Ce domaine, d’après le cadastre de 1709, partait de la ligne de division des deux seigneuries, à sept arpents de la grande rivière jusqu’à la petite rivière. Il prenait tout le rivage du lac et celui de la petite rivière jusqu’à la moitié du terrain depuis son embouchure jusqu’à sa courbe vers le lac. Les terres concédées commençaient là, bornées d’un bout par la rivière, par la ligne seigneuriale de l’autre, et par la réserve du seigneur du côté d’en bas.

Ce premier arpentage ou première disposition des terres sur ce point-là, le seul morceau de terre de Grosbois-Ouest au nord-est de la petite rivière Machiche, est complètement oublié de nos jours. Il n’y avait pas eu d’habitation seigneuriale sur la réserve près du lac avant l’acquisition de ce fief par M. Conrad Gugy. Cette réserve était assurément la plus exposée à souffrir des débordements du lac St-Pierre.

Si les vieux papiers au sujet de cette grande affaire se retrouvent, nous ne serions pas étonné d’apprendre que c’est le seigneur lui-même qui a proposé ce dérangement, afin de pouvoir bâtir son manoir en haut, à proximité du pont public et du grand chemin, donnant à ses censitaires des terres plus longues aboutissant au lac, dans la même direction que celle des terres situées au nord de la rivière.

Le domaine avait, par cet arrangement, son front nord sur la petite rivière, son côté ouest étant borné par la même rivière depuis sa courbe jusqu’au lac. La génération qui vit n’en a pas vu d’autre.

Les descendants d’Étienne Gelinas, premier concessionnaire près du domaine ou réserve du seigneur, sont encore propriétaires de leur terre ainsi modifiée par le changement de front.

On dit aussi que, dans les premiers temps, le grand chemin au nord de la petite rivière suivait celle-ci jusqu’à sa courbe vers le lac, traversait la commune vers le haut jusqu’à la ligne de division entre la seigneurie de Grandpré et celle de Grosbois-Ouest, suivant ensuite cette ligne jusqu’à la rivière du Loup. Cette ligne est aussi celle qui divise les deux paroisses de la Rivière-du-Loup et d’Yamachiche. Ce chemin est encore ouvert ; c’est aujourd’hui le chemin de la commune et des îlets.

Plus tard, lorsque les petites terres furent concédées, les propriétaires placèrent leurs habitations plus au nord sur un niveau plus élevé. Un chemin fut ouvert pour eux vers le village, coupant à peu près au milieu quelques terres de la petite rivière, y compris celle des Bellemare, et débouchant au village vis-à-vis le pont public sur la petite rivière. Il fut adopté comme chemin du roi, celui de la commune étant sujet aux inondations.

Ces faits sont, en grande partie, de tradition verbale ; les renseignements précis et les dates doivent exister quelque part, dans les procès-verbaux de la voirie, et nous n’avons pas pu savoir où ils se trouvent.



TRACÉ DES PREMIÈRES TERRES.
— 1709 —



A. — Petite rivière. E. — Gelinas Bellemare.
H. — Grande rivière. G. — 1re Église.
C. — Commune. H. — Nouvelle église.
D. — Division seigneuriale.
(Cadastre de 1709)


TRACÉ SUBSÉQUENT.



C. — Commune.
D. — Domaine actuel.