Les bases de l’histoire d’Yamachiche/17

C. O. Beauchemin et Fils (p. 214-227).


CHAPITRE XIII.

LES PREMIERS ENFANTS NÉS À YAMACHICHE.


Extraits des actes de baptême des registres des Trois-Rivières.
1704.


Étienne Gelinas.


Ce jourd’hui, 19 octobre de l’an 1704, a été baptisé par moy, Étienne Gelinas, à la maison à Ogmachiche, sons condition, ondoyé en cas de nécessité par Pierre Gelinas et né le 8 du même mois, fils d’Étienne Gelinas et de Marguerite Benoit, ses père et mère, Pierre Rocheleau dit Monruisseau pour parain et la maraine Charlotte Rivar. En foy de quoy j’ai signé, les jour et an que dessus.

fr. Siméon Dupont,
Récollet Miss.
1705.


Jean-Baptiste Gelinas.

Ce jourd’hui 3me mars de l’an 1705, a été baptisé en la paroisse d’Yamachiche, sous condition, par moi soussigné, Jean-Baptiste Gelinas, ondoyé par un séculier, à la maison, fils de Jean-Baptiste Gelinas et de Jeanne Boissonneau, ses père et mère, qui a eu pour parain Jean Gelinas, pour maraine Anne Colin, et Marie-Françoise Benoit l’a tenu par commission pour elle. En foy de quoy j’ai signé, le jour et an que dessus.

fr. Siméon Dupont,
Récollet Missionnaire.


1706.


Charles Gelinas.

Ce jourd’hui 8me mars de l’an 1706, ont été suppléées les cérémonies baptismales par moi soussigné à Charles Gelinas, né le 17me de janvier de la même année et ondoyé le même jour en la maison, en cas de nécessité, fils de Jean-Baptiste Gelinas dit Belmard et de Jeanne Boissonneau, ses père et mère, le parain a été Charles LeSieur, seigneur de la grande rivière d’Yamachiche, et la maraine Magdeleine Bourbeau. En foy de quoy j’ai signé, les jour et an que dessus.

fr. Siméon Dupont,
Récollet Missionnaire.


1706.


Pierre Gelinas.

Ce vingtième septembre de l’année 1706 a été baptisé par moi soussigné, Prêtre Récollet faisant les fonctions curiales de la paroisse de Notre-Dame de la ville des Trois-Rivières, Pierre, né du 19me du même mois et an, fils d’Étienne Gelinas et de Marguerite Benoit de la seigneurie de St-Lambert, les parain et maraine, Sr Pierre Mouette, madame Grandpré, veuve.

fr. Pierre Leprieur,
1707.


Joseph Gelinas.

Ce jourd’hui, 12me de juin de l’an 1707, a été par moi soussigné Prêtre religieux Récollet, baptisé sous condition, né le 19me de mars de la même année, et ondoyé en la maison en cas de nécessité par un séculier, Joseph fils de Pierre Gelinas et de Marie Magdeleine Bourbeau, ses père et mère. Il a eu pour parain Michel Courval et pour maraine Marie Françoise Fafard dite Laframboise. En foy de quoy, j’ai signé les jour et an que dessus.

fr. Siméon Dupont,
R. Mis.


ont aussi signé
Michel Fafard et Françoise Laframboise.


1708.


Joseph Gelinas (dit Bellemare).

Ce jourd’hui, 7me d’août de l’an 1708, par moi soussigné, prêtre Récollet, ont été suppléées les cérémonies baptismales, à Joseph, né le 26me de juin de la même année, ondoyé en cas de nécessité par M. Péreau, habitant de la seigneurie de Bécancour, fils de Jean-Baptiste (Gelinas) et de Jeanne Boissonneau, habitant de la petite rivière d’Yamachiche ; le parain a été Pierre Hérou dit Bourgainville, habitant de cette rivière, la maraine Marie Magdeleine Viel, femme de Simon La Betol, habitant de la grande rivière d’Yamachiche. En foy de quoy j’ai signé les jour et an que dessus.

fr. Siméon Dupont,
Rec. Miss.

Dans la famille LeSieur, durant le même espace de temps, il y a deux baptêmes enregistrés aux registres paroissiaux des Trois-Rivières. Nous les publions textuellement, et nous prions le lecteur de bien remarquer que, ni dans l’un ni dans l’autre, il n’est fait mention d’Yamachiche, si ce n’est dans le titre du seigneur Charles LeSieur.

1705.


Marie-Françoise LeSieur.

Ce jourd’hui, le 4 de mai (1705), moi soussigné ai suppléé les cérémonies du baptême à Marie-Françoise LeSieur, née le premier jour de novembre, fille de Pierre LeSieur et de Marie Charlotte Rivar, le parrain a été Louis Fafard, la marraine Françoise Baudry. En foi de quoi j’ai signé les jour et an que dessus.

(Signé) Louis Fafard,
(Signé )Françoise Baudry,
fr. Bertin Millet,
Missionnaire Récollet.


faisant les fonctions curiales.

Note. — Le nom de Pierre est évidemment une erreur, Marie-Charlotte Rivar, la mère, étant bien certainement l’épouse de Charles LeSieur, seigneur d’Yamachiche.


1709.


Marie-Charlotte LeSieur.

Ce 2 octobre 1709 a été baptisée sous condition par moi soussigné, prêtre récollet, faisant les fonctions curiales en cette paroisse, Marie Charlotte, née le 14me septembre de la même année, et ondoyée en la maison en cas de nécessité par un séculier, fille de Charles LeSieur, seigneur de la grande rivière d’Yamachiche, et de Marie Charlotte Rivar, ses père et mère ; elle a eu pour parain Antoine LeSieur et pour maraine, Marie Françoise LeSieur ; en foi de quoi j’ai signé les jour et an que dessus.

fr. Luc Filiatre,
Récollet.


Dans le premier de ces deux actes, le lieu de la naissance de l’enfant n’est pas donné, et l’année même du baptême n’y est pas. Nous y avons intercalé 1705, parce qu’il est entré dans le registre des Trois-Rivières, parmi les actes de cette année-là.

L’omission du lieu de naissance ne s’explique pas aussi facilement. Nous ne sommes donc pas étonné que M. l’abbé Caron ait cru qu’il s’agissait d’une enfant née à Yamachiche, lui qui avait la conviction que ce seigneur résidait déjà dans sa seigneurie avec sa famille. La note marginale, « de la grande rivière d’Yamachiche », aidait aussi à lui prêter cette signification.

L’indication précise manquant, on pourrait aussi bien dire Batiscan, Champlain, que Yamachiche. Un fait positif va prouver que ce n’était pas à Yamachiche.

Le voici : l’enfant de Charles LeSieur (Marie-Françoise) était née le 1er novembre 1704 ; elle ne fut baptisée sous condition aux Trois-Rivières que le 4 mai 1705. Peut-on croire que le missionnaire récollet Siméon Dupont, qui était allé à Yamachiche, le 3 mars précédent, pour baptiser l’enfant de Jean-Baptiste Gelinas (dit Bellemare) n’aurait pas en même temps visité le seigneur du lieu, et baptisé son enfant née depuis plus de quatre mois ? Assurément non ; il aurait plutôt commencé par la famille seigneuriale, si elle eût été là.

Nous ajoutons d’autres faits significatifs ; en 1723, 18 ans plus tard, le seigneur Charles LeSieur disait à l’intendant Bégon, dans son « aveu et dénombrement, » « qu’il avait un domaine consistant en une maison de 26 pieds de long, de pièces sur pièces, un pavillon y adjoignant, aussi de pièces sur pièces, de neuf pieds carrés ! »

Était-ce une résidence de famille pour un seigneur ? N’était-ce pas plutôt une demeure pour un défricheur ou fermier ? et le petit pavillon (distinction d’une propriété seigneuriale à cette époque), de neuf pieds carrés, pouvait bien être un bureau d’affaires temporaire pour le seigneur.

Cela suffisait à M. LeSieur pour prouver qu’il tenait feu et lieu sur son fief, comme le voulait l’acte de concession, et dire dans les contrats avec ses censitaires qu’il était demeurant ou résidant d’Yamachiche !

Tel était l’établissement du seigneur Charles LeSieur, à Yamachiche, 18 ans après le baptême de son enfant Marie-Françoise. Le roi de France, voulant se rendre compte des progrès de l’agriculture et des défrichements dans les seigneuries de cette province, commanda la confection d’un cadastre indiquant toutes les habitations et les terres occupées et concédées. Le comte de Pontchartrain, ministre et secrétaire d’État, l’ordonna pour toute la province. Ce cadastre fut commencé en 1685 et terminé 24 ans plus tard, en 1709.

Nous avons copie de ce cadastre sous les yeux ; sur la page comprenant ensemble la Rivière-du-Loup et Yamachiche, nous voyons qu’à la Rivière-du-Loup, il y avait 17 terres de tracées portant les noms de leurs propriétaires, une commune à l’ouest de la rivière descendant au lac et un domaine sur la pointe du côté-est de la rivière.

Dans Yamachiche nous ne trouvons sur le cadastre que sept noms d’habitants et sept terres occupées ou tracées sur la petite rivière avec une commune, le tout sur la partie ouest de Grosbois, appartenant au seigneur de Grandpré. Nous avons déjà nommé ces sept habitants, dont deux avaient eu, des seigneurs LeSieur, en 1708, des contrats de concession de terres, placées par erreur sur le cadastre, dans les limites de Grosbois-Ouest, à côté des terres concédées aux Gelinas en 1706 par madame la seigneuresse de Grandpré. Les Officiers du cadastre avaient dû prendre connaissance des contrats de concession passés par le même notaire (Véron de Grandménil) et ont tracé ces terres comme se touchant, 3 au nord-est et 4 au nord-ouest de la rivière.

Dans la partie est de Grosbois, seigneurie des sieurs LeSieur, on ne voit ni domaine ni habitations, seulement les deux lignes latérales du fief partant du bord du lac, avec l’indication au bas de fief Gatineau.

C’était, sans doute, la confection de ce cadastre qui avait engagé M. de Bourcherville à diviser et à vendre son fief de Grosbois, afin que les acquéreurs, se conformant aux volontés du Roi, y introduisissent des défricheurs, avant qu’il fût terminé.

Les LeSieur avaient un grand intérêt à faire paraître sur ce cadastre au moins un commencement de défrichement, des terres concédées ou au moins son domaine occupé, etc. On ne saurait douter qu’ils l’auraient fait, s’ils eussent été domiciliés à Yamachiche à cette époque. Du reste ils pouvaient être excusés à cause du peu de temps écoulé depuis l’achat de cette part de seigneurie ; tandis que les seigneurs de Grandpré, possédant Grosbois-Ouest depuis 1693, n’avaient pas droit à une telle considération.

Enfin pour prouver la résidence des LeSieur à Yamachiche, avant ce temps, il faudrait des écrits bien positifs et bien clairs sur ce point. Nous en avons cherché nous-même sans succès ; nous abandonnons la tâche à d’autres.

Nous en disons autant des seigneurs et seigneuresses de Grandpré et de Grosbois-Ouest, sur lesquels fiefs il ne paraît pas y avoir eu de résidences seigneuriales, avant la construction d’un manoir par M. Conrad Gugy, après 1764.


Voici comment ont pu s’établir les rapports des frères Gelinas avec M. Lambert Boucher, Sieur de Grandpré, seigneur de la Petite-Rivière d’Yamachiche.

On a vu que leur grand-père, Étienne Gelineau, avait acquis en 1662, du Rév. Père d’Alouez, S. J., au Cap-de-la-Magdeleine, la concession d’une terre voisine de celle habitée par M. Étienne de Lafond, son compatriote saintongeois.

Madame de Lafond, Marie Boucher, était sœur de M. Pierre Boucher, gouverneur des Trois-Rivières, et tante par conséquent de Lambert Boucher, fils de ce dernier.

Quand celui-ci, alors major de la ville des Trois-Rivières, obtint de son père la moitié moins sept arpents du fief Grosbois, en 1693, la population était si peu considérable que les habitants des environs devaient tous se connaître. Lambert Boucher ne pouvait pas ne pas avoir remarqué les voisins de son oncle Étienne de Lafond ; et le premier voisin était Jean Gelinas, qui avait succédé à son père Étienne, sur la terre du cap concédée par le Rév. P. D. Allouez. En 1693 les deux fils aînés de Jean Gelinas et de Françoise de Charménil, Étienne et Jean-Baptiste, ayant plus de vingt ans, devaient cultiver cette terre avec leur père et être connus du major seigneur de la Petite-Rivière. Comme il était important pour lui d’avoir des colons sur sa seigneurie, pendant que se faisait le cadastre des fiefs, n’est-il pas naturel de croire qu’il leur offrit des terres à Yamachiche, avec billets d’occupation, à la condition d’y faire des défrichements et de s’y établir ?

Il donne à Étienne, l’aîné de la famille, le lot voisin de la réserve seigneuriale ; à Pierre, la terre voisine de son frère, et à Jean-Baptiste un lot au nord-ouest de la petite rivière, vis-à-vis les deux autres.

Par malheur, les billets ou permis d’occupation, devenant caducs lorsque les contrats de concession étaient passés par main de notaire, on ne les conservait pas. Nous n’en avons pas trouvé un seul dans les greffes des notaires aux Trois-Rivières.

MM. Charles et Julien LeSieur, cousins de Lambert Boucher, M. de Lafond étant leur grand-père maternel, ne devaient pas ignorer ce qui se faisait à la Petite-Rivière, quand ils achetèrent la deuxième partie du fief Grosbois en 1702.