À compte d'auteur (p. 27-28).

Ensuite


Le nouveau passeur prit soin de l’ancien, car il était incapable d’aucun mouvement qui lui permit de se subvenir.

Il vécut ainsi toute la saison d’eau sans se plaindre, tout occupé qu’il était du mystère de ses articulations devenues inutiles.

L’hiver vint avec la rivière qui fut de la glace, et l’homme s’enferma dans sa cabane.

Au printemps, quand le soleil réchauffa la terre autour de sa cabane, le passeur recommença ses promenades quotidiennes de son lit à une chaise placée à sa porte.

Il ne se faisait plus soutenir ; le long repos de l’hiver semblait avoir influé sur sa rigidité. La vie revint peu à peu à ses membres engourdis, et même, dans les temps qu’il ne faisait pas humide, il se sentait presqu’aussi fort qu’autrefois.

Il se serait remis au travail, sans la défense que le médecin lui en fit. Mais il y avait en plus de cela qui n’était pas très autoritaire, une autre grande interdiction au travail, il y avait le nouveau passeur qui ne voulut pas céder la place pour laquelle il se sentait officiellement qualifié.

Alors, l’homme en qui la vie était revenue ne reconnut pas celle qu’il avait été autrefois. Il reconnut une inappétence au travail et assez de bras pour repousser la mort.