Nouvelle Librairie Nationale (p. 352-365).


XXXII
entre le passé et l’avenir

C’était deux ans après, par une belle fin d’après-midi, en mai.

Un canot, conduit par deux hommes, descendait la Saskatchewan, à hauteur de la paroisse de Saint-Laurent.

Quoique le soleil commençât à décliner, la chaleur était encore très forte, et l’un des bateliers ayant soulevé son chapeau de paille pour éponger son front, l’ardent soleil illumina soudain une abondante chevelure rousse :

— Allons ! tu jouiras du Canada chaud après avoir tâté du Canada froid ! lui lança joyeusement Henry de Vallonges qui tenait la barre. Mais il ne faut pas que ça t’empêche de nager, tu sais. Reprends les rames. Nous ne sommes pas encore à la ferme Cadotte.

Le vicomte n’avait guère changé en cette couple d’années. Peut-être son teint était-il un peu plus rouge à cause de ses courses continuelles au grand air ; peut-être, aussi, sa longue moustache de gaulois lui cachait-elle un peu plus les lèvres. Mais, sous la chemise de flanelle qui lui couvrait le torse, on devinait un corps toujours souple et nerveux.

Son compagnon, visiblement plus jeune, bien qu’il portât une barbe en pointe aussi rousse que sa chevelure, avait les façons d’un garçon alerte et déterminé.

– Nous approchons du bac de Batoche, dit tout à coup Henry. Tiens ! Philippe, tu vois cet enclos ? C’est là qu’était autrefois la maison de ce pauvre Athanase Guérin dont je t’ai souvent parlé !

Le rameur, les avirons en suspens, regardait de tous ses yeux la rive verdoyante.

— Et voici celle de Jean-Baptiste La Ronde, reprit le Français au bout d’un instant. Si nous n’étions pas attendus à la ferme Cadotte, nous nous y arrêterions… Ce sera pour une autre fois.

Déjà, au milieu des futaies de la berge apparaissaient l’église, les bâtiments qui l’environnaient, et, plus près de l’eau, ceux qui servirent de quartier général à Riel.

— Oui, mon cher, dit Vallonges d’une voix que l’émotion rendait grave, c’est dans ce décor-là que s’est achevé le drame héroïque il y a juste deux années aujourd’hui. Il faisait un temps comme celui-ci… je me souviens de cela comme si c’était hier… je m’en souviendrai ainsi toute ma vie…

— Comment en serait-il autrement ? repartit l’autre. De pareils souvenirs embellissent toute une existence… Ah ! je t’envie, Henry ! Au lieu de mener en France une vie inepte, j’aurais fichtrement mieux fait de venir ici combattre avec toi aux côtés de ces braves Bois-Brûlés !

— À quoi bon regretter le passé, Philippe ? Ce qui est fait est fait. Estime-toi donc heureux, au contraire, d’avoir eu l’occasion de rompre avec une manière de vivre assez plate et inutile… Depuis près de neuf mois que tu es installé à Aldina, tu n’as eu qu’à te louer de ta détermination… par conséquent…

— Oh ! pour ça oui, interrompit vivement le jeune homme, il est certain que notre exploitation promet… Mais, dis-moi donc, quel est cet homme que j’aperçois là-bas sur l’autre rive et qui paraît nous attendre ?

Henry de Vallonges se pencha un peu en avant, la main en abat-jour au-dessus des yeux :

— C’est pourtant pas Jean La Ronde, murmura-t-il… mais non, ce n’est pas lui !

Il demeura indécis quelques secondes, et, tout à coup, d’un ton joyeux :

— Parbleu ! s’écria-t-il, mais c’est Lạcroix ! Joseph Lacroix !

— L’ancien éclaireur dont tu m’as parlé ?

— Lui-même, ce brave Lacroix ! Il y a plus d’un an que je ne l’ai vu…

Cinq minutes après, ils accostaient la rive.

— Ah ! je suis bien heureux de vous revoir, mon brave ! dit le vicomte en serrant avec effusion les mains du Métis.

Vous devenez rare dans notre contrée… Eh bien ! ça va toujours ?… Mais, tenez ! il faut que je vous présente mon ami Philippe Dussereaux, un Français de France qui est venu s’établir, il y a neuf mois, à Aldina…

— Où ça, vous dites ?

— À Aldina… Ah ! c’est vrai ! vous n’êtes plus au courant… au lac des Maskegs, si vous préférez… Mais on l’appelle maintenant Aldina, du nom de son bureau de poste. C’est là que je me suis installé… Des émigrants du « vieux pays » s’y sont fixés aussi, et c’est une petite colonie française…

Le trappeur semblait un peu dérouté. Il répondit d’un air embarrassé :

— Je ne fréquente plus guère cette contrée, v’savez ben… Quèque vous voulez ? moué, je suis autant sauvage que Franças… Y me faut la prairie, et puis c’est ma façon de vivre, vous savez, la chasse… et le gibier se fait plus rare, par icite.

— Il y a longtemps que vous êtes dans le pays ?

— Non ! depuis trois jours seulement. J’avais affaire à Carlton. Pour lors, j’ai poussé jusqu’icite pour « vouère » les amis… Hier, j’ai été à Batoche chez Baptiste…

— Il va toujours bien, Baptiste ?

— Toujours, et sa femme et ses filles itou… Ah ! leurs affaires vont comme y faut à c’te heure ! Mais aussi qu’y vous doivent donc une belle chandelle !

— Et Jean ? interrompit Vallonges, et Rosalie ? et mon jeune filleul ? Tout ce monde-là est en bonne santé ? Il y a trois mois que je ne les ai vus… C’est que le lac des Maskegs n’est pas tout près d’ici !

— En v’là encore qui sont ben heureux, M’sieu le vicomte… Ah ! y en ont eu une chance ! Vous vous trouvez là pour leur donner de quoi s’établir… Le vieil Antoine qui meurt en leur laissant sa ferme… Ah ! y n’ont pas à « grémir » su’leur sort…

— Mais, et vous, Lacroix ? Est-ce que vous gémissez sur le vôtre ? Parlez-nous donc un peu de vos affaires ?

— Moué, ça va un petit peu, v’savez… La dernière saison de trappage n’a pas été ben forte tout de même… J’ai chassé à l’ouest du Fort-Pitt… Ah ! dites donc ! tant que j’y suis… que je vous parle de quéqu’un que j’ai revu dans cette contrée-là et que vous connaissez ben…

— Qui donc ?

— Le dénommé Hughes Clamorgan…

— Hughes Calmorgan…

— Comme j’vous le dis… ce mâtin d’Anglouais a déniché de l’argent je ne sais pas où… il a rebâti sa ferme, racheté du bétail, et à c’te heure, ça marche comme devant.

— Et sa fille, est-elle toujours avec lui ?

— Ah ! pour sa fille, c’est pas pareil ! je me suis renseigné, v’savez ben, suivant mon usage… Y paraît que la mort de son promis lui a fait un coup, qu’elle en a eu assez de cette contrée-cite et qu’après la guerre elle s’en est retournée chez des parents, au pays des Anglouais… N’y a que ce mâtin de père qui ne s’est pas décidé à donner sa résignation de fermier et qui se démène de plus belle autour de sa grande bâtisse en bois…

Tout en causant ainsi, les trois hommes approchaient de la maison.

Ils n’en étaient plus qu’à une vingtaine de pas lorsqu’une jeune femme parut sur le seuil.

C’était Rosalie, toujours alerte et gracieuse, et, malgré son léger hâle, fraîche sous ses longs cheveux noirs…

Les souhaits de bienvenue échangés, elle apprit aux nouveaux venus que, cinq minutes auparavant, le P. Léonard étant venu à passer devant leur porte, Jean l’avait prié d’entrer. Maintenant, ils faisaient un tour dans le défrichement, sur l’invite du jeune homme, pressé, en bon propriétaire, d’en faire valoir aux yeux du missionnaire l’état de culture.

— Ah ! je serai bien heureux de retrouver aussi cet excellent Père, dit le Français, et de lui présenter mon ami…

— Eh ben ! continua Rosalie, vous n’avez qu’à prendre cette « sente » à gauche et à traverser le « couvert ». Dans trois minutes, vous les aurez joints.

— Nous y allons ! Ah ! pourtant, j’aimerais assez à voir auparavant si mon gentil filleul…

— Y dort ! répondit la jeune mère en baissant un peu la voix.

— Oh ! alors, laissons-le… ce sera pour notre retour, dans un instant… À tout à l’heure, Rosalie…

Ils s’éloignèrent dans la direction indiquée…

La joie du jeune Bois-Brûlé fut grande de revoir l’homme à qui l’attachaient doublement les liens de l’amitié et de la reconnaissance. La vive affection qu’il portait au vicomte lui avait fait regretter bien des fois que ce dernier se fût fixé au lac des Maskegs ; mais le Français n’avait pu faire autrement, les propriétés métisses qu’il se proposait d’acquérir aux environs de Batoche ayant été toutes enlevées par des acheteurs anglo-saxons fortement appuyés en haut lieu…

Le tour du propriétaire achevé, ils revinrent tous au « log-hut », en conversant avec animation.

Assise devant sa porte dans l’ombre tiède portée par la maison de bois, Rosalie, en vraie demi-indienne, mettait la dernière main à une paire de mocassins destinés à son mari… Près d’elle, dans une couverture, un bébé d’une dizaine de mois s’agitait et se roulait, nu comme un petit sauvage.

— Celui-ci est mon filleul, Philippe, dit gaiement Vallonges en conduisant son ami devant l’enfant. C’est le jeune Henry La Ronde.

— Élevé à la mode des camps indiens, à ce que je vois… observa Dussereaux.

— Tout à fait, M’sieu, répondit Jean en souriant. Nous avons tous été « éduqués » de même à la maison, et vous voyez qu’on ne s’en porte pas plus mal.

Le Français jeta un regard rapide sur l’homme magnifique au teint ambré, au corps souple et fort qu’il avait devant lui.

— En effet ! fit-il simplement.

C’était l’heure du thé.

Ils le prirent dehors, en face de la Saskatchewan, de la plaine verdoyante qui déployait sous leurs yeux ses splendeurs printanières et des collines boisées de l’autre berge illuminées par le soleil déclinant…

Ils se taisaient.

Henry, le premier, rompit le silence :

— Mes amis, nous sommes au 11 mai 1887.

Jean tressaillit.

— J’y pensais ! dit le P. Léonard.

— Y faisait un soleil pareil ! déclara Lacroix.

Au bout d’un instant, le vicomte reprit :

— Je regrette bien que nous n’ayons pas songé à faire venir Baptiste. J’aurais aimé que nous fussions tous réunis en ce jour… Quoi qu’il en soit, je propose d’associer au bonheur dont nous jouissons à l’heure actuelle le souvenir de nos chers morts… C’est beaucoup à leur sacrifice que nous devons les joies du présent.

— Pour sûr ! appuya Jean. Mais c’est surtout à notre pauvre Louis Riel…

— Un saint, ç’lui-là ! interrompit Lacroix avec conviction.

— Une âme éprise de justice, dans tous les cas, fit le missionnaire, un peu rêveur.

La conversation se poursuivit sur ce ton durant un bon moment. Mais le P. Léonard et Vallonges ayant entrepris d’instruire Philippe Dussereaux de certains détails de la campagne, Lacroix demanda à Jean de lui montrer une paire de chevaux qu’il avait à vendre.

L’ancien éclaireur était un de ces hommes nés exclusivement pour l’action, pour la lutte, et qui ne s’attardent guère au souvenir des choses passées. Lorsqu’on évoquait devant lui la prise de Batoche, il disait simplement : « C’est un grand malheur ! » et, pour lui, le sujet était épuisé. Les deux chevaux de La Ronde l’intéressaient autrement que les récits du missionnaire et du vicomte, et surtout que les réflexions de leur auditeur…

Quand les deux Français et le religieux furent seuls, Philippe Dussereaux, se tournant vers ce dernier, lui demanda sans préambule ce qu’il pensait, au fond, de l’affaire de Riel.

Cette question assez inattendue surprit le P. Léonard, et il témoigna le désir d’en connaître les motifs :

— Mon Dieu ! répondit Dussereaux, je vous avoue que, depuis que je suis au Canada, j’ai entendu des gens de notre race émettre sur cette affaire des opinions si diverses que je serais curieux de connaître la vôtre.

— Tout dépend du point de vue auquel on se place, répliqua le Père, bien qu’un recul de deux années et l’apaisement qui s’est fait autour de ces événements nous permette de les juger dans leur ensemble avec plus de liberté d’esprit. Si je l’envisage au point de vue de la colonisation, la révolte des Métis fut une aventure déplorable, car elle a arrêté l’essor du progrès dans toute cette contrée qui est à peine remise de la secousse ; politiquement parlant, car elle a failli brouiller deux races qui ont intérêt à collaborer…

— Je vous arrête ! s’écria Henry de Vallonges avec feu. Si les deux races ont senti se réveiller une vieille inimitié, en quoi est-ce la faute des Métis ? N’est-ce pas l’élément anglais qui, en poussant à bout ces malheureux, en les obligeant à se révolter et en réprimant ensuite durement l’insurrection, a exaspéré au Canada le sentiment français ?

— C’est possible, Monsieur le vicomte ; mais, pour en revenir à la question que m’a posée votre ami, je n’en maintiens pas moins que, dans l’ensemble, l’insurrection fut fâcheuse… Nous vivons loyalement et paisiblement à l’ombre du drapeau anglais, et notre intérêt, pas plus que celui de la civilisation, n’est de voir l’accord des deux races troublé sur ce point du monde… Maintenant, je vous concède volontiers que cette affaire a révélé d’une façon touchante, quoique brutale, la vitalité de notre sang et la permanence de nos traditions…

— Eh bien ! soit ! répliqua Vallonges. À mon tour, je vous accorderai que la lutte de cette poignée de descendants de Français contre la Puissance anglaise fut un anachronisme… Mais un bel anachronisme, avouez-le ! Quel magnifique exemple de fidélité ils ont donné, ces demi-Français qui se faisaient tuer sous les plis de notre ancien drapeau !

Le missionnaire, à ces mots, sourit, et, levant un doigt :

— Prenez garde, Monsieur le vicomte. Vous parlez en poète en ce moment !

— En poète ? Peut-être… À condition que vous n’entendiez pas par là que je m’attache à des idées sans consistance. Rien de plus positif que le fait significatif que je vous cite. Et ce qui est vrai pour les Franco-Indiens l’est, à plus forte raison, pour les Franco-Canadiens. Quand on songe que, depuis un siècle et demi, ils s’y maintiennent avec leurs qualités, leur langue, leurs traditions vis-à-vis de la plus avide, de la plus implacable des races, on a le droit de nourrir de grandes espérances…

— Vous avez raison, répliqua le Père. J’ai la même opinion que vous, moi qui vis depuis plus de trente ans au Manitoba et dans les territoires du Nord-Ouest…

— Et dites-vous bien que les trois quarts de mes compatriotes ignorent cela ! reprit le jeune homme avec animation. Moi, je me suis toujours intéressé à ce pays parce qu’un de mes ancêtres, Guy de Vallonges, a été tué sous Québec avec Montcalm. Mais, bien qu’averti, j’ai été émerveillé de constater quel attachement les Franco-Canadiens des provinces civilisées ont pour la vieille patrie. Et quand j’ai vu les héroïques Bois-Brûlés de la frontière de l’Ouest se faire tuer sous les plis de notre ancien drapeau, puisque c’est le seul qu’ils connaissent, quand j’ai vu cela, eh bien ! j’ai su à quoi m’en tenir désormais sur l’avenir français du Canada !

— C’est pour cela que nous devons soutenir la lutte de toutes nos forces, appuya Philippe. Des capitaux inutilisés chez nous peuvent trouver ici un admirable emploi, car on n’y travaille pas seulement pour son compte personnel, on y travaille aussi pour la plus grande France…

Le religieux écoutait Dussereaux avec des signes de tête approbateurs :

— Voilà de belles et bonnes paroles, conclut-il. Oui : tout en considérant l’autre race, non comme une rivale, mais comme une émule, nous devons combattre, en effet, pour la nôtre, pour notre idéal, nos convictions…

À ce moment, La Ronde et Lacroix reparaissaient en conversant.

Philippe Dussereaux dit à mi-voix quelques mots au vicomte : celui-ci se tourna vers le jeune Bois-Brûlé :

— Jean ! fit-il, mon ami désirerait voir notre relique, notre drapeau…

Le Sang-Mêlé, avec un signe d’assentiment, disparut dans la maison.

Repris par les anciens souvenirs, le missionnaire, le Français, le trappeur lui-même, se taisaient, les yeux sur le paysage déroulé en face d’eux…

L’heure était délicieuse. La lente approche du soir commençait à tempérer les feux du jour. Une petite brise douce, qui semblait monter de la Saskatchewan, passait à l’ombre de la maison, caressant les mains et les faces. Un bien-être infini, une calme joie de vivre dilatait les cours, gonflait les poitrines… Et les deux Français, l’un assis près du seuil, l’autre debout à son côté, se sentaient prêts à de grandes choses dans la plénitude de leur enthousiasme, de leur patriotisme, de leur foi. Cette immense terre encore presque vierge pouvait seule convenir à l’effort de leurs énergiques, de leurs viriles jeunesses… Plus que jamais, ils étaient décidés à la lutte obscure et pacifique, mais grandiose, pour le triomphe de leur race…

Et, tout à coup, Jean La Ronde apparut avec l’emblème aux fleurs de lis.

Chacun s’était avancé vers lui, trop ému pour pouvoir articuler une parole. Le drapeau passa de mains en mains.

Presque au centre, une grande tache diluée, irrégulière, en brunissait l’étamine…

Philippe Dussereaux la regardait sans rien dire, instruit par Vallonges de la sublime et tragique histoire.

— Le sang de Montcalm n’a pas été infécond, dit enfin ce dernier d’une voix grave. Pourquoi donc le serait-il, celui de Louis Riel, de Pierre et de tant de nos frères ?

Le P. Léonard, tout pensif, parla à son tour :

— Deux ans déjà depuis la rébellion ! Comme le temps passe ! Un jour viendra, mes amis, – pas très lointain peut-être, — où ce pays presque désert sera peuplé de millions d’hommes. Nous, nous serons morts. Qu’est-ce qui pourra donc parler encore à nos descendants des temps héroïques ? Sans doute, le petit monument qu’on vient d’élever dans le cimetière de Batoche à la poignée de braves tués sur la dernière barricade, mais, je l’espère aussi, cette relique tachée de sang que se passeront vos fils…

Et il ajouta, après un silence :

— Certes, nous saluerons toujours notre vieille patrie dans les trois couleurs. Mais ce drapeau-ci, parce qu’il est celui de Montcalm et de Riel, symbolise tout particulièrement le glorieux passé du Canada français…

À ce moment, la voix grêle du petit Henry, qui pleurait un peu, s’éleva dans l’air calme. Rosalie l’avait pris entre ses bras et cherchait à l’apaiser. Philippe se retourna vivement, et, désignant l’enfant de la main :

— Alors, nous sommes entre le passé et l’avenir. C’est le même sang, n’est-il pas vrai ? Le sang héroïque des Bois-Brûlés qui teint l’étamine de ce drapeau et qui coule dans les veines de cet enfant…

Personne ne releva le propos. Mais, comme à cet instant précis, la brise qui semblait monter de la Saskatchewan passait plus fraîche sur les faces, on eût dit que l’esprit des morts qu’elle avait roulés dans ses eaux approuvait ces paroles…


FIN