Les anciens couvents de Lyon/33. Ursulines

Emmanuel Vitte (p. 551--).

LES URSULINES



CE nom n’indique pas, comme on pourrait le supposer tout d’abord, que sainte Ursule fut fondatrice d’un Ordre religieux de femmes ; cette sainte ne fut que la patronne de diverses congrégations dont sainte Angèle de Brescia eut l’idée première.

Angèle Mérici, surnommée de Brescia, à cause de l’illustration qu’elle donna à cette ville par le long séjour qu’elle y fit et par sa mort, naquit à Desenzano, sur le lac de Garde, vers l’an 1470. Elle fut élevée dans la piété et la crainte de Dieu, et commença, disent ses historiens, à être vertueuse aussitôt qu’elle commença à être raisonnable. Orpheline de bonne heure, elle fut recueillie par un oncle qui lui continua les soins pieux de ses parents, et ainsi elle grandit dans l’amour de la retraite, du silence et de la mortification.

Manifestement Dieu se réservait cette belle âme ; Angèle, pour répondre à l’appel secret de son Dieu, reçut bientôt l’habit du Tiers Ordre de Saint-François. Elle se revêtit d’un cilice qu’elle ne quitta plus ; son lit était fait d’une simple natte jetée sur quelques branches d’arbre. Elle ne mangeait que du pain et quelques légumes, elle buvait de l’eau, et, pendant le carême, ne mangeait que trois fois par semaine.

Après avoir visité les saints lieux de Jérusalem et d’Italie, Angèle revint à Brescia, où, après plusieurs révélations de Dieu, elle fonda la compagnie des filles de Sainte-Ursule, en 1525. Cette date seule suffit pour rappeler toutes les misères de ce temps-là ; les nouvelles hérésies ruinent les cloîtres, condamnent la virginité, violent la sainteté des religions, et les hommes sont couverts d’ignorance et de corruption. Angèle est l’ouvrière du Seigneur ; aussi, pour répondre aux besoins de l’Église, proportionne-t-elle la création nouvelle aux besoins de son temps. Elle voulut que toutes ses filles demeurassent dans le monde, chacune en la maison de ses parents ; elle leur donna pour loi d’aller chercher les affligés poulies consoler et les instruire, de soulager les pauvres, de visiter les hôpitaux, de servir les malades, de se rendre comme esclaves de tous, afin de mieux engager les âmes à Dieu, selon la parole de saint Paul : Omnibus omniafactus sum, ut omnes facerem salvos. Enfin, elle ordonna que, selon l’exigence des temps, l’on pourrait changer la forme de vie qu’elle avait introduite ; elle en fit une mention particulière dans ses règles, et cette mesure prévoyante, approuvée par les souverains Pontifes, prépara la transformation de l’Ordre. Car, ainsi qu’on le voit, les Ursulines ne furent pas à l’origine ce qu’elles sont aujourd’hui ; longtemps elles vécurent dans l’état d’association, puis cette dévote compagnie de vierges devint congrégation, et un peu plus tard congrégation cloîtrée, trois états bien divers que nous constaterons au cours de ce récit.

Soixante-treize filles vinrent d’abord se mettre sous sa conduite, et en un instant on vit renaître, dans la ville de Brescia, l’esprit des premiers chrétiens, soit pour le soulagement des pauvres, soit pour l’instruction des ignorants. Après avoir laissé à ses filles des instructions pour leur conduite, la douce mère Angèle mourut en 1540. Elle fut canonisée en 1807.

Elle avait voulu que cette association de vierges fût placée sous le patronage de sainte Ursule, qui, selon certains auteurs, avait jadis gouverné un si grand nombre de vierges et les avait conduites au martyre. Il ne nous semble pas hors de propos de résumer rapidement les diverses légendes qui se rapportent à sainte Ursule.

Quelques auteurs ont prétendu qu’il n’avait jamais existé de sainte Ursule. Baronius raconte qu’en 383, Maxime, chef de l’armée de la Grande-Bretagne, passa en Gaule et y établit les Bretons. Voulant fonder une colonie, il envoya en Angleterre chercher des femmes pour ses soldats. Une armée de vierges fut envoyée à cette armée de colons ; Ursule, fille de roi, était à leur tête. Mais une tempête survenant pendant la traversée, elles furent jetées sur les côtes de la Germanie, où, obéissant aux exhortations d’Ursule, elles préférèrent la mort à une union forcée. N’est-ce pas un peu invraisemblable ? Le Beau, dans l’histoire du Bas-Empire, dit que Maxime ne s’établit pas en Armorique, mais à Trêves ; dès lors le débarquement d’Ursule et de ses compagnes dans les régions du Rhin n’est pas le résultat d’une tempête. Puis la légende s’est exercée encore sur le nombre des compagnes de sainte Ursule ; les uns disent onze, les autres mille, les autres onze mille. Certains légendaires expliquent les choses autrement : ils disent, sans preuve, que sainte Ursule avait une compagne appelée Undecimilla, dont le nom est assez voisin de onze mille. Le martyrologe romain se contente de nommer sainte Ursule et ses compagnes.

Voici ce qui se dégage des légendes : sainte Ursule fut une princesse de la Grande-Bretagne, qui fut, au cinquième siècle, martyrisée à Cologne par les Huns, vers l’an 452, avec onze vierges, d’après une inscription légendaire ainsi conçue : VRSVLA ET XI. MM. VV., c’est-à-dire Ursula et undecim martyres virgines, Ursule et onze vierges martyres. La lettre initiale du mot martyres est devenue celle du mot mille, de là l’erreur. La légende a ensuite poétisé ce fait et a vu en sainte Ursule une directrice de jeunes filles.

Paul III confirma cet ordre nouveau et donna aux supérieurs pouvoir d’augmenter, diminuer ou changer ce que l’on trouverait convenable selon les temps ou les lieux où cette compagnie serait établie. Sixte V et Paul V lui donnèrent de nouveaux privilèges, et Urbain VIII les étendit encore.

Le salut des âmes est l’unique but de l’ordre. Une heure d’oraison le matin, trois quarts d’heure le soir, deux examens, deux lectures communes et une particulière, trois visites au Saint Sacrement, la récitation de l’office canonial de la sainte Vierge aux jours ordinaires et du grand office à certaines grandes fêtes, l’audition quotidienne de la sainte messe, tels sont les principaux exercices de piété. La règle n’impose qu’un jeûne et une discipline par semaine. On jeûne la veille des principales fêtes de la sainte Vierge et des patrons de l’ordre. On fait abstinence tous les mercredis de l’Avent.

En raison des privilèges accordés par Paul III, l’ordre des Ursulines, qui compte actuellement en France environ cent trente maisons, se divise en France en quatre branches : celle de Paris, de Lyon, de Bordeaux, de Toulouse. Les maisons sont indépendantes les unes des autres, chacune a pour premier supérieur l’évêque diocésain, qui la gouverne par lui-même ou par son délégué.

Le costume se compose d’une robe de bure noire, retenue par un cordon de laine noire de la grosseur d’un doigt avec quatre ou cinq noeuds, d’une guimpe, d’un bandeau de toile et d’un voile d’étamine noire. Les religieuses professes portent sur le cœur un crucifix en cuivre. Les religieuses converses ne portent pas de voile.

Les filles de sainte Angèle ne tardèrent pas à se répandre dans le monde catholique. Saint Charles Borromée, cardinal archevêque de Milan, voulut avoir dans sa ville archiépiscopale des religieuses Ursulines. Elles y atteignirent bientôt le chiffre de quatre cents. De Milan elles passèrent en Provence. C’est ici le lieu de dire quelques mots de la mère Françoise de Bermond, la fondatrice des Ursulines en France.

La mère Françoise de Bermond naquit à Avignon, en 1572, de Pierre de Bermond, trésorier de France en la généralité de Provence, et de Perrette de Marsillon. Elle eut, paraît-il, dans sa première jeunesse, quelque penchant pour les frivolités du siècle, mais cet attrait ne dura pas. À quatorze ans elle fit vœu de chasteté, et bientôt s’adjoignit des compagnes pour prier, et pour enseigner charitablement la doctrine chrétienne. Dieu avait ses desseins sur ces âmes choisies, il ne tarda pas à les manifester.

ursuline

Mademoiselle de Vaucluse, ayant fait vœu de virginité entre les mains de l’évêque de Carpentras, reçut de lui le livre des constitutions des Ursulines de Milan ; elle le communiqua au P. Romillon, son directeur, qui à son tour le fit connaître à Mme de Bermond et à ses compagnes. Celles-ci résolurent d’embrasser cet institut. Malgré bien des obstacles, elles parvinrent à louer une maison à l’Isle, sur la rivière de Sorgues, dans le comtat Venaissin, et vécurent en communauté. Elles étaient d’abord au nombre de vingt-cinq, mais en peu de temps elles reçurent plusieurs autres sujets et firent plusieurs établissements. La mère Françoise de Bermond fonda alors les maisons d’Aix et de Marseille, puis partit pour Paris donner la règle de Sainte-Ursule à quelques personnes pieuses réunies sous la haute protection de Mme de Sainte-Beuve. Ces dernières, cependant, apportèrent une modification à ces règles, elles établirent la clôture ; c’est comme le troisième degré de cet état de perfection que recherchaient les filles de Sainte-Ursule : en Italie, elles sont d’abord simplement associées, ce sont de pieuses et saintes filles qui vivent dans le monde, unies cependant par un règlement intime et un but charitable ; avec la mère de Bermond, l’association simple devient congrégation, les religieuses sont congrégées, réunies en une même maison et font des vœux simples ; puis la congrégation devient un ordre, qui possède la clôture et les vœux solennels.

C’est à son retour de Paris que la Mère de Bermond, passant à Lyon, y fonda le couvent des Ursulines. Il y avait alors en notre ville un riche marchand, Jean Ranquet, qui conçut le dessein de procurer l’établissement d’une maison de la congrégation de Sainte-Ursule à la ville de Lyon. Il en conféra avec son ami M. Faure, et tous deux se mirent à la recherche de la Révérende Mère Françoise. Ils la trouvèrent au moment où elle allait s’embarquer, au port du Temple, sur le bateau qui devait la transporter à Avignon. Ils exposèrent à la fondatrice leur pieux projet, et la pieuse femme resta à Lyon, pour établir, avec l’autorisation de Mgr l’Archevêque et de Messieurs du Consulat, un couvent d’Ursulines. Louis XIII ayant donné les lettres patentes nécessaires (1612), on s’occupa de trouver un local. M. Ranquet donna sa maison, qui était située entre la grande et la petite rue des Feuillants, la place Romarin et la place de la Croix-Pâquet. Cette maison fut plus tard achetée par les Feuillants (1622), et les Ursulines n’y demeurèrent que quatre mois, jusqu’à ce qu’elles fussent pourvues d’une maison convenable pour continuer leurs saints exercices.

Après quatre mois de séjour en cette maison, les Ursulines s’établirent dans la rue de la Vieille-Monnaie. Ce premier établissement était situé sur le côté nord de la rue, où est actuellement le n° 33. Cette acquisition des Ursulines comprenait un jardin et deux maisons, relevant de la directe de la commanderie de Malte.

Après la fondation de Lyon, l’évêque de Mâcon demanda la Mère de Bermond pour ériger en monastère une congrégation d’Ursulines qui était en cette ville, et après cinq mois de séjour qu’elle y fît, pour instruire ces jeunes filles des observances régulières, elle retourna à Lyon, d’où, un an après, elle partit pour fonder une autre maison à Saint-Bonnet-le-Château. Demandée ensuite pour aller à Grenoble, elle voulut rester à Saint-Bonnet, parce que le monastère était pauvre et qu’il lui était plus facile de vivre dans l’humilité et la pratique de l’oraison. C’est en cette petite ville qu’elle mourut, en 1628, à l’âge de cinquante-six ans.

Jusqu’en 1620, les Ursulines de Lyon vécurent à l’état de congrégées, c’est-à-dire en communauté et sans clôture. Mais sur la requête de Mgr Denis de Marquemont, archevêque de Lyon, Paul V, par une bulle du 25. mars 1620, ordonna que les filles de la congrégation de Lyon seraient derechef et solennellement consacrées à Dieu par des vœux de religion, sous le titre de Sainte-Ursule et la règle de S. Augustin. Les Constitutions des Ursulines de Lyon furent dressées par le cardinal de Marquemont. Son successeur, Mgr Charles Miron y apporta quelques changements et les fit imprimer, afin que tous les monastères de cette congrégation gardassent l’uniformité dans les saintes observances ; conformément à l’ordonnance du prélat, les Constitutions furent imprimées pour la première fois en 1628.

Autour de 1622, les Ursulines s’installèrent de l’autre côté de la rue Vieille-Monnaie, côté sud. Elles firent l’acquisition d’une partie du Petit-Foreys, délimitée par la place de la Croix-Pâquet et la montée de la Glacière. À diverses reprises elles s’occupèrent de construction, mais ce ne fut qu’en 1702 qu’elles firent bâtir une maison en rapport avec leur prospérité. Si vous passez devant le n° 20 de la rue Vieille-Monnaie, vous pourrez voir contre la muraille sans fenêtre des débris de colonnes et de pilastres : ce sont des restes de la chapelle des Ursulines. Les deux maisons portant les nos 18 et 20 indiquent assez, à leur style, un monument conventuel ; l’allée du n° 20 est surmontée d’une voûte surbaissée à arêtes et possède encore une belle porte d’entrée.

La chapelle était bâtie sur la rue Vieille-Monnaie, sa façade latérale parallèle à la rue. Une partie des bâtiments étaient bâtis en façade sur cette même rue, mais le pensionnat était construit en retour d’équerre et formait une longue maison ; les jardins étaient très vastes et s’étendaient de la rue Romarin actuelle jusqu’à là Croix-Pâquet d’un côté et au jardin des Capucins de l’autre ; ils étaient plantés de beaux arbres et riches en sources d’eaux vives.

La prospérité de ce couvent alla grandissant, et bientôt les locaux furent trouvés trop étroits. En conséquence, on résolut de fonder à Lyon un second couvent d’Ursulines. En 1633, sur la colline de Saint-Just, au lieu dénommé alors les Martyrs ou les Bains romains, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le grand séminaire, une dizaine de religieuses allèrent fonder une colonie nouvelle. Elles aussi, comme leurs sœurs du couvent de la Monnaie, enseignèrent les jeunes filles avec beaucoup de fruit, dans leur maison et au dehors. Mais, fait assez étrange et heureusement assez rare, la plus parfaite harmonie ne semble pas avoir régné entre la mère et la fille, entre le couvent de la Monnaie et celui de Saint-Just. Des prétentions réciproques amenèrent des procès sans fin entre les deux communautés. L’église de ce second couvent était placée sous le patronage de saint Louis ; l’histoire de ce monastère n’offre rien de bien saillant, sinon que l’église fut reconstruite en 1754.

Les amateurs d’antiquité nous sauront gré peut-être d’ajouter un mot sur ce qu’on appelait improprement les Bains romains. Voici ce qu’en dit J. Spon : ce Dans les vignes des religieuses ursulines, l’on voit des voûtes sous terre percées de plusieurs portes, que le jardinier peut montrer aux curieux. Le peuple les appelle la grotte Berelle. Ce sont apparemment des Bains romains de quelque bel hôtel. Ils méritent d’être vus, quand ce ne serait que pour voir la manière dont ils sont incrustés, d’un ciment à l’antique presque aussi dur que la pierre même. Ce qui fait que cela semble être tout d’une pièce. »

Depuis, il a été reconnu que ce reste d’antiquité était un réservoir des eaux des aqueducs. Des fouilles ont été faites, et l’on a trouvé, dans le sol de l’ancien couvent des Ursules, un grand nombre de pièces antiques dont s’est enrichi notre musée.

Le nombre de ces religieuses s’étant encore accru, dit l’Almanach de 1745, elles pensèrent à fonder un troisième couvent ; c’était trop peut-être. En 1673, des lettres patentes de Sa Majesté autorisent l’établissement, à la montée Saint-Barthélémy, de ce troisième couvent. L’emplacement sur lequel il s’élevait fait aujourd’hui partie de la propriété des frères qui tiennent le pensionnat connu sous le nom de Lazariste. L’église et le couvent étaient placés sous la protection de sainte Marguerite, près de l’ancienne recluserie de ce nom. La maison de la montée Saint-Barthélémy qui porte le n° 6, et qui fut élevée lors de l’abaissement et de l’élargissement de la voie publique, a été construite sur l’emplacement de la chapelle.

Ce troisième couvent eut-il quelque prospérité ? je ne sais ; ce que l’on peut affirmer, c’est que son existence ne fut pas de longue durée. À la suite de l’Assemblée du clergé de France, en 1682, on commença une enquête sur la situation des couvents, prélude de l’enquête faite en 1769, par la célèbre commission dont l’archevêque de Toulouse, Brienne, fut le rapporteur. Pour le couvent de Sainte-Marguerite, il y eut enquête et contre-enquête, qui aboutirent à décider la réunion au premier monastère du troisième monastère de la montée Saint-Barthélémy. Les motifs invoqués pour cette suppression ne paraissent pas être de grande valeur, et l’on aurait pu, ce semble, s’il n’y avait eu parti pris d’avance, faire facilement cesser les inconvénients signalés. On se plaint, en effet, que ce les religieuses, faute de ressources, n’ont pu rendre leur maison ni leur clôture dans un état régulier ; que leur cuisine, leur réfectoire, chœur et cellules, ne tirant leur jour que de la rue, ont toujours été exposés à la vue des voisins, qui ont toujours été en état de les observer dans tous leurs exercices, et même de les troubler par le bruit ou par une curiosité indécente et trop ordinaire aux séculiers ; mais ce qui aurait pu causer un plus grand désordre, c’est le défaut de clôture, n’étant séparées de leurs voisins que par des haies d’un côté, en sorte que la sortie et entrée leur aurait été facile ; d’ailleurs la situation de leurs cellules étant mal disposée pour les visites de la supérieure, il était impossible de faire observer exactement les règles de leur ordre et une juste discipline. »

Cette réunion des deux monastères eut lieu en 1697, vingt-quatre ans seulement après la fondation de ce troisième couvent. Cette date est certaine. Voici en effet ce que nous avons trouvé, dans le fonds des Lazaristes, aux archives municipales : 12 février, 26 juillet, 5 août et 6 septembre 1697. Procès-verbal de visite et décret d’union du troisième monastère de Sainte-Ursule de Lyon, au premier, sis rue Vieille-Monnaie.

Le 26 août 1697, les religieuses sont conduites par messire Pierre Deville, docteur en théologie, elles sont reçues au premier monastère. Mgr de Saint-Georges procède ensuite aux élections.

Après cette réunion, il ne resta de cette église qu’une fondation que les religieuses firent acquitter dans l’oratoire voisin de la recluserie de Saint-Barthélémy. À partir de 1697, il n’y eut plus que deux couvents d’Ursulines à Lyon.

Le dix-huitième siècle semble s’être passé dans le calme pour nos deux couvents. De 1697 à 1756, époque où le troisième monastère de Sainte-Ursule fut acheté par les Lazaristes, nous voyons :

1° En 1738, concession par les révérendes dames de Sainte-Ursule de l’usage de leur chapelle de Saint-Barthélémy, à M. de Saint-Nizier, sacristain de Saint-Paul, et à M. l’abbé Pitiot.

2° En 1750, par gracieuse concession des Ursulines, le sacristain de Saint-Paul faisait le catéchisme aux enfants dans la chapelle des Ursulines.

3° En 1754, permission accordée par les Ursulines aux filles de la Doctrine chrétienne de faire leurs exercices dans leur chapelle de Saint-Barthélémy. Celles-ci s’engagent pour la réparation du couvert de la susdite chapelle.

Rien donc de bien saillant n’est signalé dans cette double histoire. Aussi bien — ne le sait-on pas ? — rien n’est plus modeste que la vie des congrégations enseignantes, rien n’est aussi plus uniforme. Mais autour de ces maisons il n’en était pas de même, et la révolution fut là bientôt. En 1790, alors que les municipalités, pour assurer l’exécution de la nouvelle loi qui mettait en liberté tous les individus enfermés dans les couvents, durent visiter les communautés de religieuses, les officiers municipaux se présentèrent aux monastères de Sainte-Ursule. Après avoir fait connaître aux religieuses la loi dont elles pouvaient bénéficier sur l’heure, ils leur demandèrent d’opter sans crainte. Toutes choisirent de continuer de vivre de la vie monastique. Et lorsqu’au mois de janvier suivant, Nivière Chol, que nous retrouvons souvent dans cette spéciale besogne, présida les assemblées des religieuses devant élire à nouveau supérieure et économe, la vitalité des deux maisons et l’unité des résistances se manifestèrent par la réélection pure et simple des mêmes supérieures et des mêmes économes.

Mais ces persécutions débonnaires n’étaient qu’un prélude, l’orage grandissait et devait faire bien des victimes. Les religieuses furent dispersées et leurs biens furent vendus. Une portion du monastère de la rue Vieille-Monnaie servit de caserne, cette caserne occupait la maison qui fait aujourd’hui l’angle de la rue Vieille-Monnaie et de la rue Coysevox. Après avoir servi quelque temps à cet usage, ce couvent fut dépecé et vendu ; il en fut de même du couvent de Saint-Just. De ce dernier, qui fut vendu à l’amiable par la nation à Jacques-François Darnal, et qui passa ensuite aux mains de M. Blanc, ex-récollet, lequel le convertit en maison de santé, il ne reste rien aujourd’hui ; du premier, au contraire, on voit encore des traces : sans parler des escaliers, des pilastres, des arcs, que j’ai déjà signalés, il suffit de rappeler que tout le côté oriental de la rue Coysevox actuelle est formé, après remaniements, de l’ancien couvent des Ursulines de la Vieille-Monnaie. La rue Donnée, sa voisine, fut ouverte, sur l’ancien terrain du monastère, par les nouveaux propriétaires, qui en abandonnèrent le terrain à la ville, d’où vient son nom.

Il semble qu’arrivés là nous soyons au bout de l’histoire lyonnaise des Ursulines, il n’en est rien. Cet ordre montra une grande force de résistance, son histoire recommence presque aussitôt.

Parmi les religieuses dispersées en 1791, Mère Saint-Ambroise Boulard et Mère Sainte-Victoire Chappuis de Clérimbert, du couvent de la Vieille-Monnaie, s’enfuirent en Italie. Après la Terreur, et sous le Directoire, elles rentrèrent à Lyon, et sans trop de bruit ouvrirent un pensionnat. En 1805, des temps plus calmes étant revenus, elles résolurent, avec quatre autres religieuses, de rétablir la communauté disparue. Les noms de ces six religieuses méritent d’être conservés. Après la Mère Saint-Ambroise Boulard qui fut élue supérieure, et la Mère Sainte-Victoire Chappuis de Clérimbert, qui mourut dans les premières années du rétablissement, ce sont : Mère Sainte-Pélagie Léchevin, du couvent de Crémieu, morte en 1835 ; Mère Sainte-Madeleine Beaujolin, du couvent de Saint-Symphorien-le-Château, morte en 1820 ; Mère Saint-Michel Paradis, du même couvent de Saint-Symphorien, morte en 1822 ; enfin, Mère Saint-Pierre Prost de Grange-Blanche, religieuse de l’abbaye de Saint-Pierre, qui reçut du Pape Pie VII la permission d’entrer dans l’ordre de Sainte-Ursule, celui de Saint-Benoît n’étant pas encore rétabli. Elle mourut en 1818. Elles eurent pour premier abri la maison de M. Orsel, à la Guillotière.

Mais la Guillotière n’était qu’un faubourg, et le désir des religieuses était de rentrer à Lyon. Or, il y avait, rue de la Charité, un magnifique hôtel avec jardin et dépendances, qui avait été construit et aménagé par Berthaut, voyer de la ville, aussitôt après le percement de la rue de la Charité, et qui avait passé aux mains des Villeroy, gouverneurs de Lyon. Les Villeroy, avant 1734, possédaient un hôtel entre la rue Saint-Jean et le quai de Saône, à cet endroit encore appelé aujourd’hui place du Gouvernement. En 1734, le Consulat acheta l’hôtel des Villeroy, dans le dessein d’y construire une loge du change et une bibliothèque publique, et les Villeroy, qui n’étaient presque jamais à Lyon, achetèrent l’hôtel Berthaut. Ce fut le Nouvel Hôtel du Gouvernement. En 1791, il appartenait à M. Baland d’Arnas ; il fut mis sous séquestre pendant l’émigration du propriétaire et affecté au service de l’état-major de la place ; en 1800, séquestre levé, il appartenait à Mme de Fargues, fille de M. Baland d’Arnas. Les Ursulines, par des achats successifs, devinrent propriétaires de cet immeuble et de ses dépendances et y demeurèrent quatorze ans, de 1811 à 1825. Mais, malgré son grand air, l’hôtel Villeroy était peu propre à sa nouvelle destination ; il était du reste dominé par les maisons voisines, ce qui est une véritable servitude ; on résolut de trouver un local plus propice. L’hôtel Villeroy, l’ancien couvent des Ursulines de la rue de la Charité, est aujourd’hui occupé par l’école de commerce.

Le 1er décembre 1825, les Ursulines achetèrent la propriété où elles sont installées maintenant, au petit Sainte-Foy, un peu plus loin que le fort Saint-Irénée. Cette propriété était l’ancienne maison de campagne des religieux Trinitaires, qui, en 1791, avait été acquise comme bien national par Joseph Coenny, et qui était passée aux mains de sa fille, Mme Gelly. Les bâtiments des Trinitaires étaient en mauvais état et insuffisants ; les Ursulines firent bâtir à nouveau, et dès lors leur maison n’a cessé de prospérer. Aller plus loin sortirait de notre cadre. Disons seulement que les Ursulines font des élèves instruites et chrétiennes et concluons avec M. Cl. Tisseur, dans son intéressante étude sur le couvent de la Vieille-Monnaie, auquel nous avons avec reconnaissance beaucoup emprunté, que, sans chercher à prévoir ce que deviendront les systèmes d’éducation dans un lointain avenir, il est certain que les institutions comme celles des Ursulines ont leur place utile dans les sociétés modernes.

SOURCES :

Vie des Saints de Godescard, Angèle de Brescia.

Le P. Hélyot.

Les Almanachs de Lyon.

Archives municipales : Fonds des Lazaristes.

J. Spon : Curiosités de la ville de Lyon.

Cl. Tisseur : Les Ursulines de la Vieille-Monnaie.

Paul Saint-Olive : Vieux souvenirs.

Revue du Lyonnais : Juin 1844.

Bullaire, tome XII, page 445, longue Bulle de Paul V pour l’érection des monastères de Saint-Bonnet, Saint-Chamond, Montbrison, Roanne et Bourg.