Les ancêtres du violon et du violoncelle/Le Crouth

fragment d’un bas-relief de la cathédrale de strasbourg
(xive siècle).



LE CROUTH

I


Cet instrument à table d’harmonie, à éclisses, à manche, à âme, à cordes et à archet est cité pour la première fois dans les vers suivants de Venantius Fortunatus, évêque de Poitiers, à la fin du vie siècle :

Romanusque lyra plaudat tibi, Barbarus harpa,
Græcus archilliaca ; chrotta britana canat.

(Livre septième, chant vii, De Lupo duce.)

Et que le Romain t’applaudisse sur la lyre, le barbare sur la harpe, le Grec sur l’achilienne ; que le crouth breton chante.

Encore, qu’il ait été usité depuis le milieu du ve siècle [1], la plus ancienne figure du crouth, connue jusqu’à ce jour, se trouve dans un manuscrit latin du xie siècle, provenant de l’abbaye de Saint-Martial de Limoges, actuellement à la Bibliothèque nationale.


crouth a trois cordes
Manuscrit de Saint-Martial de Limoges
(xie siècle).
Une miniature de ce précieux manuscrit représente un personnage couronné, assis sur un trône, tenant l’instrument appuyé sur son genou gauche et l’archet de la main droite.

La caisse de résonance du crouth est plate, sans échancrures sur les côtés ; elle se compose d’une table et d’un fonds réunis par des éclisses ou lames de bois circulaires. Dans le haut de cette caisse, au milieu, il y a un manche. Deux ouvertures pratiquées de chaque côté du manche, permettent au musicien de passer les doigts de la main gauche, afin de pouvoir actionner les cordes, qui sont au nombre de trois. Celles-ci, attachées au bas de la caisse, car il n’y a pas de cordier, sont tendues sur toute la longueur de l’instrument et passent sur un chevalet assez élevé, dont la partie supérieure, celle où reposent les cordes, est plate. La table devait avoir des ouïes que l’artiste peintre a négligé de représenter.

De forme peu gracieuse, lourd d’aspect, le crouth rappelle une lyre antique ayant une caisse sonore très allongée et se rapproche beaucoup comme construction de la cythara teutonia, à cordes pincées, dont on voit deux exemples dans le manuscrit de Saint-Blaise, du ixe siècle, publié par Gerbert[2]. Si cette dernière avait un manche surmonté d’une touche au-dessous de ses cordes, elle ressemblerait à un crouth et réciproquement.

En résumé, le crouth du manuscrit de Limoges, n’est autre qu’une lyre à trois cordes et à archet ; mais une lyre disposée pour produire plusieurs sons soutenus à la fois. Le moindre examen de son chevalet tout à fait plat, ne laisse pas de doute sur ce point ; car il devait être impossible de passer l’archet sur la corde du milieu sans toucher les deux autres et, par suite, on y faisait forcément entendre des harmonies successives, d’autant plus faciles à obtenir, que tous les doigts de la main gauche, y compris le pouce, passaient par l’ouverture à droite de la touche : cette main appuyait donc complètement à plat contre le manche, et chacun des doigts venait presser naturellement les trois cordes à la fois. Ce fait ne saurait être mis en doute, car le pouce ainsi que les autres doigts de la main gauche, sont dessinés avec beaucoup de précision.

Il existe une autre représentation du crouth à trois cordes : crowth trithant, parmi les sculptures extérieures de l’abbaye de Melrose, en Écosse, qui fut construite au début du xive siècle, sous le règne d’Édouard II.

En France, on perd la trace du crouth depuis le ixe siècle, mais en Angleterre, dans le pays de Galles, l’usage s’en est continué jusqu’à la fin du xviiie siècle.

Le crouth était l’instrument des bardes, qui s’en servaient, ainsi que de la harpe, pour accompagner leurs chants.

On disait crwt en Armorique ; cruit, crwth, crudh, crowd dans la Grande-Bretagne[3].

II

Ce sont les prêtres du paganisme qui fondèrent les premières associations d’artistes. La Grèce vit éclore plusieurs de ces confréries, qui se livraient, dans l’intérêt du culte, à différents travaux d’ornementation, de peinture, de sculpture, de ciselure et de musique, ajoutant même à ces fonctions celles de composer des hymnes et de cultiver la danse pour former des chœurs autour des autels.

Chez les Germains, les Gaulois et les Bretons, l’institution des bardes, laquelle réunissait les chanteurs et les musiciens de la nation, était comme une branche de l’ordre des Druides.

L’association des bardes avait une hiérarchie et se divisait en trois classes : les bardes aspirants, les simples bardes et les bardes en chef. Les bardes aspirants étaient les disciples de ces derniers. « Ils formaient, dit Hersart de la Villemarqué, diverses catégories et subissaient, durant plusieurs années, divers stages ou épreuves devant un chef des bardes, qui, d’après leur plus ou moins de génie poétique, les admettait dans l’ordre ou les repoussait. Les aspirants ayant part aux largesses des chefs, et recevant des rétributions en argent lorsqu’ils chantaient dans les banquets ou assistaient aux mariages, devaient au chef des bardes, pour prix de ses leçons, le tiers de leur gain. Toutefois, s’ils quittaient leur instituteur, soit pour manque de capacité et après avoir échoué dans les épreuves, soit pour toute autre cause, ils avaient droit à une harpe ; la loi leur assurait leur gagne-pain. Au contraire, l’aspirant qui était sorti vainqueur de toutes les épreuves parvenait au second degré de l’ordre, et prenait place parmi les bardes royaux[4]. »

Après la chute du druidisme, les bardes perdirent leur caractère sacré, ils occupèrent une situation moins prépondérante et finirent par se confondre avec les ménestrels proprement dits chez la plupart des nations. Mais il n’en fut pas de même en Angleterre, en Irlande, en Écosse et dans l’Armorique, où ils conservèrent leurs principaux privilèges pendant plusieurs siècles. Ils avaient, entre autres, le droit de conduire au roi tout homme qui en insultait un autre et de protéger celui qui manquait de protecteur. D’après Kastner[5], ce rôle de médiateurs fut commun aux bardes et aux ménestrels, ils s’interposaient entre le peuple et le souverain pour faire rendre justice au faible et à l’opprimé.

Les bardes étaient très honorés et occupaient un poste élevé à la cour des princes.

Le barde de la chaise, ou barde en chef, portait sur la poitrine un objet d’or ou d’argent qui avait la forme d’une chaise, ou bien un bijou figurant une harpe, ce qui était tout à la fois une récompense de son mérite et la marque distinctive du grade de maître en musique qui lui avait été conféré.

Le barde royal logeait chez le préfet du palais et était admis à la table du roi.

Ses terres étaient libres d’impositions.

Le roi lui donnait un cheval et des vêtements de laine, la reine des vêtements de lin.

Il recevait des vêtements neufs aux trois fêtes principales de l’année.

Le roi lui donnait un échiquier à jouer en ivoire et la reine un anneau d’or.

La dot de sa fille était de soixante-dix deniers, le douaire de sa femme d’une livre et demie, sa dot à lui de trois livres. S’il était insulté, l’injure se payait : six vaches et soixante-dix deniers.

Son meurtre était estimé soixante-seize vaches. Quand il allait piller avec les soldats du roi, s’il chantait devant eux, il avait droit au meilleur taureau du butin. Le jour du combat, il devait chanter l’hymne bardique : Unbeniaeth Prydain, chant national de la monarchie bretonne.

Si le roi lui demandait de chanter, il devait faire entendre trois chants de différents genres. — Si c’était la reine qui l’en priait et qu’elle le fît appeler dans sa chambre, il devait s’y rendre et lui dire trois chants d’amour, mais à demi-voix, pour ne pas troubler la cour. — Si un noble lui demandait de chanter, il était aussi tenu de lui faire entendre trois chants. Mais si un paysan l’en prie, qu’il chante jusqu’à l’épuisement, dit le législateur, voulant montrer par là que le barde appartient bien plus au peuple qu’aux rois, aux reines et aux nobles.

Les bardes aspirants recevaient un instrument de musique lorsqu’ils passaient maîtres, soit une harpe, un crouth ou une cornemuse.

Ces détails sont consignés dans le recueil des lois galliques, publiées par le roi Howell Dda, surnommé le Bon, qui régna de 904 à 948, et dans lequel il assigne les privilèges et les devoirs à chaque classe sociale[6].

Les nouveaux bardes étaient classés dans une assemblée nommée Eisteddvod, qui avait lieu tous les trois ans. Des statuts édictés, au xiie siècle, par le prince de Galles, Graffied ap Cynan, réglaient tous les détails de ces concours. Le candidat qui ne réussissait pas dans les épreuves devait un pourboire au chef des bardes et était ajourné à l’Eisteddvod suivant. Cette organisation dura jusqu’au xvie siècle, elle fut supprimée sous le régne d’Élisabeth. Depuis cette époque, des Eisteddvod ont été néanmoins réunis à des dates indéterminées, mais ils n’avaient pas conservé le même but ni le même caractère, si l’on y conférait parfois le grade de barde, ce n’était plus que comme un titre purement honorifique.

En Irlande, les bardes étaient également estimés et honorés, mais ils perdirent de leurs prérogatives après l’asservissement de ce pays par l’Angleterre, et ne furent plus admis à la table des princes lorsque Richard II eut achevé de soumettre les chefs des quatre comtés indépendants, auxquels on donnait le titre de roi.

Un récit curieux de Froissart peint les rapports intimes de ces chefs avec leurs bardes et leurs serviteurs, et fait en même temps connaître l’époque où ces anciennes coutumes cessèrent, c’est-à-dire vers la fin du xvie siècle.

Quoique les bardes irlandais passent pour n’avoir cultivé que la harpe, il sera intéressant, à cause de la situation similaire des bardes gallois, de connaître ce que raconte Froissart, d’après ce que lui a dit le chevalier Richard Scury, qui avait accompagné Richard II en Irlande :

« Quand les Roys estoient assis à table, et servis du premier mets, ils faisoyent seoir devant eux leurs menestriers et leurs prochains varlets, et manger à leur escuelle, et boire à leurs hanaps, et me disoient que tel étoit l’usage du païs, et qu’en toutes choses, réservé le lict, ils étoyent tous communs. Je leur souffri tout ce faire trois jours ; et au quatrième je fei ordonner tables, et couvrir en la salle, ainsi comme il appartenoit ; et fei les quatre Roys seoir à haute table, et les menestriers à une table bien ensus d’eux, et les varlets d’autre part ; dont par semblant ils furent tous courroucés, et regardoyent l’un l’autre, et ne vouloyent manger, et disoyent qu’on leur vouloit oster leur bon usaige auquel ils avoient esté nourris. Je leur respondy, tout en souriant, pour les appaiser, que leur estât n’estoit point honneste, n’honorable, à estre ainsi comme au-devant ils avoyent fait, et qu’il le leur convenoit laisser, et eux mettre à l’usaige d’Angleterre, car de ce faire j’estoye chargé, et me l’avoit le Roy et son conseil baillé par ordonnance. Quand ils ouïrent ce, ils souffrirent (pourtant que mis s’estoyent en l’obéissance du Roy d’Angleterre) et persévérèrent en celuy estât assez doucement, tant que je fu avecques eux[7]. »

III

Edward Jones, harpiste et crouthiste habile, barde du prince de Galles à la fin du xviiie siècle, a publié deux ouvrages remarquables[8] sur l’histoire des bardes ses prédécesseurs, parmi lesquels figurent deux héros des romans de la Table Ronde, l’enchanteur Merlin[9] et le roi Arthur ou Artus, ce dernier comme barde amateur.

Grâce à de persévérantes recherches, Edward Jones a pu établir cette histoire des bardes d’après des chroniques et des manuscrits remontant jusqu’aux premiers siècles de notre ère.

Nous lui devons la connaissance d’un très curieux document du xiie siècle, qui détermine la hiérarchie des bardes dans le pays de Galles. Cette hiérarchie comprenait huit ordres de bardes, dont quatre gradés et quatre non gradés[10]. On y trouve deux joueurs de crouth, l’un appartenant au quatrième ordre des bardes gradés, l’autre classé parmi les bardes non gradés. Le premier jouait du crouth à six cordes, le second du crouth à trois cordes ou crwth trithant.

Le dessin du crouth à six cordes qui est donné à la page 11 a été emprunté à Edward Jones.

Pas plus long qu’un violon, il mesure :

Longueur totale 
57 centimètres.
Largeur du bas 
27
            du haut 
23
Longueur de la touche 
28
Hauteur des éclisses 
5

Cet instrument est bien du même système que celui de Limoges. Nous pensons qu’il est inutile de disserter sur les petites différences qui existent dans les contours extérieurs de la caisse, aussi bien que sur le cordier, dont le crwth trithant n’est pas muni.

Si les ouïes étaient figurées sur le dessin de celui-ci, peut-être y verrions-nous aussi le pied droit du chevalet appuyé sur la table, tandis que le pied gauche, pénétrant à l’intérieur de la caisse par l’ouïe gauche, porte sur le fond. Cette particularité est fort remarquable, car elle permet de mettre simultanément la table et le fond en vibration par le frémissement des cordes. C’est le principe de l’âme des instruments à archet, et c’en est probablement la première application.

Edward Jones décrit ainsi le chevalet du crouth :

« Le chevalet n’est pas placé à angles droits avec les côtés du crouth, mais dans une direction oblique ; et, ce qui est à remarquer en outre, un des pieds du chevalet sert aussi d’âme. Il passe par une des ouïes, lesquelles sont circulaires et s’appuie sur la table inférieure ; l’autre pied, plus court, est posé sur la table près de l’autre ouïe[11]. »

L’âme des instruments à archet, n’est autre que la petite tige de bois arrondie, qui est placée à l’intérieur de la caisse, perpendiculairement, entre les deux tables, à droite, un peu en arrière du chevalet. Cette pièce, qui a une si grande influence sur la qualité du son, d’après ses proportions, la place qu’elle occupe, et son plus ou moins d’adhérence aux tables, leur est indispensable ; sans elle, la table supérieure céderait à la tension des cordes ; car celles-ci, passant sur un chevalet assez élevé, exercent une pression d’autant plus forte, que le tirage ne se fait pas horizontalement. Elle sert encore à transmettre les vibrations de la table supérieure à la table inférieure, et remplit, de ce fait, un rôle acoustique de la plus haute importance. Avec sa construction toute spéciale, le chevalet du crouth accomplissait donc à la fois les fonctions d’un chevalet ordinaire et celles de l’âme. Ce système devait offrir bien des inconvénients, dont le moindre était l’instabililé du chevalet, qui subissait certainement des déplacements chaque fois que l’on tendait ou détendait une corde. Il a fallu tout le respect de la tradition pour qu’il fût conservé jusqu’au xviiie siècle, alors que le violon était connu depuis si longtemps, et qu’il aurait été si simple de doter le crouth d’un chevalet ordinaire et d’une âme.


crouth à six cordes
D’après Edward Jones.
La présence de ce chevalet sur le crouth à six cordes, à une époque aussi rapprochée de nous, est la preuve certaine qu’il en a toujours été ainsi, et que les bardes du ve siècle se servaient d’instruments ayant des chevalets semblables à celui-ci.

Les instruments à archet sont dans l’obligation d’avoir chacun un chevalet et une âme. Le premier facilite beaucoup le jeu de l’archet, en maintenant les cordes à une certaine hauteur, et sert en même temps à communiquer leurs vibrations à la table supérieure. Quant à la seconde, nous venons de voir son incontestable utilité ; c’est sans doute en raison de son rôle vital et mystérieux, car elle ne se voit pas à l’extérieur, que cette modeste pièce de bois a reçu le nom si poétique d’âme.

L’âme n’existe pas dans les instruments à cordes pincées ; elle n’y serait d’aucune utilité, du reste, car les cordes ne reposent pas sur un chevalet, leur tirage se fait horizontalement, elles n’exercent donc aucune pression sur la table.

IV

La table supérieure du crouth paraît être absolument plate, sur le dessin d’Edward Jones, donné plus haut, ainsi que sur celui publié par Daines Barrington[12], et l’on serait porté à croire que la table du fond l’était aussi. Cependant, une description du crouth à six cordes, laissée par le barde gallois Gruffydd Davydd ab Howel, qui vivait au xve siècle, nous apprend que le dos du crouth était voûté. Voici ce document en vers galliques, et sa traduction d’après la version anglaise d’Edward Jones.

crwth.

Prennol t’eg bwa a gwregis
Pont a br’an, punt yw ei bris ;
A thalaith ar waith olwyn,
A’r bwa ar draws byr ei drwyn
Ac e’i ganol mac dolen,
A gwàr hwn megis gwr hên ;
Ac ar ei vrest gywair vrêg,
O’r Masarn vo geir Miwsig,
Chwe yspigod o’s codwn,
A dynna hell dannau hwn ;
Chwe’ thant a good o vantais,
Ac yn y llaw yn gun llais ;
Tant i bôb b’ys ysbys œdd,
A dau-dant i’r vawd ydoedd[13].


le crouth.

Un joli coffre (sonore) avec un archet, un lien, une touche, un chevalet ; sa valeur est d’une livre. Il a la tête arrondie comme la courbe d’une roue, et perpendiculaire à l’archet au petit crochet ; et de son centre sortent les accents plaintifs du son ; et le renflement de son dos est semblable à celui d’un vieillard ; et sur sa poitrine règne l’harmonie. Dans le sycomore nous trouvons la musique. Six chevilles, lorsque nous les vissons, tendent les cordes, et ces six cordes sont ingénieusement imaginées pour produire cent sons sous l’action de la main ; une corde pour chaque doigt est vue distinctement, et les deux autres sont pour le pouce[14].

On voit que ce brave Gruffycld Davydd ab Howel tenait son instrument en très haute estime. Mais nous savons, par lui, qu’au xve siècle, le crouth à six cordes était construit en bois de sycomore, qu’il valait une livre, que sa tête était encore arrondie comme celle du crouth à trois cordes du xie siècle, que son dos était voûté et que l’on en tirait des sons plaintifs. De plus, que les cordes étaient disposées de la même manière qu’elles le seront encore trois siècles plus tard.

Cette disposition des six cordes du crouth est des plus intéressantes à étudier. Établie d’après une règle généralement adoptée, on la retrouve absolument semblable sur le dessin d’un manuscrit anglais du xie siècle[15], sur le dessin de Strutt[16] et sur celui de Daines Barrington[17].

Quatre cordes seulement passent au-dessus de la touche, les deux autres se trouvent en dehors, à gauche du manche. Ces deux dernières étaient des cordes pédales, qui ne pouvaient être actionnées par les doigts pour en changer l’intonation, et qui, par suite, sonnaient toujours les mêmes notes.

Par ses cordes pédales, placées en dehors de la touche, le crouth à six cordes contenait le principe du téorbe, qui s’est d’abord appelé chitarrone (grande guitare), dont certains auteurs attribuent l’invention à Bardella, musicien du xvie siècle, au service du duc de Toscane ; et d’autres à Téorba, qui lui aurait donné son nom.

On verra dans les chapitres suivants que la vièle à archet et les premières violes ont aussi été montées avec des cordes basses indépendantes ou pédales. Appelées vyrdon dans la Grande-Bretagne, ces cordes portaient en France le nom de bourdon, qui est certainement le même mot passé dans la langue romane. Le nom de bourdon a été donné aux cordes basses des instruments à archet, pendant le Moyen Âge et jusqu’au début du xixe siècle ; en dernier lieu, il ne servait plus que pour désigner les cordes filées, qui portent aujourd’hui le nom des notes qu’elles sonnent à vide[18].

Le chevalet du crouth à six cordes étant aussi plat que celui du crouth à trois cordes, et sa caisse de résonance n’ayant pas d’échancrures sur les côtés pour le passage de l’archet, celui-ci devait forcément toucher plusieurs cordes, sinon toutes, à la fois, et par conséquent, produire une harmonie quelconque en raison de l’accord et du doigté.

Edward Jones constate la nécessité de faire entendre l’harmonie de plusieurs cordes lorsque l’on joue du crouth, et dit encore que le crouth à trois cordes était le moins estimé des deux, parce qu’il ne pouvait pas produire une harmonie aussi complète. Il s’exprime ainsi à ce sujet :

« Les joueurs et ménestrels de cet instrument n’étaient pas tenus en la même estime, en le même respect que les bardes de la harpe et du crouth, parce que le crouth à trois cordes n’exigeait par la même habileté et harmonie[19]. »

Une note sur le crouth, lue, le 3 mars 1770, à la Société des Antiquaires de Londres, par Daines Barrington, alors juge des comtés de Caernarvon et d’Anglessey, dans le pays de Galles, et publiée, en 1775, dans les Annales de cette société, vient confirmer le dire de Jones :

« Le chevalet du crouth est tout à fait plat, de sorte que les cordes sont touchées toutes à la fois, et offrent une perpétuelle succession d’accords[20]. »

Daines Barrington avait non seulement vu le crouth dont il parle ; mais de plus, il l’avait entendu jouer par John Morgan, né en 1711, à Newburg, dans l’île d’Anglessey, et qu’il considérait alors comme le dernier barde devant s’en servir ; car il dit : « L’instrument est destiné à mourir avec lui d’ici à peu d’années. »

John Morgan accordait son crouth ainsi :

Cet accord, qui est conforme à celui que donne Edward Jones, ne devait pas être immuable et pouvait sans doute subir diverses modifications, d’après le caractère et la tonalité du morceau que l’on avait à jouer ou à accompagner. Nous en trouvons la preuve dans l’accord du crouth d’un vieux barde de Caernarvon, qui, en 1801, fit entendre plusieurs airs anciens à M. W. Bingley, et que voici :

[21]

En réalité, les six cordes du crouth résonnant à vide, ne produisaient que trois sons différents redoublés à l’octave. Elles font l’effet d’être accouplées deux par deux, et si Gruffidd Davydd ab Howel n’avait pas dit : « Ces six cordes sont ingénieusement imaginées pour produire cent sons sous l’action de la main ; une corde pour chaque doigt est vue distinctement, et les deux autres sont pour le pouce » ; on pourrait croire, d’après ces deux accords du crouth, que celui-ci était monté simplement de trois cordes doubles.

L’accouplement des cordes existant dans l’accord du crouth, nous pensons que leur nombre fut porté de trois à six, afin d’obtenir une plus grande sonorité ; mais que les premiers crouthistes ne s’en servaient que comme des cordes doubles, et que ce n’est que plus tard, lorsqu’ils furent devenus plus habiles, qu’ils doigtèrent séparément chacune des cordes passant sur la touche et cela, incidemment, et seulement quand un passage exigeait une harmonie plus riche, plus variée.

Le fait d’accoupler et d’accorder des cordes soit à l’unisson ou à l’octave, se nommait magadiser[22]. Ce système, qui a pour but d’augmenter la sonorité, était déjà employé dans l’antiquité. Il fut appliqué à la plupart des instruments à cordes[23], et l’est encore de nos jours à la mandoline ainsi qu’au piano, où chaque marteau fait vibrer deux cordes à l’unisson dans le grave et trois dans le médium et dans l’aigu.

Les cordes accouplées sont toujours actionnées simultanément, elles jouent donc le même rôle qu’une corde simple, c’est-à-dire qu’elles ne font entendre qu’un seul son à la fois, mais redoublé à l’unisson ou à l’octave.

Ainsi monté, le crouth à six cordes du xviiie siècle offrait moins de ressources que la vièle à archet du Moyen Âge, et que les violes de la Renaissance. Il est donc fort probable, même certain, qu’aucun changement n’y avait été apporté depuis le vie siècle, et que la disposition des cordes était la même qu’au temps des anciens bardes gradés.

Selon Fétis, les cordes basses du crouth étaient destinées à être pincées à vide, avec le pouce de la main gauche[24]. Il avait sans doute fondé son opinion d’après la dernière phrase de Gruffydd Davydd ab Howel, que l’on connaît déjà : « Et les deux autres sont pour le pouce » ; phrase qui manque de clarté.

Certes, les vyrdons ne pouvaient être actionnés avec les doigts pour en changer l’intonation, et devaient toujours sonner à vide ; mais rien, à notre avis, n’empêchait qu’ils fussent mis en vibration avec l’archet, puisqu’ils passaient sur le chevalet près des quatre autres cordes.

Or, Daines Barrington dit que ce chevalet était plat : « Le pont du crouth est parfaitement plat[25]. »

W. Bingley répète la même chose :

« Les cordes sont toutes supportées par un pont plat au sommet, et non pas convexe comme celui du violon[26]. »

Si le fait est vrai, et tout porte à le croire, ces deux auteurs ayant vu les instruments qu’ils décrivent, l’archet devait forcément toucher toutes les cordes à la fois, et il devenait inutile, sinon impossible, d’en pincer une ou deux en même temps qu’on les frottait avec l’archet.

Edward Jones est un peu moins affirmatif :

« Le pont de cet instrument, dit-il, diffère de celui du violon, en ce qu’il est moins convexe dans le haut[27]. »

Mais sur le dessin qu’il donne, le haut du chevalet présente une ligne droite.

On voit que son texte ne s’accorde pas avec son dessin. Toutefois, si l’on ne voulait, à la rigueur, considérer que le premier seulement comme exact, on conviendra avec nous qu’il était tout aussi facile de faire sonner les vyrdons avec l’archet que de les pincer avec le pouce, et que l’exécutant restait toujours le maître de s’en servir selon son gré.

Reste à savoir ce que Gruffydd Davydd a voulu dire. N’oublions pas qu’il était poète, et admettons qu’il a pu sacrifier à la rime ou à l’élégance de sa phrase, plutôt que de mal interpréter son texte.

Comme conséquence de son dire, Fétis a donné une table d’accords se faisant sur le crouth, où l’on voit la première corde combinée avec la cinquième pour obtenir :


(le ré se fait par le doigté et le sol à vide). N’insistons pas.

Tout porte à croire que les combinaisons harmoniques employées sur le crouth se composaient uniquement de quartes, de quintes et d’octaves, faciles à obtenir en doigtant. De sorte, que les bardes pratiquaient déjà, au vie siècle, l’harmonie grossière qui a porté le nom de diaphonie pendant le Moyen Âge. Les bardes occupent aussi une place non moins grande dans l’histoire de la poésie ; c’est à ceux de l’Armorique que l’on est redevable des lais, qui sont devenus des modèles pour les poètes des autres nations.

Quoique le crwth trithant fût encore usité à la fin du xviiie siècle, on ne sait rien de son accord. Les auteurs anglais ont sans doute négligé de le faire connaître, parce qu’il devait être imité de l’accord du crouth à six cordes.

V

Il est bien évident qu’un instrument ne possédant qu’une seule corde peut à la rigueur ne pas avoir de manche proprement dit, et qu’il sera toujours possible d’y doigter tant bien que mal, surtout à la première position, la seule connue et pratiquée avant le xviie siècle.

Mais il ne saurait en être de même avec un instrument monté d’un certain nombre de cordes, car il est indispensable, alors, que les doigts puissent les atteindre toutes.

Le crouth, à trois ou à six cordes, ne pouvait donc se passer d’un manche ; et si l’on y voit ce manche encadré, ou plutôt encastré, dans la table, c’est, il ne faut pas l’oublier, parce que le crouth, imité d’une ancienne lyre pincée, avait conservé de celle ci les deux montants ou supports qui soutenaient le cheviller ; lesquels devinrent des contreforts très utiles au manche du crouth, qui, placé au même plan, et horizontalement avec la table, n’était pas renversé en arrière comme celui du violon, et ne pouvait avoir, par conséquent, la force nécessaire pour résister au tirage des cordes.

La présence de cet encadrement du manche, qui devait être si incommode pour l’exécutant, ne s’explique donc que parce qu’il existait déjà sur l’instrument ayant servi de modèle pour les premiers crouths, et aussi, à cause de la solidité qu’il apportait à ceux-ci. Mais du jour où l’on eut l’idée de construire le manche presque aussi épais que la caisse ou de le renverser légèrement en arrière, afin de lui donner ainsi toute la résistance désirée, l’encadrement devenant inutile fut supprimé, ce qui rendit l’instrument plus élégant, plus commode, et il a fallu tout le respect de la tradition, inhérent à la race bretonne, pour que le crouth nous fût conservé dans son état primitif, jusqu’aux premières années du xixe siècle.

Ainsi que nous l’avons déjà dit, le crouth n’était autre qu’une lyre pincée à caisse plate, et aménagée pour être jouée avec l’archet afin de pouvoir y faire entendre des harmonies soutenues. Cet aménagement consistait dans l’adjonction : 1° d’un chevalet, servant à surélever les cordes au-dessus de la table, et remplissant en même temps les fonctions de l’âme ; 2° d’un manche, surmonté d’une touche, et placé en dessous des cordes.
crouth à six cordes
Dont on aurait supprimé
l’encadrement du manche.

Le lien, dont parle Gruffydd Davydd, est sans doute la courroie qui se voit sur le dessin du crouth à six cordes. On pouvait donc le jouer soit assis, comme sur le manuscrit de Limoges, ou bien debout, en le suspendant au cou.

Nous donnons le dessin d’un crouth à six cordes, dont on aurait abattu les deux angles du haut de la caisse, depuis le bas des ouvertures jusqu’à la place occupée par les chevilles, afin de dégager le manche et de le rendre complètement libre. Ainsi allégé, le crouth ressemble à un battoir, auquel il suffira d’arrondir les coins, selon le caprice et la fantaisie, pour obtenir les différents modèles de vièles du Moyen Âge ; et si l’on y pratique alors des échancrures, en forme de C plus ou moins ouverts, sur les côtés, pour le passage de l’archet, on aura la forme de la viole et celle du violon.

Ajoutons que les instruments ci-dessus désignés, la vièle, la viole et le violon, ont toujours été montés d’un assez grand nombre de cordes, et que, parfois, la vièle et la viole possédèrent des bourdons ; tandis que le rebec et la gigue, instruments qui dérivent de la lyra, n’eurent jamais plus de deux ou trois cordes.

Peut-être le corps sonore des premiers crouths a t-il été fait avec un morceau de bois creusé sur lequel on fixait la table de dessus. Si l’on admet cette hypothèse, on ne peut nier qu’à cause de la forme de sa caisse de résonance, il n’en contenait pas moins le principe des éclisses, base de la construction des instruments à archet modernes.

Pour cette raison, le crouth doit être considéré, à juste titre, comme le Protée de l’art instrumental. En se modifiant à diverses époques, il a produit des types principaux qui méritent de fixer l’attention par la place importante qu’ils occupent dans l’histoire de la musique.

Son premier dérivé, la vièle à archet des ménestrels et des trouvères, a joué un rôle prépondérant pendant tout le Moyen Âge. Les violes qui vinrent ensuite, alimentèrent presque à elles seules la musique instrumentale des xve, xvie et xviie siècles. Quant au violon, sa dernière et définitive transformation, nous lui devons la famille des instruments à cordes et à archet composant le quatuor moderne, qui est l’assise solide de nos orchestres.

Si le crouth a mis onze siècles pour atteindre son état de perfection sous forme de violon, chaque étape de cette longue période est marquée par une heureuse modification apportant de nouveaux moyens d’exécution dont l’art musical fut appelé à bénéficier. Ici, comme en toute chose, le progrès n’est venu qu’après l’invention ou le perfectionnement dont il était la conséquence naturelle. Et ceux qui, au début du xvie siècle, donnèrent la forme définitive au violon, ne devaient guère prévoir le brillant avenir qui était réservé à cet instrument, ni la variété d’effets et les nombreux moyens d’expression dont ils venaient d’enrichir la langue musicale.


  1. Voir l’Introduction.
  2. De cantû et musicà sacrà, déjà cité.
  3. D’après Fétis, le mot crwth vient du celtique primitif crinsigh, musique, qui tire lui-même son origine du sanscrit Krus, crier, produire des sons puissants.
  4. Hersart de la Villemarqué. Poèmes des bardes bretons du vie siècle, Paris, 1850. Cet ouvrage est la traduction française, revue et annotée de l’Archéologie galloise de Myvyr « Myvyrian Archeology of Wales », par Owen Jones, Londres, 1801-1807.
  5. Les Danses des morts.
  6. Les premières lois écrites sont celles de Dyunwal Moelmuth. roi de la Grande-Bretagne, environ 440 ans avant l’ère chrétienne ; puis vinrent celles de Martha, reine de ce pays, qui furent traduites en saxon par le roi Alfred et enfin les lois du roi Howell, qui renferment la plus grande partie des premières. Ces lois ont été réunies et traduites en latin par Wotton et Moses William, sous le titre de Leges Wallicæ, Londres, 1730.
  7. Froissart. Chron., liv. IV, chap. xliii.
  8. Edward Jones. Musical and poetical relicks of the wels bards, etc., London, 1794. — The Bardic museum of primitive british literature, etc., London, 1802. Ce dernier ouvrage n’est que la suite du premier. Une nouvelle édition complète de Musical and poetical, etc., a été publiée à Londres en 1825.
  9. Il y a eu plusieurs bardes du nom de Merlin au ive siècle. Dans le chant de Merlin-Barde, publié par Hersart de la Villemarqué, dans les Chants populaires de la Bretagne, t. I, p. 109, il est dit :

     « Si tu m’apportes la harpe de Merlin, qui est tenue par quatre chaînes d’or fin ;
    « Si tu m’apportes sa harpe, qui est au chevet de son lit ;
    « Si tu viens à bout de la détacher ; alors, tu auras ma fille… peut-être. »

  10. Les bardes gradés étaient : 1° Priv-vardd, le barde en chef ; 2° Pos-vardd, le barde diplomatique ; 3° Arwydd-vardd, le barde généalogiste ; 4° Prydydd nen Bardd Caw ; a hwnw o dri rhyw ; sew Telynawr ; Crythawr ; Datceiniad, c'est-à-dire le barde poète, ordre qui admettait trois genres : le harpiste, le crouthiste et le chanteur. Les ordres inférieurs comprenaient : The piper, le joueur de cornemuse ; the juggler, le jongleur ; the crowder that plays on the three stringed crwth, ménétrier jouant du crouth à trois cordes ; and the tabourer, le joueur de tambour ou de tambourin. Chacun de ces quatre ménestrels recevait un penny, et devait jouer debout.
  11. The bridge is not placed al right angles with the sides of the crwth, but in an oblique direction ; and, which is farther to be remarked, one of the feet of the bridge serves also for a sound post ; it goes through one of the sound-holes, wich are circular, and rests on the inside of the back, the other foot, which is proportionably shorter, rest on the belly before the other sound hole. (A Dissertation, p. 115.)

    À l’Exposition universelle de 1880, à Paris, nous nous souvenons d’avoir vu un violon ayant un chevalet-âme, imité du chevalet du crouth, qui figurait dans la section des États-Unis d’Amérique, et que M. Dion, son auteur, présentait comme une invention nouvelle. Il est vrai qu’ici, c’était le pied droit du chevalet-âme qui passait par un trou pratiqué dans la table, pour aller s’appuyer sur le fond ; tandis que dans le crouth, c’est le pied gauche du chevalet qui joue le même rôle en passant par l’ouïe gauche. Mais il n’y avait pas d’autre différence entre le chevalet du crouth et celui de M. Dion.

  12. Daines Barrington. Archæologia, or micellanœus, etc., London, 1775, t. III.
  13. Edward Jones, ouvrage déjà cité.
  14. Cette traduction est empruntée à Fétis, Antoine Stradivari, p. 20.
  15. Voyez Kastner. Les Danses des morts, p. 240.
  16. Strutt. Angleterre ancienne.
  17. Daines Barrington, Archaeologia, déjà cité.
  18. Dans sa méthode de violon, publiée en 1756, Léopold Mozart, père de l’illustre auteur de Don Juan, désigne la quatrième corde du violon, le sol, sous le nom de bourdon.
  19. The performers, or Minstrels of this instrument were not in the same estimation and respect as the Bards of Harp and Crwth, because the three stringed crwth did not admit of equal skill and harmony. A Dissert., etc., p. 116.
  20. The bridge of the crwth is perfectly flat, so that all the strings are necessarilly struck at the same time, and afford a perpétuai succession of chords. Archœologia, etc., t. III, p. 32.
  21. Ouvrage déjà cité.
  22. « MAGADISER, v. n. C’étoit, dans la musique grecque, chanter à l’octave, comme faisoient naturellement les voix de femmes et d’hommes mêlées ensemble ; ainsi les chants magadisés étoient toujours des antiphonies. Ce mot vient de magas, chevalet d’instrument, et, par extension, instrument à cordes doubles, montées à l’octave l’une de l’autre, au moyen d’un chevalet, comme aujourd’hui nos clavecins. » J.-J. Rousseau, Dictionnaire de musique. p. 271.
  23. On trouve parfois des cordes doubles sur la vièle à archet.

    Le goudok, violon rustique russe, à fond bombé, possède trois cordes ainsi disposées. La plus basse donne la note finale de la mélodie, et les deux autres sonnent la quinte de cette note redoublée à l’octave.

  24. Voyez Antoine Stradivari et Histoire générale de la musique, t. IV.
  25. The bridge of Ihe crwth also is perfectly flat. Archæologia, ouvrage déjà cité.
  26. These (strings) are all supported by a bridge flat at the top, and not, as in the violin convex. North Wales, etc., t. II.
  27. The bridge of this instrnment differt from that of a violin, in being less convex at the top. Ouvrage déjà cité.