Les Voyages de Milord Céton dans les sept Planettes/Invocation

INVOCATION.

Venez esprits célestes, qui resplendissez des brillans rayons du soleil ; je vous invoque, esprits lumineux ; soyez complaisans, & rendez-vous aux instances que je vous sais. Et vous, flambeau de l’univers, source inépuisable de lumière, vous qui ne cessez de parcourir infatigablement l’un & l’autre hémisphère ; Apollon, prince des planètes, dieu des savans, souverain du Parnasse ; & vous charmante Uranie, qui présidez à la sphère du firmament étoilé ; vous, brillante Melpomène, qui vous plaisez dans celle du soleil ; & vous aussi, aimable Clio, qui avez inventé l’histoire, venez avec la divine Calliope, qui seule préside à l’harmonie des différentes sphères qui composent ce vaste univers ; amenez avec vous Momus, j’ai besoin qu’il suspende, pendant quelque tems, ses plaisirs & ses soins ordinaires.

Aimables dieux & déesses, fermez, je vous conjure, l’oreille aux vœux de tous ces importuns qui ne vous invoquent que pour des choses vaines ou inutiles ; accourez à mon secours, venez réchauffer mon imagination, venez allumer dans mon esprit ce feu que vous avez coutume de verser dans le sein de ceux qui vous implorent, & qui fait faire tant de merveilles à tous nos grands poëtes ; inspirez-moi ce que vous avez de plus touchant ; donnez-moi les graces & les ornemens qui me sont nécessaires pour faire une peinture qui soit digne de mon sujet ; soutenez enfin ce courage qui m’a conduite jusques dans les sphères les plus élevées : de peur que, semblable à Bellerophon, je ne tombe d’une région trop haute, & que craintive, errante, perdue & désespérée, je ne puisse fournir que la moitié de ma carrière.

Venez donc contribuer à l’heureux succès de mon entreprise : je vous conjure, esprits célestes, d’employer vos vertus & votre puissance à éloigner les génies malfaisans qui pourroient détourner les bénignes influences que je vous supplie de répandre sur mon ouvrage ; le secours des dieux ne doit pas manquer à ceux qui les implorent avec un zèle égal au mien.