Les Voyages Advantureux de Fernand Mendez Pinto/Avertissement au lecteur

Traduction par Bernard Figuier.
Arnould Cotinet et Jean Roger (p. i-ii).
ADVERTISSEMENT AV
LECTEVR.


AFIN que pour recompenſe de la peine qu’on a pris à vous donner en noſtre langue les Voyages Aduentureux de Fernand Mendez Pinto, vous ne faßiez un ſiniſtre iugement des fautes que vous y pourrez rencontrer, & n’en donniez le blaſme au Traducteur, ie vous aduerti que pour faire reüßir cet ouurage à la perfection, on n’a épargné aucune ſorte de peine, eſtude & diligence, de la façon que l’on a trauaillé apres par l’eſpace de ſept ou huict ans, pendant leſquels on a fait toutes recherches poßibles dans les Hiſtoires des Indes, tant Orientales qu’Occidentales, pour exprimer plus nettement les pensées de cet Autheur, y ayant fort peu de choſe à deſirer en cette verſion qui ne contente le Lecteur : Et combien que pour en rendre la correction parfaite on y ait apporté vn ſoin du tout extraordinaire ; cela n’a pas empeſché qu’il ne ſe ſoit coulé quelques fautes, qui néantmoins ne laiſſent pas d’eſtre tolerables, pource que la pluſpart ſe trouuent dans les noms propres des peuples & des païs eſtrangers, qui pour n’auoir rien de commun auec les noſtres, nous ſemblent touſiours barbares, quelque peine qu’on prenne de ne les point alterer. Mais poßible que vous n’y regarderez pas de ſi prés, principalement dans vne ſi grãde diuerſité de matieres, qui ſont contenuës en ce Volume, où ie m’aſſeure que vous lirez fort peu de choſes qui ne vous ſoient agreables. Car ici les melancholiques trouueront ſans doute, des ſuiets de raillerie dans les ſuperſtitions des Gentils ; les plus ſerieux des maximes remarquables en leur gouuernement politique : les doctes de l’admiration en la diuerſité des ſectes & des opinions de pluſieurs nations differentes, les affligez du contentement en la conſideration des diſgraces, & des proſperitez de la vie ; les ſages des ſubtilitez d’eſprit, en ce qui regarde les couſtumes de ces peuples d’Aſie ; les mal-heureux des exemples pour ſe conſoler eux-meſmes par les infortunes d’autruy ; les auaricieux des richeſſes en abondance, & les grands courages des ſuiets d’entrepriſe & de guerre. En vn mot, ie ne doute point que ces Relations ne contentent tous ceux qui prendront la peine de les lire, horſmis les ignorans, qui poßible n’y trouueront rien à leur gouſt. Car, comme dit fort bien Seneque, tels eſprits extrauagans ont cela de commun auec la folie, de blaſmer indifferemment toutes choſes, & s’en degouſter, ſans ſçauoir pourquoy. Außi veux ie bien qu’ils ſçachent que ie ne pretends point icy de me rendre complaiſant à leur humeur, mais bien de m’accommoder à celle des ſages, de l’approbation deſquels dépend toute la gloire de cét ouurage.