Les Vies des plus illustres philosophes de l’antiquité/Denys
Denys, surnommé le Transfuge, établissait la volupté pour fin. Le goût pour ce système lui vint d’un accident aux yeux, mais si violent, que n’en pouvant souffrir l’excès, il se dépouilla du préjugé que la douleur est indifférente. Il était fils de Théophante, et natif de la ville d’Héraclée. Dioclès dit qu’il fut premièrement disciple d’Héraclide son concitoyen, ensuite d’Alexinua, puis de Ménédème, et en dernier lieu de Zénon.
Il eut d’abord beaucoup d’amour pour les lettres, et s’appliqua à toutes sortes d’ouvrages de poésie, jusque-là qu’étant devenu partisan d’Aratus, il tâcha de l’imiter. Il renonça ensuite à Zénon et se tourna du côté des philosophes cyrénaïques, dont il prit tellement les sentiments, qu’il entrait publiquement dans les lieux de débauche, et se vautrait, sous les yeux d’un chacun, dans le sein des voluptés. Étant octogénaire, il mourut à force de se passer de nourriture. On lui attribue les ouvrages suivans : deux livres de l’Apathie, deux de l’Exercice, quatre de la Volupté, Les autres ont pour titres : de la Richesse, des Agréments, de la Douleur, de l’Usage des hommes, du Bonheur, des anciens Rois, des Choses qu’on loue, des Mœurs étrangères.
Tels sont ceux qui ont fait classe à part, en s’éloignant des opinions des stoïciens. Zénon eut pour successeur Cléanthe, de qui nous avons maintenant à parler.