Les Veillées des maisons de prostitution et des prostituées/9

HUITIÈME TABLEAU

L’assurance mutuelle.

Ce tableau est ainsi nommé, à cause de l’objet que vous voyez ; la jeune fille, placée à genoux sur le lit, porter à sa bouche, et qui, sous son souffle, prend la rondeur et la consistance d’un vit. Le vulgaire appelle communément ces sortes d’objets redingottes anglaises, parce qu’on prétend que ce furent les Anglais qui, voulant se garantir de l’influence variolique des femmes de l’Inde, en firent les premiers usages. On leur a donné un autre nom plus élégant, et sous lequel on les désigne devant les oreilles les plus chastes : c’est le nom des rubans, et les femmes préfèrent ce nom coquet à l’autre, parce qu’il donne une idée de parure, et le vit étant le dieu des femmes, elles aiment assez tout ce qui rappelle leur culte pour lui.

L’utilité des redingottes anglaises, ou rubans, ne saurait être contestée : ils servent, comme nous l’avons déjà dit, à garantir de la contagion syphilitique l’un ou l’autre sexe ; mais il a en outre pour les femmes l’avantage de les débarrasser de toute crainte de se voir engrossée. La femme, qui trompait son mari, craint d’introduire des bâtards dans le lit conjugal ; la jeune fille qui trompe la vigilance de sa mère, et redoute qu’une subite rotondité ne vienne un jour trahir les tendres faiblesses, en fait également usage. Et ne croyez pas, mes demoiselles, (mais d’ailleurs vous le savez aussi bien que moi), que le plaisir entre deux amants soit moins vif dans l’action du coït, parce que le vit de l’homme sera coiffé de cet objet ; cela n’ôte rien aux douces sensations que l’un et l’autre éprouve ; le frottement des parties n’en est point gêné ; la pélicule dont la redingotte est faite est si fine, qu’une fois adaptée à l’instrument, elle semble en faire partie, car à travers cette pélicule filet, prépuce et jusqu’à l’incarnat de la tête, rien ne disparaît, tout reste, et comme je viens de vous le dire, c’est à peine si l’on s’apperçoit de ce supplément.

Ce n’est qu’à l’instant du spasme amoureux, du délice, au moment où sentant le plaisir circuler dans toutes ses veines et que son foutre va s’élancer, que la femme sent qu’il y a entre sa semence et celle de l’homme un objet qui s’interpose et les empêche de se mêler. Elle ne reçoit pas au fond du vagin le liquide brûlant qui la fait tomber en syncope, mais les embrassements, les étreintes sont les mêmes ; les soupirs n’en sont pas moins fréquents, et les titillations du plaisir moins vives, et après les plus copieuses décharges, con et vit se séparent n’emportant que l’idée du bonheur qu’ils ont goûté, sans qu’il vienne s’y mêler cette tristesse qui jette souvent dans l’âme la crainte de la maternité ou de la vérole.

À l’aide de ce moyen, le jeune couple d’amants que vous avez sous les yeux va se livrer au plaisir en toute sécurité. Voyez comme la petite bougresse sourit à mesure que le vent gonfle la coiffure qu’elle se dispose à mettre sur le priape de son amant qui, fièrement dressé, attend ce vêtement, assurance mutuelle de la santé de tous deux. Le libertin ! Pendant que sa maîtresse s’occupe du ruban, il a retroussé la chemise de lin de la belle et fixe les yeux sur un petit conin à lèvres roses, entouré d’une bordure de poils d’un noir de jais et placé entre deux cuisses d’une blancheur d’albâtre. Cette vue lui donne tant d’ardeur, qu’il a à peine assez de patience pour attendre à commencer la douce affaire, que son vit soit habillé, comme dit la petite personne qui fait mille singeries avec l’instrument avec lequel elle se reporte aux jours de sa naïve enfance et joue comme avec une poupée. Bientôt ce doux badinage les a jeté tous deux dans un tel délire, qu’ils ne peuvent plus se maintenir, et, se plaçant à califourchon sur le vit de son amant, la petite putain fait bientôt jouer ses charnières et soutire au milieu des plus tendres exclamations une décharge qui, sans la redingotte, eût bien pu lui rester sur le cœur, tant elle était lancée avec force.