Les Veillées des maisons de prostitution et des prostituées/12

ONZIÈME TABLEAU

L’ouvreuse indiscrète,

Le tableau est une des plus plaisantes que nous ayons vus, cette petite figure de vieille entrouvrant la porte et derrière elle cette grande dame jettant dans la loge un curieux coup d’œil, sont d’un effet tout pittoresque ; le personnage qui se retourne au bruit et qui sans désemparer de la place qu’il occupe, maudit l’ouvreuse indiscrette, est heureusement exprimé, quant à la jeune personne à genoux sur le tabouret, les deux bras appuyés sur le velours de rebord de la loge, si elle s’occupe de ce qui se passe derrière elle c’est seulement du vigoureux outil qui la perfore, car pour la porte, elle ne l’a même pas entendu tant elle appartient tout entière aux délicieuses sensations qu’elle éprouve, ses yeux sont fermés, le spectacle est ce qui l’occupe le moins, elle n’est plus au théâtre, que dis-je, elle n’est même plus de ce monde elle est ravie au septième ciel, et si ce n’était de temps en temps un soupir étouffé et le léger frémissement de ses fesses, on la prendrait pour une statue inanimée, elle jouit en silence, c’est une décharge conditionnelle, elle prise le foutre c’est le mot.

C’est qu’aussi le gaillard qui la soigne, la soigne bien et y met toute l’ardeur dont il est capable, et à sa carrière on peut juger qu’il ne manque pas de vigueur.

Mais je vous vois rire, mesdemoiselles, pourquoi, ah ! j’y suis, c’est que vous trouvez que mon personnage ainsi vu par le dos, ressemble beaucoup à…… qu’il a comme lui la tête un peu en…… C’est possible, mais cela ne fait rien au sujet qui nous occupe.

Je vous disais donc que le personnage en question chatouillait la petite personne de la bonne façon et que jamais ce petit con là n’avait été à si bonne fête, en effet, voyez comme il a sa main droite amoureusement passée sous le ventre de la belle, je suis sûr que du bout du doigt il lui frotte doucement le clitoris et fait ainsi deux besognes à la fois, de là les nombreuses décharges de la petite bougresse, car c’est un plaisir bien grand pour elle, une double jouissance de se sentir ainsi à la fois branlée et foutue. Oh ! qu’elle regrette maintenant que ce soit dans cette loge, où des regards curieux peuvent plonger, que soit placé le lieu de la scène dont elle est en ce moment la principale actrice, si elle était chez elle, libre, en tête à tête avec son amant, avec quelle ardeur elle se livrerait à lui, comme elle lui donnerait plaisir pour plaisir, lui rendrait coup de cul pour coup de cul, tandis qu’ici elle est forcée de rester immobile, de recevoir le plaisir sans le donner, toute son attention elle la met à masquer les mouvements de son fouteur ; car si dans la salle on s’apercevait de la moindre chose, si le parterre naturellement plaisant se doutait le moins du monde de ce qui se passe au-dessus de lui, ce serait des cris, des trépignements, oh ! elle en mourrait de honte.

Nous devons supplier, mesdemoiselles, que l’ouvreuse que nous voyons ici a du être diablement distraite pour commettre l’inconcevable bévue dont nos deux intéressants fouteurs ont failli d’être victimes. Car dans presque tous nos théâtres les ouvreuses sont bien dressées à cela, c’est même un des revenants bons de leurs métiers. Si l’on en croit l’article sur l’ouvreuse de loges inséré au tome 4, du livre des Cent et un, que j’ai attrapé dernièrement sur la table de nuit de madame et que j’ai lu, pourvu dit l’auteur de l’article qu’on se montre généreux envers elle on n’a rien à craindre de son indiscrétion, on peut faire tout ce qui plait dans la loge sous entendu foutre et refoutre sans qu’elle s’en inquiète ou vienne vous déranger le moins du monde.