Les Sopranistes
Revue des Deux Mondes2e période, tome 40 (p. 496-502).
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LES SOPRANISTES.

GIZZIELO ET GUADAGNI.

Je veux aujourd’hui réunir dans un seul médaillon l’histoire de deux chanteurs remarquables, dont l’un appartient à la première moitié du xviiie siècle, et l’autre à une période de l’art moins éloignée des temps où nous vivons. Le premier a été l’interprète ému de la musique simple de Vinci et des opéras de Handel ; le second a eu l’insigne honneur de poser devant Gluck pour son chef-d’œuvre, Orfeo.

Gizzielo, qui fut le compatriote et le contemporain de Farinelli et de Caffarelli, dont nous avons raconté la vie[1], est né à Arpino, petite ville du royaume de Naples, le 28 février 1714. Il s’appelait Joachino Conti, et, comme l’avaient fait ses deux illustres confrères, il prit aussi, par reconnaissance le nom du maître qui lui enseigna les élémens de son art. Ce maître, qui se nommait Domenico Gizzi, était un élève très aimé d’Alexandre Scarlitti, qui avait ouvert à Naples une école de chant d’où sont sortis plusieurs virtuoses remarquables. Issu d’une pauvre famille, Conti subit de très bonne heure la cruelle opération qui a fait de ce sopraniste un des plus admirable chanteurs de son temps. Quelques biographes affirment qu’il ne fut soums à cet outrage qu’à cause d’une maladie qui rendait l’opération nécessaire. Quoi qu’il en soit de ces légendes dont la vie des sopranistes est remplie, il est certain que Gizzielo fut conduit à Naples par ses parens et confié aux soins du maître célèbre dont il a pris le nom. On croit que c’est à Rome, à l’âge de quinze ans, c’est-à-dire en 1729, que Gizzielo aborda le théâtre pour la première fois. Son succès fut instantané et général. Gizzielo retourna deux ans après, en 1731, à Rome, où il produisit un plus grand effet encore dans deux opéras de Vinci, Didone abbandonata et Artaserse. C’est à propos du succès prodigieux que Gizzielo obtenait à Rome dans ces eux ouvrages qu’on rapporte l’anecdote suivante. Caffarelli, qui se trouvait alors à Naples, ayant entendu parler de l’enthousiasme qu’excitait à Rome le nouveau sopraniste, prit la poste et partit pour la capitale du monde catholique. Il entra au parterre du théâtre d’Apollo, dit aussi Théâtre des Dames, enveloppé dans un grand manteau pour n’être pas reconnu. Après le premier air, chanté avec une merveilleuse bravoure, Caffarelli, qui n’était rien moins que modeste, saisissant un moment de silence, s’écria: — bravo, bravissimo, Gizzielo, è Caffarelli chi tel’ dice ; — très bien, bravo, Gizzielo, c’est Caffarelli qui te parle.

En 1732 et 733, Gizzielo chantait à Naples avec un succès toujours croissant, et deux ans après il fut engagé à Londres au théâtre que dirigeait Handel, alors en grande opposition avec une partie de l’aristocratie qui soutenait un autre théâtre d’opéra italien, sous la direction de Porpora. Celui-ci avait pour interprètes de sa musique son élève Farinelli, le contraltiste Senesio, qui s’était brouillé avec le grand maître saxon, et la célèbre cantatrice Francesca Cuzzoni. Gizzielo débuta à Londres le 5 mai 1736 dans un opéra d’Handel, Ariodant, et l’immense succès qu’obtint le virtuose rétablit un peu ses affaires de l’illustre imprésario. Le 12 du même mois, Gizzielo chanta dans un opéra de circonstance, Atalante, que Handel avait composé pour le mariage de la princesse de Galles, et son succès, fondé sur une admirable voix et un beau physique, se maintint pendant plusieurs années. En 1743, Gizzielo fut engagé au théâtre de la cour à Lisbonne, le roi de Portugal était un très grand amateur de musique italienne. La réputation de Gizzielo s’était tellement accrue en Europe que le roi de Naples Charles VII, devenu plus tard Charles III d’Espagne, fit engager Gizzielo et Caffarelli pour les entendre ensemble dans une grande représentation. C’était en 1744, à l’occasion de la victoire de Velletri, que le roi avait remportée sur les impériaux, commandés par le prince de Lobkowitz[2]. Gizzielo venait du Portugal et Caffarelli de la cour de Pologne, assure-t-on, ce qui ne semble douteux. Quoi qu’il en soit, Gizzielo n’avait jamais entendu Caffarelli lorsqu’il dut chanter avec lui dans un opéra de Pergolèse, Achillein Sciro. Gizzielo était chargé du rôle d’Ulysse, et Caffarelli représentait Achille. Ce fut Caffarelli qui commença d’abord par un air de bravoure don les difficultés, héroïquement surmontées par le gosier merveilleux du virtuose, terrifièrent le pauvre Gizzielo, qui tremblait de tous ses membres. Néanmoins, dit-il, je me recommandai à la bonté du ciel, et je prie courage. Il chanta à son tour un air d’un style moins fleuri, mais avec tant de sentiment, de grâce et de douceur que la victoire resta indécise. Les deux lutteurs eurent chacun leurs partisans, et le public se retira enchanté de l’incomparable bravoure de Caffarelli aussi bien que du sentiment pathétique qui était le caractère du talent de Gizzielo.

En 1749, Gizzielo fut mandé en Espagne par son compatriote Farinelli. Il chanta au théâtre de la cour avec la célèbre Mingotti, une élève de Porpora dont le talent avait beaucoup d’analogie avec celui de Gizzielo. Trois ans après, ce virtuose nomade retourna en Portugal et débuta dans Demofoonte, opéra d’un compositeur espagnol, David Perez. Le succès de Gizzielo fut si grand auprès du roi de Portugal, qu’il le combla des marques de sa munificence. À l’occasion de la naissance d’un fils du roi, Gizzielo ayant chanté devant lui une cantate où se trouvait un air charmant d’un caractère tendre et pastoral, le roi en fut si touché qu’il donna au virtuose, en témoignage de sa satisfaction, une poule avec vingt poussins d’or : singulier cadeau fait par un roi mélomane à un sopraniste ! On écrit, mais rien ne l’atteste, que Gizzielo quitta le théâtre vers la fin de l’année 1753. Il se retira à Rome avec une grande fortune, et y vécut pendant quelques années dans une belle position. Grétry parle de Gizzielo dans ses mémoires. « Un fameux chanteur que j’ai vu à Rome, dit l’auteur de Richard Cœur de Lion, Gizzielo, envoyait son accordeur dans les maisons où il voulait montrer ses talens, non-seulement de crainte que le clavecin ne fût trop haut, mais aussi pour la perfection de l’accord. » Gizzielo est mort à Rome le 25 octobre 1761, à l’âge de quarante-sept ans. Son portrait se trouve dans l’ouvrage de Grossi : Biographia degli nomini illustri del regno di Napoli.

À côté de Farinelli et de Caffarelli, ses compatriotes, Gizzielo a été l’un des sopranistes les plus remarquables de la première moitié du XVIIIe siècle. D’une figure agréable, doué d’une voix très étendue et d’une merveilleuse flexibilité, Gizzielo chantait avec sentiment la musique simple et pathétique de Vinci, qui a composé pour ce virtuose deux opéras : Didone abbandonata et Artaserse, qui passe pour son chef-d’œuvre. « C’est le Lulli de l’Italie, dit le président De Brosses en parlant de Vinci dans son voyage ; son chant est vrai, simple, expressif et le plus beau du monde. Artaserse passe pour son plus bel ouvrage, et c’est en même temps une des meilleures pièces de Métastase. Je ne l’ai pas vu jouer, mais j’en connais tous les morceaux. Tout excellent qu’est cet ouvrage de Vinci, la scène du désespoir d’Artaban, ajoutée par le poète et mise en musique par le Sassone (Hasse), surpasse peut-être toutes les autres. Le récitatif, — Eccomi alfine in libertà, — est admirable, ainsi que l’air qui suit : — Pallido il sole. — Ce morceau ne se trouve pas facilement ; c’est le prince Édouard qui a eu la bonté de me le donner, et je le regarde comme ce que j’ai de plus précieux parmi sept ou huit cents airs que j’ai fait copier. » L’air dont parle ici le président est celui que chantait Farinelli au roi d’Espagne Philippe V. Grétry, dans son Essai sur la Musique, dit aussi que Vinci fut un des premiers compositeurs italiens qui se préoccupa du sens des paroles et de la vérité de l’expression. Il parle d’un air d’Artaserse :

Vo solcando il mare infido,


qui, chanté, par le sopraniste Gizzielo, excita les transports du public romain.

Ce fut un chanteur bien remarquable aussi que Gaetano Guadagni. On croit qu’il est né à Lodi en 1725, mais on ignore et la position de sa famille et le nom des maîtres qui lui ont enseigné les premiers élémens de l’art. Guadagni aurait débuté à Parme en 1747 et serait venu en France dans l’année 1754, où il aurait chanté au concert spirituel et à la cour de Versailles avec un très grand succès. Ce qu’il y a de plus certain, c’est que Guadagni a eu la bonne fortune de rencontrer Gluck dès le commencement de sa carrière. Ce grand musicien a composé pour Guadagni deux rôles importans, — celui de Telemaco, à Rome, en 1754 ou 1755, et celui d’Orfeo, à Vienne, en 1762. Par ces deux partitions de Gluck, nous savons quelle était la voix du centraliste Guadagni ; nous savons aussi quel goût et quel sentiment profond distinguaient cet artiste. Comme tous les chanteurs célèbres de son époque, Guadagni se fit entendre à Londres, probablement vers 1771, et il y excita un vif enthousiasme, ainsi que le rapportent le docteur Burney et lord Edgecumbe. Ce qui est bien certain encore, c’est que le docteur Burney, voyageant en Allemagne en 1772, trouva Guadagni à Munich, où il était en grande faveur auprès de l’électeur de Bavière. « Je fus assez heureux, dit le docteur, pour trouver à Munich Guadagni et la Mingotti. Tous deux me rendirent des services dont je fus reconnaissant. Je devais me trouver d’autant plus flatté de l’accueil aimable qu’ils me faisaient, que ce sont l’un et l’autre des virtuoses remarquables. Je me rappelais avec délices combien ils m’avaient charmé pendant leur séjour en Angleterre. Ils paraissaient avoir conservé un doux souvenir de plusieurs personnes qu’ils avaient connues à Londres, mais ils se plaignaient tous deux de l’accueil du public. Guadagni se plaignit à moi d’avoir été maltraité dans l’opéra l’Orfeo par une cabale. Il était venu de Vérone à Munich avec l’électrice douairière de Saxe, sœur de l’électeur de Bavière et fille de l’empereur Charles VII. C’est une princesse connue dans toute l’Europe par son grand goût pour la musique ; elle chante, s’accompagne au clavecin, et compose même des opéras, dont plusieurs, Talestri et Il Trionfo della Fedeltà, ont été gravés à Leipzig… Un jour que j’étais à Nymphenbourg, château de plaisance de l’électeur, la princesse dont je viens de parler me dit que Gualagni chantait avec autant d’art que de sentiment, et qu’il avait surtout l’adresse de bien cacher ce qu’il avait de défectueux dans la voix. Guadagni chanta, après Bauzzini, un air pathétique de Traëtta avec sa grâce et son expression ordinaires, mais avec moins de voix qu’il n’en avait quand il était en Angleterre. »

Quelques années après, en 1776, nous savons que Guadagni était à Venise, où Bertoni composa pour lui un opéra, Orfeo, sur le même poème que Calzabigi avait écrit pour Gluck en 1762. Ce procédé étrange, qui de nos jours serait presque impossible, n’avait alors rien de blessant. Tous les compositeurs italiens du XVIIIe siècle, depuis Pergolèse jusqu’à Paisiello, ont tour à tour mis en musique l’Olympiade de Métastase, sans croire manquer de respect à ceux qui avaient traité le même sujet. L’Orfeo de Bertoni eut un si grand succès à Venise, qu’on le donna à Londres deux ans après, en 1778, où la partition fut gravée avec un grand luxe de typographie. Ce qui peut donner la mesure de l’omnipotence que les sopranistes exerçaient sur les compositeurs et la musique dramatique de leur temps, c’est que Guadagni exigea de Bertoni qu’il mît dans le rôle d’Orfeo plusieurs passages touchans du chef-d’œuvre de Gluck. L’année suivante, en 1777, Bertoni composa encore pour Guadagni un nouvel opéra, Ezio, qui fut accueilli presque avec la même faveur. Il n’est pas hors de propos de rapporter ici que Bertoni, se trouvant à Londres en 1778, déclara formellement, dans une lettre qui fut publiée à Paris, que l’admirable phrase d’Iphigénie en Tauride de Gluck, — le calme entre dans mon cœur, — se trouvait dans un opéra de sa composition, Tancredi, qu’il avait écrit à Turin pour la cantatrice Girelli. M. Fétis, dans l’article de sa Biographie universelle des Musiciens consacré à Bertoni, combat cette opinion ; il constate que le Tancredi de ce compositeur très fécond a été représenté à Turin le 26 décembre ; 1778, et qu’à cette date même Gluck terminait à Vienne son dernier chef-d’œuvre, qui fut joué à l’Opéra de Paris le 18 mai 1779. D’ailleurs, ajoute le savant biographe, Gluck a mis dans cette phrase, comme dans tout le reste, l’empreinte indélébile de son génie[3]. La plupart des biographes assurent aussi que Guadagni fut appelé à Potsdam par le grand Frédéric, qui, émerveillé de son talent, lui remit une tabatière en or ornée de diamans, le plus riche cadeau, dit-on, que ce roi mélomane, mais très économe, ait jamais donné à un chanteur. On ne sait pas au juste en quelle année Guadagni a quitté le théâtre. Lord Edgecumbe, qui voyageait en Italie en 1786, entendit Guadagni à Padoue chanter un motet dans l’église de Saint-Antoine. Il était attaché à la chapelle très riche de cette église depuis l’année 1780. Guadagni parla beaucoup de l’Angleterre au noble dilettante, il se louait de quelques puissans amis qu’il y avait rencontrés.

Guadagni était assez grand de taille et d’une très jolie figure. Sa voix avait le caractère et l’étendue d’un contralto, comme nous pouvons le vérifier par le rôle d’Orfeo que Gluck a écrit pour lui. Cette voix était d’une grande douceur et d’un timbre pénétrant. Guadagni chantait avec un grand goût et beaucoup plus de simplicité de style que la plupart des sopranistes de son temps. Il disait surtout admirablement le récitatif et brillait par la manière dont il savait développer la phrase d’un cantabile. Doué, comme tous les sopranistes, d’une longue respiration, il la dirigeait avec maestria, et produisait des effets étonnans avec des moyens fort simples. Homme instruit, comme l’étaient en général les chanteurs de son espèce, bon musicien, Guadagni s’accompagnait sur le clavecin et composait lui-même d’agréables canzonette. Son succès fut grand, et il gagna une belle fortune. Il vécut à Padoue pendant vingt-cinq ans, entouré de la considération générale, car il était charitable et libéral. Il est mort très âgé, dans une maison de campagne qu’il avait près de cette ville, la veille de la chute de la république de Venise, en 1797.

J’ai entendu dire dans ma jeunesse à Venise, par quelques personnes qui avaient pu voir Guadagni au théâtre, que c’était un chanteur vraiment admirable. Lablache, qui a connu Pacchiarotti à Padoue, où il avait succédé à Guadagni comme chanteur de la chapelle de Saint-Antoine, m’a bien souvent assuré que ce dernier sopraniste parlait de Guadagni comme d’un portento de sentiment et d’expression pathétique. C’est l’opinion de tous les biographes et de tous les écrivains du temps qui ont parlé de Guadagni. Nous avons eu souvent occasion de dire combien les sopranistes étaient exigeans, impérieux, et combien les compositeurs qui écrivaient pour eux avaient peine à les diriger. Ces êtres maladifs, qui avaient dû payer d’un si grand prix la réputation et la fortune qu’ils s’étaient acquises, se croyaient bien supérieurs aux pauvres maestri dont ils consentaient à chanter la musique. A de rares exceptions près, comme Handel et Gluck, deux Germains de vieille race, qui ne se laissaient point faire la loi, les sopranistes étaient les inspirateurs de la plupart des effets qu’ils voulaient produire dans un opéra italien. Souvent ils traçaient eux-mêmes le plan de la pièce, indiquaient le rôle qu’ils voulaient représenter et se dessinaient le canevas mélodique des morceaux importans qu’ils désiraient chanter dans telle ou telle situation. Guadagni paraît avoir été un des virtuoses de ce genre les plus difficiles à satisfaire, puisque nous avons vu qu’il exigea du compositeur vénitien Bertoni de lui conserver des passages de l’Orfeo de Gluck dans l’opéra qu’il écrivit pour lui à Venise. Ginguené rapporte, dans sa notice sur Piccini, que Guadagni essaya aussi d’imposer ses caprices à ce grand maître, dont le caractère était si doux et si bienveillant ; mais l’auteur déjà illustre de la Cecchina remit le sopraniste à sa place, et le força de chanter exactement la musique qu’il daignait composer pour lui. C’est à Rome qu’eut lieu la rencontre de Guadagni et de Piccini, probablement en 1761, alors que Piccini composait dans cette ville son opéra de l’Olympiade, qui eut un si grand succès. Guadagni aimait à raconter à ses amis la leçon de modestie qu’il avait reçue, au commencement de sa carrière, du célèbre Caffarelli. Celui-ci se trouvait à Naples, dans le salon d’un prince où Guadagni avait chanté avec un très grand succès je ne sais plus quel morceau. Caffarelli, qui était présent, s’approcha de Guadagni en lui disant à haute voix qu’il lui prédisait une brillante carrière de virtuose,... « si vous retournez à l’école, — se tornate da capo... a principiar dalla scala, » ajouta-t-il tout bas. Guadagni avouait qu’il avait mis à profit le conseil de Caffarelli, et qu’il s’en était bien trouvé.

Il existe au cabinet des estampes de la Bibliothèque impériale de Paris un portrait de Guadagni avec le costume de chapelain-chanteur de la cathédrale de Padoue. Quand je vis pour la première fois cette bonne figure encapuchonnée comme un moine pénitent, je ne pus m’empêcher de sourire en pensant que c’était là le virtuose qui avait chanté devant l’Europe émerveillée :

Che farò senza Euridice!
Che farò senza il mio bene!


P. SCUDO.

  1. Voyez la Revue du 1er octobre 1861 et du 15 avril 1862.
  2. Dans l’article Conti (Gizzielo) de la seconde édition de la Biographie universelle des Musiciens, M. Fétis se trompe en disant que c’était pour l’inauguration du théâtre Saint-Charles qu’eut lieu cette représentation célèbre. Construit sous le roi Charles VII par l’architecte Madrano et achevé par Carasale, le premier théâtre Saint-Charles fut ouvert le 4 novembre 1737. Voyez Coletta, Histoire du royaume de Naples, t. Ier, p. 157 de la traduction française.
  3. Il paraît certain cependant que Gluck a eu l’étrange faiblesse d’emprunter à l’opéra de Bertoni, Tancredi, un air qu’il aurait intercalé dans son Iphigénie en Tauride. Ce fait curieux de plagiat serait consigné dans une lettre de Bertoni à l’architecte Coqueau, qui a été un grand amateur de musique. M. Berlioz a eu tout récemment l’occasion de vérifier l’assertion de Bertoni en consultant sa partition de Tancredi, qu’on trouve à la Bibliothèque impériale. Cette inexplicable faiblesse de Gluck me rappelle celle bien plus grande de Paisiello, qui fit représenter à Saint-Pétersbourg tout un opéra de Piccini, Alessandro nell’ Indie, qu’il donna pour une œuvre de sa composition ! Le fait est raconté par Ginguené dans une note de sa Vie de Piccini.