Les Slaves/Neuvième Leçon

Les Slaves
Comon (Volume 1p. 106-118).




NEUVIÈME LEÇON.


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Empires des Lechs, des Czechs et des Russes. — Nouvelle tradition. — Les Popiels et les Piasts. — Les grands-ducs normands de la Russie. — Dualité russe et lech-czech. — Les capitales russes et lechs-czechs. — Avénement du christianisme dans les pays slaves. — Saint Jérome, saint Cyrille et saint Méthode. — Les églises d’Orient et d’Occident. — L’unité slave et le Panslavisme.

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Mardi, 26 janvier l841.


Depuis le règne de Samo, qui fut le premier roi slave, jusqu’en l’an mil de l’ère chrétienne, l’organisation de la race slave change complètement, comme nous l’avons dit dans la leçon précédente. Les empires naissants des Lechs, des Czechs et des Russes commencent à former le noyau d’une puissance jusque là inconnue parmi les Slaves. Des institutions nouvelles, des intérêts nouveaux surgissent ; l’histoire et la littérature prennent le caractère de l’époque. La tradition antique, que nous avons nommée littérature fossile, est refoulée dans la vie domestique ; elle s’abrite sous le toit enfumé des chaumières, et reste a jamais séparée de la vie politique, du mouvement national. Ici commence une nouvelle tradition qui va désormais servir de base à l’histoire et se produire dans les créations littéraires. Nos poëtes lui ont emprunté des figures et des métaphores qu’on ne peut bien entendre si on n’en a pas étudié la source ; il serait même impossible, sans cette connaissance, de se rendre compte des cris de guerre que les Polonais et les Russes se lancent avec de mutuels mépris, et que les uns et les autres acceptent comme des titres de gloire.

Les Lechs, tels qu’ils sont représentés par la tradition poétique, étaient un peuple cavalier. Vers le VIe siècle ils faisaient la conquête des terres qui composent le duché actuel de Posen, s’étendaient jusqu’à la Baltique et quelquefois jusqu’aux bords de l’Elbe. Ils choisissaient leurs rois dans une seule famille. La couronne était souvent la récompense des victoires gagnées dans les courses à cheval. La tradition de ces sortes d’élections est commune à tous les peuples qui descendent des Azes. Les rois fabuleux des Lechs combattent souvent des monstres fantastiques, des dragons ; ils font la guerre à Alexandre le Grand, à César ; tout se mele ici ; les souvenirs apportés de l’Orient se confondent avec les fables populaires. Enfin la maison régnante des Lechs disparaît ; elle est remplacée par la famille des Popiels, qui n’est elle-même qu’une transition à une dynastie nouvelle. Les chroniqueurs, qui ont recueilli cette tradition, parlent aussi de diplômes accordés aux Lechs par Alexandre le Grand et par César, lesquels leur auraient abandonné la possession de tous les pays du Nord. Ces diplômes, dit-on, ont été perdus dans une bataille contre les Turcs et doivent se retrouver à Constantinople. Au XVIe siècle, des recherches, des voyages, ont été entrepris à ce sujet par des hommes graves. Quoi qu’il en soit, la tradition exprime ici visiblement le désir de faire la conquête du Nord, le mystérieux espoir de rentrer dans tous les droits concédés par de prétendus diplômes, pure invention de quelques chroniqueurs. Jusqu’a la moitié du ixe siècle, les traditions des Lechs et des Czechs se ressemblent ; les Lechs y sont quelquefois désignés sous le nom de Sarmates ; ce nom, les Polonais, dans leur style poétique, le donnent souvent à leurs ancêtres.

Après la maison nationale des Popiels, celle des Piasts prend le sceptre de Pologne. Les Piasts étaient Slaves ; c’est le peuple lui-même qui choisit le premier roi de cette famille qui régna longtemps, et dont le dernier descendant est mort, au xviie siècle, dans une obscure principauté de la Silésie. La dynastie des Piasts, sous laquelle la Pologne s’est formée et développée, offre un caractère tout particulier : ses rois sont représentés comme de vrais pères de famille ; ils sont bienveillants et même débonnaires ; la simplicité, la bonté, tel est le type qui les distingue.

La critique moderne a rejeté tous ces faits traditionnels. On a voulu prouver qu’il n’y avait aucun rapport entre les Sarmates et les Slaves, et que les Lechs étaient Slaves ; on a tourné en ridicule la dynastie des Piasts, et cependant cette histoire, prétendue fabuleuse, a longtemps été le catéchisme national. Elle seule est vraie peut-être, car elle a eu une grande influence sur les idées polonaises ; car, dans les diètes publiques on en appelait à la foi générale, à ce catéchisme dont on citait souvent des articles ; car les monarques polonais ont souvent cherché, depuis, les frontières mythiques de l’empire des Lechs ; car, elle seule, enfin, n’a pu être oubliée du peuple. C’est en vain que les historiens s’efforcent de démontrer que l’élection des rois de Pologne ne date que, du xve siècle ; nous en trouvons des traces dans la tradition. En vain, aussi, a-t-on tenté de rabaisser la mémoire des souverains vénérés de la nation et de tout temps regardés comme les types antiques du caractère slave ; le peuple s’obstine à repousser l’histoire qu’on veut lui imposer ; il n’a donné le nom de Grand qu’à un seul de ses rois, et celui-là n’a jamais été conquérant ; il n’avait aucune des qualités brillantes qui font le grand guerrier ; mais il était bon, généreux, libéral ; il était le père du paysan ; il représentait lemieux le caractère national.

L’histoire des Normands de Russie est tout-à-Fait autre. Les Normands étaient moins nombreux que les Lechs ; ils appelaient souvent les guerriers de la Norvége et de la Suède, pour les aider à renverser les’prétentions de leurs compétiteurs, ou pour soumettre les villes rebelles : ces guerriers traversaient la Russie en la pillant, et retournaient ensuite dans leur patrie. Ceux qui restèrent en Russie, perdirent, dès la troisième génération, tous les caractères de leur origine. La famille qui régnait, elle-même, devint slave ; elle ne conserva de son origine étrangère qu’une tenace et forte idée de domination. Pendant deux cents ans, les princes russes se sont livré des guerres acharnées pour s’emparer des terres et des villes. Aucun intérêt populaire, aucun mobile national ne perce dans leurs longues luttes ; il n’y est jamais question que de ceux qui doivent régner et gouverner. La famille des Plantagenets nous offre, en Angleterre, le type le plus complet de la domination normande. Elle a introduit en Angleterre le système féodal français, système que les Normands russes n’ont pu fonder en Russie, faute d’éléments sur lesquels ils pussent l’établir. Le peuple slave était dispersé dans de petites villes, dans de petites colonies, n’ayant aucun lien entre elles : les conquérants se partagèrent le peuple comme faisant partie de la terre qu’il cultivait ; mais ce partage même ne put servir de base à une hiérarchie quelconque ; c’est là ce qui distingue l’empire russe des autres empires normands de l’Europe. Le prince russe était à la fois chef politique et propriétaire du sol ; il n’y avait aucun rapport politique entre lui et les seigneurs ; par le titre de grand-duc on voulait plutôt désigner le fils aîné de la famille que l’héritier du trône. L’idée de la souveraineté en Russie est devenue complètement étrangère à celle que l’on s’en fait en Pologne. Le tsar est l’unique foyer de tout pouvoir et de toute force ; le peuple l’appelle sa lumière ; il se le représente terrible, puissant, politique astucieux et profond. Il n’y a pas de bornes à sa puissance, comme il n’y a pas de limites assignées au territoire de la Russie. De même que les Lechs et les Czechs en appelaient à leurs diplômes fabuleux pour appuyer leurs prétentions sur le Nord, de même, plus tard, les Russes ont cherche à rattacher leur dynastie aux successeurs d’Auguste et de César, et se sont prétendus, comme héritiers des empereurs romains, les seuls maîtres légitimes du nord de l’Europe.

Les pays slaves se trouvent ainsi partagés entre deux puissances rivales, et la lutte entre elles, dès l’origine, touche à une immense question. Il ne s’agit pas ici de dominer sur telle ou telle province, mais sur tout le Nord et peut-être sur le monde entier. Déjà, au moyen-âge, les chroniqueurs comprenaient ainsi la question. D’un côté est l’empire des Normands, de l’autre celui des Lechs et des Czechs d’abord unis par des traditions communes, puis liés par l’histoire jusqu’au point d’avoir pour souverains des rois de la même famille. Il est très difficile de fixer le centre d’action des deux puissances rivales ; les capitales de ces deux pouvoirs semblent se déplacer, voyager continuellement. Les Polonais eurent d’abord leur foyer central près des Karpathes ; plus tard ils placèrent leur capitale dans les plaines de la Grande-Pologne, puis ils revinrent la fixer de nouveau sur les bords de la Vistule. Les Russes descendirent d’abord avec le cours du Dniéper jusqu’à Kiew, ensuite ils remontèrent vers le nord. Nulle part on ne trouve une capitale définitivement établie ; il n’y a de stable que les deux principes de vie politique qui animent les deux peuples hostiles, et qui, par eux, agissent constamment sur les masses slaves. On pourrait, cependant, enfermer le point principal de l’activité russe entre Novgorod la Grande et les sources du Dniéper et de la Dwina ; on pourrait également établir une capitale idéale pour la Pologne entre les Karpathes et la Vistule. Il est singulier que le lieu où, suivant la tradition fabuleuse, un dragon à triple tête assiégea le berceau de la royauté Lech, se trouve précisément celui où se sont conservés le plus longtemps les vestiges de l’indépendance polonaise ; je veux parler de la ville libre de Cracovie.

L’immense espace qui sépare ces deux centres d’action renferme les pays situés entre le Dniéper, le Bug et le Niémen. Il y a longtemps que ces pays ont perdu leur dénomination générale, parce que les différentes tribus qui s’y sont fixées n’ont pas accepté le nom de Slave comme nom générique de race, et qu’elles ne se sont jamais constituées en empire séparé, en unité politique. Les Normands et les Lechs y pénétrèrent souvent, ils y établirent tour à tour leur domination. Depuis que la maison des Ruryks en a fait définitivement la conquête, ils portent le nom de terres russes ; mais les Polonais les appellent russiennes ou ruthéniennes, pour les distinguer de l’empire russe proprement dit. Cette grande terre a été le théâtre des guerres acharnées entre la Pologue et la Russie ; c’est là que l’Église catholique combattit l’Église orientale, que la république nobiliaire lutta contre le système autocratique.

Tel était l’aspect géographique des pays Slaves à l’époque où le Christianisme y fit son avénement. L’influence de la religion s’y développa d’abord avec lenteur. Dans les ive et ve siècles il y avait déjà des apôtres travaillant à propager le culte chrétien parmi les Slaves. Il est clairement démontré, aujourd’hui, que le grand docteur de l’Église, saint Jérôme, était Slave de naissance ; une tradition lui attribue l’invention de l’écriture nationale ; un peu plus tard nous rencontrons beaucoup de Slaves parmi les patriarches de Constantinople. Ce n’est qu’au ixe siècle que les travaux apostoliques acquièrent, par les résultats, une réelle importance ; mais remarquons que l’apostolat semble ici se diviser lui-même en deux branches, marcher par une double voie, revêtir enfin le caractère de la dualité slave. L’histoire de l’introduction du christianisme dans la Slavie touche ainsi aux plus profondes questions de la politique et de la littérature ; elle a été souvent défigurée par ceux qui l’ont étudiée au point de vue exclusif de ces questions. Il est pourtant tels faits qui peuvent résoudre les difficultés et rectifier bien des erreurs.

Et d’abord, il est désormais reconnu que saint Cyrille et saint Méthode étaient envoyés par la cour de Rome, qu’ils évangélisaient les Slaves avant le grand schisme de l’Orient, qu’ils étaient munis des instructions du pape, qu’ils s’en référaient toujours à l’autorité du Saint-Siége, et que l’un et l’autre sont morts dans la capitale du monde catholique. Il n’y a donc aucun doute sur l’origine de la civilisation chrétienne des Slaves ; mais pour différentes causes on s’est efforcé plus tard de l’obscurcir. Les Slaves, attachés à leur langue et hostiles à la langue latine, qui, selon eux, détruisait les monuments de leur littérature, ont cherché à établir la prépondérance de la langue grecque, ou plutôt slave orientale. Il était alors de leur intérêt de prouver que l’Église grecque parlait l’idiome national ; depuis, les écrivains du Nord, pour diverses raisons politiques, ont aussi voulu effacer toute trace de l’influence de l’Église d’Occident ; la question a été ainsi de plus en plus s’obscurcissant, grâce aux travaux des érudits modernes sur les antiquités slaves. Il s’agissait de fixer l’époque à laquelle furent introduits les alphabets employés par l’Église d’Orient et par celle d’Occident. Les philosophes du dernier siècle, souvent sans justifier de leurs préférences, penchaient visiblement pour l’Église grecque, et cela uniquement sans doute parce que cette Église était la négation de l’Église romaine. C’est dans ce but qu’ils ont voulu prouver que les caractères slaves, adoptés par l’Église d’Occident, étaient une invention intéressée des moines pour combattre l’influence de l’Église d’Orient. Leur opinion a été acceptée de quelques savants ; mais les Bohêmes ont démontré toute la fausseté de ce système ; ils ont découvert que les plus anciens monuments slaves sont écrits avec les caractères acceptés par l’Église de Rome, de sorte que l’antiquité des deux alphabets semble égale, tandis que l’influence de l’Église catholique est certainement plus ancienne que celle de l’Eglisé grecque.

Du reste, il suffit de citer les dates. Saint Cyrille et saint Méthode sont arrivés au milieu des Slaves en l’an 860 ou 867, et le schisme n’eut lieu qu’en 880. Ces deux docteurs n’eurent aucun rapport avec l’Église d’Orient pendant leur apostolat. Ce n’est qu’après le schisme qu’on peut suivre la double action du Christianisme à travers les pays slaves. Pour bien comprendre les deux directions opposées de ce mouvement religieux, il faut savoir que la cour de Rome avait accordé aux Slaves le privilège de célébrer la messe dans leur langue. Le privilège fut, plus tard, retiré ; puis, après des explications, concédé de nouveau. Les philosophes et les historiens du siècle passé ont attaché une trop grande importance à la question liturgique ; s’il faut les croire, il était nécessaire, indispensable à la civilisation des Slaves, qu’ils pussent célébrer dans leur langue les mystères de la religion. Les écrivains russes et polonais sesont longtemps occupés de cette question. Il faut pourtant distinguer la langue officielle de l’Église, la langue sacramentelle, de celle dont on se sert pour expliquer le dogme au peuple. Rome a conservé pour langue sacramentelle le latin, le grec et le syriaque ; mais elle ordonnait aux prêtres d’enseigner les peuples dans leur propre langue, elle leur ordonnait d’apprendre l’idiome des nations au sein desquelles ils allaient porter la parole évangélique. En ces derniers temps, on a tenté d’introduire dans la liturgie en France l’usage de la langue nationale ; on attendait beaucoup de cette réforme ; mais on s’est bientôt aperçu que les formules sacramentelles en latin ou en français, également comprises des savants, restaient toujours inaccessibles au peuple.

L’introduction du latin dans le culte religieux a eu pour les peuples slaves des résultats importants. La connaissance du latin donnait la clef des antiquités romaines et de la littérature du moyen âge. Le clergé s’initiait ainsi à la civilisation de l’Occident, et plus tard, en écrivant et en parlant, il formait et polissait la langue, il y introduisait des formes antiques et savamment élaborées. Le grec, au contraire, négligé par le clergé d’Orient, n’a pu rendre les mêmes services aux pays détachés de l’Église universelle ; il est resté inconnu en Russie, et ce n’est que dernièrement qu’on a ordonné de l’enseigner dans les collèges.

On reproche encore au Christianisme d’avoir effacé le passé des Slaves, d’avoir détruit leurs monuments poétiques ; mais quels étaient donc ces monuments de la Slavie païenne ? D’après ce que nous avons dit, il est facile de voir qu’une vaste littérature, l’épopée, par exemple, ne pouvait naître dans ce pays. Les doléances de ceux qui regrettent des épopées perdues sont donc vaines et mal fondées. Le drame n’a pu se former chez des peuples où la vie politique, les idées littéraires, les conceptions artistiques étaient si peu développées. La seule poésie lyrique, qui est l’expression des sentiments de la vie domestique, avait un champ favorable sur la terre slave ; mais cette poésie y fleurit encore aujourd’hui parmi les Slaves, les Illyriens et les Cosaques, et ce qu’elle a de plus beau, elle le doit à des inspirations toutes chrétiennes.

L’oubli de l’histoire païenne a donné lieu à des plaintes également stériles et injustes, puisque les débris en ont été réunis et conservés précisément par les auteurs chrétiens. Le peuple a de lui-même renoncé à cette histoire, ou, pour mieux dire, il l’a fondue dans un seul récit symbolique sur l’arrivée des trois frères Lech, Czech et Russe. Ces trois noms lui rappellent la fraternité primitive de la race et sa séparation en trois empires. Il ne sait rien de plus sur son origine ; il a complètement oublié toutes les traditions qui pourraient le ramener à un berceau commun. Quant aux regrets des slavophiles qui prétendent que la création des trois empires a détruit l’unité slave, ils ne nous semblent pas avoir plus de fondement. Cette unité n’a jamais existé. L’unité des peuples ne se trouve écrite que sur la première page de la Bible ; elle se retrouvera, nous l’espérons, sur la dernière page de la vraie philosophie. Avant l’histoire politique, aucun lien général ne reliait les Slaves entre eux ; cette histoire elle-même n’a constamment travaillé qu’à détruire des caractères communs dont il n’existe presque plus de traces aujourd’hui. Le Polonais voit dans le Russe un homme d’origine étrangère ; les Serbes et les Bohèmes ne se regardent pas comme issus de la même souche que les peuples slaves du nord. L’idée du Panslavisme, ou unité slave, n’a commencé à poindre que dans le siècle dernier ; elle est le fruit de travaux scientifiques et littéraires ; mais pour arriver à réaliser un jour cette unité, je ne crois pas qu’on ait pris les moyens les plus propres, les voies les plus droites. Les savants invoquent toujours la communauté de race, oubliant que ce sont les institutions religieuses et politiques qui ont créé les séparations qu’ils voudraient anéantir, et qu’il est impossible de détruire tout le passé historique d’une nation pour la ramener à son origine physique. C’est ainsi qu’au dernier siècle on a tenté de réunir les Allemands autour d’une seule idée Teutonia, en leur rappelant leur patriarche fabuleux Teutès. La tentative avorta et fut bientôt abandonnée des plus chauds partisans de l’unité allemande D’autres savants ont entrevu la possibilité de l’unité future des Slaves dans d’adoption de certaine forme gouvernementale. Cependant quel gouvernement a jamais eu assez de force pour réunir et relier ensemble des nationalités différentes ? L’empire romain, qui, certes, fut l’idéal de la puissance matérielle, a imposé sa forme politique. À plusieurs peuples de l’Occident ; mais cette forme morte, ce lien sans vie, il a suffi pour le briser, du premier coup porté par l’invasion des Barbares. On doit donc renoncer à l’espoir de grouper les peuples slaves autour de telle ou telle forme gouvernementale, autour d’une idée purement physique de sang et de race ; ce qu’il faut, c’est une idée commune, vaste, immense ; une idée qui renferme en elle tout le passé et aussi tout l’avenir de ces peuples.