Les Six Livres de la République/66
este pour la conclusion de cest œuvre traiter de la Justice, comme le fondement principal de toute Republique, & de telle consequence que Platon memes à intitulé les dix livres de la Republique, le traité de la justice ores qu’il en ayt parlé pluftoft enPhilofophe,
qu’il n a fait en Legiflateur, oulurifcofulte. Mais nous
dirons en continuant que ce n’eft pas affez defouftenir que la monar¬
chie eft le meilleur eftat, ôc qui moins a d’incommoditez, fi on ne dit
monarchie Royale : & ne fuffift pas encores de dire que l’eftat Royal eft
le plus excellent, fi on ne monftré aufli qu’il doibteftre temperéparle
gouuernement Ariftocratique ôc populaire, ceft à dire par Iuftice har-
monique, qui eft compofee de la iuftice diftributiue ou Geometrique,
de commutatiue, ou Arithmétique, lefquelles font propres à l’eftat Ari¬
ftocratique, & Populaire. Et tout ainfi qu’étre les Monarchies la Roya¬
le ainfi gouuernee comme i’ay dit, eft la plus louable : aufli entre les
Royaumes, celuy qui plus tiendra^ou qui plus près approchera de la lu-Pp iiij Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/748 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/749 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/750 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/751 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/752 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/753 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/754 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/755 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/756 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/757 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/758 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/759 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/760 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/761 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/762 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/763 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/764 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/765 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/766 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/767 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/768 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/769 6. de l’an ijji.Ic
u.Iuin.auxque
loyers des
artifans750tDE LA REPVBLI Q^y Eeft dit,que les condamnez payeront les interefts des fommes deuës au
denier douze pour le regard des marchans, & au denier xv. à toutes au¬
tres perfonnes,hormis aux laboureurs vignerons, ôc mercenaires, auf
quels les condamnez payeront le double de la fomme en laquelle ils fe
trouuerontcondamnez:quin eft point pratiquée pour le dernier chef
parce quil n y a point diftin&ion fi le condamné eft noble, marchand,
preftre.ou artifantencores que l'ordonnance ne fe peut eftendre aux la¬
boureurs & mercenaires condamnez. Mais il y a bien plus grande ine-
qualité en l’ordonnance de Venize,6 qui defend de prendre intereft,ny
en fruits,ny en argent,plus haut que fix pour cent:aufli n’eft elle pas gar¬
dee,ny en public, ny en particulier. Et quant aux conuentions particu¬
lières , iaçoit que la proportion d’equalité y foit plus grande, fi n’eft elle
pas toufiours gardee : car mefmes les artifans, par vne raifon naturelle,
iugent bien qu’il faut prendre moins du pauure, que du riche pour leur
falaire : iaçoit qu’ils ayent autant de peine pour l’vn que pour l’autre, le
Proportion chirurgien qui prendra cinq cens efcus d’vn homme riche pour le tail-
harmoni- 1er > n’en prendra du faquin pas plus de cinq: ôc neantmoins il prend en
effed dix fois plus du pauure que du riche, car ceftui-cy qui a cinquan¬
te mil efcus en bien,nen paye que la centiefme partie :& le pauure qui
n’a que cinquante efcus valant,en paye cinq,qui eft la dixiefme. ôc fi on
vouloit exa&ement garder la proportion geometrique, ou arithméti¬
que,le patient mourroit delà pierre ôc le chirurgien de faim; & en tenat
la médiocrité harmonique, l’vn ôc l’autre s’en trouue bien , ôc les pau¬
ures s’entretiennent auec les riches.Et mefmes les luges font contraints
pour leur falaire en vfer ainfi: ôc le peuuent faire, pourueu qu’ils n’exce-
dent la médiocrité harmonieufe : comme fift vn certain lieutenant ciuil
qui taxa xxx. efcus d’efpices pour auoir adiugé la maintenue d’vn bene-
fice litigieux,oû il n y auoit que trois pieces à voir: on s’en porta pour
appellant:&fus la decifion de l’appel, le luge fut mandé, qui dift que
le benefice eftoit de grande valeur. Ranconet prefident de la cham¬
bre dift alors, que fon coufturier cn vfoit ainfi, luy faifant payer da¬
uantage pour la façon d’vn faye de velours, que de farge. maislelu-
ge fift refponfe, qu’il eftoit contraint faire plufieurs coruees pourles
pauures, fans aucun falaire. Car l’ordonnance de Milan qui veut que
les luges puiflent prendre pour leur falaire vn pour cent de chacune
partie, Ôc n’exceder iamais deux cens efcus, les eferiptures comprifes,
n’euft pas contenté Ranconet, parce qu’il y a tel procès de dix efcus,
où il y a fouuent plus de peine, qu’en celuy où il eft queftion de dix
mil efcus. Ainfi le marchât gaigne fus le riche,ce qu’il perd fus le pauure.Iltfaut donc, s’il eft poflible, que les loix foyent telles, qu’on y puifle
remarquer la proportion harmonique, foit pour les peines & loyers,
foit pour l’intereft particulier, foit pour le droit des fucceflions : au¬
trement il sera bien difficile qu’on ne face beaucoup d’injustice. Comme la loy des successions, qui adjuge tout à l’aisné soit noble ou roturier, ainsi qu’il se fait au pays de Caux, & se faisoit par la Loy de Lycurgue, touchant les sept mil portions d’heritages affectees aux naturels Spartiates, est injuste. Aussi est la loy inique, qui adjuge tout à l’aisné noble, & le tiers, ou le quint à viage aux puisnez masles, & en propriété aux filles. & n’est pas gueres moins inique la coustume d’Almaigne, &’Italie, qui fuit toutesfois le droit comun, faifât aifnez, & puifnez, efgaux en
fucceflîo, felô la proportion Arithmétique, fans aucune diftin&ion des La loy de
perfonnes.mais laloy de Dieu a retenuPvn, & ; l’autre, donantaux maf— Dieu tiét la
les la fucceflion des immeubles, & aux filles quelques meubles pourles proportion
marier : affin que les maifons 11e fuflent demembrees par elles •. ôc entre Harmoni-
les mafles a donné deux portions à l’aifiné. en quoy on peut voir la pro— que.
portion Geometrique entre les puifnez, & Paifné, & entre les filles, & les
puifnez. & Pequalité entre tous les puifnez, & la mefme equalité entre
les filles.Quj nous eft vn trefcertain argument, que la vraye iuftice, & le
gouuernement le plus beau, eft celuy qui s’entretient par proportion
Harmonique. Et combien que l’eftat populaire ambrafle plus les loix
e{gales, & la iuftice Amhmetique : &au contraire l’eftat Ariftocratique
retient plus la proportion Geometrique : fi eft-ce que IVn & l’autre eft
contraint d’entremeflerla proportion Harmonique, pour fa conferua¬
tion.autrement fi la feigneurie Ariftocratique regettele menu peuple
loing de tous eftats, offices, ôcdignitez, ne luy faifant aucune part de la
dépouillé des ennemis, ny des pays conqueftez fur eux, il ne fe peut fai¬
re que le menu peuple, pour peu qu’il foit aguerri, ou que Poccafion fe
prefente, qu’il nefe reuolte, ôc change leftat, comme i’ay monftrécy
deuant, par plufieurs exemples. C’eft pourquoy la feigneurie de Venife
quieft vne vraye Ariftocratie s’il en fut onques, fe gouuerne Ariftocra-
tiquement, diftribuant les grands honneurs, dignitez, benefices, & ma¬
giftrats aux gentils-hommes Venitiens : ôc les menus offices où il n y a
point depuiflanceau menu peuple, fuiuant laproportion Géométri¬
que, des grands aux grands, & des petits aux petits : Et neantmoins pour
contenterle menu peuplera feigneurie luy alaifle Peftat de Chancelier,
qui eft des plus dignes, & des plus honnorables, ioint aufli qu’il eftper— L’eftat de
petuel : & en outre les offices des fecretaires d’eftat, qui font bien fort Venize eft
honnorables.&au furplus Piniurc faite au moindre habitant par les gen— Ariftocra-
tils-hommes Venitiens eft puni, &chaftié : & vne grande douceur, &li^ tique, ôc le
berté de vie donnee à tous, qui reflent plus fa liberté populaire, que le gouuerne-
gouuernement Ariftocratique.ôc qui plus eft la creatiô des magiftrats, ment Har-
fefait par chois, ôc par fort, Pvn propre au gouuernement Ariftocrati— monique.
que, l’autre à l’éftat populaire : fi bien qu’on peut dire que Peftat eft A-
nftoçratiqüe, & : conduit par proportion Harmonique : qui a rendu ce-
fteRepubliquelà fortbelle &floriffante. Nous avons monstré cy devant que l’estat d’une Republique & le gouvernement d’icelle sont differents : car leftat peut eftre populaire, & le gouuernemét Ariftocrati-
que : comme il eftoit en Rome après que les Roys furet chaflez, le peu¬
ple auoit bien la puiffance fouueraine : mais tous les magiftrats, digni-
tez benefices, &commiflions honnorables n eftoyent donnez finon à
la noblefle, & les nobles n eftoyent mariez finô aux noblesses roturiers
àleurs femblables : & les voix plus dignes, & plus efficaces eftoyentdes
grands feigneurs, ôc des riches, mais d’autant quelegouuernemcntc-
lloit purement Ariftocratique, le peuple ( qui eftoit fouuerain) en fut
bien toft las, &ne cefla iufques à ce que petit à petit le menu peuple
n’euft part aux plus grands honeurs, & benefices, ôc qu’il nc fuft permis
aux nobles, ôc roturiers desallier enfemble par mariages. & tandis que
ce gouuernement Harmonique, c’eft à dire entremeflé dc l’eftat Arifto¬
cratique, ôc Populaire dura, la Republique fleurifloit en armes, & en
loix : depuis que le gouuernemét du tout populaire le gaigna, par l’am¬
bition des Tnbuns, come le contrepoix d vne balance, ttop forte d’vn
cofté donna contre terre, ou comme l’harmonie melodieufc eftant di£
folue, & les nombres Harmoniques alterez en nombres de proportion
efgale en tout, & par tou t, ils’en enfuiuit vn difeord bien fort grand en¬
tre les citoyens, qui continua iufques à cc que l’eftat fuft changé. Ainfi
pouuons nous iuger de toutes Republiques : ôc n auons point dc meil¬
leur exemple, que des eftatspopulaires des feigneurs des ligues : car plus
ils font gouuernez populairement, ôc plus ils font difficiles a entretenir :
comme les cantons de la montaignc, & des Grizons : mais les cantons de
Berne, Bafle, Siirich, qui font gouuernez plus feigneurialement, ôc qui
retiennent ce moyen Harmonique entre le gouuernement Ariftocra¬
tique ôc Populaire, font beaucoup plus doux, plus traitables, & plus af-
L’eftat feurez en grandeur, puiflance, armes, Ôc loix. Or tout ainfi que l’eftat
Royal gou— Ariftocratique eft fondé en proportion Geometrique, eftant gouucr-
uerné Har— né Ariftocratiquement : c’eft à fçauoir qui donne aux nobles, & aux ri-
monique— ches les eftats, &honneurs : ne laiflant rien aux pauures que la fugetion,
ment eft le &obeiffance : & au contraire l’eftat Populaire gouuemé populairement
plus feur ôc Repart ^cs deniers, les dépouillés, les conqueftes, les offices, honneurs, &
le plus beau benefices également jfans diferetion du grand au petit, du noble au ro-
turier : auffileftat Royal eft parconfequencc neceffaire proportionné
aux raifons Harmoniques : &s il eft gouuerne, & conduit Royalement
c eft à dire Harmoniqueroentjon peut afleurer que c eft le plus beau, le
plusheureux, & le plus parfait dc tous.le ncparle^point delà monarchie
feigneuriale, quand le monarque tient comme feigneur naturel, tous les
fugets comme efclaues, ôc difpofe de leurs biens comme a luy aparté-
nans & moins encores de la monarchie tyrannique, quand le monarque
n eftant point feigneur naturel, abufe neantmoins des fugets, ôc de leurs
biens à fon plaifir, comme s’ils eftoyent efclaues, & pis encores, quand
il les fait feruir à fes cruautez. mais ic parle du Roy légitime, foicquilvienne Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/773 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/774 Page:Bodin - Les Six Livres de la République, 1576.djvu/775 beaucoup d’autres, qui pour leurs vertus illustres sont montez aux plus hauts degrez d’honneur. mais tous les estats portent impatiemment de voir les plus indignes aux plus hauts lieux : non pas qu’il ne soit necessaire de donner quelquesfois aux incapables & indignes quelques offices, pourveu qu’ils soyent en si petit nombre, que leur ignorance ou mechanceté n’ayt pas grand effect en l’estat où ils seront. Car il ne faut pas seulement bailler la bource aux plus loyaux, les armes aux plus vaillans, la justice aux plus droits, la censure aux plus entiers, le travail aux plus forts, le gouvernail aux plus sages, la prelature aux plus devots, comme la justice Geometrique veut : ains il faut aussi pour faire une harmonie des uns avec les autres, y entremeller ceux qui ont de quoy suployer en une sorte, ce qui leur defaut en l’autre. autrement il n’y auroit non plus d’harmonie, que si on separoit les accords, qui sont bons en soy, mais il ne seront point de consonance, s’ils ne sont liez ensemble : car le defaut de l’un, est suployé par l’autre. En quoy faisant le sage Prince accordera ses sugets les uns aux autres, & tous ensemble avec soy : tout ainsi comme on peut voir és quatre premiers nombres, qu’il semble que Dieu a disposez par proportion harmonique : pour nous monstrer que l’estat Royal est harmonique, & qu’il se doibt gouverner harmoniquement : car 2. à 3. fait la quinte, 3. à 4. la quarte, deux à quatre l’octave : & derechef un à deux fait l’octave 1. à 3. la douziesme, tenant la quinte & l’octave, & 1. à 4. la double octave, qui contient l’entier systeme de tous les tons, & accords de musique : & qui voudra passer à 5. il fera un discord insupportable. autant peut on dire du point, de la ligne de la superficie, & du corps. donques on suppose que le Prince eslevé par dessus tous les sugets, la majesté duquel ne souffre non plus division que l’unité, qui n’est point nombre, ny au rang des nombres, iaçoit que tous les autres n’ont force, ny puissance que de l’unité : & les trois estats disposez comme ils sont, & quasi tousjours ont esté en tous Royaumes,
Royaume ^ ^ bkn ordônees,c eft a fçauoir l’eftat Ecclefiaftique le premier
bie ordone ürja dignitéquilfouftient,& prerogatiue du mtàiftereenuers Dieu:
qui eft compofé de nobles,ôc roturiers:puisl eftat militaire,qui eft auf¬
fi compofé des nobles „ ôc roturiers. Ôc le menu peuple de gens fcho-
laftiques,marchans,artifans, ôc laboureurs: ÔC que chacun de ces trois
eftats ayt part aux offices, benefices,iudicatures, Ôc chai ges honnora¬
bles, ayant efgard aux mérités, ôc aux qualitez des peifonnes. il le for¬
mera vne plaifanteharmonie de tous les fugets entre eux,Sc detous en-
fembleauecle Prince fouuerain.Ce que nous pouuons encores figurer
en l’homme, qui eft la vraye image de la Republique bien ordonnée:
carPintelled tient lieu d’vnité eftant indiuifible, pur, ôc fimple:puis la¬
me raifonnableque tous les anciens ont feparé de puiffance dauec Hn-
telleéfcla troifiefme eft l’appetit de vindifte, qui gift au cueur : commeles gendarmes,la quatriefme eft la cupidité beftiale,qui gift au foye, ôc
bt1tautres autres intestins nourrissans tous le corps humain, comme les laboureurs. Et combien que les hommes qui n’ont point d’intellect, ne laissent pas de vivre, fans voler plus haut à la contemplation des choses divines, & intellectuelles : aussi la Republique Aristocratique, & populaire, qui n’ont point de Roy, s’entretiennent & gouvernent leur estat : neantmoins elles ne sont point unies, ny lyees si bien, que s’il y avoit un Prince, qui est comme l’intellect, qui unist toutes les parties, & les accorde ensemble : quand l’ame raisonnable est guidee par prudence, l’appetit de vindicte par magnanimité : la cupidité bestiale par temperance, & l’intellect est eslevé par contemplations divines : alors il s’establit une justice tres-harmonieuse, qui rend à chacune des parties de l’ame ce qu’il luy apartient : ainsi peut on dire des trois estats, guidez par prudence, par force, & temperance, & ses trois vertuz morales accordees ensemble, & avec leur Roy, c’est à dire à la vertu intellectuelle & divine, il s’establist une forme de Republique tresbelle, & harmonieuse. car tout ainsi que de l’unite depend l’union de tous les nombres, & qui n’ont estre ny puissance que d’elle : aussi un Prince souverain est necessaire, de la puissance duquel dependent tous les autres. Et tout ainfi qu’il ne fe peut fai¬
re fi bonne mufique,où il ny ayt quelque difeord,qui faut par neceflî-
té entremefler^pourdonerplusde graceauxbonsaccords.ee que fait le
bon muficien pour rendre laconfonance de la quarte,de la quinte,ôede
l’odaue,plus agreable,coulant au parauant quelque difeord ,qui rend
la confonance que i’ay dit douce à merueilles. ce que font auflî les friâds
cuifiniers, qui pourdonnermeilleurgouftaux bonnes viandes,entre-
gettér quelques plats de faufles afpres,ôc mal plaifantes.& le dode pain-
tre pour rehaufïer fa peinture, ôc donner luftre au blanc, Pobfcurcift à
Tentour de noir ôcd’vmbrages.car la nature du plaifir eft telle en tou¬
tes les chofes de ce mode,qu’il perd fa grâce fionn’agoufté le defplai-
fîrÔc le plaifir toufiours côtinuant,deuient fade,pernicieux,ôc mal plai-
fant. auflî eft-il neceflaire,qu’il y ayt quelques fols entre les fages:qlques
homes indignes de leur charge entre les homes experimentez : ôc quel¬
ques vicieux entre les bons,pour leur donner luftre, Ôc faire cognoiftre
au doigt,Ôc à l’œil la différence du vice à la vertu,du fçauoir à lignorace.
car quand les fols,les vicieux, les mefehans font mefprifez.* alors les fa-
ges^es vertueux,les gens de bien,reçoiuent le vray loyer de leur vertu,
qui eft l’honneur. Et femble que les anciens Theologiens nous auoyent
figuré ce que i’ay dit:donnant à Themis trois filles,à fçauoirt^ gjeimxtEîfm: c’eft à dire loy droite, Equité, Ôc Paix : qui fe raportent aux jes x!-e
trois formes de Iuftice, Arithmétique,Geometrique, Ôc Harmonique: ^ ^ ^ôc neantmoins la paix, qui figure l’harmonique, eft le feul but, ôc com-i»itii- o-to jti porter auxble de toutes les loix, ôc îugemens ,ôc du vray gouuernement royal: rcomme la Iuftice harmonique,eft le but du gouuernement geometri- no^; P10que,ôcarithmetique.Ce point là bien efclarci, reste à voir s’il est vray ce que disoit Platon, que Dieu gouverne ce monde par proportion Geometrique : parce qu’il a prins ce fondement, pour monstrer que la Republique bien ordonnee à l’image de ce monde, doibt estre gouvernee par Justice Geometrique. J’ay monstré tout le contraire par la nature de l’unité raportee aux trois premiers nombres harmoniquement : & de l’intellect, aux trois parties de l’ame : & du point, à la ligue, à la superfice, & au corps. Mais il faut passer plus outre : car si Platon eust regardé de plus pres, il eust remarqué ce qu’il a oublié en son Timee, que ce grand Dieu de nature a composé harmoniquement le monde de la matiere, & de la forme : par equalité & similitude. & d’autant que la matiere estoit inutile sans la forme : & la forme ne pouvoit subsister sans la matiere, ny en tout l’univers, ny en ses parties : il en composa le monde, qui est esgal à l’une, & semblable à l’autre : il est esgal à la matiere, & semblable à la forme : comme la proportion harmonique, est composee de la proportion Arithmetique, & Geometrique, esgale à l’une, & semblable à l’autre. estant l’une separee de l’autre imparfaite. Et côme les Py thagoriês facrifîerét des heratom-
bes, nô pas pour la fouftendue de l’angle droit, qui pent les deux coftez : 8tI fa demoftra— ma*s Pourauoirtrouué en vne mefme figure l’equalité, ôc fimilitude de
tio pcrfpicua fie deux autres figures : eftât la troifiefme figure égalé à la premiere, & fem-
niable à la8fecode : aufii Dieu a fait ce mode égal à la matiere, par ce qu’il
côprend tout, & n’y a rien de vuide : &(ébIableà]aforme, qu’il auoitfi-
ie redunguiiimi. guree au parauât que faire le monde.côme nouslifons en la fainûe9 eCper 13. fecundi erit 7,.ti, ^ 1t„.t.t_triâguium3.æqua’cnptmre..ct quat au mouuemés de ce monde, on voit que Dieu en a fait
fimiitSgulof ? vn efgal, qui eft le mouuemét rauidautre inégal, qui eft le mouuement
Liaifon har planétaire, ^ contraire au premier.le troifiefme eft le mouuement tre-
monieufe blant, quiembraffe &lyej’vn à l’autre. &fî nous cherchons parle menu
du monde les autres creatures, nous trouuerons vne perpetuelle liaifon harmoni-
&defespar que, qui accorde les extremitez par moyens indifTolubles qui tiennent
des.tdel’vn ôc de l’autre : comme on peut voir entre la terre, ôc les pierres, l’argille : entre la terre ôc les métaux, les marcafites, calamités 5 ôc autres
mineraux : entreles pierres, & les plantes, les efpeces de corail qui font
plantes lapifiees prenant vie, ôc croiffance par les racines : entre les pla¬
tes, & animaux, les Zoophytes,ou plante bestes : qui ont sentiment, & mouvement, & tirent vie par les racines : entre les animaux terrestres, & aquatiques, les Amphibies, comme bievres, loutres, tortues, & autres semblables : entre les aquatiques, & volatiles, les poissons volans : & generalement entre les bestes, & l’homme, les synges, combien que Platon mettoit la femme : entre ceux cy & la nature Angelique, Dieu a posé l’homme, partie duquel est mortelle, & partie immortelle : lyant aussi le monde elementaire avec le monde celeste par la region Etheree. Et tout ainsi que le discord donne grace à l’harmonie : aussi Dieu à voulu que le mal fust entremeslé avec le bien, & les vertus posees au milieu des vices, affin qu’il en reüssist un plus grand bien, & que la puissance de Dieu par ce moyen fust cognue[1], qui autrement demouroit cachee, ou ensevelie. & tout ainsi que par voix, & sons contraires, il se compose une douce, & naturelle harmonie : aussi des vices, & vertuz, des qualitez, des elemens, des mouvemens contraires, & des sympathies, & antipaties, liees par moyens inviolables, se compose l’harmonie de ce monde, & de ses parties : comme aussi la Republique est composee de bons, & mauvais : de riches, & de pauvres : de sages & de fols : de forts, & de foibles alliez par ceux qui sont moyens entre les uns, & les autres : estant tousjours le bien plus puissant que le mal : & les accords plus que les discords. Et si on vient aux jugemens particuliers de Dieu, on trouvera qu’il ne punist pas tous les forfaits, & ne les laisse pas tous impunis. on verra qu’il fait de un berger, d’un asnier, d’un potier un Roy : & d’un Roy un pædante quelquesfois : & qui pourroit entrer aux plus secrets jugemens, on trouveroit comme en toutes autres choses la justice harmonique. Et tout ainsi que l’unité fus les trois premiers nombres : l’intellect fus les trois parties de l’ame : le point indivisible, sus la ligne, superficie, & le corps : ainsi peut on dire que ce grand Roy eternel, pur, simple, indivisible, eslevé par dessus le monde intelligible, celeste, & elementaire, unist les trois ensemble, faisant reluire sa majesté par une harmonie divine, à l’exemple duquel le sage Roy doibt former, & gouverner son Royaume.
- ↑ Exod. cap.9.