Les Siècles morts/Hymne à Zeus

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Les Siècles mortsAlphonse Lemerre éd.II. L’Orient grec (p. 46-48).

 
Tandis que devant Zeus la libation coule,
Chantons ! Chantons le Dieu qui dompta les Titans,
Celui qui, des sommets, presse, assemble ou refoule
         Le vol des nuages flottants.

Sous quel nom t’invoquer, toi que Dicté réclame,
Toi dont le vert Lycée est jaloux ? Le Crétois
Nourrit habilement le mensonge en son âme :
Le haut Parrhasios t’a caché dans ses bois.

C’est là que sur la couche antique, la pesante
Rhéa, de sa ceinture ayant rompu les nœuds,
Purifia ton corps dans l'onde jaillissante
         Du Fleuve illustre et lumineux.


Et c’est près de Cnossos, aux paisibles haleines,
Que sur les pâles fleurs coula ton sang vermeil,
Et que, couvrant leurs bras, les Nymphes Dictéennes
Et la douce Adrastée ont bercé ton sommeil.

Sur l’Ida parfumé, riche en herbes secrètes,
L’abeille Panacris cueillait un miel plus doux ;
Et, dansant devant toi, les bondissants Kurètes
         Heurtaient leurs armes à grands coups.

Tel, enfant, oublié dans la sombre demeure,
De l’avide Kronos immortel Rejeton,
Déjà prudent et mûr, tu grandis jusqu’à l’heure
Où le poil juvénile ombragea ton menton.

O Poètes ! nul sort n’a choisi l’héritage,
Ni, disputant à Zeus le trône universel,
Aveuglément marqué les trois lots du partage
         De l’Hadès, des Eaux, et du Ciel.

Règne, ô Zeus, et commande à l’Ouranos céleste !
Dédaignant les mortels, chanteurs, guerriers, marins,
Dirige les Rois seuls ; accorde et manifeste
Ta splendeur souveraine aux Héros souverains !

Qu’Héphaistos soit propice à ses robustes aides,
Arès, à qui bondit aux combats meurtriers,
Artémis au chasseur, et Phoibos aux aèdes,
         Moissonneurs des divins lauriers.


Mais Toi, comme un veilleur du haut des citadelles,
Tu contemples les jours et les travaux des Rois,
Jugeant leurs cœurs, gardiens oublieux ou fidèles
De la Justice sainte et des augustes Lois.

Incorruptible Zeus, Maître des récompenses,
Lassé de te louer, le chant rhythmé s’est tu !
Salut, Père des Dieux, Kronide, qui dispenses
         Les richesses et la vertu !