VII

L’ARTICLE


J’étais tombée dans la mélancolie la plus profonde et j’étais désespérée.

La fin de ma période d’essai se terminait le lendemain, je l’ai dit, et il était probable Qu’ils me remercieraient gentiment.

Qu’allais-je devenir ?

Recourir les bouis-bouis, les coulisses, les cabinets directoriaux ?

Cependant il fallait percer, arriver.

Hélas ! mon aventure n’avait-elle pas couru les théâtres de Paris et fait, auprès des directeurs, ma renommée ?

Ma renommée !

Je laissai entrer le petit Valjoie qui, frénétique, m’apporta en pleurant presque « l’Étendard ».

Peu après je reçus tout un flot de visites joyeuses… Le succès !

Ensuite, dépliant le journal, je vis en première page un article de trois colonnes sous le titre :

« Le paradis de mademoiselle de la Bringue »… Signé Lebreton.

J’y jetai les yeux avidement.

Tout Paris, la France avait cette feuille-là entre les mains.

Cet homme terrible s’était mis avec la foule, et voilà l’explication de sa vision d’hier soir, alors que je tombais, dans le brouhaha et les brouillards de la défaite.

Mais non…

Dès les premières lignes j’étais rassurée.

Je parcourus rapidement.

Il montrait magnifiquement combien lui et les quelques artistes qui l’accompagnaient m’avaient prisée.

« C’est toute la poésie du désespoir et de la souffrance, écrivait-il : Accourez sadiques, vampires et goules, accourez pour régaler vos yeux mornes et vos âmes pourries du spectacle d’une agonie, d’une décadence amoureusement, idolâtrement idéale…

» Venez, regardez sa pâleur… Ne dirait-on pas une morte sortie de son tombeau et marchant sur ce fond de drap noir… Dites, est-ce que l’on ne pourrait croire, ne serait-ce le rose de ses joues, qu’on lui a sucé tout son sang ?