Les Ruines de Pompéia (O. C. Élisa Mercœur)

Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 273-275).


LES RUINES DE POMPÉIA.
FRAGMENT.

 

Tes débris sont des pas laissés par ta puissance,
Ton deuil est ta parure aux yeux de l’univers ;
Le génie inspiré comprend ton grand silence ;
Les ombres de tes fils repeuplent tes déserts.

Élisa Mercœur.
 

L’oubli laisse échapper sa noble prisonnière !
À son réveil magique, il ne s’attendait pas ;
Pompéia qui dormait, s’éveille et crie… Arrière
À ce Temps étonné qu’il manque à sa poussière
        Une empreinte de dix-sept pas.

Pour chercher quels succès, pour venger quels outrages,
Apparais-tu deux fois dans la lutte des âges,
Ainsi qu’un vieux guerrier déroulant son drapeau ?
Allons-nous te revoir dans ta beauté flétrie,

Fantôme de cité, fatigué du tombeau,
À quelque nouveau peuple offrir une patrie,
Et des temples déserts à quelque Dieu nouveau !
Tu sembles au regard que ta présence étonne,
En montrant tes lambeaux d’antiques vêtemens,
        Comme une reine sans couronne,
        Comme une mère sans enfans.

Eh bien ! de tes fils morts, respecte la mémoire ;
De la ville d’Hercule, ô toi, la noble sœur,
Que t’importe un époux !… ton veuvage est ta gloire,
        Et ta ruine est ta grandeur !

Quels fils ont mérité de t’adopter pour mère ?
        Des palais qui chargent la terre,
Les maîtres ont donné des fers au Peuple-Roi ;
Sois jalouse aujourd’hui de ta noble misère,
Découvre avec orgueil ce qui reste de toi !

        Montre-nous la salle des fêtes ;
Montre-nous ces faisceaux, vieux gages de conquêtes,
        L’arène du gladiateur ;
Montre-nous la colonne à la tête abattue,
Qui semble regretter son antique hauteur,
L’autel abandonné du sacrificateur,
        Et le piédestal sans statue.

Le deuil du cœur jadis suivait-il l’autre deuil ?
Funéraires palais habités par des ombres,

Qui donc vous éleva ? Le regret ou l’orgueil ?…
Ah ! laissez transpirer un secret du cercueil ;
Qu’il soit comme une flamme éclairant vos décombres.
Ces oracles sacrés dont le sens est perdu,
Pour nous les expliquer où donc est la Sybille ?
Celle qui répondait à la voix de Virgile,
Elle aussi dort sans doute et n’a pas entendu.

Eh bien ! sur ces tombeaux évoquons la mémoire,
Va-t-elle révéler quelques faits éclatans ?
Approchons… Mais, hélas ! rien que des noms sans gloire,
Qui, tels que de vains mots, sont jetés dans l’histoire,
Esclaves de l’oubli quoique vainqueurs du temps !
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Sont-ils, voyant leurs jours fuir comme un sombre rêve,
Descendus dans la tombe en cherchant le réveil ?
Ou touchant une lyre, ou tombant sous le glaive,
Se sont-ils endormis de leur dernier sommeil ?
Ou donnant à la mort de vains plaisirs pour cause,
Bornant leur existence aux heures du matin,
Se plaignaient-ils du pli d’une feuille de rose.
En fermant la paupière au sortir d’un festin ?
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(Juillet 1828.)

(Publié en 1829 dans la Psyché, et en 1833, dans la Revue de l’Ouest.)