Les Rochelais à Terre-Neuve/2° La pêche


Chez Georges Musset (p. 20-40).

2o La pêche.


Les produits de la pêche avaient toujours constitué une part importante du commerce rochelais. Nous ne visons pas, en disant cela, le poisson frais qui se vendait à La Rochelle pour la consommation des habitants de la ville ou des régions voisines, les seules où le poisson pût arriver frais. Nous faisons allusion au poisson salé ou séché. Les espèces qui se prêtaient plus particulièrement à ce genre d’opération, étaient d’abord, en dehors des poissons, sous le nom générique desquels elles étaient comprise : les cétacés, baleines ou dauphins (porcilles), puis, parmi les poissons proprement dits : les merlus, les harengs, les morues, les maquereaux, etc., en un mot les allés (allecia), nom qui semble les résume tous.

Les côtes françaises de l’Océan et de la Manche, les côtes de l’Espagne, l’Irlande et les régions plus ou moins éloignées du nord étaient fréquentées par les pêcheurs de nos ports pour l’approvisionnement des populations en poisson conservé. Il n’est pas douteux, et nous ne ferons qu’indiquer ici ce fait, sans insister davantage, que nos parages étaient bien plus fréquentés alors qu’aujourd’hui par toutes ces espèces, et que les pêcheurs durent faire leurs premiers voyages dans les régions du nord à la suite des poissons qui s’éloignaient de jour en jour.

Nous sommes notamment porté à croire que sans être d’une abondance extrême dans les eaux françaises, la morue y était en plus grande quantité que de nos jours, puisqu’on l’expédiait comme poisson salé.

La morue fut principalement connue sous trois noms distincts : morue, pour les Français, — bacallaos, pour les Espagnols, — cabillaud, kabeljouve ou cabliauwe pour certaines populations du nord ou même de la Méditerranée.[1]

En France, de nos jours, on distingue la morue et le cabillaud. La morue est le poisson préparé, le cabillaud, la morue fraîche. Cette distinction n’existait pas à l’origine.

La morue « morua, moruta, moruca », dans le langage courant « moulue ou moullue », forme qui existe encore à la campagne, figure dans les comptes dès le XIIIe siècle[2]. Elle est mise sur la même ligne que les poissons parés, salés ou séchés, et le Livre des Métiers de Boileau parle positivement de « morues baconnées », c’est-à-dire, selon nous, traitée et salée comme le porc, « le bacon ». Malgré tout jusqu’au premier quart du XVIe siècle, elle ne tient pas la première place dans le commerce rochelais, et la cède aux merlus et aux harengs.

Mais aussitôt que la « terra des baccalaos », la terre des morues, Terre-Neuve, est sortie des brumes de l’horizon, un mouvement considérable se produit vers cette région où les poissons de toute sorte vivent en abondance.

Comme nous le disions en commençant cette étude, ce n’est pas la perspective de la découverte, mais l’amour du gain qui entraine dans ces parages Bretons, Normands, Rochelais et Basques, collaborateurs modestes, mais incontestables de Jacques Cartier. Aussi est-ce avec raison que les noms français naissent de toutes parts sur ces terres neuves, et que le nom de mer de France s’impose aux eaux qui les baignent.

Ceci n’est point une simple hypothèse basée sur l’abondance de la morue au marché de la Rochelle, dès le XVIe siècle, mais résulte au contraire de la connaissance que nous avons de nombreux documents inédits.

M. Harrisse, le savant américaniste, auquel la connaissance des premières conquêtes du Nouveau-Monde est plus familière qu’à tout autre, a considéré que l’on pouvait prendre l’année 1550 comme date extrême des voyages de découverte dans cette région ; il estime qu’à partir de 1550, les expéditions à Terre-Neuve sont devenues choses si communes qu’il n’y a plus intérêt à en relever ni le nombre, ni l’importance. Les recherches du savant américain ont été poussées fort loin. Il semblerait qu’il n’est pas de source importante de renseignements, tant du Nouveau-Monde que de l’Ancien, qui ait échappé à sa sagacité. Malgré ce luxe d’informations, M. Harrisse n’a pu découvrir que 54 expéditions dirigées, pendant la période qu’il embrasse, vers le Nord-Amérique. Il faut en outre, remarquer que la presque totalité de ces expéditions n’ont été que des voyages de découvertes opérés sous le patronage des souverains qui régnaient sur l’Angleterre, la France, l’Espagne et le Portugal, et que beaucoup avaient pour but, non pas la prise de possession et la colonisation de terres nouvelles qui paraissaient d’ailleurs inhabitables, mais la recherche d’un passage vers le Cattay, nom qui désignait alors la Chine. Les expéditions et les voyages signalés par M. Harrisse se décomposent ainsi : 15 expéditions organisées par les Anglais, 12 par les Portugais, 9 par les Espagnols, 19 par les Français. On voit déjà par ce simple relevé que les Français avaient à leur actif le plus grand nombre de voyages. De ces derniers, trois sont indiqués comme faits par des Rochelais, et sur ces trois, deux étaient connus de M. Harisse par les renseignements que nous lui avions fournis. C’était, à ce moment-là, tout ce que nous en connaissions.

Notre attention fut mise en éveil tant par les publications des américanistes, que par les dépêches de M. le Ministre. L’intérêt historique de nos recherches se doublait d’une question patriotique. Nous nous mîmes à l’œuvre et le résultat dépassa notre attente.

Nous pouvons proclamer aujourd’hui cette vérité que, dès l’origine, avant l’année 1550, les Français prenaient la part la plus grande de tous aux expéditions à la Terre-Neuve, affirmant ainsi, par la pratique journalière et effective de leur commerce, cette prise de possession qui avait été l’œuvre de Cartier, de Roberval, d’Alfonse de Saintonge et de leurs émules.

M. Harrisse avait relevé 54 expéditions ayant Terre-Neuve ou le Canada pour objectif, jusqu’à 1550. Pour cette même période de temps, nous en constatons 68 en plus, pour La Rochelle seulement. Mais nous devons encore y ajouter 6 armements dont le souvenir a été conservé par Francisque Michel dans son Histoire du Commerce de Bordeaux.[3]

Voici, d’après cela, le tableau expéditions à la Terre-Neuve et au Canada de 1497 (voyage de Cabot) à 1550 :

D’après M. Harrisse :
Anglais seuls 
11 54
Anglais et Portugais ensemble 
3
Portugais seuls 
12
Espagnols 
9
Français 
19
D’après Francisque Michel :
Français 
6 6
D’après nos documents :
Rochelais 
68 68
Total 
128
Soit :
Anglais seuls 
11 Étrangers. 35
Anglais et Portugais 
3
Portugais seuls 
12
Espagnols 
9
Français non Rochelais 
22 Français. 93
Rochelais 
71
Total 
128

Les résultats consignés dans ces tableaux sont d’autant plus remarquables, que les documents rochelais ayant trait au commerce sont d’une extrême rareté. Les archives privées sont à peu près muettes. Les actes des notaires qui devraient contenir la majeure partie de ces renseignements, ont en partie disparu. Sur les vingt et quelques notaires qui instrumentaient dans la ville de La Rochelle, deux ou trois seulement par année sont connus. Pour certaines années, il n’en reste aucun. Les minutes de la plupart d’entre eux ont été détruites. On a notamment négligé de conserver les brouillards qui seuls, la plupart du temps, contenaient les minutes des transactions commerciales. À quel résultat arriverions-nous donc si les archives étaient intactes ?

Pour les Rochelais, la pêche de Terre-Neuve fut à la fois un moyen d’occuper leurs navires et une occasion de faire fructifier leurs capitaux. En dehors de leurs aptitudes maritimes, les Rochelais excellaient dans la pratique des opérations commerciales. Les capitaux étaient dans cette ville d’une abondance extrême. Aussi les négociants de la place cherchaient-ils, de toutes les façons possibles, à prêter leur argent à gros intérêt. En outre de cet intérêt, aventure ou profit, comme on disait alors, qu’ils tiraient de leurs opérations, les Rochelais avaient cet avantage d’amener sur leur place des marchandises nécessitant des transactions et fournissant aux intermédiaires des occasions du lucre. Les Rochelais participaient donc aux expéditions de Terre-Neuve de trois manières différentes :

1o  En équipant pour la pêche leurs propres navires ;

2o  En équipant pour cette même pêche les vaisseaux des autres ports ;

3o  En prêtant leur argent aux maîtres et aux capitaines, soit à part de profit, soit à la grosse aventure.

Tels sont les motifs pour lesquels, dans les listes qui vont suivre, on verra tant de navires français, étrangers à la région, prendre comme point de départ le port de La Rochelle.

Voici la liste des navires expédiés de La Rochelle pour Terre-Neuve jusqu’à 1550 :

1523.

La Marie, du Croisic. Maître Yvon le Fleuchier dit Piédecerf ; avitaillée en partie par Jean Le Moine, de La Rochelle.

La Catherine, de Bénic. Maître Michel Trédieu ; avitaillée en partie par Pierre Jourdain le jeune et André Morisson, marchands et bourgeois de La Rochelle, parsonniers du navire.

La Marguerite, de Pornic. Maître Guillaume Le Gludic ; avitaillée dans les mêmes conditions que la précédente.

La Marguerite, de Saint-Brieuc. Maître Jean Trédian.

La Marguerite, de Blavet. Maître Alain Feuillagat ; avitaillée, par association avec le maître, par Jean Boisseau et Jean Lemoine, marchands et bourgeois de La Rochelle.

1533.

Le Christophe, de Plusmanac (Ploemeur, arrondissement et canton de Lorient). Maître Yvon Raymond, qui emprunte à Julien Giraud, marchand et bourgeois de La Rochelle, 30 livres tournois à la grosse aventure, payables en deux milliers de morues parées.

1534

Le 12 juin de cette année, Jacques Cartier rencontre un navire rochelais dans la rivière Saint-Jacques : « Il y a, dit le grand navigateur, une aultre bonne rivière plus grande, où il y a plusieurs saulmons ; nous la nommasmes la rivière Saint-Jacques. Estans à icelle, nous aperceumes un grant navire qui estoit de La Rochelle, qui avoyt passé la nuyt (cherchant) le hable de Brest, où il pensoit aller faire sa pescherie ; et ne sçavoient où ils estoient[4]. »

1535.

La Marguerite-Antoinette, de La Rochelle. Maître Guillaume Legatz, de Paimpol, en Bretagne ; armée par honorable homme Nicolas Maillard, marchand et bourgeois de La Rochelle. Ce navire part après le 19 février et effectue son retour avant le 3 septembre de la même année.

Le Christophe, de La Rochelle. Maître Gluille Le Gludic, de Pelroux, en Bretagne ; est armé par ses bourgeois, Durand Buschet et Jehan Bernyer, marchands et bourgeois de La Rochelle. Départ après le 14 avril.

L’Esprit, de La Rochelle. Maître Jean Guybert, de Portereau en Bretagne ; armé par ses bourgeois, Jean Girard père et Jean Fouchier, marchands et bourgeois de La Rochelle. Départ après le 24 janvier.

1537.

La Marguerite, de La Rochelle. Maître Micheau Herlant, de la paroisse de Tardre, évêché de Saint-Brieuc ; armée par Nicolas Maillard. Départ après le 22 février.

L’Esprit, de La Rochelle. Maître Nicolas Desruare (ou Desmare) ; armé par Pierre Jourdain, marchand, pair et bourgeois de La Rochelle. Départ après le 17 avril.

Le Christophe, de La Rochelle. Maître Bonaventure Courtet ; arrive de Terre-Neuve, et repart après le 18 avril, après que ses bourgeois Durand Buschet et Jean Bernyer ont vendu au maître le quart du navire, des « bapteaulx, apparaulx, artillerie. »

La Marie, de La Rochelle. Maître Nicolas Gieffroy, de l’ile de Bréac, diocèse de Dol en Bretagne ; armée par sire Yves Testart, sieur de la Mauzée, sous-maire de la ville.

La Marie, de Saint-Jean-de-Luz. Maître et bourgeois Martin de Soubmyan, qui emprunte, à la grosse aventure, de sire Martin Doste, marchand et bourgeois de Bayonne, 133 1. 8 s. 6 d., payables quinze jours après l’arrivée du navire à La Rochelle ou à Bordeaux.

Le Baptiste, de Saint-Jean-de-Luz. Maître Étienne Darrissague, dit Chartier, qui emprunte différentes sommes, aux mêmes conditions, à Doste, à Gurton de Soubmyan, à Johannis de Sarnaude, marchands de Saint-Jean-de-Luz, et à Thibaut Coutant, marchand de La Rochelle.

La Marie, d’Ascaing. Maître Martin Decharse qui emprunte 2661.13 s. 4. d. au même Doste.

La Marie, de Bayonne. Maître Cency de Courtraulx, marchand de Bayonne ; est frétée par Jean Lhermite, Bonaventure Corru et Hugues Deseurre, marchands et bourgeois de La Rochelle.

1538.

La Louise, de. La Rochelle. Maître Janicot de Chauchau, navarrais ; est armée par son bourgeois, honorable homme Pierre Dethenebault, l’aîné, marchand et bourgeois de La Rochelle.

La Catherine, de Saint-Jean-de-Luz. Maître Martin de Chauchau, qui emprunte 260 livres tournois à la grosse aventure à Mathurin Dethenebault, échevin de La Rochelle.

La Marie, de Bayonne. Maître Angerot de Soumyan, qui emprunte au même 65 livres tournois.

1539.

L’Esprit, de La Rochelle. Armé par Mathurin Dethenebaut (on écrit aussi Denebault).

Le Nicolas, de La Rochelle.

La Catherine, de Saint-Jean-de-Luz.

1540.

La Louise, de La Rochelle. Janycot de Chauchau, navarrais, maître et bourgeois en partie de ce navire, emprunte à sire Durand Bucbet, pair, marchand et bourgeois de La Rochelle, sept vingt-neuf livres dix solz tournois (149 1. 10 s.) à la grosse aventure.

1541.

Le Nicolas, de La Rochelle. Maître Guillaume Le Ladre, armé par son bourgeois, Ambroys Le Royer, marchand de La Rochelle.

Des mariniers bretons sont embarqués sur un navire rochelais dont on ne donne pas le nom.

Le Jacques, de Ré (île de Ré). Maître Jean Trousicot ; armé par Philippe Méhée, marchand de La Rochelle, bourgeois du navire pour une tierce partie.

La Julienne, de Saint-Nicolas-de-Barfleur. Maître et bourgeois, pour moitié, Nicolas Armysse ; emprunte en commun avec Julien Bassen, écuyer, sieur de Gasteville, bourgeois de l’autre moitié, à Durand Buschet, 1,885 l. 15 s. 6 d., à la grosse aventure. Le navire devra revenir à Chédeboys ou sur les vases de La Rochelle.

Le Rambert, de Normandie. Maître Martin du Bec, qui emprunte 130 livres à honnête femme Jeanne Malhault, veuve de honorable homme Jean Morisson, bourgeoise de La Rochelle.

Le Jacques, de Saint-Brieuc. Maître Olivier Ruffet, qui emprunte à Durand Buschet.

La Catherine, de Saint-Brieuc. Maître Meryen Harmenay, qui emprunte au même Durand Buschet.

La Catherine, de Lanyon. Jean Lebeau, maître et bourgeois, emprunte 95 1.16 s. 6 d. à Durand Buschet.

La Trinité, de Saint-Jean-de-Luz. Martissant Dastingues, maître et bourgeois, achète du vin rouge pour son avitaillement à Thibault Coutant, marchand et bourgeois de La Rochelle.

La Marie, de Saint-Jean-de-Luz. Michel de Rebillacque, maître et bourgeois, vend toute sa pêche future à Durand Buschet.

La Madeleine, de Saint-Jean-de-Luz. Pernotton de Sommyan, maître et bourgeois, avec Martin ou Martinès de Ceuse (ou Cuise), emprunte, à La Rochelle, à la grosse aventure, la somme de 248 livres tournois, de Jean de Salignac, marchand et bourgeois de Bordeaux, représenté par Regomme Réau, bourgeois de La Rochelle.

Le Charles, de Bayonne. Johannes de Sainct-Esteben, François Oncier, Pelleguerin Diesse et Jehan Diesse, tous maîtres et bourgeois, chacun pour un quart ; le premier de Saint-Jean-de-Luz, les trois autres, de Bayonne, empruntent 845 livres tournois à Durand Buschet.

Le Saint-Esprit, de Bayonne. Maître Colan Deule ; emprunte une somme à Guillaume du Jau, marchand et bourgeois de La Rochelle.

1542.

La Louise, de La Rochelle. Maître Johannot de Senchot ; armée par Pierre Dethenebault, Guillaume Perle et Jean Bouhereau, marchands et bourgeois de La Rochelle, bourgeois du navire.

L’Anne, de la Flotte (île de Ré). Maître et pilote, Nicolas Geoffroy ; achète à Nicolas Bobineau, marchand et bourgeois de La Rochelle, du drap à la grosse aventure.

Un navire de l’île de Ré appartenant à Jean Eveillard, marchand de ladite île.

Le Baptiste, de Saint-Jean-de-Luz. Maître Sanson de Soumyen ; part de La Rochelle, après emprunt de 128 livres à Johannis de Sorhandez, marchand de Bayonne.

1543

Le Nicolas, de La Rochelle. Maître Guillaume Le Ladre (ou Le Ludre) ; armé par son bourgeois, Ambroys Le Royer, dit Le Gouellan.

La Bonaventure, d’Olonne. Pilote, Bonaventure Courtet ; bourgeoise, Catherine Garnière, veuve d’André Villon, marchand de Talmont-sur-Jard ; emprunte 81 livres à Durand Buschet.

La Françoise, d’Olonne. Maître Jehan Bretault ; armée par André Henry, Nicolas Bobineau et Jean Colin, marchands et bourgeois de La Rochelle.

La Barbe, de Jard. Maitre Nicolas Geoffroy ; armée par les mêmes.

Un autre navire de Jard. Maître X. Pigeon ; armé par les mêmes.

La Bergère, de Rouen. Armée par sire Pierre LyesDybard, marchand, demeurant près de Rouen, qui achète du sel à honorable homme Pierre Guibert, marchand et bourgeois de La Rochelle.

Un navire breton, dont les mariniers, de Bréhac en Bretagne, empruntent 19 livres 9 sols tournois à André Henry, marchand et bourgeois de La Rochelle.

1544.

La Trinité, de La Rochelle. Maître Pierre de Vigne, qui emprunte 135 livres tournois à sire Martin Denebault, marchand et bourgeois de La Rochelle.

La Madeleine, de Saint-Jean-de-Luz. Maître, sire Martin de Suhegaray, alias Cingallet ou Sugallet, marchand et voisin de Saint-Jean-de-Luz, qui emprunte 50 écus d’or à sire Mathurin Denebault, échevin de La Rochelle.


1546.

Le Lorens, de Saint-Pol-de-Léon. Maître Laurent Measpiault ; avitaillé par Louis Gargouilleau et Jean Maingault, marchands et bourgeois de La Rochelle.

La Louise, de La Rochelle. Maître Janicot de Sancho, bourgeois, Guillaume Perle, marchand et bourgeois de La Rochelle.

La Marguerite, de La Rochelle. Maître et pilote : André Le Broys ; bourgeois : Étienne du Jau, marchand et bourgeois de La Rochelle ; engagent des mariniers bretons

1547.

Le Joseph, de La Rochelle. Armé par Étienne du Jau, marchand et bourgeois de La Rochelle, et sa femme Marguerite Moreau, bourgeois du navire.

La Fleur-de-Lys, de La Rochelle. Maître Jacques Clauteur, d’Olonne ; armée par Jannot de Combes, marchand et bourgeois de La Rochelle, qui est bourgeois du navire.

La Marie, de La Flotte. Armée par Jean Meschin l’aîné, marchand de La Flotte, bourgeois et avitailleur du navire.

Le Vicaire, d’Arvert. Armé par Pierre Debaulx, marchand demeurant à Arvert, bourgeois du navire.

La Françoise, de Saint-Just. Maître Lyot Houé, de Saint-Just.

La Françoise, d’Erqui, en Bretagne. Maître Simon Pader.

La Catherine, de Saint-Jean-de-Luz. Maître Censin du Halde ; achète du sel pour son voyage à sire Pierre Jourdain, sieur de Bonnemie.

1548.

Le Saint-Esprit, de La Rochelle. Avitaillé par Mathurin Denebault, sieur du Verger, marchand et bourgeois de La Rochelle, bourgeois en partie du navire.

La Bonaventure, de La Rochelle. Maître Jean Allard ; avitaillée par Jean Foucher, marchand et bourgeois de La Rochelle.

La Sainte-Anne, de Saint-Vincent au bout du pont de Saint-Jean-de-Luz. Maître et bourgeois Pierre Daresteguy ; emprunte à Mathurin Detenebault, sieur du Verger, 130 écus d’or sol pour ses avitaillements.

1549.

La Trinité, de Saint-Just. Maître Martin de Hérard ; Guillion Martin, marchand, à Saint-Just, qui en est bourgeois, emprunte 334 l. 13 s. 9 d., à Jean Pivert et Guillaume Piocheau, marchands et bourgeois de La Rochelle.

La Marie, de Talmond-sur-Jard. Son bourgeois, Nicolas Lambert, du dit lieu, s’associe pour la pêche, jusqu’à concurrence d’un tiers, honorable homme Simon Mignonneau, marchand et bourgeois de La Rochelle, pour 228 l. 10 s. t.

1550.

La Bonaventure, de La Rochelle.

La Jacquette, de Saint-Brieuc-des Baulx, en Bretagne. Maître Gilles Thonyn, qui emprunte 40 livres tournois à Symon Moudot, marchand et bourgeois de La Rochelle.

La Marie, de Capbreton.


  1. Morue. — L’étymologie du nom de la morue est assez obscure. Littré renvoie à diverses langues dans lesquelles le mot se retrouve : le wallon, molowe ; le namurien, moleuve ; molue, en Hainaut ; en Angleterre, melwel, merluche. Diez le tirerait de l’espagnol morros, qui signifie petits corps arrondis et qui s’applique particulièrement aux intestins de la morue salée et mis dans le commerce. À quoi Scheler objecte, avec raison, qu’on ne voit pas comment le français aurait emprunté, pour dénommer la morue, un mot à l’espagnol qui la dénomme tout autrement. Suivant M. Baudry, molue est la forme dégénérée de merlus ; cela est vraisemblable. C’est à cette dernière opinion que nous nous rattacherons. Les Anglais, nous l’avons vu, appellent parfois la morue, merluche, or le nom de merluche est encore employé par les pêcheurs pour désigner une variété du merlu. Pour mieux dire, nous croyons que les noms des deux poissons ont la même étymologie ; qu’on a même quelquefois donné indifféremment le même nom aux deux, et sans recourir au wallon, nous en trouverions l’origine simplement dans le latin ; la morue et le merlu étant des poissons relativement mous par rapport aux autres poissons de mer, le mot primitif, merlu ou mollue, moulue sera sorti d’un diminutif de mollis.

    Cabillaud, kabbeljouve ou cabliauwe. — Ce serait, d’après Littré, un dérivé, par renversement, de bacailhaba, nom basque de la morue, d’où serait venu l’espagnol bacalao et le flamand bakkeljav. On trouverait le radical belche, balche, comme nom de poisson sur un registre de Saint-Gall, dès 1360, d’où le plus moderne bolck dans le même sens ; mais il s’agirait d’une sorte de saumon ; on a aussi des exemples de kabelow et kabblaw dès 1381. (Cf. Kohl, Discovery of Maine ; Mittel Deutsches Worlerbuch de Schiller et Lubbler, Bremen, 1880 ; Bibliographia critica portegueza, Porto, 1875-85 ; Pedro martyr, etc.)

    Il y avait un autre nom donné à la morue dans les habitudes du commerce. C’est celui de gauberge. Littré définit la goberge, « morue, la plus grande et la plus large de l’Océan ».

    Ce n’était pas tout à fait cela à La Rochelle, au XVIe siècle. La gauberge était la morue séchée, par opposition à la morue verte. C’est ce qui ressort de l’examen d’un texte de 1537, mais surtout du règlement pour les compteurs de poissons, chargés de compter les poissons verts et secs (Bibl. de La Rochelle, mss. 90, fo 21). Le petit poisson vert a exactement la même dimension que la petite gauberge, 16 pouces. D’ailleurs dans l’énumération des droits, le doute doit disparaître puisqu’on y lit ceci :

    Pour millier de grande moullue verte que gauberge 
    8 5° ts
     de moien tant de moullue verte que de gauberge 
    6»
    de petit tant vert que sec y compris le maquereau 
    4»

  2. 1244. C’est le compte d’Alfonse de Poitiers (Bibl. nat., fonds fr., no 9019 cité par Du Gange : « De alleciis et morutis datis Guillelmo de Lorriac ». Dans un règlement de la fin du XIIIe ou du commencement du XIVe siècle, et pour parer aux inconvénients d’une taxe arbitraire en usage, on avait adopté le droit suivant : « L’en doit poier de la morue en charrète, v s… et des morues fendues d’esté, au feir que l’on vendra le cent., » c’est-à-dire un droit égal au prix du cent ; c’est le même droit que pour le maquereau (Doc. inédits sur l’hist. de France, Le livre des métiers de Boileau, etc., p. 430). — Dans le Livre des métiers, il est défendu de mêler les poissons ; de les « brooueiller » ; il faut laisser distincts les morues salées, les maquereaux et les harengs blancs salés ; dans ce même livre, on répète que la charretée de morue doit 5 sols de coutume, plus 16 deniers de congé et halage ; la somme, 2 deniers. Dans Du Cange également : « Char ta anno 1309, tome I, Hist. Dolphin., p. 98. Item grossa bestia onerata… piscibus, alecibus, morua et similibus, debet pro pedagio octo denarios. » Dans l’ordonnance de 1337, relative au subside, il est établi sur chaque panier de poissons, un droit de 4 deniers, excepté pour « mourues, seiches, allés de mer, saumons frez et salez, sur lesquez on paye 4 deniers par livre du prix. »
  3. Tome II, p. 337 et suiv.
  4. Relation originale du voyage de Jacques Cartier, Paris, Tross, 1867, in-8o, p. II. V. Harrisse, loc. cit., p. 298.