Les Rêves morts (Montreuil, deuxième édition)/Québec pittoresque

Les Rêves morts Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 21-22).

QUÉBEC PITTORESQUE

Quand l’automne, à pas lents, s’avance sur la mousse,
Au fond des bois rêveurs ou sur le gai côteau,
Qu’il effeuille les fleurs et fait la forêt rousse,
Notre ville coquette apparaît sans manteau.
Ainsi qu’après le bal, assise à sa toilette,
Une femme sourit à ses traits un peu las,
Québec en corselet, sans poudre et sans voilette,
Longuement se contemple au grand fleuve d’en bas.
Les érables au vent en secouant leur tête,
Jettent des feuilles d’or sur le front des passants,
C’est octobre qui met des couronnes de fête !
Et les grand arbres nus écoutent les accents
Que leur chante la brise en jouant sur leurs branches.
A ce concert connu, les oiseaux migrateurs
Vers le printemps sans fin tournent leurs ailes franches…
Ils ont joué leur rôle et s’en vont les chanteurs !
Mais quand sur les carreaux se figent les buées,
Que l’hiver sur les toits met ses lourds capuchons,
Ses franges de glaçons au bord des cheminées
Page vingt-et-une

Et son duvet de givre au flane des vieux donjons,
Québec, alors, revêt sa robe la plus belle :
La neige sur son sein drape ses fichus blancs
De gaze, de satin, d’hermine ou de dentelle,
Que la bise chiffonne ou déploie en gros banes :
Le soleil se fait doux à ses riches parures,
Mesurant la chaleur il prodigue l’éclat,
Dans un scintillement de prismes, de dorures,
De rayons orangés, d’azur et d’incarnat ;
Puis, la lune à son tour, vient embellir les voiles
De la cité coquette. Au virginal décor
Elle mêle un semis de parcelles d’étoiles,
Et Québec, dans la nuit semble plus belle encor.
Cette pièce a été publiée la première fois en 1916.
Page vingt-deux