Les Rêves morts (Montreuil, deuxième édition)/Québec français

Les Rêves morts Voir et modifier les données sur Wikidata (p. 19-20).

QUÉBEC FRANÇAIS

Dédié à Sir Lomer Gouin.

Assise sur le roc, majestueuse et belle,
La ville de Québec contemple le passé.
Du haut de son rocher, comme une sentinelle,
Veillant sur le sillon que Champlain a tracé,
Elle chante en rêvant la parole française
Et l’écho sur les monts l’emporte et la redit :
Des sommets rocailleux au bas de la falaise,
Le verbe harmonieux chez elle retentit.
Sur ses remparts, la nuit, on dit que la grande âme
Du vaillant chevalier qui fut son fondateur,
Revient de l’au-delà déployer l’oriflamme
Que promena jadis, son inlassable ardeur.
S’il est vrai que ton âme erre sur ces rivages
Qui surent te fixer, fervent explorateur,
Reconnaîs-tu ton rêve, achevé par les âges,
Rêve héroïque et beau, grand comme la grandeur ?
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Dans l’éternel repos de ta tombe inconnue,
Dors-tu content de ceux qui vinrent, après toi,
Prendre en main la cognée où tu l’avais tenue
Et garder le dépôt de ta langue et ta foi !
La conquête a passé sur ton œuvre ébauchée
Ton pays n’a pas eu le fruit de ton labeur,
Mais la moisson d’amour ne fut jamais fauchée,
Et nous restons français sous la loi du vainqueur.
Un autre drapeau flotte ou flotta ta bannière,
Mais l’honneur et les ans ont uni les couleurs
Et la France en nos cœurs est toujours la première,
Si dans les jours de deuil, deux mères ont nos pleurs.
Cette pièce a été publiée, la première fois, en 1916.
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