VII

LA PREUVE DE LA VÉRITÉ DE LA DOCTRINE.
LES EXIGENCES DES PREUVES DU CHRIST.

Le culte de Dieu ne consiste qu’en ceci : faire l’œuvre de Dieu. La vie de l’homme vient de Dieu. La vraie vie c’est la vie en Dieu. La vie en Dieu consiste à exécuter la volonté de Dieu. La volonté de Dieu est dans la loi de Dieu. La loi de Dieu est tout entière dans ces commandements : ne pas se mettre en colère ; ne pas commettre l’adultère ; ne pas se lier par des promesses et des serments ; ne pas résister au mal ; ne pas faire de différence entre ses compatriotes et les étrangers.

Mais on ne peut exécuter la volonté de Dieu que dans la vie de ce monde. La vie de ce monde est la nourriture qui permet d’exécuter la volonté de Dieu. On ne peut exécuter la volonté de Dieu que par les actes. La doctrine de Jésus est la doctrine des actes de la vie. Le culte de Dieu est uniquement dans l’accomplissement de l’œuvre de Dieu, c’est pourquoi on ne peut pas le satisfaire par les paroles.


Καὶ ἐξῆλθον οἱ φαρισαῖοι ϰαὶ ἤρξαντο συξητεῖν αὐτῷ, ζητοῦντες πᾶρ αὐτοῦ σημεῖον ἀπό τοῦ οὐρανοῦ, πειράζοντες αὐτόν.


Marc, viii, 11. Et il vint là des Pharisiens qui se mirent à disputer avec lui, lui demandant, en le tentant, qu’il leur fît voir quelque miracle du ciel. Et les Pharisiens sortirent et se mirent à discuter, exigeant de lui des preuves 1), et examinant sa doctrine 2).

Remarques.

1) Σημεῖον signifie la preuve, et c’est dans ce sens qu’il est employé dans le langage évangélique. Il est évident qu’ici, il a bien le sens de preuve, que le mot ciel fut ajouté plus tard et, après, transformé en miracle. Voici des passages où σημεῖον est indiscutablement employé dans le sens de preuve. Dans ces passages, en aucun cas, on ne peut lui donner le sens de miracle.

Luc, ii, 12. Et voici la preuve pour vous : c’est que vous trouverez le petit enfant emmailloté et couché dans une crèche.

Jean, ii, 18. Les Juifs, prenant la parole, lui dirent : Par quel signe nous montres-tu que tu as le pouvoir de faire de telles choses ?

Jean, vi, 30. Alors, ils lui dirent : quel signe fais-tu donc, afin que nous le voyions, et que nous croyions en toi ? Quelle œuvre fais-tu ?

ii Cor., xii, 12. Aussi les preuves de mon apostolat ont-elles éclaté parmi vous par une patience à toute épreuve, par des signes, par des merveilles et par des miracles.

ii Thess., iii, 17. Je vous salue de ma propre main, moi, Paul ; ce qui est un signe dans toutes mes épîtres…

Dans ces passages, σημεῖον ne peut signifier rien d’autre que preuve. Dans tous les autres passages où il se rencontre, ce mot signifie toujours la même chose, et ce n’est que, très indirectement, qu’on peut le traduire par miracle.


Matth., xxiv, 3. Et s’étant assis sur la montagne des Oliviers, ses disciples vinrent à lui en particulier et lui dirent : Dis-nous quand ces choses arriveront et quel sera le signe de ton avènement et de la fin du monde ?

2) Chez Matthieu (xii, 38) il n’y a pas du ciel.


Καὶ ἀναστενάξας τῷ πνεύματι αὐτοῦ, λέγει· τί ἡ γενεά αὔτη σημεῖον ἐπιζητεῖ. Αμὴν λέγω ὑμῖν, εἰ δοθήσεται τῆ γενεᾶ ταύτη σημεῖον.

Ἔλεγε δὲ ϰαὶ τοῖς ὄλλοις· ὅταν ἴδητε τὴν νεφέλην ἀνατέλλουσαν ἀπὸ δυσμῶν, εὐθέως λέγετε· ὄμβρος ἔρχεται· ϰαὶ γίνεται οὔτω.

Καὶ ὅταν νότον πνέοντα, λέγετε, ὅτι ϰαύσων ἔσται· ϰαὶ γένεται.

Ὑπὸ ὀϰιταὶ, τὸ πρόσωπον τῆς γῆς ϰαὶ τοῦ οὐρανοῦ οἴδατε δοϰιμάζειν. τὸν δὲ ϰαιρόν τοῦτον πῶς οὐ δοϰιμάζετε ;

Τί δὲ ϰαὶ ἀφ’ ἑαυτῶν οὐ ϰρίνετε τὸ δίϰαιον ;


Marc, viii, 12. Et Jésus, soupirant profondément en son esprit, dit : Pourquoi cette race demande-t-elle un miracle ? Je vous dis en vérité qu’il ne lui en sera donné aucun. Et souffrant en esprit, il dit : Quoi ! Ces hommes veulent des preuves ? Est-ce que pour ces hommes la preuve peut exister ?

Luc, xii, 54. Puis il disait au peuple : Quand vous voyez une nuée qui se lève du côté d’occident, vous dites d’abord : Il va pleuvoir, et cela arrive ainsi. Puis il dit au peuple : Quand vous voyez un nuage à l’occident, vous pensez aussitôt qu’il pleuvra et cela arrive ainsi.
55. Et quand le vent du midi souffle, vous dites qu’il fera chaud, et cela arrive. Et quand le vent souffle du midi, vous pensez qu’il fera beau, et cela arrive ainsi.
56. (Matth., xvi, 3). Hypocrites ! vous savez bien discerner ce qui paraît au ciel et sur la terre ; et comment ne discernez-vous pas ce temps-ci. Vous pouvez comprendre l’aspect de la terre et du ciel 1) ; comment donc ne comprenez-vous pas cette vie 2) ?
57. Et pourquoi ne discernez-vous pas aussi vous-mêmes ce qui est juste ? Pourquoi discernez-vous, et ne raisonnez-vous pas juste ?

Remarques.

1) Le mot « hypocrites » n’existe pas dans plusieurs manuscrits de Matthieu. Je garde dans ce passage la version de Luc, plus complète.

2) Καιρός — la vie temporaire.


Τότε ἀπεϰρίθησαν τινες τῶν γραμματέων ϰαὶ φαρισαίων, λέγοντες· Διδάσϰαλε, θελομεν ἀπὸ σοῦ σημεῖον ἰδεῖν.

Τῶν δὲ ὄχλων ἐπαθροιζομένων ἤρξατο λέγειν· ἡ γενεὰ αὔτη πονηρά ἐστι· σημεῖον ἐπιζετεῖ, ϰαὶ σημεῖον οὐ δοθήσεται αὐτῖ, εἰ μὴ τὸ σημεῖον Ἰωνᾶ τοῦ προφήτου.


Matth., xii, 38. Alors quelques-uns des scribes et des pharisiens lui dirent : Maître, nous voudrions te voir faire quelque miracle. Alors quelques-uns parmi les savants et les pharisiens s’adressèrent à Jésus et lui dirent : Maître, nous désirons voir la preuve de ta doctrine.

Luc, xi, 29. Comme le peuple s’amassait en foule, Jésus se mit à dire : Cette race est méchante ; elle demande un miracle et il ne lui en sera point donné d’autre que celui du prophète Jonas. Et quand le peuple se fut assemblé il se mit à dire : Cette race 1) cherche des preuves, et elle n’en aura point d’autres que la preuve de Jonas.

Remarques.

1) Le mot πονηρα (méchante) n’existant pas dans plusieurs copies, je préfère l’omettre.


Καθὼς γὰρ ἐγένετο Ἰωνᾶς σημεῖον τοῖς Νινευίταις, οὓτως ἔσται ϰαὶ ὑιός τοῦ ἀνθρώπου τῇ γενεᾷ ταύτῃ.


Luc, xi, 30. Car, comme Jonas fut un miracle pour ceux de Ninive, le Fils de l’homme en sera un pour cette génération. Telle fut la preuve de Jonas pour les Ninivites ; telle est la preuve du Fils de l’homme pour cette race.

Remarques.

Les paroles : « Car comme Jonas fut dans le ventre d’un grand poisson trois jours et trois nuits, ainsi le Fils de l’homme sera dans le sein de la terre trois jours et trois nuits » (Matth., xii, 40), pour Reuss, ont été ajoutées, par des copistes, aux paroles de Jésus. L’interprétation que leur donne l’Église, les rapportant à la résurrection, ne se lie pas même à la légende évangélique, conformément à laquelle Jésus resta au tombeau, non pas trois jours et trois nuits, mais seulement du vendredi soir au dimanche matin.


Ἄνδρες Νινευί ἀναστήσονται ἐν τῆ ϰρίσει μετὰ τῆς γενεᾶς ταύτης ϰαὶ ϰαταχρινοῦσιν· ὅτι μετενόησαι εἰς τὸ ϰήρυγμα Ἰωνᾶ· ϰαὶ ἰδοὺ, πλεῖον, Ἰωνᾶ ὦδε.

Βασίλισσα Νότου ἐγερθήσεται ἐν τῇ ϰρίσει μετὰ τῶν ἀνδρῶν τῆς γενεᾶς ταύτης ϰαὶ ϰαταϰρινεῖ αὐτούς· ὅτι ᾖλθεν ἐϰ τῶν περάτων τῆς γῆς ἀϰοῦσαι τὴν σοφίαν Σολομωντος· ϰαὶ ἰδού, πλεῖον Σολομῶντος ὦδε.


Luc, xi, 32. Les Ninivites s’élèveront au jour du jugement contre cette génération et la condamneront, parce qu’ils s’amendèrent à la prédication de Jonas ; et voici, il y a ici plus que Jonas. Si les Ninivites s’éveillaient et si nous les comparions aux hommes d’aujourd’hui, ce serait eux qui auraient raison, parce qu’ils ont réfléchi aux paroles de Jonas ; et ici, c’est plus important que Jonas.
31. La reine du Midi s’élèvera au jour du jugement contre les hommes de cette génération, et les condamnera, parce qu’elle vint d’un pays éloigné pour entendre la sagesse de Salomon ; et voici, il y a ici plus que Salomon. Si la reine du Midi s’éveillait et si on la comparait aux hommes de cette génération, elle aurait raison contre eux, car elle est venue de l’extrémité de la terre entendre la sagesse de Salomon ; et ici c’est plus important.

Remarques.

Le sens de ce passage est celui-ci : Les Pharisiens et les savants exigent des preuves de la vérité de la doctrine. Jésus répond : L’entendement ne se peut procurer par rien. Jean a dit : Celui qui prononce les paroles de Dieu est de Dieu, et celui qui les comprend, par cela même, consacre leur vérité. Il n’y a pas de preuves.

Mais tous les hommes, toujours, cherchèrent l’entendement : les Ninivites et la reine du Midi, qui vint trouver Salomon. Moi je vous révèle l’entendement et vous me demandez des preuves. Des preuves, vous n’en aurez pas.


Καὶ περιεπάτει ὁ Ἰησοῦς μετὰ ταῦτα ἐν τῆ Γαλιλαίᾳ. οὐ γὰρ ηθελεν ἐν τῇ Ἰουδαίᾳ περιπατεῖν, ὅτι ἐξήτουν αὐτὸν οἱ Ἰουδαῖοι ἀποϰτεῖναι.

Ἦν δὲ ἐγγύς ἡ ἐοτρή τῶ Ἰουδαίων, ἡ σϰηνοπηγία.

Εἶπον οὖν πρὸς αὐτὸν οἱ ἀδελφοὶ αὐτοῦ· μετάβηθι ἐντεῦθεν ϰαὶ υπαγε εἰς τὴν Ἰουδαὶαν, ἵνα ϰαὶ οἱ μαθηταί σου θεωρήσποι τὰ ἔργα σου, ἄ ποιεῖς.


Jean, vii, 1. Après ces choses Jésus se tenait en Galilée ; car il ne voulait pas demeurer dans la Judée, parce que les Juifs cherchaient à le faire mourir. Après cela Jésus se rendit en Galilée ; car il ne voulait pas demeurer en Judée parce que les Juifs l’avaient condamné à mort 1).
2. Or la fête des Juifs, appelée des Tabernacles, approchait. Et la fête des Juifs approchait ;
3. Et ses frères lui dirent : pars d’ici et va-t’en en Judée, afin que tes disciples voient aussi les œuvres que tu fais. Et ses frères dirent à Jésus : pars d’ici et va en Judée afin que tes disciples voient devant les autres 2) comment tu sers Dieu.

Remarques.

1) Ὅτι ἐζήτουν αὐτὸν οἱ Ἰουδαῖοι ἀποϰτεῖναι est employé plusieurs fois pour exprimer certaines dispositions dans lesquelles les Juifs étaient envers Jésus.

Dans le chapitre v, on dit qu’on voulait le tuer pour avoir violé le Sabbat. Selon la loi de Moïse, la violation du sabbat était punissable de mort. C’est pourquoi il faut supposer que ἐζήτουν ἀποϰτεῖνα signifie qu’ils l’avaient jugé afin de le condamner à mort.

2) Θεωρέω — être spectateur. On doit traduire ici : « Afin que, devant les autres, ils voient tes actes ». Autrement, ces paroles n’ont pas de sens. Pourquoi aller en Judée pour que les disciples voient, alors qu’ils voient ici. Les paroles textuelles : « les actes que tu fais », je les traduis : « comment tu sers Dieu », parce que les paroles : τά ἔργα σου ἅ ποιεῖς ont la signification définie et claire de la vie en Dieu, de la bonne vie, du culte de Dieu. Ces paroles sont employées dans les passages suivants de l’évangile de Jean, et partout dans le même sens :

Jean, iii, 21. Mais celui qui agit selon la vérité vient à la lumière, afin que ses œuvres soient manifestées, parce qu’elles sont faites selon Dieu.

Jean, iv, 34. Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m’a envoyé, et d’accomplir son œuvre.

Jean, v, 20, 36. Car le Père aime le Fils, et il lui montre tout ce qu’il fait ; et il lui montrera des œuvres plus grandes que celles-ci, en sorte que vous en serez remplis d’admiration.

Moi, j’ai un témoignage plus grand que celui de Jean, car les œuvres que mon père m’a donné le pouvoir d’accomplir, ces œuvres-là que je fais, rendent ce témoignage de moi, que mon Père m’a envoyé.

Jean, vi, 28-29. Ils lui dirent : Que ferons-nous pour faire les œuvres de Dieu ?

Jésus leur répondit : C’est ici l’œuvre de Dieu, que vous croyiez en celui qu’il a envoyé.

Ce passage définit nettement ce qu’il faut entendre par « œuvres de Dieu ».

Jean, vi, 30. Alors ils lui dirent : quel miracle fais-tu donc, afin que nous le voyions, et que nous croyions en toi ? Quelle œuvre fais-tu ?

Jean, x, 37. Si je ne fais pas les œuvres de mon Père, ne me croyez point.

Jean, xiv, 14. Si vous demandez quelque chose en mon nom, je le ferai.


Οὐδείς γὰρ ἐν ϰρυπτῷ τι ποιεῖ, ϰαὶ ζητεῖ αὐτὸς ἐν παῤῥησίᾳ εἶναι· εἰ ταῦτα ποιεῖς, φανέρωσον σεαυτόν τῷ ϰόσμῷ.

Οὐδὲ γὰρ οἱ ἀδελφοὶ αὐτοῦ ἐπίστευον εἰς αὐτόν.

Λέγει οὖν ϰύτοῖς ὁ Ἰησοῦς· ὁ ϰαιρός ὁ ἐμός οὔπω πάρεστιν, ὁ δὲ ϰαιρός ὁ ὑμέτερος πᾶντοτέ ἐστιν ἔτοιμος.


Jean, vii, 4. Car personne ne fait rien en cachette, quand il veut agir franchement. Puisque tu fais ces choses, montre-toi toi-même au monde. Car personne ne tâche à cacher 1) son culte de Dieu mais cherche tous les moyens de se montrer. Si tu sers ainsi Dieu, montre-toi au monde.
5. Car ses frères mêmes ne croyaient pas en lui. C’est pourquoi ses frères ne croyaient pas en sa doctrine 2).
6. Jésus leur dit : Mon temps n’est pas encore venu ; mais le temps est toujours propre pour vous. Jésus leur dit : Mon temps n’est pas encore venu, mais pour vous le temps sans doute est arrivé.

Remarques.

1) Τι ποιεῖ devrait être traduit : « il fait quelque chose », mais dans ce cas, le discours perdrait son sens. Tous ceux qui font quelque chose ne désirent pas le montrer au monde ; mais quiconque professe la vérité qu’il sert a Dieu pour lui. Au mot ποιεῖ, il faut ajouter ici ἔργα τοῦ θεοῦ ; une pareille abréviation se rencontre souvent.

L’expression complète est : ποιεῖν ἴργα τοῦ θεοῦ, mais souvent on emploie seulement soit ἔργον soit ποιεῖν ; et dans les deux cas la signification est la même.

2) Les paroles : c’est pourquoi ses frères ne croyaient pas en lui, c’est-à-dire en sa doctrine, confirment nettement que ἔργα (ποιεῖν) signifie doctrine.


Οὐ δύναται ὁ ϰόσμος μισεῖν ὑμᾶς, ἐμέ δὲ μισεῖ, ὅτι ἐγώ μαρτυρῶ περὶ αὐτοῦ, ὅτι τὰ ἔργα αὐτοῦ πονηρά ἐστιν.


Jean, vii, 7. Le monde ne vous peut haïr, mais il me hait parce que je rends ce témoignage contre lui que ses œuvres sont mauvaises. Et le monde ne vous haïra pas 1), mais moi, il me haïra parce que je prouve que son culte de Dieu est un mal.

Remarques.

1) οὐ δύναται, comme dans la langue populaire russe est employé, chez Jean, simplement dans le sens du futur.


L’entretien entre Jésus et ses frères part de là : que s’il veut propager sa doctrine, l’occasion est bonne ; qu’il aille à la fête, il y aura beaucoup de monde ; devant tous, il professera sa doctrine, et alors les disciples en constateront publiquement la vérité. À cela Jésus répond : Pour vous les jours de fêtes sont favorables, mais pour moi, il n’est pas de temps particulier. C’est pourquoi ils me haïssent, car je leur montre que tout leur culte de Dieu est un mal et qu’il n’y a aucune fête.


Ὑμεῖς ἀναβητε εἰς τὴν ἑορτὴν, ἐγώ οὔπω ἀναβαίνω εἰς τὴν ἐορτήταύτην ὅτι ὁ ϰαιρός ὁ ἐμός οὔπω πεπλήρωτοι.


Jean, vii, 8. Pour vous, montez à cette fête ; pour moi, je n’y monte pas encore, parce que mon temps n’est pas encore venu. Vous autres allez à cette 1) fête, mais moi je n’irai pas à cette fête, car je n’ai pas encore le temps.

Remarques.

1) Le mot cette répété deux fois indique de nouveau que Jésus ne reconnaît pas de fêtes.


Ταῦτα δὲ εἰπὼν αὐτοῖς, ἔμεινεν ἐν τὶ Γαλιλαίᾳ.

Ὡς δὲ ὀνέβησαν οἱ ἀδελφοί αὐτοῦ, τότε ϰαὶ αὐτός ἀνέβη εἰς τὴν ἑορτην, οὐ φανερῶς, ἀλλ’ ὡς ἐν ϰροπτῷ.


Jean, vii, 9. Et leur ayant dit cela il demeura en Galilée. Il dit ainsi et resta en Galilée.
10. Mais lorsque ses frères furent partis, il monta aussi à la fête, non pas publiquement, mais comme en cachette. Et quand ils y furent allés il vint ensuite, non pas à la fête, mais simplement 1).

Remarques.

1) Littéralement, il est dit : pas ouvertement mais en cachette. Concernant sa venue à la fête, si l’on tient compte de ce qui a été dit auparavant, ce mot doit signifier qu’il est venu non pour la fête, non pour qu’on l’y voie, mais pour lui-même.


Οἱ οὖν Ἰουδαῖοι ἐζήτουν αὐτὸν ἐν τῇ ἑορτῇ ϰαὶ ἔλεγον· ποῦ ἐστιν ἐϰεῖνος ;

Καὶ γογγυσμὸς πολὺς περὶ αὐτοῦ ἦν ἐν τοῖς ὄχλοις· οἱ μὲν ἔλεγον, ὅτι ἀγαθὸς ἐστιν· ἄλλοι δὲ ἔλεγον· οὒ, ἀλλὰ πλανᾷ τὸν ὄχλον.

Οὐδείς μέντοι πἀρῥησίᾳ ἐλάλει περὶ αὐτοῦ, διὰ τὸν φόβον τῶν Ἰουδαίων.


Jean, vii, 11. Les Juifs donc le cherchaient pendant la fête, et disaient : Où est-il ? Les Juifs le cherchaient à la fête et demandaient : Est-il ici ou non 1) ?
12. Et on tenait plusieurs discours de lui parmi le peuple. Les uns disaient : C’est un homme de bien, et les autres disaient : Non, mais il séduit le peuple. Et il y avait une grande discussion à son sujet parmi le peuple. Les uns disaient : C’est un homme de bien ; les autres disaient : Non, il induit le peuple en erreur.
13 Toutefois personne ne parlait librement de lui, à cause de la crainte qu’on avait des Juifs. Mais personne ne parlait de lui ouvertement à cause de la crainte des Juifs 2).

Remarques.

1) Ποῦ, ici, a un sens dubitatif, comme chez Luc, viii, 25 : Alors il leur dit : Où est votre foi ?

2) Les Juifs, sachant qu’il niait leur religion, demandent s’il est venu à la fête, ou si, par son absence, il la répudie. Et, à cette occasion, ils discutent sa doctrine, mais ils ont peur de dire ouvertement qu’il nie tout le culte de Dieu des Juifs.


L’ENTRETIEN DE JÉSUS AVEC LES PHARISIENS

Ἤδη δὲ τῆς ἑοτῆς μεσούσης, ανέβη ὁ Ἰησοῦς εἰς τὸ ἱερὸν ϰαὶ ἐδίδασϰε.

Καὶ ἐθαύμαζον οἱ Ἰουδαῖοι, λέγοντες· πῶς οὖτος γράμματα, οἶδε μὴ μεμα θηϰώς ;


Jean, vii, 14. Comme on était déjà au milieu de la fête, Jésus monta au temple, et il y enseignait. On était déjà au milieu de la fête quand Jésus entra dans le temple et se mit à enseigner.
15. Et les Juifs étaient étonnés et disaient : Comment cet homme sait-il les écritures, ne les ayant point apprises ? Et les Juifs étaient étonnés 1) et disaient : Comment cet homme qui n’a pas appris est-il savant 2) ?

Remarques.

1) Θαυμάζειν signifie être étonné. Θαυμαστόν signifie le miracle. D’après une interprétation étrange on traduit par étonnement le mot qui signifie miracle, tandis qu’on traduit par miracle, les mots σημεῖον et ἔργον qui ne signifient jamais miracle.

2) Γράμματα signifie science. Actes, iv, v : Ἐγένετο δὲ ὁπὶ τὴν αὔριον συναχθῆναι αὐτῶν τοῦς ἄρχοντας ϰαὶ πρεσβυτέρους ϰαὶ τοῦς γραμματείσεις Ἰερουισαλήμ.

Comme dans la plupart des passages de l’évangile de Jean, ce passage doit être suppléé par les autres évangiles. On dit que Jésus se mit à enseigner et que le peuple fut surpris de sa doctrine. Alors, pour le sens de ce passage, il faut imaginer ce qu’il enseignait. Qu’enseignait-il donc ? Nous ne pouvons l’inventer, c’est pourquoi nous devons placer ici : ou sa doctrine sur la fausseté de l’adoration de Dieu par les Juifs, sur ce que Dieu est esprit et qu’il faut le servir en esprit et par les actes, ou le sermon sur la montagne, la doctrine de la pauvreté, les cinq commandements, et en général un des sermons, d’après l’Évangile, qui tous contiennent la doctrine de la négation du faux Dieu, et le culte de Dieu par les actes, par le bien, l’amour et l’humilité.


Ἀπεϰρίθη αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς ϰαὶ εἶπεν· ἡ ἐμή διδαχή οὐϰ ἐστιν ἐμή, ἀλλά τοῦ πέμψαντός με.

Ἐάν τις θέλη τὸ θέλημα αὐτοῦ ποιεῖν, γνώσεται περὶ τῆς διδαχῆς, πότερον ἐϰ τοῦ Θεοῦ ἐστιν, ἤ ἐγώ ἀπ ἐμαυτοῦ λαλῶ.

Ὁ ἀφ' ἑαυτοῦ λαλῶν τὴν δέξαν τὴν ἰδίαν ζητεῖ, ὁ δὲ ζητῶν τὴν δόξαν τοῦ πέμψαντος αὐτόν, οὖτος ἀληθής ἐστι, ϰαὶ ἀδιϰία ἐν αὐτῷ οὐϰ ἔστιν.


Jean, vii, 16. Jésus leur répondit : Ma doctrine n’est pas de moi, mais elle est de celui qui m’a envoyé. À cela Jésus répondit : Ma doctrine n’est pas de moi, mais de celui qui m’a envoyé.
17. Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu, ou si je parle de mon chef. Celui qui désire faire sa volonté reconnaîtra si ma doctrine est de Dieu ou si je parle de mon chef.
18. Celui qui parle de son chef cherche sa propre gloire ; mais celui qui cherche la gloire de celui qui l’a envoyé, est digne de foi, et il n’y a point d’injustice en lui. Celui qui parle de son chef raisonne 1) de ce qui lui semble à lui seul : tandis que celui qui raisonne de ce qu’il semble à celui qui l’a envoyé, celui-ci a raison et il n’y a point d’erreur en lui.
Remarques.

1) Ζητεῖν, jusqu’ici a été employé par l’évangéliste dans le sens de chercher, de tâcher. Maintenant, pour la première fois, Jésus emploie ce mot, et on ne peut le traduire par chercher. Ζητεῖν signifie ici raisonner.

Marc, xi, 18 : Ce que les scribes et les principaux sacrificateurs ayant entendu, ils cherchaient les moyens de le faire périr.

Marc, xiv, 1 : Ils cherchaient comment ils pourraient se saisir de Jésus.

11. Après quoi il chercha une occasion propre pour le leur livrer.

Luc, xii, 29 : Ne cherchez donc point ce que vous mangerez ou boirez.

Luc, xii, 2 : Ils cherchaient comment ils pourraient faire mourir Jésus.

i. Pierre, v, 8. Soyez sobres et veillez ; car le diable, votre ennemi, tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui il pourra dévorer.

Et surtout Jean, xvi, 19. τούτου ζητεῖτε μετ’ ὀλλήλων. Dans tous ces passages ζητεῖν est traduit avec le sens de raisonner (en latin : cogitando, meditando, deliberando quaero.) Si l’on traduit ici δόξα, non par gloire, ce que ce mot ne peut signifier, mais par raisonnement ou par ce qui semble, alors ζητεῖν doit être forcément traduit raisonner ; alors, au lieu de mots incompréhensibles on a une représentation très claire et très exacte, qui confirme ce qui est dit au verset 17. La même chose est confirmée dans les versets suivants :

Jean, v, 30. Je ne puis rien faire de moi-même. Je juge selon que j’entends, et mon jugement est juste. Car je ne cherche point ma volonté, mais je cherche la volonté du Père qui m’a envoyé.

39. Sondez les Écritures, car c’est par elles que vous croyez avoir la vie éternelle, et ce sont elles qui rendent témoignage de moi.

44. Comment pouvez-vous croire que vous aimez à recevoir de la gloire les uns des autres, et que vous ne recherchez point la gloire qui vient de Dieu seul.

Dans ces passages, toujours la même pensée est exprimée : que l’unique preuve de l’existence de Dieu est dans l’âme de l’homme. Il faut se bien rappeler qu’en parlant de sa doctrine, Jésus entend la négation de l’adoration de Dieu par les Juifs, que Dieu est esprit, que l’homme ne le reconnaît qu’en soi-même, et que la vie de l’esprit consiste dans l’accomplissement de la volonté de Dieu.


Pour comprendre les discours de Jean, il est nécessaire de se bien rendre compte que, dans ces entretiens, Jésus confirme, prouve, explique ce qui est dit dans l’entretien avec Nicodème mais n’expose aucune autre doctrine positive. L’erreur triste et fatale de l’Église réside en ce que, dans ces paroles, elle veut voir une doctrine positive. Il n’y a ici aucune doctrine nouvelle ; c’est la confirmation de l’ancienne, exposée en particulier dans l’entretien avec Nicodème. Ce n’est qu’en se rendant bien compte de cela qu’on verra clairement pourquoi, selon Jean, les paroles de Jésus qui n’avaient rien de bien terrible contre les Juifs, provoquent leur colère. Il faut se rappeler que le prétexte de chaque entretien de Jésus avec les Juifs, c’est la négation de la religion des Juifs et de toutes les lois de Moïse. Chaque entretien débute par une question des Juifs, lui demandant de prouver la légitimité de sa négation.


Οὖ Μωῦσης δέδωϰεν ὑμῖν τὸν νόμον ; ϰαὶ οὐδείς ἐξ ὑμῶν ποιεῖ τὸν νόμον· Τί με ζητεῖτε ὄποκτεῖναι.


Jean, vii, 19. Moïse ne vous a-t-il pas donné la loi ? et néanmoins aucun de vous n’a observé la loi. Pourquoi cherchez-vous à me faire mourir ? Ce n’est pas Moïse qui vous a donné la loi 1) et personne de vous ne vit selon la loi. Pourquoi donc me condamnez-vous à mort ?

Remarques.

1) Ce n’est nullement une proposition interrogative. Jésus dit : Ce n’est pas Moïse qui vous a appris la loi de Dieu, et personne de vous n’a compris la loi. Jésus parle ici de la loi éternelle, de laquelle il a parlé dans le sermon sur la montagne. Il dit : Ce n’est pas Moïse qui vous a donné la loi ; la loi est donnée par Dieu, de sorte qu’en suivant la loi de Moïse personne de vous n’accomplit la loi. Et il leur demande sur quelle loi ils basent son arrêt de mort.


Ἀπεϰρίθη ὁ ὄχλος ϰαὶ εἶπε· δαιμόνιον ἔχεις· τὶς σε ζητεῖ ἀποϰτεῖναι ;


Jean, vii, 20. Le peuple lui répondit : Tu es possédé du démon ; qui est-ce qui cherche à te faire mourir ? Et en réponse, le peuple lui dit : Tu deviens fou 1).

Remarques.

1) J’omets les mots : « Qui est-ce qui cherche à te faire mourir ? » parce qu’ils n’apportent rien de nouveau et ne provoquent aucune réponse de la part de Jésus. Ils sont en contradiction avec les premiers : Tu deviens fou, et détruisent leur sens.


Ἀπεϰρίθη ὁ Ἰησοῦς ϰαὶ εἶπεν αὐτοῖς· ἕν ἔργον ἐποίησα, ϰαὶ πάντες θαυμάζετε.


Jean, vii, 21. Jésus répondit, et lui dit : J’ai fait une œuvre, et vous en êtes tous étonnés. Et en réponse, Jésus leur dit : J’ai établi le culte 1) unique de Dieu, et cela vous paraît étonnant.

Remarques.

1) Ἔργον signifie le culte de Dieu, ἕν signifie unique. Double accusatif qu’il faudrait traduire littéralement : J’ai fait que la chose soit unique.


Δία τοῦτο Μωύσῆς δέδωϰεν ὑμῖν τὴν περιτομήν, οὐχ ὅτι ἐϰ τοῦ Μωύσεως ἐστίν, ἀλλ’ ἐϰ τῶν πατέρων, ϰαὶ ἐν σαββάτῳ περιτέμνετε ἄνθρωπον.


Jean, vii, 22. Moïse vous a ordonné la circoncision (non pas qu’elle vienne de Moïse mais elle vient des pères) et vous circoncisez un homme au jour du sabbat. Et voilà 1), Moïse vous a ordonné la circoncision, bien qu’elle ne vienne pas de Moïse mais des pères, et vous circoncisez le jour du sabbat 2).

Remarques.

1) Διά τοῦτο, ici, comme dans plusieurs passages de Jean, s’emploie pour lier ce qui suit à ce qui précède. Personne de vous ne remplit la loi de Dieu, et en voici la preuve.

2) L’explication de ce passage, qui d’après les interprétations de l’Église n’a aucun sens, résulte des versets précédents ; ce n’est pas Moïse qui vous a donné la loi ; personne de vous ne vit selon la loi, et de ce verset où Jésus dit qu’il remplit le culte unique, non contradictoire comme la loi de Moïse. Et il donne l’exemple de cette contradiction intérieure qui est dans la loi de Moïse. En outre il faut se rappeler que la circoncision a deux significations : l’une extérieure, l’autre, celle de l’union avec Dieu, la même que l’observance de tous les commandements et du sabbat. Le sabbat était le signe de l’union avec Dieu. Jésus dit : En voici un exemple. Moïse vous a ordonné de faire la circoncision pour que vous soyez unis avec Dieu. L’union avec Dieu, s’affirme par l’observance du sabbat ; or vous autres, pour observer la loi de Moïse, dont le but est de maintenir l’union avec Dieu, vous violez le sabbat, l’union avec Dieu.


Εἰ περιτομὴν λαμβάνει ἄνθρωπος ἐν σαββάτῳ, ἵνα μὴ λυθῇ ὁ νόμος Μωύσεως, ἐμοὶ χολᾶτε, ὅτι λον ἄνθρωμον ὑγιῆ ἐποίησα ἐν σαββάτῳ ;


Jean, vii, 23. Si donc un homme reçoit la circoncision au jour du sabbat, afin que la loi de Moïse ne soit pas violée, pourquoi vous étonnez-vous parce que j’ai guéri un homme dans tout son corps le jour du sabbat ? Si un homme fait la circoncision le jour du sabbat pour que la loi de Moïse ne soit pas violée, alors pourquoi vous autres vous étonnez-vous tous parce que j’ai guéri 1) entièrement un homme le jour du sabbat 2).

Remarques.

1) Ὑγιής, outre la signification bien portant, a aussi celle de droit, véridique, non faux. Tite, ii, 8 : « Une doctrine saine, dans laquelle il n’y ait rien à reprendre, afin que les adversaires soient confus, n’ayant aucun mal à dire de vous. »

2) Tout ce passage, selon moi, est faussement compris et faussement interprété.

Voici comment l’Église l’explique[1] :

Une oeuvre. Dieu a fait plusieurs miracles à Jérusalem, à la première fête de Pâque, et, parmi les événements de la seconde moitié de la Pâque, on ne mentionne qu’un seul miracle qui fut le prétexte pour l’accuser de violer la loi du sabbat.

Vous étonnez-vous tous que je me sois décidé à le faire le jour du sabbat, en violant, selon vous, la loi du sabbat. Vous vous étonnez, vous êtes troublés, vous me poursuivez, vous me pourchassez et cherchez à me tuer. La conception de l’étonnement contient ici, en même temps, celle d’hostilité envers celui qui a provoqué l’étonnement. Mais, continue le Seigneur, si une fois j’ai violé, selon vous, la loi de Moïse, vous la violez toujours, et je vous le prouverai. Et le Seigneur développe cette pensée qu’en traits généraux il a exprimée dans le verset 19 : Moïse a établi chez vous la circoncision, correspondant aux paroles : Est-ce Moïse qui vous a donné la loi, c’est-à-dire le même Moïse qui vous a donné la loi, en général, et, entre autres, la loi sur le sabbat. Il vous a donné la loi sur la circoncision. Les paroles : Le jour du sabbat vous circoncisez un homme correspondent à celles-ci : Personne de vous n’agit selon la loi, c’est-à-dire en vous basant sur la loi de la circoncision vous violez celle du sabbat, puisque vous circoncisez un nouveau-né le jour du sabbat. Le Seigneur cite un fait très fréquent dans la vie courante des Juifs. Si le huitième jour, fixé selon la loi pour circoncire le nouveau-né, tombait le jour du sabbat, chaque père violait la loi du sabbat pour exécuter celle de la circoncision. Ainsi, conclut le Seigneur, si vous violez la loi du sabbat pour exécuter celle de la circoncision, et ne vous considérez pas pour ce fait les violateurs de la loi, pourquoi donc m’accusez-vous d’avoir violé la loi du sabbat, quand j’ai accompli une œuvre bien supérieure à la circoncision, quand j’ai guéri un homme le jour du sabbat. Penseriez-vous que guérir radicalement un homme est une œuvre moindre que circoncire un nouveau-né ?

Pour comprendre cette comparaison de la circoncision et de la guérison miraculeuse faite par Dieu, il faut se souvenir que dans l’un et l’autre cas il y a une action physique et une action morale. Dans la circoncision l’action physique c’est l’opération elle-même ; l’action morale c’est l’admission de l’opéré dans la société des élus de Dieu. Dans la guérison, l’action physique c’est le rétablissement complet de la santé ; l’action morale c’est le rétablissement de tout l’être. Sous les deux rapports la guérison est supérieure à la circoncision, et l’action du Seigneur est complètement justifiée par cela. Ainsi le principe fondamental, moral, sur lequel est basé ce discours justificateur est le même que celui exposé brièvement et nettement par le Seigneur dans un autre cas : Le sabbat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat (Marc, ii, 22). D’après ce principe, la loi du sabbat n’est pas violée dès que, pendant le sabbat, on exécute une œuvre plus importante, alors même que l’autorisation n’en soit pas exprimée dans la loi. Vous devez circoncire le jour du sabbat, vous le faites sans vous regarder comme les violateurs de la loi ; j’accomplis le jour du sabbat une œuvre plus importante que la circoncision, pourquoi donc me considérez vous comme un violateur de la loi sur le sabbat, pourquoi me poursuivez vous ; pourquoi voulez-vous me faire mourir ?

La remarque faite par le Seigneur que la circoncision n’est pas de Moïse mais des aïeux fortifie encore sa pensée. La loi du sabbat est si importante qu’elle est entrée dans les dix commandements, tandis que la loi de la circoncision ne fait pas partie des dix commandements ; elle a été transmise par les pères, c’est-à-dire par les patriarches, et Moïse ne la mentionne qu’une fois et très brièvement. Ainsi dans la pratique des Juifs, la loi la plus importante, celle qui est entrée dans les dix commandements, est violée pour l’observance d’une loi qui ne fait pas partie des dix commandements.

Reuss (Nouveau Testament, vie partie ; p. 201) :

Voici en deux mots le sens du raisonnement contenu dans les dernières lignes de notre texte. La guérison du paralytique, opérée pendant le sabbat, a causé parmi vous un étonnement tel, que vous en avez même voulu à ma vie. Mais il y a des choses qui priment le sabbat (Marc, ii, 27). Ainsi la circoncision, instituée longtemps avant Moïse, se pratique à jours fixes, le huitième après la naissance de l’enfant, sans égard du sabbat. Or, qu’est-ce que la circoncision en comparaison de la guérison d’un homme malade de tous ses membres ? Qu’est-ce qu’une consécration rituelle en comparaison d’un acte de bienfaisance ? Qu’est-ce que la chair en comparaison de l’esprit ? Le raisonnement est moins populaire que celui conservé par les Synoptiques (Matth., xii, 2 ; Luc, xiv, 5), mais il répond mieux à la circonstance, en tant qu’il s’agissait pour Jésus de s’autoriser de la loi même pour justifier son acte.

Il y a cependant un peu d’obscurité dans l’exposé de l’argument, et les éditions même s’en sont ressenties. Le texte vulgaire que nous suivons ici commence le verset 22 par les mots : C’est pour cela que, tandis que les modernes rattachent ces mots au verset précédent : vous étonnez à cause de cela. Cette dernière combinaison paraît plus simple, mais elle est contraire à l’usage de l’auteur, qui met régulièrement ces mots en tête de ses phrases et jamais à la fin.

Ici ils doivent insinuer que c’est à dessein que Moïse a conservé l’antique institution de la circoncision, comme telle, et sans y déroger au profit du sabbat, afin de faire ressortir la supériorité de la première ; Jésus, voulant mettre la guérison qu’il avait opérée sur la même ligne que la circoncision, comme quelque chose de supérieur au sabbat, indique ce but par l’adverbe en question placé en tête de son raisonnement. Avec l’autre ponctuation, le verset 22 est isolé du reste et le fil de l’argumentation est perdu.

Sans parler de l’impossibilité philologique d’une pareille traduction, que résulterait-il de cette traduction et de ces interprétations ? Jésus a commencé par dire que ce qu’il enseigne n’est pas de lui mais de Dieu, et que celui qui remplit la volonté de Dieu saura si ce qu’il dit est vrai ou non. À cela il ajoute que ce n’est pas Moïse qui a donné la loi éternelle, et qu’aucun d’eux ne vit d’après la loi. Et il demande : Pourquoi donc voulez-vous me tuer ? Ils répondent : Nous ne voulons point te tuer. Mais Jésus dit (d’après l’interprétation de l’Église) : Vous voulez me tuer parce que j’ai guéri un homme le jour du sabbat ; mais le sabbat n’est pas quelque chose d’important, — et on intercale ici un détail encore plus inopportun, à savoir que ce n’est pas Moïse qui a institué la circoncision, qu’elle fut instituée par les patriarches. — Vous-mêmes vous violez le sabbat, et il est beaucoup plus important de guérir un homme. Ensuite, et très mal à propos, il ajoute : Ne jugez point d’après les apparences mais selon la vérité ; et plus loin : Vous connaissez celui qui m’a envoyé, etc., et le même discours continue.

Malgré soi, on se demande pourquoi dire des choses complètement inutiles, qui rompent la marche de la pensée et qui, de la haute vérité, descendent à une polémique vulgaire ?

Mais si l’on traduit comme il faut, il n’est rien de tout cela, et ces versets contiennent toujours la même pensée et sont liés avec tous ceux qui suivent.

Jésus dit : Ce n’est pas Moïse qui vous a donné la loi, mais Dieu, et vous n’exécutez pas la loi. Pourquoi donc voulez-vous me tuer ? Ils répondent : Parce que tu deviens fou. Il dit : J’ai établi le culte unique et vous ai donné la loi unique qui ne renferme point de contradictions, et cela vous paraît bizarre. Mais il y a une chose qui ne vous paraît point bizarre : Moïse vous a donné la loi afin que vous soyez en accord avec Dieu ; l’observance du sabbat est une des conditions principales de cet accord, et vous faites la circoncision le jour du sabbat pour observer la loi de Moïse. Alors pourquoi vous paraît-il bizarre que j’aie guéri un homme, que je l’aie fait tout à fait libre le jour du sabbat ? Raisonnez non d’après la lettre, mais d’après l’esprit. Et il poursuit : Ne me demandez point qui suis-je, mais quel est celui qui m’a envoyé, etc.


Μὴ ϰρίνετε ϰατ’ οφιν ἀλλὰ τὴν διϰαὶαν ϰρίοιν ϰρίνατε.


Jean, vii, 24. Ne jugez point selon l’apparence, mais jugez selon la justice. Ne jugez pas sur l’apparence, mais jugez selon la vérité 1).

Remarques.

1) Ces paroles sont liées directement au verset 19 : Ce n’est pas Moïse qui vous a institué la loi, et personne n’exécute la loi. Celui qui jugera non sur l’apparence, mais d’après le sens même, celui-ci comprendra.


Ἔλεγον οὖν τινες ἐϰ τῶν Ἱεροσολυμιτῶν· οὐχ οὖτός ἐστιν, ὀν ζητοῦσιν ἀποϰτεῖναι ;

Καὶ ἴδε, παῤῥησίᾳ λαλεῖ, ϰαὶ οὐδέν αὐτῷ λέγουσι· μηποτε ἀληθῶς ἔγνωσαν οἱ ἄρχοντες, ὅτι οὗτός ἐστιν ἀληθῶς ὁ Χριστός ;

Ἀλλά τοῦτον οἴδαμεν, πόθεν ἐστίν· ὁ δὲ Χριστὸς ὅταν ερχηται, οὐδείς γινώσϰει, πόθεν ἐστίν.

Ἔϰραξεν οὖν ἐν τῷ ἱερῷ διδάσϰων ὁ Ἰησοῦς ϰαὶ λέγων· ϰᾷμέ οἴδατε, ϰαὶ οἴδατε, πόθεν εἰμί· ϰαὶ ἀπ' ἑμαυτοῦ οὐϰ ἐληλυθα, ἀλλ’ ἒστιν ἀληθινός ὁ πέμψας με, ὅν ὑμεῖς οὐϰ οἴδατε.

Ἐγώ δὲ οἶδα αὐτόν, ὅτι παῥ αὐτοῦ εἰμι, ϰάϰεῖνος με ἀπέστειλεν.

Ἐζήτουν οὖν αὐτόν πιάσαι, ϰαὶ οὐδεὶς ἐπέβαλεν ἐπ αὐτόν τὴν χεῖρα, ὅτι οὔπω ἐληλύθει ἡ ωρα αὐτοῦ.


Jean, vii, 25. Et quelques-uns de ceux de Jérusalem disaient : N’est-ce pas celui qu’ils cherchent à faire mourir ? Et quelques-uns des habitants de Jérusalem disaient : Est-ce lui, celui qu’on veut tuer ?
26. Et le voici qui parle librement, et ils ne lui disent rien. Les chefs auraient-ils en effet reconnu qu’il est véritablement le Christ ? Voici, il le dit nettement et on ne lui répond rien. Est-ce que par hasard les chefs n’auraient pas reconnu en lui l’élu ?
27. Mais nous savons d’où est celui-ci ; au lieu que quand le Christ viendra, personne ne saura d’où il est. Mais non, nous le connaissons. Et quand viendra l’élu, personne ne saura d’où il est.
28. Et Jésus criait à haute voix dans le temple, en enseignant, et il disait : Vous me connaissez et vous savez d’où je suis. Je ne suis pas venu de moi-même ; mais celui qui m’a envoyé est véritable, et vous ne le connaissez point. Et, enseignant dans le temple, Jésus disait à haute voix : Vous me connaissez et vous savez d’où je suis. Je ne suis pas venu de moi-même mais celui qui m’a envoyé est véritable, celui-là vous ne le connaissez point.
29. Mais moi je le connais ; car je viens de sa part et c’est lui qui m’a envoyé. Moi je le connais, je sais que je descends de lui et que c’est lui qui m’a envoyé.
30. Ils cherchaient donc à se saisir de lui ; mais personne ne mit la main sur lui, parce que son heure n’était pas encore venue. Et ils voulaient le saisir ; 1) mais personne ne put le vaincre, car son heure n’était pas encore venue.

Remarques.

1) Ἐζήτουν οὖν αὐτόν πίασαι, ϰαὶ οὐδείς ἐπέβαλεν ἐπ’ αὐτόν., ces deux expressions peuvent signifier dans le sens propre : s’emparer de force, et, au sens figuré : le vaincre dans la discussion, le vaincre par le raisonnement. Le second sens est plus près de ce qui suit.


Πολλοί δὲ ἐϰ τοῦ ὄχλου ἐπίστευσαν εἰς αὐτὸν ϰαὶ ἔλεγον, ὅτι ὁ Χριστὸς, ὅταν ἔλθη, μήτι πλείονα σημεῖα τούτων ποιήσει, ὦν οὖτος ἐποίησεν ;

Ἥϰουσαν οἱ φαρισαῖοι τοῦ ὄχλου γογγύζοντος περὶ αὐτοῦ ταῦτα, ϰαὶ ἀπέστειλαν οἱ φαρισαῖοι ϰαὶ οἱ ἀρχιερεῖς ὑπηρέτας, ἱνα πιάσωσιν αὐτόν.

Εἶπεν οὖν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς. ἔτι μιϰρόν ϰρόνον μεθ' ὑμῖν εἰμι, ϰαὶ ὑπάγω πρὸς τὸν πέμψαντα με.

Ζητήσετε με, ϰαὶ οὐχ εὐρήσετε· ϰαὶ ὅπου εἰμί ἐγώ. ὑμεῖς οὐ δύνασθε ἐλθεῖν.

Εἶπον οὖν οἱ Ἰουδαῖοι πρὸς ἑαυτοὺς· ποῦ οὖτος μέλλει πορεύεσθαι, ὅτι ἡμεῖς οὐχ εὐρήσομεν αὐτὸν ; μὴ εἰς τὴν διασπορὰν τῶν ἑλλήνων μέλλει πορεύεσθαι ϰαὶ διδάσϰειν τούς ἔλλεηνας.

Τίς ἐστιν οὐτος ὁ λόγος, ὅν εἶπε· ζητήσετε με, ϰαὶ οὐχ εὑρήσετε· ϰαὶ ὅπου εἰμὶ ἐγώ, ὑμεῖς οὐ δίνασθε ἐλθεῖν ;


Jean, vii, 31. Cependant plusieurs du peuple crurent en lui, et ils disaient : Quand le Christ viendra, fera-t-il plus de miracles que n’en fait celui-ci ? Et plusieurs du peuple crurent en sa doctrine et disaient : Quand le Christ viendra, il ne le prouvera pas mieux.

32. Les Pharisiens, ayant appris ce que le peuple disait sourdement de lui, envoyèrent, de concert avec les principaux sacrificateurs, des sergents pour se saisir de lui. Les Pharisiens ayant appris que le peuple était gêné de sa doctrine, ils envoyèrent des prêtres pour le vaincre.
33. Jésus continuant à parler au peuple leur dit : Je suis encore avec vous pour un peu de temps, puis je m’en vais à celui qui m’a envoyé. Et Jésus leur dit : Je ne suis avec vous que pour peu de temps, et je vous mène à celui qui m’a envoyé.
34. Vous me chercherez et vous ne me trouverez point, et vous ne pourrez venir où je serai. Vous chercherez des raisons contre moi, et ne trouverez pas, et là où j’irai vous ne pourrez venir.
35. Sur quoi les Juifs dirent entre eux : Où ira-t-il donc que nous ne le trouverons point ? Doit-il aller vers ceux qui sont dispersés parmi les Grecs, et enseigner les Grecs ? Et les Juifs se dirent : Où veut-il donc aller que nous ne le trouverons pas ? Veut-il aller chez les Grecs et les enseigner ?
36. Que signifie ce qu’il a dit : Vous me chercherez, et ne me trouverez point, et vous ne pourrez venir où je serai. Que signifie cela : Vous chercherez et ne trouverez pas, et où j’irai vous ne pourrez pas venir ? 1)

Remarques.

1) Jésus dit : Vous discuterez contre moi et ne trouverez rien, et il ne faut point discuter mais exécuter, agir, me suivre, et vous apprendrez alors si je dis vrai.


Ἐν δὲ τῇ ἐχάτῃ ἡμέρα τῇ μεγάλη τῆς ἑοτης ἑιστήϰει ὁ Ἰησοῦς· ϰαὶ ἔϰραξε· λέγων· ἐάν τις διψᾶ, ἐρχέσθω πρὸς με ϰαὶ πινέτω.

Ὁ πιστεύων εἰς ἐμέ, ϰαθώς εἶπεν ἡ γραφὴ, ποταμοί ἐϰ τῆς ϰοιλίας αὐτοῦ ῥεύσουσιν ὕδατος ζῶντος.

Τοῦτο δὲ εἶπε περὶ τοῦ πνεύματος, οὖ ἔμελλον λαμβάνειν οἱ πιστεύοντες εἰς αὐτόν· οὔπω γὰρ ἦν πνεῦμα ἅγιον ὅτι ὁ Ἰησοῦς οὐδέπω ἐδοξάσθη.


Jean, vii, 37. Le dernier et le grand jour de la fête, Jésus se trouva là, et dit à haute voix : Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi, et qu’il boive. Le dernier jour de la fête, Jésus restant debout dit à haute voix : Si quelqu’un a soif qu’il vienne à moi et boive.
38. Qui croit en moi, des fleuves d’eau vive couleront de lui, comme l’Écriture le dit. De celui qui croit en ma doctrine, de son intérieur, couleront (comme il est dit dans l’Écriture) des fleuves d’eau vive.
39. Or il disait cela de l’Esprit que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui ; car le Saint-Esprit n’avait pas encore été donné, parce que Jésus n’était pas encore glorifié. Il disait cela de l’Esprit de Dieu que devaient recevoir ceux qui croiraient en lui, car il n’y avait pas encore l’Esprit 1), parce que Jésus n’était pas encore compris 2).

Remarques.

1) Dans plusieurs copies il n’y a pas ἅγιον.

2) Δοξάζομαι, comme παραλαμβανειν, ne signifie pas glorifié, mais reconnaître, comprendre.


Πολλοί οὖν ἐϰ τοῦ ὄχλου ἀϰούσαντες τὸν λόγον, ἔλεγον· οὖτός ἐστιν ἀληθῶς ὁ προφήτης.

Ἄλλοι ἔλεγον· οὐτός ἐστιν ὁ Χριστός. Αλλοι δὲ ἔλ ἐϰ τῆς Γαλιλαῖας ὁ Χριστὸς ἔρχεται ;

Οὐχί ἡ γραφὴ εἶπεν, ὅτι ἐϰ τοῦ σπέρματος Δαβίδ ϰαὶ ἀπὸ Βηθλίεη τῆς ϰώμης, ὅπου ἦν Λαβίδ, ὁ Χριστὸς ἔρχεται ;

Σχίσμα οὖν ἐν τῷ ὄχλῳ ἐγένετο δὲ αὐτόν.

Τινὲς δὲ ἤθελον ἐξ αὐτῶν πίασαι αὐτόν· ἀλλ' οὐδείς ἐπέβαλεν ἐπ’ αὐτόν τας χεῖρας.

Ἤλθον οὖν οἱ ὑπηρέται πρὸς τούς ἀρχιερεῖς ϰαὶ φαρισαίους· ϰαὶ εἶπον αὐτοῖς ἐϰεῖνοι· διατί οὐϰ ἠγάγετε αὐτόν ;

Ἀπεϰρίθσαν οἱ ὑπηερέται· οὐτως ἐλάλησεν ἄνθροωπος, ὡς οὖτος ὁ ἄνθρωπος.


Jean, vii, 40. Plusieurs de la troupe ayant entendu ces paroles, disaient : Celui-ci est véritablement le prophète. Plusieurs du peuple ayant compris sa doctrine disaient : Celui-ci est véritablement prophète.
41. D’autres disaient : celui-ci est le Christ. Et quelques autres disaient : Mais le Christ viendra-t-il de Galilée ? D’autres disaient : Celui-ci est le véritable élu de Dieu. Les autres disaient : Est-ce que l’élu viendra de Galilée ?
42. L’Écriture ne dit-elle pas que le Christ sortira de la race de David et du bourg de Bethléem, d’où était David ? Dans l’Écriture il est dit qu’il sera de la race de David et du village de Bethléem.
43. Le peuple était donc partagé sur son sujet. Et à cause de lui il y avait des discussions parmi le peuple. Quelques-uns d’entre eux voulaient le vaincre, mais personne n’y parvint.
44. Et quelques-uns d’entre eux voulaient le saisir, mais personne ne mit la main sur lui.
43. Les sergents retournèrent donc vers les principaux sacrificateurs et les pharisiens, qui leur dirent : Pourquoi ne l’avez-vous pas amené ? Les serviteurs retournèrent vers les prêtres, et les prêtres dirent : Pourquoi ne lui avez-vous pas donné une leçon 1) ?
46. Les sergents répondirent : jamais homme n’a parlé comme cet homme. Les serviteurs répondirent : Jamais aucun homme ne parla comme celui-ci 2).

Remarques.

1) Αγω signifie apprendre, enseigner.

2) La réponse des serviteurs aux prêtres indique que ces serviteurs n’étaient pas des policiers mais les truchements des prêtres dans les interprétations de la loi et qu’ils avaient tâché de vaincre Jésus par les paroles.


Ἀπεϰρίθησαν οὖν αὐτοῖς οἱ φαρισαῖοι· μὴ ϰαὶ ὑμεῖς πεπλάνησθε ;

Μὴ τις ἐϰ τῶν ἀρχόντων ἐπίστευσεν εἶς αὐτόν, ἤ ἐϰ τῶν φαρισαίων ;

Ἀλλ’ ὁ ὄχλος οὖτος ὁ μὴ γινώσϰων τὸν νόμον, ἐπιϰατάρατοι εἰσι.

Λέγει Νιϰόδημος πρὸς αὐτοὺς, ὁ ἐλθών νυϰτός πρὸς αὐτόν, εἰς ὤν ἐξ αὐτῶν.

Μὴ ὁ νόμος ἡμῶν ϰρίνει τὸν ἄνθρωπον, ἐάν μὴ ἀϰούση παρ’ αὐτοῦ πρότερον ϰαὶ γνῷ, τί ποιεῖ ;

Ἀπεϰρίθησαν ϰαὶ εἶπον αὐτῷ· μὴ ϰαὶ σύ ἐϰ τῆς Γαλιλαίας εἶ ; ἐρεύνησον ϰαὶ ἱδε, ὅτι προφήτης ἐϰ τῆς Γαλιλαίας οὐϰ ἐγήγερται.


Jean, vii, 47. Les Pharisiens leur dirent : Avez-vous aussi été séduits ? Et les Pharisiens leur dirent : Êtes-vous aussi dans l’erreur ?
48. Y a-t-il quelqu’un des chefs ou des Pharisiens qui ait cru en lui ? Personne des chefs ne l’a cru ainsi que personne des Pharisiens.
49. Mais cette populace qui n’entend pas la loi est exécrable. Mais cette plèbe ignore la loi ; maudit peuple.
50. Nicodème (celui qui était venu de nuit vers Jésus et qui était l’un d’entre eux) leur dit : Nicodème, celui qui était venu pendant la nuit chez Jésus était avec eux ; il leur dit :
51. Notre loi condamne-t-elle un homme sans l’avoir ouï auparavant ; et sans s’être informé de ce qu’il a fait ? Peut-on d’après notre loi condamner un homme sans connaître d’abord sa doctrine ?

52. Ils lui répondirent : Es-tu aussi Galiléen ? Informe-toi, et tu verras qu’aucun prophète n’a été suscité de la Galilée. En réponse ils lui dirent : Serais-tu aussi Galiléen ? Cherche dans la loi, et vois si le prophète peut être de Galilée.


Jésus ne va pas célébrer la fête parce qu’il nie toute fête et tout culte extérieur. Cependant, il arrive au milieu de la fête, non pour la célébrer mais pour parler au peuple ; et, pénétrant dans le temple, il enseigne au peuple le culte de Dieu en esprit, et le peuple admire sa doctrine. Mais comment lui, un homme simple, peut-il connaître tout cela ? Il dit : Cette doctrine n’est pas de moi, c’est la doctrine de Dieu-esprit. Quand on lui demande des preuves de la véracité de sa doctrine, il dit : Pour savoir si ce que j’enseigne est la vérité, il n’y a qu’une preuve : tâcher de remplir la volonté de Dieu le Père, alors on saura si ce que je dis est la vérité ; si c’est de Dieu ou de moi-même. Et cette volonté est connue de tous. Jésus l’exprime quand il enseigne que Dieu est Esprit, que nul ne l’a vu, que le culte des Juifs est une tromperie ; que l’esprit de Dieu n’est compréhensible qu’en l’homme.

Aux objections qu’on lui fait sur la loi de Moïse, Jésus répond que ce n’est pas Moïse qui a donné la loi, mais Dieu, et qu’ils ne comprennent pas la loi. Pour leur faire comprendre le rapport de sa doctrine envers la loi, il leur dit que la loi principale est en cette union avec Dieu que Moïse a ordonné d’exprimer par la circoncision. Mais l’exécution de cette loi est en contradiction avec la loi écrite ; et il cite l’exemple de la circoncision le jour du sabbat. Si, dit-il, la circoncision se fait le jour du sabbat, il faut alors comprendre que le commandement prime la loi, tandis que la loi est le principal.

Dans ma doctrine l’essentiel c’est de servir Dieu par les actes.

Le peuple ne comprend pas et discute si Jésus est le Messie ou non. Il leur paraît qu’il n’est pas le Messie, puisqu’ils le connaissent, tandis que personne ne connaîtra jamais le Messie. Et Jésus dit à haute voix : Vous dites que vous ne connaîtrez pas celui qui sera envoyé par Dieu. C’est vrai, vous ne le connaissez pas. Moi, le fils du charpentier, vous me connaissez, mais vous ignorez celui qui, en moi, vous parle de Dieu ; celui-ci vous ne le connaissez pas. Et c’est ce Christ, l’élu de Dieu qui vous a été promis. Il n’y en a pas d’autre et il n’en sera pas. Maintenant je vous mène au Père, suivez-moi sans discuter qui je suis, car si vous discutez qui je suis vous ne comprendrez pas le Père. Suivez-moi, je vous ai révélé la vraie vie, venez donc avec moi et connaissez cette vie : elle est comme l’eau de source, elle ne s’épuisera jamais.

Les paroles de Jésus-Christ convainquent plusieurs ignorants, mais les prêtres disent : ce maudit peuple ne connaît pas la loi ; on peut lui dire n’importe quoi, il le croit. Nicodème objecte : Cependant il faut savoir ce qu’il dit, il dit peut-être la vérité.

Ce n’est pas possible, répondent les Pharisiens. Pourquoi ? Parce qu’il est de Galilée.

Les savants répètent exactement ce que les Juifs ont dit à Christ, la même chose que disent les Églises depuis dix-huit cents ans : que, d’après les prophètes, le fils de Dieu doit venir dans un certain lieu et dans des conditions définies d’avance. Mais ils n’écoutent pas ce que dit Jésus (Jean, vii, 28) :

Vous me connaissez et vous savez d’où je suis. Je ne suis pas venu de moi-même, mais celui qui m’a envoyé est véritable et vous ne le connaissez point, tandis que c’est lui seul qu’il faut connaître. Si vous ne connaissez pas celui-ci, c’est-à-dire Dieu en vous-mêmes, vous ne pouvez pas non plus me connaître. Si je disais que je suis Christ vous me croiriez, mais vous ne croiriez pas en Dieu qui est en vous. Ce n’est qu’en croyant en Dieu qui parle par moi que vous pouvez comprendre Dieu qui est en vous.


Πάλιν οὖν ὁ Ἰησοῦς αὐτοῖς ἐλάλησε, λέγων· ἐγώ εἰμι τὸ φῶς τοῦ ϰόσμου ὁ ἀϰολουθῶν ἐμοὶ οὐ μὴ περιπατήσει ἐν τῇ σϰοτίᾳ, ἀλλ' ἔξει τὸ φῶς τῆς ζωῆς.


Jean vii, 12. Jésus parla encore au peuple et dit : Je suis la lumière du monde ; celui qui me suit ne marche point dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Une autre fois Jésus dit : Je suis la lumière du monde. Celui qui me suit ne marchera pas dans les ténèbres ; mais en celui-ci sera la lumière de la vie 1).

Remarques.

1) Jean, i, 4 : C’est en elle qu’était la vie, et la vie était la lumière des hommes. Dans ce passage se trouve l’histoire du pardon de la femme adultère qui, de l’avis de tous les critiques, est une addition au texte. La particularité de ce chapitre c’est que là Jésus s’adresse aux Pharisiens, tandis qu’auparavant il s’adressait au peuple.

Il faut supposer qu’après leur conversation avec les serviteurs, les Pharisiens eux-mêmes sont entrés en discussion avec Jésus.


Εἶπον οὖν αὐτῷ οἱ φαρισαῖοι· σύ περὶ σεαυτοῦ μαρτυρεῖς· ἡ μαρτυρία σου οὐϰ ἔστιν ἀληθής.

Ἀπεϰρίθη Ἰησοῦς ϰαὶ εἶπεν αὐτοῖς· ϰὰν ἐγὼ μαρτυρῶ περὶ ἐμαυτοῦ, ἀληθής ἐστιν ἡ μαρτυρία μου· ὅτι οἶδα, πόθεν ἦλθον ϰαὶ ποῦ ὑπάγω, ὑμεῖς δὲ οὐϰ οἴδατε, πόθεν ἔρχομαι ϰαὶ ποῦ ὑπάγω.

Ὑμεῖς ϰατὰ τὴν σάρϰα ϰρίνετε, ἐγώ οὐ ϰρίνω οὐδένα.


Jean viii, 13. Les Pharisiens lui dirent : Tu rends témoignage de toi-même ; ton témoignage n’est pas véritable. Et les Pharisiens lui dirent : Tu rends témoignage de toi-même, c’est pourquoi ton témoignage n’est pas juste.
14. Jésus leur répondit : quoique je rende témoignage de moi-même, mon témoignage est véritable, car je sais d’où je suis venu, et où je vais ; mais vous, vous ne savez d’où je viens, ni où je vais. Et en réponse, Jésus leur dit : Quand je témoigne de moi-même, mon témoignage est juste car je sais d’où je suis venu et où je vais. Et vous ne savez pas d’où je viens et où je vais. 1)

15. Vous jugez selon la chair ; moi je ne juge personne. Vous jugez selon la chair, et moi je ne commande 2) personne.

Remarques.

1) Aux questions sur la véracité de sa doctrine, Jésus pose comme première preuve, que si quelqu’un fait ce qu’il dit, il reconnaîtra que sa doctrine est véritable.

Comme deuxième preuve il montre qu’il sait d’où est venue l’âme de l’homme et où elle va, tandis que ses adversaires ne le savent pas.

2) La signification condamner du mot ϰρίνω est confirmée ici par οὐδένα.


Καὶ ἐάν ϰρίνω δὲ ἐγώ, ἡ ϰρίσις ἡ ἐμή ἀληθής ἐστιν, ὅτι μόνος οὐϰ εἰιμὶ, ἀλλ’ ἐγὼ ϰαὶ ὁ πέμψας με πατήρ.

Καὶ ἐν τῷ νόμῳ δὲ τῷ ὑμετέρῳ γέγραπται, ὅτι δύο ἀνθρώπων ἡ μαρτυρία ἀληθής ἐστιν.

Ἐγώ εἰμι ὁ μαρτυρῶν περὶ ἐμαὐτοῦ, ϰαὶ μαρτυρεῖ περὶ ἐμοῦ ὁ πέμψας με πατήρ.

Ἔλεγον οὖν αὐτῷ· ποῦ ἐστιν ὁ πατήρ σου ; Ἀποϰρίθη ὁ Ἰησοῦς. οὔτε ἐμέ οἴδατε, οὔτε τὸν πατέρα μου· εἰ ἐμὲ ἤδειτε, ϰαὶ τὸν πατέρα μου ἢδιτε ἄν.


Jean viii, 16. Et quand je jugerais mon jugement serait digne de foi, car je ne suis pas seul ; mais le Père qui m’a envoyé est avec moi. Mais quand je juge mon jugement est véritable, car je ne suis pas seul ; mais le Père qui m’a envoyé est avec moi.

17. Il est même écrit dans votre loi que le témoignage de deux hommes est digne de foi. Et dans votre loi il est écrit que le témoignage de deux hommes suffit.
18. C’est moi qui rends témoignage de moi-même ; et le père qui m’a envoyé me rend aussi témoignage. Moi je témoigne de moi-même et le Père qui m’a envoyé 1) témoigne de moi.
19. Ils lui dirent : Où est ton Père ! Jésus répondit : Vous ne connaissez ni moi ni mon Père. Si vous me connaissez vous connaîtrez aussi mon Père. Et les Juifs lui dirent : quel est ton Père ? Et Jésus répondit : Vous ne me connaissez pas et vous ne connaissez pas mon Père. Si vous me connaissiez vous connaîtriez mon Père. Si vous ne me connaissez pas, vous ne connaissez pas mon Père. 2)

Remarques.

1) Comme troisième preuve de la véracité de sa doctrine, Jésus montre qu’elle est confirmée par deux témoins, par l’homme lui-même et par son Père, Dieu.

2) À la question des Juifs : quel est ton Père ? Jésus répond : précisément tout est là : vous ne connaissez pas votre Père ; vous ne connaissez pas votre origine. Si vous le connaissiez vous me connaîtriez aussi et tout serait clair pour vous. Il répète ce qu’il a dit à Nicodème, que la base de tout c’est de comprendre d’où est parue la vie, — l’esprit de l’homme.


Ταῦτα τὰ ῥήματα ἐλάλησεν ὁ Ἰησοῦς ἐν τῷ γαζουφυλαιϰίῳ, διδάσϰων ἐν τῷ ἱερῷ· ϰαὶ οὐδείς ἐπίασεν αὐτόν, ὅτι οὔπω ἐληλύθει ἡ ὥρα αὐτοῦ.

Εἶπεν οὖν πάλιν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· ἐγώ ὑπάγω, ϰαὶ ζητήσετε με, ϰαὶ ἐν τῆ ἀμαρτίᾳ ὑμῶν ἀποθανεῖσθε· ὅπου ἐγώ ὑμεῖς οὐ δύνασθε ἐλθεῖν.

Ἔλεγον οὐν οἱ Ἰυδαῖοι· μήτι ἀποϰτενεῖ ἑαυτόν, ὅτι λέγει· ὀπου ἐγὼ ὑπ'γω, ὑμεῖς οὐ δύνασθε ἐλθεῖν ;

Καὶ εἶπεν αὐτοῖς· ὑμεῖς ἐϰ τῶν κάτω ἐστέ, ἐγώ ἐϰ τῶν ανω εἰμί· ὑμεῖς ἐϰ τοῦ ϰόσμου τούτου ἐστέ, ἐγώ οὐϰ εἰμί ἐϰ τοῦ ϰόσμου τούτου.

Εἶπον οὖν ὑμῖν, ὅτι ἀποθανεῖσθε ἐν ταῖς ἁμαρτίαις ὑμῶν· ἐάν γὰρ μὴ πιστευσητε, ὅτι ἐγώ εἰμι, ἀποθανεῖσθε ἐν ταῖς ἁμαρτίαις ὑμῶν.

Ἔλεγον οὖν αὐτῷ· σύ τις εἶ· ϰαὶ εἶπεν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· τῆν ἀρχήν, ὅτι ϰαὶ λαλῶ ὑμῖν.

Οὐϰ ἔγνωσαν ὅτι τὸν πατέρα αὐτοῖς ἔλεγεν.


Jean, viii, 20, Jésus dit ces paroles dans le lieu était le trésor, enseignant dans le temple ; et personne ne se saisit de lui, parce que son heure n’était pas encore venue. Jésus disait cela, près du trésor, dans le temple, et personne ne s’empara de lui par la force, parce que son heure n’était pas encore venue.
21. Jésus leur dit encore : Je m’en vais, et vous me chercherez, et vous mourrez dans votre péché ; vous ne pouvez venir où je vais. Jésus leur dit encore : je vous conduis, et vous discutez qui je suis, et vous mourrez dans votre erreur. Là ou je vais vous ne viendrez pas.
22. Les Juifs donc disaient : Se tuera-t-il lui-même, puisqu’il dit : Vous ne pouvez venir ou je vais ? Et les Juifs se dirent : Ne se tuera-t-il point ; il a dit vous ne viendrez pas où je vais ?
23. Et il leur dit : Vous êtes d’ici bas ; et moi je suis d’en haut. Vous êtes de ce monde ; et moi je ne suis pas de ce monde. Et il leur dit : Vous êtes des inférieurs, et moi je suis parmi les supérieurs. Vous êtes de ce monde et moi je ne suis pas de ce monde.
24. C’est pourquoi je vous dis que vous mourrez dans vos péchés ; car si vous ne croyez pas ce que je suis, vous mourrez dans vos péchés. J’ai dit que vous mourrez dans votre erreur, si vous ne vous fiez pas à ce que je suis.

25. Alors ils dirent : Toi qui es-tu ? Et Jésus leur dit : Ce que je vous ai dit dès le commencement. Et ils lui dirent : Qui es-tu ? Et Jésus leur répondit : Avant tout je suis ce que je vous dis 1).
27. Ils ne comprirent point qu’il leur parlait du Père. Ils ne comprirent point ce qu’il leur disait du Père.

Remarques.

1) « Je suis ce que je vous ai dit d’avance : je suis la lumière et l’entendement » ou : « Je suis ce que je vous ai dit. Je suis mon enseignement. Je suis la voie et la vérité » comme il est dit après. Jean, viii, 26 : « J’ai beaucoup de choses à dire de vous et à condamner en vous ; mais celui qui m’a envoyé est véritable, et les choses que j’ai entendues de lui, je les dis dans le monde » Le sens de ce verset n’est pas clair.

Voici ce qu’en dit l’Église[2].

J’ai beaucoup de choses à dire. Ces paroles sont provoquées par la question des Juifs qui a interrompu le Seigneur. Après la réponse à la question posée le Seigneur reprend le discours commencé, v. 21-24. Il a exprimé la vérité, pénible pour le peuple, sur son triste état moral et sur ses dispositions, et maintenant il poursuit en disant qu’il a beaucoup de choses à dire sur l’état moral du peuple, pour le juger et dévoiler devant ses yeux tout l’abîme de sa chute morale, toute la peine de sa responsabilité devant le jugement de Dieu. Mais, continue le Seigneur, quelque pénible qu’il soit pour vous de l’entendre et pour moi de vous le dévoiler, je dois le faire, je dois vous dire la vérité que j’ai entendue du Seigneur.

Ils ne comprirent point que, etc. C’est la remarque de l’évangéliste sur l’effet produit par les paroles de Jésus sur ses auditeurs. Cette incompréhension paraît étrange après que le Seigneur a parlé tout le temps de Celui qui l’a envoyé, tandis qu’auparavant ils paraissaient comprendre de semblables paroles. Probablement que ceux qui entendaient souvent le Seigneur, même ses ennemis, le comprenaient, bien que d’une manière extérieure. Mais la foule qui l’entourait ne le comprenait pas, et c’est à cette foule que se rapporte l’observation de l’Évangéliste. Voilà pourquoi le Seigneur parle plus loin de son Père comme celui qui l’a envoyé.

Voici ce que dit Reuss (p. 212).

On ne saisit pas bien, à première vue, l’enchaînement logique des quelques phrases mises dans la bouche de Jésus en réponse à cette nouvelle question des Juifs. Aussi les interprètes ont-ils essayé des combinaisons très variées et qui n’arrivent guère à écarter toute espèce d’obscurité. Voici comment nous comprenons la liaison des éléments réunis dans les v. 25 et 26. À la question : Qui es-tu ? Jésus répond seulement par les mots : Je suis ce que je vous dis ; en d’autres termes : Je n’ai pas besoin de le dire de nouveau. Je l’ai dit suffisamment. L’adverbe tout d’abord n’est pas l’équivalent de la phrase, depuis le commencement, car il ne se lie pas avec la fin, comme on le prend ordinairement (je suis ce que je vous ai dit dès l’abord), mais il est placé en tête, de manière à dire : la première et seule réponse à donner, c’est, etc. C’est une espèce de fin de non recevoir, un refus de revenir à des explications désormais superflues, une espèce de question préalable. Puis il ajoute par antithèse : C’est de vous que j’ai à parler, ce serait là, pour vous, une préoccupation plus importante. La théorie a été établie, il serait temps que vous en fissiez l’application ; car ce que j’ai à dire de vous, c’est en même temps un jugement, une critique, un avertissement sérieux et sévère. Cela est d’autant plus nécessaire que vous n’en tenez pas compte, vous le négligez, comme si cela ne vous regardait pas, et pourtant je ne suis que l’interprète de l’autorité la plus élevée, du juge suprême, et je ne dis que ce qui est salutaire au monde. Nous ne traduisons pas : j’aurais beaucoup de choses à dire sur vous, mais je me borne à ce que le Père me dicte.

Ce verset n’ajoute rien à ce qui a été dit précédemment, et cependant, non seulement il rompt la marche de la pensée des versets 25 et 27, mais il détruit même le sens du verset 27. C’est pourquoi il faut exclure le verset 26.


Εἶπεν οὖν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· ὄταν ὑψώσητε τὸν υἱόν τοῦ ἀνθρώπου, τότε γνώσεσθε, ὅτι ἐγώ εἰμι, ϰαὶ ἀπ’ ἐμαυτοῦ ποιῶ οὐδεν, ἀλλά ϰαθώς ἐδίδαξέ με ὁ πατήρ μου, ταῦτα λαλῶ.

Καὶ ὁ πέμψας με μετ' ἐμοῦ ἐστιν· οὐϰ ἀφῆϰέ με πόνον ὁ πατήρ, ὅτι ἐγώ τὰ ἀρεστὰ αὐτῷ ποιῶ πάντοτε.

Ταῦτα αὐτοῦ λαλοῦντος, πολλοὶ ἐπίστευσαν εἰς αὐτόν.

Ἔλεγεν οὖν ὁ Ἰησοῦς πρὸς τοὺς πεπιστευϰότας αὐτῷ Ἰουδαίους. ἐάν ὑμεῖς μείνητε ἐν τῷ λόγω τῷ ἐμῷ, ἀληθῶς μαθηταί μου ἐστέ,

Καὶ γνώσεσθε τὴν ἀήθειαν, ϰαὶ ἡ ἀλήθεια ἐλευθερώσει ὑμᾶς.

Ἀπεϰρίθησαν αὐτῷ· σπέρμα Ἀβραάμ ἐσμεν, ϰαὶ οὐδενι δεδουλεύϰαμεν· ποωποτε· πῶς σὺ λέγεις, ὅτι ἐλεύθεροι γενήσεσθε.


Jean, viii, 28. Et Jésus leur dit : Lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez ce que je suis, et que je ne fais rien de moi-même, mais que je dis ce que mon père m’a enseigné. Et Jésus leur dit : Quand vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous saurez ce que je suis. Je ne fais rien par moi-même, mais ce que m’a appris le Père, je le dis 1).

29. Celui qui m’a envoyé est avec moi ; et le père ne m’a point laissé seul, parce que je fais toujours ce qui lui est agréable. Et celui qui m’a envoyé est toujours avec moi. Le Père ne m’a point laissé seul, parce que toujours et partout, je fais ce qui lui est agréable. Et comme il disait cela plusieurs crurent en sa doctrine.
30. Comme Jésus disait ces choses, plusieurs crurent en lui.
31. Jésus dit donc aux Juifs qui avaient cru en lui : Si vous persistez dans ma doctrine, vous serez véritablement mes disciples. Et Jésus dit à ceux qui l’avaient cru : Si vous êtes fermes dans mon raisonnement, alors vous serez instruits par moi.
32. Et vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. Et vous saurez la vérité et la vérité vous affranchira.
33. Ils lui répondirent : Nous sommes la postérité d’Abraham, et nous ne fûmes jamais esclaves de personne ; comment donc dis-tu : Vous serez affranchis ? Et on lui répondit 2) : Nous sommes de la race d’Abraham et jamais nous ne fûmes esclaves de personne : comment donc dis-tu : Vous serez affranchis ?

Remarques.

1) Que je suis ce que je vous dis.

2) Pas ceux qui avaient cru, mais ceux qui voulaient discuter contre lui.


Ἀπεϰρίθῃ αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦσ· ἀμὴν, ἀμὴν, ἀμὴν λέγω ὑμῖν ποιῶν τὴν ἁμαρτίαν ἐστι τῆς ἁμαρτίας.

Ὁ δὲ δοῦλος οὐ μένει ἐν τῇ οἰϰίᾳ εἰς τὸν αἰῶνα· ὁ υἱός μένει εἰς τὸν αἰῶνα.

Ἐάν οὖν ὁ υἱός ὑμᾶς ἐλευθερώση, ὄντως ἐλεύθεροι ἔσεσθε.


Jean, viii, 34. Et Jésus leur répondit : En vérité, en vérité, je vous dis que quiconque s’adonne au péché est esclave du péché. Et Jésus leur répondit : Vous connaîtrez vous-mêmes que quiconque commet l’erreur est esclave de l’erreur.
35. Or, l’esclave ne demeure pas toujours dans la maison ; mais le fils y demeure toujours. Mais l’esclave ne reste pas toujours dans la famille, tandis que le fils y reste toujours.
36. Si donc le Fils vous affranchit, vous serez véritablement libres. De sorte que si le fils vous affranchit, vous serez véritablement libres 1).

Remarques.

1) Ce passage n’est pas clair. D’après la première partie de la comparaison : que l’esclave ne reste pas toujours dans la famille alors que le fils y reste toujours, on attend qu’il sera dit : Tâchez donc d’être des fils et non des esclaves ; tandis qu’on dit que le fils affranchira. L’Église explique que le Fils de Dieu, deuxième personne de la Trinité, affranchira. Si Jésus voulait exprimer cela, il était inutile de dire que quiconque commet le péché est l’esclave du péché, et que l’esclave ne reste pas toujours dans la maison alors que fils y demeure toujours.

Sous-entendre sous le nom d’esclave le pécheur que Christ-Dieu affranchira n’éclaire rien mais détruit au contraire tout le sens de la comparaison.

L’homme, par sa conscience, est le fils de Dieu, et l’homme, par ses erreurs, est l’esclave de ses erreurs. Le fils reste toujours dans la famille de son père ; l’esclave n’y reste pas toujours. L’homme qui a commis le péché est devenu nommément esclave ; l’homme qui s’adresse au Père devient fils, se délivre et demeure éternellement.

On peut vivre dans la maison comme fils ou comme esclave. Seul celui qui vit comme fils est libre. Alors la vérité, celle qui nous fait libres, c’est la reconnaissance de notre filiation envers le Père.


Οἶδα, ὅτι σπέρμα Ἀβραάμ ἐστε, ἀλλά ζητεῖτέ με ἀποϰτεῖναι, ὅτι ὁ λόγος ὁ ἐμός οὐ χωρεῖ ἐν ὑμῖν.

Ἐγὼ, ὁ ἑώραϰα παρὰ τῷ πατρί μου, λαλῶ, ϰαὶ ὑμεῖς οὖν, ὁ ἑωράϰατε παρὰ τῷ πατρί ὑμῶν, ποιεῖτε.

Ἀπεϰρίθεσαν ϰαὶ εἶπον αὐτῷ· ὁ πατήρ ἡμῶν· Ἀβραάμ ἐστι, Λέγει αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· εἰ τέϰνα τοῦ Ἀβραάμ ἦτε, τὰ ἔργα τοῦ· Ἀβραάμ ἐποιεῖτε ἄν.

Νῦν δὲ ζητεῖτὲ με ἀποϰτεῖναι, ἄνθρωπον, ὅς τὴν ἀλήθειαν ὑμῖν λελάληϰα, ἤν ἤϰουσα παρὰ τοῦ Θεοῦ· τοῦτο Ἀβραάμ οὐϰ ἐποίησεν·

Ὑμεις ποιεῖτε τὰ ἔργα τοῦ πατρός ὑμῶν. Εἶπον οὖν αὐτῷ· ἡμεῖς ἐϰ πορνείας οὐ γεγεννήμεθα· ἕνα πατέρα ἔχομεν, τὸν Θεόν.

Εἶπεν οὖν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· εἰ ὁ Θεός πατή ὑμῶν ἦν, ἠγαπᾶτε ἄν ἐμέ ἐγώ γὰρ ἐϰ τοῦ Θεοῦ ἐξῆλθον ϰαὶ ἥϰω· οὐδὲ γὰρ ἀπ’ ἐμαυτοῦ ἐλήλυθα, ἀλλ’ ἐϰεῖνός με ἀπεστειλε.

Διατί τὴν λαλιάν τὴν ἐμήν οὐ γινώσϰετε ; ὅτι οὐ δύνασθε ἀϰούειν τὸν λόγον τὸν ἐμόν.

Ὑμεῖς ἐϰ πατρός τοῦ διαβόλου ἐστέ ϰαὶ· τάς ἐπιθομίας τοῦ πατρός ὑμῶν θέλετε ποιεῖν· ἐϰεῖνος ἀνθρωποϰτόνος ἦν ἀπ’ ἀρϰῆς ϰαὶ ἐν τῆ ἀληθείᾳ οὐχ ἕστηϰεν, ὅτι οὐϰ ἔστιν ἀλήθεια ἐν αὐτῷ· ὅταν λαλῆ τὸ ψεῦδος, ἐϰ τῶν ἰδίων λαλεῖ, ὅτι ψεύστης ἐστί ϰαὶ ὁ πατῂρ αὐτοῦ.

Ἐγώ δὲ ὅτι τὴν ἀλήθειαν λέγω, οὐ πιστεύετε μοι.

Τίς ἐξ ὑμῶν ἐλέγχει με περὶ ἁμαρτίας ; εἰ δὲ ἀλήθειαν λέγω, διατί ὑμεῖς οὐ πιστεύετέμοι ;

Ὁ ὤν ἐϰ τοῦ Θεοῦ τὰ ῥὴματα τοῦ Θεοῦ ἀϰούει· διὰ τοῦτο ὑμεῖς οὐϰ ἀϰούετε, ὅτι ἐϰ τοῦ Θεοῦ οὐϰ ἐστέ.


Jean, viii, 37. Je sais que vous êtes la postérité d’Abraham ; mais vous cherchez à me faire mourir parce que ma parole ne trouve point d’entrée en vous. Je sais que vous êtes de la race d’Abraham ; cependant vous voulez me tuer parce que mon entendement n’entre point en vous.
38. Je vous dis ce que j’ai vu chez mon Père : et vous, vous faites aussi ce que vous avez vu chez votre père. Ce que j’ai compris de mon père je le dis. Vous, ce que vous avez compris de votre père vous le faites.
39. Ils lui répondirent : Notre père, c’est Abraham. Jésus leur dit : Si vous étiez enfants d’Ahraham, vous feriez les œuvres d’Abraham. Et on lui dit : Notre père c’est Abraham. Jésus leur dit : Si vous étiez enfants d’Abraham vous serviriez Dieu comme lui.
40. Mais maintenant vous cherchez à me faire mourir, moi qui suis un homme qui vous ai dit la vérité, que j’ai apprise de Dieu ; Abraham n’a point fait cela. Mais maintenant vous décidez qu’il faut me tuer, moi, un homme qui vous a dit la vérité qu’il a entendue de Dieu. Abraham n’a point fait cela.
41. Vous faites les œuvres de votre père. Et ils lui dirent : Nous ne sommes pas des enfants bâtards ; nous n’avons qu’un seul Père qui est Dieu. Vous servez votre père. On lui dit : Nous ne sommes pas nés de l’adultère, notre père est commun — Dieu.
42. Jésus leur dit : Si Dieu était votre Père, vous m’aimeriez sans doute, parce que je suis issu de Dieu et que je viens de sa part ; car je ne suis pas venu de moi-même, mais c’est lui qui m’a envoyé. Jésus leur dit : Si Dieu était votre père vous m’aimeriez parce que je suis venu de Dieu et vais à lui. Je ne suis pas venu de moi-même, c’est lui qui m’a envoyé.

43. Pourquoi ne comprenez-vous point mon langage ? C’est parce que vous ne pouvez écouter ma parole. C’est pourquoi vous ne comprenez point les paroles de mon entendement, et c’est pourquoi vous ne pouvez comprendre mon raisonnement.
44. Le père dont vous êtes issus c’est le diable, et vous voulez accomplir les désirs de votre père. Il a été meurtrier dès le commencement, et il n’a point persisté dans la vérité, parce que la vérité n’est point en lui. Toutes les fois qu’il dit le mensonge il parle de son propre fonds ; car il est menteur et le père du mensonge. Vous êtes du diable et vous voulez faire l’œuvre de votre père. Dès le commencement il a été meurtrier, et il n’était point dans la vérité parce qu’il n’y a point en lui de vérité. Quand il parle il dit son propre mensonge ; et il n’y a point en lui de vérité parce que le menteur est le père du mensonge.
45. Mais parce que je dis la vérité vous ne me croyez point. Et moi quand je dis la vérité vous ne me croyez point.
46. Qui de vous me convaincra de péché ? Et si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous pas ? Qui de vous dénoncera que je me trompe ? Et si je dis la vérité, pourquoi ne me croyez-vous point ?
47. Celui qui est de Dieu écoute les paroles de Dieu ; c’est pourquoi vous ne les écoutez pas parce que vous n’êtes point de Dieu. Celui qui est de Dieu comprend les paroles de Dieu. Vous n’entendez pas parce que vous n’êtes point de Dieu 1).

Remarques.

1) Les versets de 41 à 46 contiennent la pensée déjà exprimée que la loi de Moïse est fausse et que, ne comprenant pas la loi de Moïse, ils n’exécutent pas la loi de Dieu. Jésus leur déclare que toute leur loi n’est que mensonge, qu’ils servent le diable, le lucre, et non pas Dieu, et que c’est la raison pour laquelle ils ne peuvent pas et ne veulent pas comprendre son culte de Dieu.


Ἀπεϰρίθησαν οὖν οἱ Ἰουδαῖοι ϰαὶ εἶπον αὐτῷ· οὐ ϰαλῶς λεγομεν ἡμεῖς, ὅτι Σαμαρείτης εἶ σύ ϰαὶ δαιμόνιον ἔχεις ;

Ἀπεϰρίθη Ἰησοῦς· ἐγώ δαιμόνιον οὐϰ ἔχω, ἀλλά τιμῶ τὸν πατέρα μου, ϰαὶ ὑμεῖς ἀτιμάζετέ με.

Ἐγώ δὲ ζητῶ τὴν δόξαν μου· ἐστιν ὁ ξητῶν ϰαὶ ϰρίνων.


Jean, viii, 48. Les Juifs lui répondirent : N’avons-nous pas raison de dire que tu es un Samaritain, et que tu es possédé du démon ? Et en réponse les Juifs lui dirent : N’avons-nous pas dit vrai que tu es un Samaritain fou ?
49. Jésus répondit : Je ne suis point possédé du démon, mais j’honore mon Père, et vous me déshonorez. Jésus répondit : Je ne suis pas fou, mais j’honore mon Père et vous me déshonorez.
50. Je ne cherche point ma gloire ; il y en a un autre qui la cherche et qui en jugera. Je ne raisonne point de ce qu’il me paraît. Il existe celui qui raisonne et punit 1).

Remarques.

1) Ces paroles ne sont pas claires, mais d’après les versets qui suivent leur sens doit être que celui qui raisonne et punit, c’est la mort.


Ἀμὴν, ἀμὴν λέγω ὑμῖν· ἐάν τῖς τὸν λόγον τὸν ἐμόν τηρήση, δάνατον οὐ μὴ θεωρήση εἰς τὸν αἰῶνα.

Εἶπον οὖν αὐτῷ οἱ Ἰουδαῖοι· νῦν ἐγνώϰαμεν, ὅτι δαιμόνιον ἔχεις· Ἀβραάμ ἀπέθανε ϰαὶ οἱ προφῆται, ϰαὶ σύ λέγεις· ἐάν τις τὸν λόγον μουι τηρήση, οὐ μὴ γεύσεται θανάτου εἰς τὸν αἰῶνα ;

Μὴ σὺ μείζων εἶ τοῦ πατρός ἡμῶν· Ἀβραάμ, ὃστις ἀπέθανε ; ϰαὶ οἱ προφῆται ἀπέθανον· τίνα σεαυτόν σὺ ποιεῖς ;

Ἀπεϰρίθη Ἰησοῦς· ἐάν ἐγώ δοξάζω ἐμαυτὸν, ἡ δόξα μου οἰδέν ἐστιν· ἔστιν ὁ πατήρ μου ὁ δοξάζων με, ὅν ὑμεῖς λέγετε, ὅτι Θεός ὑμῶν ἐστι,

Καὶ οὐϰ ἐγνώϰατε αὐτόν, ἐγώ δὲ οἶδα αὐτόν· ϰαὶ ἐὰν εἴπω, ὅτι οὐϰ οἶδα αὐτός, ἔσοματι ὅμοιος ὑμῶν, ψεύστης· ἀλλ’ οἶδα αὐτόν ϰαὶ τὸν λόγον αὐτοῦ τηρῶ.


Jean, viii, 51. En vérité, en vérité, je vous dis que si quelqu’un garde ma parole il ne mourra jamais. Je vous dis la vérité : Si quelqu’un comprend mon entendement et s’y soumet, il ne verra jamais la mort.
52. Les Juifs lui dirent : Nous voyons bien maintenant que tu es possédé du démon. Abraham est mort et les prophètes aussi, et tu dis : Si quelqu’un garde ma parole, il ne mourra jamais. Les Juifs lui dirent : Maintenant nous voyons que tu es fou. Abraham est mort et les prophètes aussi, et tu dis : Si quelqu’un se soumet à mon entendement, il ne verra jamais la mort.
53. Es-tu plus grand que notre père Abraham, qui est mort ? Les prophètes aussi sont morts ; qui prétends-tu être ? Es-tu plus grand que notre père Abraham ? Il est mort et les prophètes aussi. Qui prétends-tu être ?
54. Jésus répondit : Si je me glorifie moi-même, ma gloire n’est rien ; c’est mon Père qui me glorifie, lui dont vous dites qu’il est votre Dieu. Jésus répondit : Si je me reconnaissais moi-même pour tel qu’il me semble, cela ne signifierait rien. Il y a celui qui me reconnaît, celui que vous appelez votre Dieu.
53. Cependant vous ne l’avez point connu, mais moi je le connais, et si je disais que je ne le connais pas, je serais un menteur comme vous ; mais je le connais et je garde sa parole. Cependant vous ne l’avez point connu et ne le connaissez pas, mais moi je le connais. Et si je disais que je ne le connais pas, je serais un menteur comme vous. Mais je le connais et j’accomplis son entendement 1).

Remarques.

1) Négation claire du Dieu extérieur. C’est la même pensée que dans l’introduction et le message de Jean : que personne n’a connu et ne connaît Dieu.


Ἀβραάμ ὁ πατὴρ ὑμῶν ἐγαλλιάσατο, ἵνα ἴδη τὴν ἡμεραν τὴν ἐμὴν· ϰαὶ εἶδε ϰαὶ ἐχάρη.

Εἶπον οὖν οἱ Ἰουδαῖοι πρὸς αὐτότ· πεντήϰοντα ἔτη οὔπω ἔχεις, ϰαὶ Ἀβραάμ ἑώραϰας ;

Εἶπεν αὐτοίς ὁ Ἰησοῦς· ἀμὴν λέγω ὑμῖν· πρὶν Ἀβραάμ γενέσθαι, ἐγώ εἰμι.

Ἠραν οὖν λίθους, ἵνα βάλωσιν ἐπ' αὐτόν· Ἰησοῦ δὲ ἐϰρύβη ϰαὶ ἐξῆλθεν ἐϰ τοῦ ἱεροῦ.


Jean, viii, 56. Abraham, votre père, s’est réjoui de voir mon jour ; il l’a vu, et il en a eu de la joie. Abraham, votre père, aimait ma lumière 1) ; il la vit et en eut de la joie.
57. Les Juifs lui dirent : Tu n’as pas encore cinquante ans et tu as vu Abraham ? Les Juifs lui dirent ; Tu n’as pas encore cinquante ans et tu as vu Abraham ?
58. Jésus leur dit : En vérité, en vérité, je vous le dis : Avant qu’Abraham fût, j’étais. Et Jésus leur dit : En vérité je vous le dis : Avant qu’Abraham fût, j’étais.
59. Alors ils prirent des pierres pour les jeter contre lui ; mais Jésus se cacha et sortit du temple, passant au milieu d’eux ; et ainsi il s’en alla. Alors ils prirent des pierres pour les lui jeter. Mais Jésus se cacha d’eux et sortit du temple.

Remarques.

1) ἡμέρα doit être traduit ici dans le sens de lumière du jour.

2) Jésus dit qu’il est ce qu’il leur dit, et qu’il leur dit ce qu’il sait de son père. Celui qui élévera en soi le fils de l’homme — l’entendement, recevra la vie et ne mourra pas, parce que cet entendement c’est Dieu, et il n’y en a pas d’autre, et il ne peut le cacher, le voulût-il. Quand les Juifs disent : « Comment est-ce possible que cela ne mourra pas ? », il répond que l’entendement n’est qu’un, qu’il était avant Abraham et existe en dehors du temps.

Les entretiens de Jésus avec les Pharisiens, qui exigeaient des preuves de la véracité de sa doctrine, forment d’après les synoptiques et les chapitres vii et viii, de Jean, une causerie dans laquelle Jésus, aux questions des Juifs sur le moyen de prouver sa doctrine, répond qu’il n’y a pas de preuves de sa doctrine et qu’il n’en peut être, parce qu’elle est la doctrine de la vie et du culte de Dieu-esprit, que l’homme connaît en lui-même, mais qu’il ne peut ni voir ni montrer.


L’AVEUGLE-NÉ GUÉRI

Καὶ παράγων εἶσεν ἄνθρωπον τυφλόν ἐϰ γενετῆς.


Jean, ix, 1. Comme Jésus passait, il vit un homme aveugle dès sa naissance. En passant Jésus aperçut un homme aveugle de naissance.


Ce chapitre continue l’exposition de la même pensée et la réponse à la même question : quelles sont les preuves de la fausseté de la loi de Moïse et celles de la véracité de la doctrine de Jésus ?

Quand on analyse ce chapitre il est impossible d’admettre que l’auteur ait voulu parler de la guérison physique d’un aveugle. S’il s’agit en effet d’une guérison physique, on ne peut nullement comprendre pourquoi Jésus, après l’avoir guéri, dit qu’il est la lumière du monde et qu’il faut marcher tant qu’on a la lumière. On ne peut également comprendre pourquoi l’aveugle dit de Jésus qu’il est un prophète, ni pourquoi les Pharisiens disent à l’aveugle : Rends gloire à Dieu, et : Tu es son disciple. De même on ne peut comprendre pourquoi Jésus rencontrant ensuite une femme aveugle lui dit : Tu as vu le Fils de Dieu et tu le vois. Et, principalement, tout à fait incompréhensibles et inutiles sont les paroles de Jésus dans les versets 39, 40, 41 du chapitre ix :

39. Et Jésus dit : Je suis venu dans le monde pour exercer ce jugement : que ceux qui ne voient point voient, et que ceux qui voient deviennent aveugles.

40. Et quelques-uns des Pharisiens qui étaient avec lui, entendirent cela, et lui dirent : Et nous, sommes-nous aussi des aveugles ?

41. Jésus leur dit : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez point de péché, mais maintenant vous dites : Nous voyons. C’est à cause de cela que votre péché subsiste.

Si ce n’est qu’un miracle tel qu’il est raconté chez Marc, viii, 22, alors tout le côté doctrinal de ce passage tombe ; si c’est une prédication, alors seules tombent les paroles sur l’onction. J’ai choisi cette dernière interprétation, qui semble d’autant plus naturelle que dans tous ces chapitres il n’y a d’inutiles et de superflues que les paroles : Il fit une pommade avec sa salive et lui en frotta les yeux.


Καὶ ἠρώτησαν αὐτόν οἱ μαρθαταί αὐτοῦ, λέγοντες· ῥαββι, τὶς ἣμαρτεν, οὖτος ἥ οἱ γονεῖς αὐτοῦ, ἵνα τυφλός γεννηθῇ ;


Jean, ix, 2. Et ses disciples lui demandèrent : Maître ! Qui est-ce qui a péché ? Est-ce lui ou son père ou sa mère, qu’il soit ainsi né aveugle ? Et les disciples demandèrent à Jésus : Maître, en quoi 1) a-t-il péché, lui ou son père et sa mère, qu’il est 2) né aveugle ?

Remarques.

1) Dans une copie et dans quelques traductions on trouve τί (en quoi) ; et cette signification est plus complète.

2) Voici encore l’emploi de ἵνα dans le sens ὥστε.


Ἀπεϰρίθη ὁ Ἰησοῦς· οὔτε οὖτος ἥμαρτεν, οὔτε οἱ γονεῖς αὐτοῦ, ἀλλ’ ἵνα φανερωθῇ τὰ ἐργα τοῦ Θεοῦ ἐν αὐτῷ.

Ἐμέ δεὶ ἐργεζεσθαι τὰ ἔργα τῦ πέμψαντος με, ἕως ἡμέρα ἐστίν· ἔρχεται νύξ, ὅτε οὐδείς δύναται ἐργάζεσθαι.


Jean, ix, 3. Jésus répondit : Ce n’est point qu’il ait péché ni son père ni sa mère ; mais c’est afin que les œuvres de Dieu soient manifestées en lui. Jésus répondit : Ni lui ni ses parents n’ont péché 1). Mais c’est afin que se manifeste en lui le culte de Dieu.
4. Pendant qu’il est jour, il me faut faire les œuvres de Celui qui m’a envoyé ; la nuit vient dans laquelle personne ne peut travailler. Nous 2) devons servir Celui qui nous a envoyés, tant qu’il y a le jour ; la nuit viendra et alors personne ne pourra plus rien faire.
Remarques.

1) Ici, il faut un point, sans quoi la phrase suivante n’a pas de sens, ou a cette signification stupide qu’il est aveugle pour que les œuvres de Dieu paraissent. La réponse de Jésus renferme le même sens que ses paroles aux Juifs : « Ne cherchez pas si j’ai tort ou raison, mais suivez-moi ». Il dit : Il ne faut pas chercher qui est coupable, mais il faut servir Dieu, toujours, tant que nous sommes vivants.

2) Dans plusieurs copies et traductions on trouve le mot μήας au commencement de même qu’après le mot envoyé.


Ὅταν ἐν τῷ ϰόσμῳ ὦ, φῶς εἰμι τοῦ ϰόσμου.


Jean, ix, 5. Pendant que je suis au monde, je suis la lumière du monde. Quand je suis dans le monde, je suis la lumière du monde 1).

Remarques.

1) L’entendement est la lumière du monde. Mais si un homme, dès sa naissance, n’a pas vu la lumière, est-il coupable ou non ? interrogent les disciples. Jésus répond : Personne n’est coupable. Si nous voyons un aveugle nous ne devons pas demander qui est coupable, nous devons seulement faire les œuvres de Dieu, ces mêmes œuvres qui ne pourraient nous être manifestées s’il n’y avait pas d’aveugles. Nous devons donner la lumière à l’aveugle, non parce que Dieu fait exprès les hommes aveugles, mais parce que toute la manifestation de Dieu consiste à éclairer les ténèbres, à donner la vue aux aveugles. Tant qu’il y a le jour, nous devons travailler pour la manifestation de la lumière dans les ténèbres. Tant que nous sommes dans ce monde, nous sommes la lumière du monde. En cela est notre vraie vie.


Καὶ εἶπεν αὐτῷ ὓπαγε, νίψαι εἰς τὴν ϰολυμβήθαν τοῦ Σιλωαμ, ὁ ἑρμηνεύεται ἀπεσταλμένος, ἀπῆλθεν οὖν ϰαὶ ἐνίψατο, ϰαὶ ἦλθε βλέπων.

Οἱ οὖν γείτονες ϰαὶ, οἱ θεωροῦντες αὐτόν τὸ πρότερον, ὅτι τυφλός ἦν, ἔλεγον· οὐχ οὐτος ἐστιν ὁ ϰαθήμενος ϰαὶ προσαιτῶν·

Ἄλλοι ἔλεγον, ὅτι οὖτός ἐστιν. Αλλοι δὲ, ὅτι ομ ἐστιν. Ἐϰεῖνος ἔλεγεν, ὅτι ἐγώ εἰμί.

Ἔλεγον οὖν αὐτῷ· πῶς ἀνεῴχθησάν σου οἱ ὀφθαλμοί ;

Ἀπεϰρίθη ἐϰεῖνος ϰαὶ εἶπεν· ἄνθρωπος λεγόμενος Ἰησοῦς πηλὸν ἐποίησε ϰαὶ ἐπέχρισέ μου τούς ὀφθαλμούς, ϰαὶ εἶπέ μοι· ὓπαγε εἰς τὴν ϰολυμβήθραν τοῦ Σίλωὰμ ϰαὶ νίψαι. Ἀπελθών δὲ ϰαὶ νιψάμενος, ἀνέβλεψα.

Εἶπον οὖν αὐτῷ· ποῦ ἐστιν ἐϰεῖνος, Λέγει· οὐϰ οἶδα.


Jean, ix, 7. Et il lui dit : Va, et te lave au réservoir de Siloé (ce qui signifie envoyé). Il y alla donc, se lava, et il en revint voyant clair. Et il lui dit : Va, lave-toi dans la piscine de l’Envoyé 1). Il se purifia et vit.
8. Or, les voisins et ceux qui avaient vu auparavant qu’il était aveugle, disaient : N’est-ce pas là celui qui se tenait assis, et qui demandait l’aumône ? Les voisins et ceux qui l’avaient vu auparavant, mendiant 2), disaient : Est-il possible que ce soit celui qui se tenait assis et mendiait 3) ?

9. Les uns disaient : C’est lui ; d’autres disaient : Il lui ressemble ; lui disait : C’est moi-même. Les uns disaient : C’est lui-même ; et d’autres : Il lui ressemble. Et lui disait : C’est moi-même.
10. Ils lui dirent : Comment tes yeux ont-ils été ouverts ? Ils lui dirent : Mais comment tes yeux se sont-ils ouverts ?
11. Il répondit : Cet homme, qu’on appelle Jésus, a fait de la boue, et en a oint mes yeux, et m’a dit : Va au réservoir de Siloé et t’y lave. J’y suis donc allé, et m’y suis lavé, et je vois. Et il leur répondit : L’homme qu’on appelle Jésus m’a appris 4) à me purifier par un lavage dans la piscine. Je me suis purifié et maintenant je vois.
12. Ils lui dirent : Où est cet homme ? Il dit : Je ne sais. Alors on lui demanda : Où est-il ? Il répondit : Je ne sais.

Remarques.

1) Je passe les détails stupides et inutiles du verset 6, et, dans le verset 7, au lieu des paroles ϰαὶ εἶπεν αὐτώ ὑηαγε, νίψαι εἶς τὴν ϰολυμβήθραν τοῦ Εἰλωάμ (ὅ ἐρμηνεύεται ἀπεσταλμένος), je mets simplement : dans la piscine de l’Envoyé. De cette façon, je n’omets pas un seul mot.

La vue est obtenue par la purification de l’esprit de l’Envoyé. On ne sera pas sans remarquer que dans le verset 4 il est dit qu’il faut faire les œuvres de celui qui nous a envoyés. L’aveugle se purifie, renaît, dans la piscine de l’Envoyé, c’est-à-dire de celui qui fait les œuvres de celui qui envoie.

2) Une nouvelle preuve qu’il ne s’agit pas ici d’un aveugle, c’est qu’on ne dit pas que les voisins le connaissaient aveugle, on dit qu’ils le connaissaient mendiant, προσαιτης, chez Grisbach, Tichendorf, ainsi que dans la plupart des anciennes copies.

3) Προσαιτεῖν, mendier avec persistance, exiger.

4) J’omets, comme plus haut le détail inutile.


Αγουσιν αὐτόν πρὸς τοὺς φαρισαίους, τὸν ποτε τυφλόν.

Ἦν δὲ σάββατον, ὅτε τὸν πηλὸν ἐποίησεν ὁ Ἰησοῦς ϰαὶ ἀνέῳξεν αὐτοῦ τοὺς ὁφθαλμούς.

Πάλιν οὖν ἠρώτων οὐτὸν ϰαὶ οἱ φαρισαῖοι, πῶς ἀνέβλεψεν.

Ἔλεγον οὐν ἐϰ τῶν φαρισαίων τινές· οὖτος ὁ ἄνθρωπος οὖϰ ἔστι παρὰ τοῦ Θεοῦ, ὅτι τὸ σάββατον οὐ τηρεῖ. Ἀλλοι ἔλεγον· πῶς δύναται ἄνθρωπος ἁμαρτωλός τοιαῦτα σημεῖα ποιεῖν. Καὶ σχίσμα ἦν ἐν αὐτοῖς.

Λέγουσι τῷ τυφλῷ πάλιν· σύ τί λέγεις περὶ αὐτοῦ, ὅτι ἤνοιξε σου τούς ὀφθαλμούς· ὁ δὲ εἶπεν, ὅτι προφήτης ἐστίν.


Jean, ix, 13. Ils amenèrent aux Pharisiens celui qui avait été aveugle. Et on amena aux Pharisiens celui qui avait été aveugle.
14. Or c’était le jour du sabbat que Jésus avait fait de la boue et qu’il lui avait ouvert les yeux. C’était le jour du sabbat que Jésus avait ouvert les yeux à l’aveugle.
15. Les Pharisiens lui demandèrent aussi eux-mêmes comment il avait reçu la vue. Et il leur dit : Il m’a mis de la boue sur les yeux, et je me suis lavé, et je vois. Et à leur tour les Pharisiens lui demandèrent comment il avait reçu la vue. Il leur dit : je me suis purifié, et maintenant je vois.
16. C’est pourquoi quelques-uns d’entre les pharisiens disaient : Cet homme n’est point de Dieu, puisqu’il ne garde pas le sabbat. Mais d’autres disaient : Comment un méchant homme pourrait-il faire de tels miracles ? Et ils étaient divisés entre eux. Et les Pharisiens se mirent à parler. Les uns disaient : Cet homme n’est point dans la loi de Dieu, puisqu’il n’observe pas le sabbat. D’autres disaient : Comment un pécheur pourrait-il montrer de pareils exemples 1). Et il y avait des discordes.

17. Et ils dirent encore à l’aveugle : Et toi que dis-tu de lui, de ce qu’il t’a ouvert les yeux ? Il répondit : C’est un prophète. Et de nouveau ils dirent à celui qui avait été aveugle : Que penses-tu de ce 2) qu’il t’a ouvert les yeux ? Il répondit : C’est un prophète.

Remarques.

1) Ce n’est pas une interrogation.

2) Περὶ αὐτοῦ est traduit ordinairement par celui. Cette traduction est erronée. Si l’on voulait dire celui, il y aurait ὡς et non ὅτι. Je traduis par ce.


Οὐϰ ἐπίστευσαν οὖν οἱ Ἰουδαῖοι περὶ αὐτοῦ, ὅτι τυφλός ἦν ϰαὶ ἀνεβλέψεν, ἔως ὅτου ἐφώνησαν τοὺς γονεῖς αὐτοῦ, τοῦ ἀναβλέψαντος.

Καὶ ἠρώτησαν αὐτούς, λέγοντες· οὖτος ἐστιν ὁ υἱός ὑμῶν, ὅν ὑμεῖς λέγετε ὅτι τυφλός ἐγεννήθη ; πῶς οὐν ἄρτι βλέπει ;

Ἀπεϰρίθησαν αὐτοῖς οἱ γονεῖς αὐτου ϰαὶ εἶπον· οἳδαμεν, ὅτι οὖτός ἐστιν ὁ υἱός ἡμῶν ϰαὶ ὅτι τυφλός ἐγεννήθη.

Πῶς δὲ νῦν βλέπει, οὐϰ οἵδαμεν, ἤ τίς ἤνοιξεν αὐτοῦ τούς ὀφθαλμοὺς, ἡμεῖς οὐϰ οἴδαμεν· αὐτὸς ἡλιϰίαν ἔχει, αὐτὸν ἐρωτήσατε, αὐτὸς περὶ αὐτοῦ λαλήσει.

Ταῦτα εἶπον οἱ γονεῖς αὐτοῦ, ὅτι ἐφοβοῦντο τοὺς Ἰουδαίους· ἤδη γὰρ συνέτεθειντο οἱ Ἰουδαῖοι, ἵνα ἐάν τις αὐτόν ὁμολογήση Χριστόν, ἀποσυνάγωγος γένηται.

Διᾲ τοῦτο οἱ γονεῖς αὐτοῦ εἶπον, ὅτι ἡλιϰίαν ἔχει, αὐτὸν ἐρωτήσατε.


Jean, ix, 18. Mais les Juifs ne crurent point que cet homme eût été aveugle, et qu’il eût reçu la vue, jusqu’à ce qu’ils eussent fait venir son père et sa mère. Et les Juifs ne crurent point qu’il eût été aveugle et qu’il eût commencé à voir jusqu’à ce qu’ils eussent fait venir son père et sa mère.

19. Et ils les interrogèrent, et leur dirent : Est-ce ici votre fils que vous dites être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ? Et ils les interrogèrent : Est-ce là votre fils que vous avez dit être né aveugle ? Comment donc voit-il maintenant ?
20. Son père et sa mère répondirent : Nous savons que c’est ici notre fils et qu’il est né aveugle. Son père et sa mère leur répondirent : Nous savons que c’est notre fils et qu’il est né aveugle.
21. Mais nous ne savons comment il voit maintenant. Nous ne savons point non plus qui lui a ouvert les yeux. Il a de l’âge, interrogez-le ; il parlera pour lui-même. Mais comment voit-il maintenant, ou quelqu’un lui a-t-il ouvert les yeux, nous l’ignorons. Lui-même est assez âgé, interrogez-le, il vous parlera de lui.
22. Son père et sa mère dirent cela, parce qu’ils craignaient les Juifs, car les Juifs avaient déjà arrêté que si quelqu’un reconnaissait Jésus pour être le Christ, il serait chassé de la synagogue. Son père et sa mère dirent cela, parce qu’ils craignaient les Juifs, car les Juifs avaient déjà décidé que si quelqu’un reconnaissait le Christ, il serait chassé de la réunion.
23. C’est pour cela que son père et sa mère répondirent : Il a de l’âge, interrogez-le. C’est pourquoi son père et sa mère répondirent : Il est assez âgé, interrogez-le 1).

Remarques.

1) Le traducteur et les exégètes ayant pris tout ce chapitre pour la description d’un miracle, interprètent ordinairement de telle façon que les Juifs ne croient pas à l’accomplissement du miracle, et interrogent à ce sujet l’aveugle et ses parents.

Mais il suffit de lire ce qui est écrit pour voir que les Pharisiens n’ont même pas l’idée d’un pareil témoignage. Ils demandent (Jean, ix, 10) : Comment tes yeux se sont-ils ouverts ? c’est-à-dire comment vois-tu ? Comment as-tu conquis la vue ? (Jean, ix, 15). Et de nouveau ils demandent : Comment as-tu commencé à voir ? Dans ces deux questions, il n’y a pas de témoignage, il y a seulement l’intérêt à la manière dont cela s’est fait. Ensuite ils interprètent le verset 16, non comme s’il s’agissait de savoir s’il est aveugle ou non, mais si Jésus est envoyé de Dieu ou non. Dans le verset 17, ils demandent : Que penses-tu de celui qui t’a ouvert les yeux ? Et, dans le verset 19, ils interrogent le père et la mère et ne leur demandent pas s’il était aveugle, comme cela devrait être ; mais ils disent : Est-ce là votre fils que vous disiez être aveugle ? comment donc voit-il ?

Ou les Pharisiens ne savent ni parler ni penser, ou ils ne demandent pas le témoignage de l’aveugle, mais ils désirent savoir ce que précisément voit cet homme, après qu’il a cessé d’être aveugle. Et ils appellent les parents afin de savoir où cet homme a pris ses idées libres. Si c’est une preuve de la cécité, alors tous les versets sont dénués de sens ; au contraire ils sont clairs si les Pharisiens désirent savoir ce que l’aveugle a vu et où il a puisé ses idées.


Ἐφώνησαν οὖν ἐϰ δευτέρου τὸν ἄνθρωπον, ὅς ἦν τυφλός, ϰαὶ εἶπον αὐτῳ· δὸς δόξαν τῷ Θεῷ· ἡμεῖς οἴδαμεν, ὅτι ὁ ἄνθρωπος οὖτος ἁμαρτωλός ἐστιν.


Jean, ix, 24. Ils appelèrent donc pour la seconde fois l’homme qui avait été aveugle et ils lui dirent : Donne gloire à Dieu ; nous savons que cet homme est un méchant. Ils appelèrent pour la seconde fois l’homme qui avait été aveugle et ils lui dirent : 1) Reconnais Dieu ; nous savons que cet homme est un pécheur.

Remarques.

1) Δός δόξαν αῷ Θεῷ ne peut pas signifier : « Donne gloire à Dieu ». Selon moi, d’après le sens du mot δόξαν, la seule signification possible c’est que les Pharisiens lui ordonnent de reconnaître leur Dieu. Ce n’est qu’en interprétant ainsi que deviennent compréhensibles tous les entretiens précédents et surtout les versets 28 et 29, où les Pharisiens disent qu’ils sont les disciples de Moïse, avec qui Dieu parla en personne, et non ceux de Jésus.


Ἀπεϰρίθη οὖν ἐϰεῖνος ϰαὶ εἶπεν· εἰ ἁμαρτωλός ἐστιν, οὐϰ οἶδα· ἕν οἶδα, ὅτι τυφλός ὤν αρτι βλέπω.

Εἶπω δὲ αὐτῷ πάλιν· τί ἐποίησε σοι ; πῶς ἤνοιξέ σου τοὺς ὀφθαλμούς ;

Ἀπεϰρίθη αὐτοῖς· εἶπον ἱμῖν ἤδη, ϰαὶ οὐϰ ἠϰούσατε· τί πάλιν θέλετε ἀϰούειν ; μὴ ϰαὶ ὑμεῖς θέλετε αὐτοῦ, μαθηταί γενέσθαι ;

Ἐλοιδόρησαν οὐν αὐτὸν ϰαὶ εἶπον· σὺ εἶ μαθητής ἐϰείνου, ἡμεῖς δὲ τοῦ Μωῦσέως ἐσμὲν μαθηταί.

Ἡμεῖς οἵδαμεν, ὅτι Μωῦσῇ, λελάληϰεν ὁ Θεὸς, τοῦτον δὲ οὐϰ οἴδαμεν, πόθεν ἐστίν.

Ἀπεϰρίθη ὁ ἄνθρωπος ϰαὶ εἶπεν αὐτοῖς· ἐν γὰρ τούτῳ θαυμαστόν ἐστιν, ὅτι ὑμεῖς οὐϰ οἴδατε, πόθεν ἐστί, ϰαὶ ἀνέῳξε μου τοὺς ὀφθαλμούς.


Jean, ix, 25. Il répondit : Je ne sais si c’est un méchant, je sais bien une chose : c’est que j’étais aveugle, et que maintenant je vois. Il leur répondit : Est-il pécheur ou non, je l’ignore. Je ne sais qu’une chose : j’étais aveugle et maintenant, je vois.
26. Ils lui dirent encore : Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ? De nouveau, ils lui dirent : Que t’a-t-il fait ? Comment t’a-t-il ouvert les yeux ?
27. Il leur répondit : Je vous l’ai déjà dit, et ne l’avez-vous pas entendu encore une fois ? Voulez-vous aussi être de ses disciples ? Il leur répondit : Je vous l’ai déjà dit et vous ne me croyez pas 1). Quoi ! voulez-vous encore entendre la même chose, ou voulez-vous devenir ses disciples ?
28. Alors ils se mirent à l’injurier et ils lui dirent : Toi, sois son disciple ; pour nous nous sommes disciples de Moïse. Alors ils se mirent à l’injurier et ils lui dirent : C’est toi qui es son disciple, mais nous, nous sommes les disciples de Moïse.
29. Nous savons que Dieu a parlé à Moïse ; mais pour celui-ci nous ne savons d’où il est. Nous savons que Dieu lui-même a parlé à Moïse, mais pour lui nous ne savons pas d’où il est.
30. Cet homme répondit : C’est une chose étrange que vous ne sachiez pas d’où il est ; et cependant il m’a ouvert les yeux. Et il leur répondit : Voilà qui est étrange que vous ne sachiez pas d’où il est 2) ; et cependant il m’a ouvert les yeux.

Remarques.

1) Dans plusieurs manuscrits, il y a croire.

2) Vous ne savez pas d’où il est, répétition des paroles du discours dans le temple.


Οἴδαμεν δὲ, τι ἁμαρτωλῶν ὁ Θεός οὐϰ ἀϰούει, ἀλλ' ἐάν τις θεοσεβής ἦ ϰαὶ το δέλημα αἰτοῦ ποιῆ, τούτου ϰοόει.


Jean, ix, 31. Or nous savons que Dieu n’exauce point les méchants, mais si quelqu’un honore Dieu et fait sa volonté, il l’exauce. Nous 1) savons que Dieu n’exauce point les pécheurs mais qu’il exauce celui qui est pieux et qui accomplit la volonté de Dieu.
Remarques.

1) « Nous » signifie évidemment que ce n’est pas simplement un mendiant aveugle qui parle, mais quiconque a compris la doctrine de Jésus.


Ἐϰ τοῦ αἰῶνος οὐϰ ἠϰούσθη, ὅτι ἤνοιξέ τις ὀφθαλμούς τυφλοῦ γεγεννημένου.

Εἰ μὴ ἦν οὖτοις παρὰ Θεοῦ, οὐϰ ἠδύνατο ποιεῖν οὐδέν.

Ἀπεϰρίθησαν ϰαὶ εἶπον αὐτῷ· ἐν ἁμαρτίαις σὺ ἐγεννήθης ὅλος, ϰαὶ σὺ διδάσϰεις ἡμᾶς. Καὶ ἐξέβαλον αὐτόν ἔξω.

Ἤϰουσεν ὁ Ἰησοῦς, ὅτι ἐξέβαλον αὐτὸν ἔξω, ϰαὶ εὑρὼν αὐτόν, εἶπεν αὐτῷ· σὺ πιστεύεις εἰς τὸν υἱόν τοῦ Θεοῦ ;

Ἀπεϰρίθη ἐϰεῖνος ϰαὶ εἶπε· τίς ἐστι, ϰύριε, ἵνα πιστεύσω εἰς αὐτόν ;

Εἶπε δὲ αὐτῷ ὁ Ἰησοῦς· ϰαὶ ἑώραϰας αὐτόν, ϰαὶ ὁ λαλῶν μετὰ σοῦ ἐϰεῖνός ἐστιν.

Ὁ δὲ ἔφῆ πιστεύω, ϰύριε. Καὶ προσεϰύνησεν αὐτῷ.


Jean, ix, 32. On n’a jamais ouï dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né. On n’a jamais ouï dire que personne ait ouvert les yeux à un aveugle-né.
33. Si celui-ci n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire de semblable. S’il n’était pas de Dieu, il ne pourrait rien faire.
34. Ils lui répondirent : Tu es entièrement né dans le péché, et tu veux nous enseigner ? Et ils le chassèrent de la synagogue. Et on lui répondit : Tu es entièrement né dans le péché et tu nous enseignes ! Et ils le chassèrent.
35. Jésus apprit qu’ils l’avaient chassé ; et l’ayant rencontré il lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ? Jésus ayant appris qu’on l’avait chassé, et le rencontrant, lui dit : Crois-tu au Fils de Dieu ?
36. Il répondit : Qui est-il, Seigneur, afin que je croie en lui ? Il répondit : Qui est-il afin que je croie en lui ?

37. Et Jésus lui dit : Tu l’as vu et c’est lui-même qui te parle. Jésus lui dit : Tu l’as vu et tu le vois, et c’est lui-même qui te parle.
38. Et il dit : Je crois, Seigneur ! Et il se prosterna devant lui. Et il dit : Je crois, maître ! Et il s’inclina 1).

Remarques.

1) L’aveugle de naissance répond aux Pharisiens ce qu’il éprouve, et il ne peut dire davantage ; il n’avait pas vu la vraie vie, et ne la comprenait pas. Jésus lui a ouvert les yeux et maintenant il ne peut plus rien dire ni pour ni contre Moïse. Il a vu la vie, il dit qu’il la voit, c’est tout ce qu’il peut dire. Mais Jésus le rencontrant après qu’il a été chassé, lui demande : Est-ce que tu crois au Fils de Dieu ? Tout d’abord l’aveugle ne comprend pas ce que c’est que le Fils de Dieu. Jésus le lui explique : le Fils de Dieu c’est ce que tu connais, c’est ce qui te parle dans ton âme, toi-même — ce qui est dit dans l’entretien avec Nicodème — tu entends sa voix et la comprends.


Καὶ εἶπεν ὁ Ἰησοῦς· εἰς ϰρίμα ἐγώ εἰς τὸν ϰόσμον τοῦτον ᾖλθον, ἵνα οἱ μὴ βλέποντες βλέπωσι, ϰαὶ οἱ βλέποντες τυφλοί γένωνται.

Καὶ ἢϰουσαν ἐϰ τῶν φαρισαίων ταῦτα οἱ ὄντες μετ’ αὐτοῦ ϰαὶ εἶπον αὐτῷ· μὴ ϰαὶ ἡμεῖς τυφλοί ἐσμεν ;

Εἶπεν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· εἰ τυφλοί ἦτε, οὐϰ ἄν εἰχετε ἁμαρτίαν· νῦν δὲ λέγετε, ὅτι βλέπομεν, ἡ οὖν ἁμαρτία ὑμῶν μένει.


Jean, ix, 39. Et Jésus dit : Je suis venu dans le monde pour exercer ce jugement : que ceux qui ne voient point voient et que ceux qui voient deviennent aveugles. Et Jésus dit : Je suis venu dans ce monde pour diviser 1), pour que les aveugles commencent à voir et que ceux qui voient deviennent aveugles.

40. Et quelques-uns des Pharisiens qui étaient avec lui entendirent cela et lui dirent : Et nous, sommes-nous aussi des aveugles ? Et des Pharisiens, et d’autres avec eux entendirent cela et dirent : Nous considères-tu comme des aveugles ?
41. Jésus leur dit : Si vous étiez aveugles, vous n’auriez point de péché ; mais maintenant vous dites : Nous voyons. C’est à cause de cela que votre péché subsiste. Et Jésus leur dit : Si vous étiez aveugles vous ne seriez point dans l’erreur ; mais maintenant vous dites que vous voyez, et votre erreur est en vous.

Remarques.

1) Κρὶμα — division.


À la question : Pourquoi existe-t-il des gens privés de la compréhension du vrai bien ? en sont-ils eux-mêmes coupables, où sont-ce leurs parents ? Jésus répond que la question humaine : pourquoi, et la conception humaine de la justice ne sont pas applicables ici. Ni l’aveugle ni ses parents ne sont coupables. Il ne faut pas raisonner, mais il faut vivre par la lumière de l’entendement. Il était aveugle et il s’est mis à voir. Le Fils de l’homme, le Fils de Dieu, n’est venu dans le monde que pour séparer ceux qui voient de ceux qui ne voient pas, et celui-là seul qui voit et ne marche pas vers la lumière, est pécheur.


Σχίσμα οὐν πάλιν ἐγένετο ἐν τοῖς Ἰουδαίοις διὰ τούς λόγους τούτους·

Ελεγον δὲ πολλοὶ ἐξ αὐτῶν· δαιμόνιον ἐχει ϰαὶ μαίνεται· τί αὐτοῦ ἀϰούετε ;

Αλλοι ἔλεγον· ταῦτα τί ῥήματα οὐϰ ἔστι δαιμονεζομένου· μὴ δαιηόνιον, δύναται τυφλῶν ὀφθαλμοὺς ἀνοίγειν.


Jean, x, 19. Alors il y eut encore de la division entre les Juifs à cause de ce discours. La division s’éleva de nouveau parmi les Juifs à cause de ces paroles.
20. Et plusieurs d’entre eux disaient : Il est possédé du démon, et il est hors de sens ; pourquoi l’écoutez-vous ? Plusieurs d’entre eux disaient : Il est possédé ; pourquoi l’écouter ?
21. Les autres disaient : Ce ne sont pas là les discours d’un démoniaque ; le démon peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? Les autres disaient : Ce ne sont pas là les paroles d’un possédé. Le possédé ne peut pas ouvrir les yeux des aveugles.


Dans les deux chapitres précédents, Jésus dit que tout le culte des Juifs est faux, que la loi de Moïse est pleine de contradictions et de mensonges, qu’ils ignorent Dieu, et servent le diable, en l’appelant Dieu ; et il dit que lui leur donne la doctrine du vrai culte de Dieu par les actes.

À leurs questions sur les preuves de la véracité de sa doctrine, il dit que sa doctrine n’est pas à lui, qu’elle est à celui de qui nous tous sommes nés — la doctrine de la vie, et que pour savoir si sa doctrine est vraie, il faut vivre selon elle, comme il l’enseigne. Celui qui vivra ainsi deviendra libre. Il n’y aura pour lui ni crainte, ni mal, ni même la mort. Celui qui vivra ainsi se sentira participer au commencement de la vie — Dieu.

Celui qui vit pour la chair vit contrairement au principe de la vie, contrairement à Dieu. Il est semblable au serviteur qui demeure dans la maison du maître sans se soucier de la volonté du maître. Et il faut vivre comme le fils dans la maison du père, se confondre avec la volonté du père, et alors on vivra toujours avec le Père. Dans la vie en Dieu la mort n’existe pas ; elle fut et sera ; elle était avant le commencement du monde. Celui qui ne vit pas en Dieu ignore Dieu et on ne peut le lui expliquer. Pour comprendre Dieu, il faut vivre en Dieu. C’est pourquoi Jésus ne pouvait pas donner les preuves de la véracité de sa doctrine comme les Juifs l’exigeaient, et pour leur montrer plus clairement encore l’impossibilité de donner des preuves pareilles, il leur raconte la parabole de l’aveugle de naissance. Celui qui comprend par le cœur, celui-ci voit, et celui qui ne comprend pas ne voit pas, tant que les yeux ne lui sont pas ouverts ; et on ne peut pas prouver à un autre la véracité de la doctrine de la vie. Celui qui a compris le sens principal de la vie ne peut plus s’arrêter devant aucune considération ; il sait qu’il était aveugle et que, maintenant, il voit. Il sait qu’auparavant toute sa vie n’était que ténèbres et qu’elle est devenue la lumière. Mais pourquoi, auparavant, ne voyait-il pas la lumière, il l’ignore ; de même il ne peut savoir si celui qui lui a donné la lumière a eu raison ou tort de la lui donner le jour du sabbat. J’étais aveugle et maintenant je vois. Il n’y a pas d’autres preuves.


JÉSUS, PORTE DE LA VIE

Ἀμὴν, ἀμὴν λέγω ὑμῖν· ὁ μὴ εἰσερχόμενοθ διὰ τῆς συμας εἰς τὴν αὐλην τῶν προβάτων, ἀλλὰ ἀναβαίνων ἀλλαχόθεν, ἐϰεῖνος ϰλέπτης ἐστι ϰαὶ λῃστής.

Ὁ δέ εἰσερχόμενος δὶα τῆς θύρας ποιμήν ἐστι τῶν προβάτων.

Τούτῳ ὁ θυρωρὸς ἀνοίγει, ϰαὶ τὰ πρόβατα τῆς φωνῆς αὐτοῦ αϰούει, ϰαὶ τα ἴδια πρόβατα ϰαλεῖ ϰατ’ ὄνομα ϰαὶ ἐξάγει αὐτὰ·

Καὶ ὅταν τὰ ἴδια πρόβατα ἐϰβάλη, ἔμπροσθεν αὐτῶν πορεύεται. ϰαὶ τὰ πρόβατα αὐτῷ ἀϰολουθει, ὅτι οἴδασι τὴν φωνήν αὐτοῦ.

Ἀλλοτρίῳ δὲ οὐ μὴ ἀϰοουθήσωοσιν, ἀλλὰ φεύξονται ἀπ’ αὐτοῦ, ὅτι οὐϰ οἴδασι τῶν ἀλλοτοίων τὴν φονήν.

Ταύτην τὴν παροιμίαν εἶπεν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς. Ἐϰεῖνοι δὲ οὐϰ ἔγνωσαν, τίνα ἦν, ἅ ἐλάλει αὐτοῖς.


Jean, x, 1. En vérité, en vérité, je vous dis que celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie des brebis, mais qui y monte par un autre endroit, est un larron et un voleur. En vérité je vous dis que celui qui n’entre pas par la porte dans la bergerie des brebis, mais s’y glisse par un autre endroit, est un voleur et un brigand.
2. Mais celui qui entre par la porte est le berger des brebis. Mais celui qui entre par la porte est le pasteur de ses brebis.
3. Le portier lui ouvre, les brebis entendent sa voix, et il appelle ses propres brebis par leur nom, et les mène dehors. Le gardien lui ouvre la porte et les brebis entendent sa voix. Et il connaît chaque brebis par son nom et la laisse aller dans les prés.
4. Et quand il a mis dehors ses propres brebis, il marche devant elles, et les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix. Et quand il a fait sortir les brebis, lui-même marche devant elles. Et les brebis le suivent parce qu’elles connaissent sa voix.

5. Mais elles ne suivront point un étranger ; au contraire, elles le fuiront parce qu’elles ne connaissent point la voix des étrangers. Mais elles ne suivront point un étranger et s’enfuiront de lui, parce qu’elles ne connaissent point la voix des étrangers.
6. Jésus leur dit cette similitude ; mais ils ne comprirent point ce qu’il leur voulait dire. Jésus leur dit cette parabole ; mais ils ne comprirent point ce qu’il leur voulait dire.


Il s’agit toujours de la même chose : de prouver la fausseté de la religion juive et la véracité de la doctrine de Jésus. Après la parabole de l’aveugle à qui la vue a été donnée, on dit que cet éclairement aura lieu toujours, parce que la doctrine de Jésus ne consiste qu’en ce que tous les hommes connaissent, et qu’elle ne fait qu’aviver, qu’éclairer en eux, ce qui était dans leur cœur. Sa doctrine comparée aux doctrines fausses est comme l’apparition dans la bergerie du vrai berger comparée à celle du voleur qui pénètre dans la bergerie. Tous la reconnaissent immédiatement de même que les brebis reconnaissent leur pasteur. Ils sentent qu’elle les nourrira et leur donnera la vie, tandis qu’ils s’écartent de la doctrine fausse comme les brebis s’écartent du larron qui s’est introduit en franchissant la haie. Ils ne la reconnaissent pas et ont peur d’elle, pressentant le mal. Si Jésus leur disait des choses extraordinaires, étrangères aux hommes, ils pourraient avoir peur, de même que les brebis ont peur de celui qui entre par escalade dans la bergerie. Mais il leur parle de ce que tous connaissent en eux-mêmes, de la voie qui seule mène à la vie. Il entre par cette porte qui seule mène aux pâturages, à la vie. Et ce qu’il dit est connu des hommes, comme la voix du pasteur l’est des brebis. Et c’est pourquoi ils le suivront et recevront la vie.


Εἶπεν οὖν πάλιν αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· ἀμὴν, ἀμὴν λέγω ὑμῖν, ὅτι ἐγώ εἰμι ἡ θύρα τῶν προβάτον.

Πάντες, ὅσοι πρὸ ἐμου ἦλθον, ϰλέπαται εἰσί ϰαὶ λῃσταί· ἀλλ’ οὐϰ ἤϰουσαν αὐτῶν τὰ πρόβατα.

Ἐγώ εἰμι ἡ θύρα. δὲ ἐμοῦ ἐάν τις εἰσέλθη σωθήσεται, ϰαὶ εἰσελεύσεται ϰαὶ ἐξελεύσεται, ϰαὶ νομὴν εὑρήσει.

Ὁ ϰλέπτης οὐϰ ἔρχεται, εἰ μὴ ἵνα ϰλέψῃ ϰαὶ θύσῃ ϰαὶ ἀπολέσῃ· Ἐγώ ἦλθον, ἵνα ζωὴν εχωσι ϰαὶ περισσόν ἔχωσιν.


Jean, x, 7. Jésus donc leur dit encore : En vérité, en vérité je vous dis que je suis la porte des brebis. Et de nouveau Jésus leur dit : Je vous dis, en vérité, que ma doctrine est la porte des brebis.
8. Tous ceux qui sont venus avant moi ont été des larrons et des voleurs, et les brebis ne les ont point écoutés. Tous ceux qui sont venus avant moi ont été des voleurs et des larrons 1), et les brebis ne les ont point écoutés.
9. Je suis la porte : celui qui entrera par moi sera sauvé, il entrera et sortira, et trouvera de la pâture. Moi je suis la porte. Si quelqu’un entre par moi il sera sauf, il entrera et sortira et trouvera son pâturage.
10. Le larron ne vient que pour dérober, pour tuer et pour détruire ; mais moi je suis venu afin que mes brebis aient la vie, et qu’elles l’aient même avec abondance. Le voleur ne vient que pour dérober, tuer et détruire. Moi je suis venu par la porte pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait d’une façon suffisante.


Remarques.

1) Ὅσοι πρὸ ἑμοῦ ἦλθον, ϰλέπται εἰσί ϰαὶ λῃσταί…

Cela semble tout à fait clair. Tous ceux qui sont venus enseigner avant moi étaient des voleurs et des larrons. En d’autres termes : Moïse et tous les prophètes sont de faux docteurs. Les paroles : « La loi de Moïse et les prophètes jusqu’à Jean. La loi est donnée par Moïse, la vérité par Jésus-Christ », signifient la même chose. Il semble qu’on ne puisse exprimer plus clairement la négation de la loi de Moïse. Mais voici ce qu’en fait l’Église[3] :

En vérité, en vérité (l’affirmation de la vérité indiscutable de ses paroles) je vous dis. Les Pharisiens ne comprenant pas la parole imagée du Seigneur, Il leur en explique le sens.

Je suis la porte des brebis, la porte qui mène aux brebis, par laquelle le pasteur entre dans la bergerie. Il est le seul véritable intermédiaire entre Dieu et son peuple, le peuple élu, la seule voie pour les pasteurs et les brebis.

Tous ceux qui sont venus, etc. Plus haut, le Seigneur a appelé voleurs et larrons ceux qui n’entrent pas par la porte mais escaladent du dehors. Ici, il appelle du même nom tous ceux qui sont venus avant lui. Il n’entend pas dire ceux qui sont entrés par la porte, mais ceux qui se sont introduits par un endroit quelconque. C’est-à-dire qu’il ne comprend pas de ce nombre les vrais guides du peuple, placés par Dieu, les prophètes et les prêtres, qui ont agi en vrais esprits, mais tous les faux guides du peuple quels qu’ils soient : les faux prophètes, les faux messies, et, particulièrement ici, les Pharisiens, les ennemis du Christ et de son esprit, et qui, cependant, se regardaient comme les directeurs du peuple, et s’appelaient les précurseurs du Seigneur.

Les brebis ne les ont point écoutés, c’est-à-dire les vrais membres du peuple élu par Dieu, ceux qui ont formé le noyau du règne du Messie, ceux qui, comme il s’exprimait, lui étaient donnés par le Père, et, en général, tous les véritables membres du royaume de Dieu. Ils n’ont pas écouté la voix des faux guides, car ceux qui les ont écoutés et suivis n’étaient pas des membres véritables du royaume de Dieu, et ne lui appartenaient qu’en apparence.

Je suis la porte. La répétition marque la valeur du terme.

Celui qui entrera par moi. Cette phrase est liée à ce qui précède sur ceux qui entrent par la porte, mais il semble qu’à la fin de ce passage l’image soit plus large, et puisque par la porte ce ne sont pas uniquement les pasteurs qui entrent et sortent mais les brebis, il faut donc comprendre par ceux qui entrent et sortent, et les pasteurs et les brebis. Mais dans un sens plus étroit, on comprend par bergerie des brebis, le royaume du Messie, l’Église du Christ, c’est pourquoi l’on emploie l’expression sera sauvé ; c’est à dire qu’il aura le salut dans le royaume du Messie.

Le mot entrera signifie la satisfaction du besoin, l’assurance de la sécurité morale, la protection sûre, le toit où l’on peut trouver la paix de l’esprit et le repos en Dieu, comme les brebis trouvent dans la bergerie, la protection, le toit et le repos. Les mots sortira et trouvera signifient la satisfaction des besoins de la nourriture morale, de la nourriture de la vérité, du bien, de la beauté dans le royaume du Messie, où, pour la satisfaction de tous les besoins de l’esprit, il y a l’abondance de toutes choses, un champ large où chacun peut se nourrir à sa suffisance. Dans le royaume du Christ, il y a tout pour la satisfaction de n’importe quels besoins moraux.

Le voleur vient… Je suis venu, etc. La première image dans laquelle le Seigneur se présente sous le symbole de la porte conduisant à la bergerie. Cette image est finie, et le Seigneur, continuant la même représentation imagée, pour mieux expliquer sa pensée, change les images de sa parole et se présente non plus comme la porte mais comme le bon pasteur. Avec ce changement le Seigneur s’oppose directement, comme vrai guide du peuple, aux guides faux, qu’il nomme des voleurs. Le larron qui pénètre dans la bergerie par escalade a un but de lucre, et de plus, il est dangereux pour les brebis : il vole, il tue. Ainsi font les faux pasteurs, les faux guides du peuple, qui ne sont pas envoyés par le Christ et n’agissent pas en son nom. Tels sont les Pharisiens qui ne se guident que par le lucre et dont l’activité entraîne la perte des brebis. Ils les tuent moralement, car par leur doctrine fausse et leur activité, ils les détournent de la vraie vie en Dieu et en Christ, en lesquels est la vraie vie de l’esprit. Au contraire, le vrai pasteur, Christ, donne la vie et non la mort, la vie avec abondance. Il est venu précisément pour que ceux qui veulent être les brebis de sa bergerie aient la vie ; et la vie avec abondance, s’entend la vie spirituelle unie au Christ dans son royaume. La même pensée se retrouve en de nombreux passages où l’on promet la vie aux membres du royaume de Christ.

Avec abondance. Cette image est prise de l’abondance du champ de blé qui contient plus de grain qu’il n’en faut pour satisfaire les besoins de la nourriture. C’est la même pensée exprimée dans d’autres passages : Nous avons reçu de son abondance, etc.

Voici ce que dit Reuss (p. 234, 235) :

Les Pharisiens n’ayant pas compris ou n’ayant pas voulu comprendre, Jésus reprend son allégorie et sa polémique. Encore une fois il se nomme la porte, mais cette fois-ci, il l’est pour le troupeau lui-même. Heureuses les brebis qui savent trouver cette porte pour se mettre en sûreté dans le bercail, qui échappent ainsi aux voleurs rôdant au dehors ! Voilà en deux mots le sens de ce petit tableau, dont nous nous garderons bien d’éplucher tous les éléments. Si nous insistons par exemple sur ce que le bercail doit être le royaume de Dieu, comment expliquerons-nous que les brebis en sortiront pour trouver leur pâture ? Évidemment le mot sortir n’est là que pour les besoins de l’image, le pâturage n’étant pas dans le bercail. Par la même raison, nous disons sauf et non sauvé, parce qu’il est encore question d’animaux qui s’abritent. Si l’auteur a mis quelqu’un il, etc., c’est qu’il a mêlé à l’image une interprétation pratique parfaitement juste, mais qui brouille un peu les couleurs du tableau. Mais il va sans dire que la pâture aussi a son sens spirituel très facile à trouver. La phrase relative aux voleurs a dérouté les théologiens. On s’en est effrayé comme si l’auteur avait voulu faire dire à Jésus que tous les conducteurs antérieurs du peuple d’Israël, les prophètes compris, avaient été de faux bergers. Les Gnostiques en ont profité pour justifier leur rejet de l’Ancien Testament. Les copistes intimidés ont rayé ces deux mots : avant moi, comme si cela changeait le sens. Le fait est que le troupeau est la génération contemporaine, par conséquent les voleurs sont ceux qui, à cette époque-là, avaient prétendu s’emparer de la direction spirituelle de la nation juive et contre les attaques desquels Jésus était venu ouvrir aux siens (chap. vi, 45) la porte de refuge, en les recevant dans son sein ou dans ses bras. Comme il fait ici allusion à un fait, le noyau de son troupeau étant déjà formé, il pouvait dire : les brebis ne les ont pas écoutés. Par cette tournure le discours quitte le terrain de la théorie ou de l’idéal et s’engage pour un moment dans celui de l’histoire. (Nous avons fait voir dans l’introduction, p. 82, que l’expression du v. 8 dépasse le but prochain auquel nous nous sommes arrêtés ici.

Je rapporte il sera sauf, il entrera, il sortira, il trouvera le pâturage, aux brebis, puisque sans cela non seulement se perd le sens de la comparaison, mais celui de l’image de la porte.

Voici comment je comprends : Jésus-Christ se compare à une brebis, en tant qu’homme ; mais en outre, il compare sa conscience divine à la porte. C’est pourquoi, plus loin, il dit : Le larron ne vient que pour dérober, pour tuer et pour détruire ; mais moi je suis venu afin que mes brebis aient la vie, et qu’elles l’aient même avec abondance (Jean, x, 10). Abandonnant la comparaison de la porte, il se compare au pasteur.


EXPLICATION DE LA PARABOLE DU PASTEUR ET DES BREBIS

Ἐγώ εἶμι ὁ ποιμήν ὁ ϰαλός· ὁ ποιμήν ὁ ϰαλός τὴν ψυχήν αὐτοῦ τίθησιν ὑπὲρ τῶν προβάτων,

Ὁ μισθωτὸς δὲ ϰαὶ οὐϰ ὤν ποιμὴν, οὖ οὐϰ εἰσί τὰ πρόβατα ἴδια ; θεωρεῖ τὸν λύϰον ἐρχόμενον ϰαὶ ἀφίησι τά πρόβατα ϰαὶ φεύγει, ϰαὶ ὁ λύϰος ἁρπάζει αὐτά ϰαὶ σϰορπίζει τά πρόβατα.

Ὁ δὲ μισθωτός φεύγει, ὅτι μισθωτός ἐστι, ϰαὶ οὐ μέλει αὐτῷ περὶ τῶν προβάτων.

Ἐγώ εἰμι ὁ ποιμὴν ὁ ϰαλός, ϰαὶ γινώεϰω τὰ ἐμὰ, ϰαὶ γινώσϰομαι ὑπό τῶν ἐμῶν.

Καθώς γινώσϰει μὲ ὁ πατήρ, ϰᾷγώ γινώσϰω τὸν πατέρα, ϰαὶ τὴν φυχήν μου τίθημε ὑπὲρ τῶν προβάτων.

Καὶ ἀλλά πρόβατα ἔχω, ἅ οὐϰ ἐστιν ἐϰ τὴς αὐλῆς, ταύτης ϰᾷϰεῖνά με δεῖ ἀγαγεῖν· ϰαὶ τῆς φωνῆς μου ἀϰούσουσι, ϰαὶ γενήσεται μία ποίμνη, εἶς ποιμήν.

Διά τοῦτο ὁ πατήρ με ὀγαπᾷ, ὅτι ἐγω τίθημι τὴν ψυχήν μου, ἵνα πάλιν λάβω αὐτὴν.

Οὐδεὶς αἵρει αὐτὴν ἀπ’ ἐμοῦ, ἀλλ’ ἐγώ τίθημι αὐτὴν ἀπ’ ἐμαυτοῦ· ἐξουσίαν ἐχω θεῖναι αὐτήν ϰαὶ ἐξουσίαν ἔχω πάλιν λαβεῖν αὐτήν· ταύτην τήν ἐντολήν ἔλαβον παρὰ τοῦ πατρός μου.


Jean, x, 11. Je suis le bon berger ; le bon berger donne sa vie pour ses brebis. Je suis le bon berger 1). Le bon berger donne sa vie pour ses brebis.
12. Mais le mercenaire, celui qui n’est point le berger et à qui les brebis n’appartiennent pas, voit venir le loup, et il abandonne les brebis et s’enfuit, et le loup ravit les brebis et les disperse. Mais le mercenaire n’est point le berger ; les brebis ne sont point à lui ; voit-il venir un loup, il abandonne les brebis et s’enfuit, et le loup ravit les brebis et les disperse.
13. Le mercenaire s’enfuit, parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se soucie point des brebis. Le mercenaire s’enfuit parce qu’il est mercenaire, et qu’il ne se soucie point des brebis.
14. Je suis le bon berger, et je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent. Je suis le bon berger ; je connais mes brebis et elles me connaissent.
15. Comme mon Père me connaît, et comme je connais mon Père, et je donne ma vie pour mes brebis. De même que le Père me connaît et je connais le Père, et je donne ma vie pour les brebis.
16. J’ai encore d’autres brebis qui ne sont pas de cette bergerie ; il faut aussi que je les amène, et elles entendront ma voix, et il n’y aura qu’un seul troupeau et qu’un seul berger. Et j’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de la même bergerie, il faut aussi que je les fasse sortir, et elles entendront ma voix, et il n’y aura qu’un seul troupeau et qu’un seul berger.
17. C’est pour cela que mon Père m’aime, parce que je donne ma vie pour la reprendre. C’est pour cela que mon père m’aime, parce que je donne ma vie pour la recevoir de nouveau.

18. Personne ne me l’ôte, mais je la donne de moi-même ; j’ai le pouvoir de la quitter, et j’ai le pouvoir de la reprendre ; j’ai reçu cet ordre de mon Père. Personne ne me la prend, je la donne volontairement et j’ai le pouvoir de la reprendre. Ce commandement 2), je l’ai reçu de mon Père.

Remarques.

1) Le bon berger, comme le maître lui-même ou le fils du maître.

2) Le commandement du Père consiste à donner la vie de la chair pour la vie en Dieu.


Cette parabole des brebis et du berger qui s’est déjà présentée à Jésus-Christ, quand le peuple lui semblait pareil aux brebis dispersées sans berger, est expliquée maintenant, par Jésus-Christ, à trois points de vue différents :

1) Il dit qu’il a répété plusieurs fois qu’il y a beaucoup de chemins mais toujours une seule entrée. Il dit que la bergerie n’a qu’une porte, et qu’une sortie sur le pâturage, c’est-à-dire pour se nourrir — vivre. De même pour la vie de l’homme, il n’y a qu’une sortie : l’entendement de la vie, c’est-à-dire ce qu’il enseigne. Toute doctrine qui n’est pas basée sur l’entendement de la vie est fausse, et tous le savent, de même que les brebis savent quand un voleur escalade la haie.

2) Il dit qu’il est entré par cette porte et il appelle les hommes à l’y suivre pour recevoir la vie. Et de même que les brebis suivent le berger, qui entre par la porte et dont elles connaissent la voix, de même les hommes le suivront ; et non seulement ceux auxquels il s’adresse, mais tous les hommes. Si l’on réunit les brebis en un seul troupeau conduit par un seul berger, ainsi sa doctrine réunira tous les hommes.

3) Il dit : Outre que dans la bergerie les brebis reconnaissent distinctement le vrai berger du voleur, dans les prés, au pâturage, le vrai berger se distingue du mercenaire. Ici Jésus-Christ oppose le berger mercenaire au fils de la maison qui paît le troupeau du père. Le mercenaire s’enfuira à l’approche du loup, car il ne se soucie pas des brebis, tandis que le fils de la maison ne s’épargnera pas pour les brebis, parce que les brebis appartiennent à son père. Il n’abandonne pas les brebis parce qu’elles sont ses brebis, et qu’il est leur berger et leur maître. Ainsi la doctrine de Moïse était une doctrine fausse parce que, selon elle, il y avait le vol, le pillage, et des avantages pour ceux qui la propageaient. Selon la doctrine de Jésus, il n’y a ni vol, ni pillage, et non seulement il n’y a pas avantage pour celui qui la propage, au contraire, toute sa doctrine consiste à donner sa vie pour les autres afin de recevoir la vraie vie. C’est en cela que consiste le commandement du Père, qu’il enseigne aux hommes.


Σχίσμα οὖν πάλιν ἐγένετο ἐν τοῖς Ἰουδαίοις διὰ τοὺς λόγους τούτους.

Ἔλεγον δὲ πολλοὶ ἐξ αὐτῶν· δαιμόνιον ἔχει ϰαὶ μαίνεται· τὶ αὐτοῦ ἀϰούετε ;

Ἀλλοι ἔλεγον· ταῦτα τὰ ῥήματα οὐϰ ἐστι δαιμονιζομένου· μὴ δαιμόνιον δύναται τυφλῶν ὀφθαλμούς ἀνοίγειν.


Jean, x, 19. Alors il y eut encore de la division entre les Juifs à cause de ce discours. De nouveau la division se fit entre les Juifs à cause de ces paroles.
20. Et plusieurs d’entre eux disaient : Il est possédé du démon, et il est hors de sens, pourquoi l’écoutez-vous ? Plusieurs disaient : Il est possédé et il est fou ; pourquoi lui obéissez-vous ?
21. Les autres disaient : Ce ne sont pas là les discours d’un démoniaque. Le démon peut-il ouvrir les yeux des aveugles ? Les autres disaient : Ces paroles ne sont pas celles d’un fou. Celui qui est fou ne peut pas ouvrir les yeux des aveugles.


Les versets 22 et 23, où il est question d’une certaine fête, ayant lieu en hiver, introduisent un détail qui n’est en rien nécessaire d’autant plus que le discours prononcé dans ce cas suit immédiatement ce qui a été dit auparavant.


Ἐϰύϰλωσαν οὖν αὐτὸν οἱ Ἰουδαῖοι ϰαὶ ελεγον αὐτῷ· εως πότε τὴν ψυχὴ ἡμῶν αἴρεις ; εἰ σὺ εἶ ὁ Χριστός, εἰπὲ ἡμῖν παῤῥησία.

Ἀπεϰρίθη αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· εἶπον ὑμῖν, ϰαὶ οὐ πιστεύετε· τὰ ἔργα, ἄ ἐγώ ποιῶ ἐν τῷ ὀνόματι τοῦ πατρός μου, ταῦτα μαρτυρεῖ περὶ ἐμοῦ.

Ἀλλ' ὑμέῖς οὐ πιστεύετε, οὐ γὰρ ἐστε ἐϰ τῶν προβάτων τῶν ἐμῶν, ϰαθώς εἶπον ὑμῖν.

Τὰ πρόβατα τὰ ἐμά τῆς φώνῆς μου ἀϰούει, ϰἀγὼ γινώσϰω αὐτὰ, ϰαὶ ἀϰολουθοῦσί μοι.

Κἀγὼ ζωήν αἰώνιον δίδωμι αὐτοῖς, ϰαὶ οὐ μὴ ἀπὸλωνται εἰς τὸν αἰῶνα, ϰαὶ οὐχ ἁρπάσει τις σὐτὰ ἐϰ τῆς χειρός μου.

Ὁ πατήρ μου, ὅς δέδωϰέ μοι, μείζων πάντων ἐστι, ϰαὶ οὖδεὶς δύναται ἁρπάζειν αὐτά ἐϰ τῆς χειρὸς τοῦ πατρός μου.

Ἐγώ εἰμι ἡ ἀνάστατις ϰαὶ ἡ ζωή· ὁ πιστεύων εἰς ἐμὲ, ϰἄν ἀποθάνη, ζήσεται.

Καὶ πᾶς ὁ ζῶν ϰαὶ πιστεύων εἰς ἐμέ οὐ μὴ ἀποθάνη εἰς τὸν αἰῶνα.

Ἐγώ ϰαὶ ὁ πατήρ ἔν ἐσμεν.


Jean, x, 24. Les Juifs s’assemblèrent autour de lui et lui dirent : Jusqu’à quand nous tiendras-tu l’esprit en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le-nous franchement. Les Juifs l’entourèrent et lui dirent : Jusqu’à quand nous tourmenteras-tu ? Si tu es le Christ, dis-le nous.
25. Jésus leur répondit : Je vous l’ai dit, et vous ne le croyez pas ; les œuvres que je fais au nom de mon Père rendent témoignage de moi ; Jésus leur répondit : Je vous l’ai déjà dit et vous ne le croyez pas. La manière dont je vis, selon la doctrine de mon Père, vous montre qui je suis.
26. Mais vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes point de mes brebis, comme je vous l’ai dit. Mais vous ne croyez pas, parce que vous n’êtes point de mes brebis, comme je vous l’ai dit.
27. Mes brebis entendent ma voix, et je les connais, et elles me suivent. Mes brebis comprennent ma voix, et je les connais et elles me suivent.
28 Je leur donne la vie éternelle, elles ne périront jamais ; et nul ne les ravira de ma main. Et moi je leur donne la vie en dehors du temps, et elles ne périront pas dans ce siècle et personne ne me les ravira.
29. Mon Père qui me les a données est plus grand que tous ; et personne ne les peut ravir de la main de mon Père. Mon Père qui me les a confiées est plus grand que tous ; et personne ne peut les ravir à mon Père.

xi, 25. Jésus lui dit : je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. Je suis le réveil et la vie. Celui qui croit en moi, bien qu’il meure, restera vivant.
26. Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra point pour toujours. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra pas dans ce siècle.
x, 30. Moi et mon Père nous ne sommes qu’un. Moi et mon Père nous ne sommes qu’un.


Les Juifs supplient Jésus de leur révéler s’il est le Christ. Ils souffrent visiblement, comme ont souffert et souffrent ceux qui doutent que Christ soit la seconde personne de la sainte Trinité, qui ont peur de rejeter ce que des milliards d’hommes croient et professent comme la vraie religion sans laquelle on ne peut être sauvé, et qui craignent de reconnaître pour vérité le mensonge. Ils supplient Jésus de soulager leur âme, de les tirer du doute pénible. Et que leur répond-il ? Il continue la parabole des brebis, et dit que lui et le Père ne font qu’un ; mais il ne répond à leur question ni par oui, ni par non. Il ne résout pas leur doute angoissant, notre doute à tous, aux milliards d’hommes qui sont venus après lui. S’il était Dieu, comment Dieu tout-puissant, omniscient, pouvait-il ignorer toutes les souffrances qu’auraient à supporter les Juifs ainsi que les milliards d’hommes tourmentés par le doute et privés du salut ? Pouvait-il ne pas avoir pitié d’eux et de nous ? Il n’avait qu’à dire : Oui, je suis Dieu, et les Juifs et nous tous serions heureux.

Si même Dieu n’était un saint, s’il n’était tout simplement qu’un homme, et si même il était un homme méchant, connaissant tout l’abîme du mal qui devait provenir du doute, il n’aurait pas pu ne point répondre : Oui, je suis le Christ-Messie, ou : Non, je ne le suis pas. Mais il n’a dit ni l’un ni l’autre, et tous les évangélistes ont précisément noté cette cruauté, s’il était Dieu comme le comprend l’Église, cet esquivement, s’il était homme, comme l’admettent les historiens. Il n’a dit ni l’un ni l’autre, mais il a répété encore plus haut et plus fort ce qu’il avait dit auparavant.

Expliquant qui il est, au nom de qui il enseigne, en quel sens il est Christ élu de Dieu, et en quel sens il n’est pas Christ, il dit : Moi et mon Père nous ne sommes qu’un. Il a répondu tout ce qu’il pouvait répondre. Il ne pouvait répondre autrement parce qu’il se reconnaissait Christ, l’élu de Dieu, mais non dans le sens que les Juifs donnaient au mot Christ-Messie. S’il leur eût dit qu’il était le Christ, ils eussent vu en lui le Prophète-Roi et n’auraient pu admettre qu’il était un homme ayant élevé en soi l’entendement de la vie pour l’éveiller ensuite dans les autres. S’il leur avait dit qu’il n’était pas Christ, il les eût privés du vrai bien qu’il prêchait aux hommes, et cela eût été inexact, car il se sentait Christ, l’élu de Dieu. Il leur a dit, auparavant, qu’il est venu du Père, que le Père l’a envoyé, qu’il ne fait qu’exécuter la volonté du Père, qu’il n’est que le berger qui indique aux brebis la porte de la bergerie, qu’il donne la vie éternelle à ceux qui le croient, et que le Père des hommes, Dieu, les mène à lui ; enfin que lui et le Père ne font qu’un ; c’est-à-dire qu’il est l’entendement.


Ἐβάστασν οὖν πάλιν λίθους οἱ Ἰουδαῖοι ἵνα λιθάσωιν αὐτὸν.

Ἀπεϰρίθῆ αὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· πολλὰ ϰαλὰ ἔργα ἔδειξα ὑμῖν ἐϰ τοῦ πατρὸς μου· δὶα ποῖον αὐτῶν ἔργον λιθάζετέ με ;

Ἀπεϰρίθησαν αὐτῷ οἱ Ἰουδαῖοι, λέγοντες περὶ ϰαλοῦ ἔργου οὐ λιθάζομὲν σε, ἀλλὰ περὶ βλασφημίας, ϰαὶ ὅτι σὺ, ἄνθρωπος ὤν, ποιεῖς σεαυτὸν Θεὸν.

Ἀπεϰρίθῆ ἁὐτοῖς ὁ Ἰησοῦς· οὐϰ ἔστι γεγραμμένον ἐν τῷ νόμῳ ὑμῶν· Ἐγὼ εἶπα, θεοί ἐστε ;

Εἰ ἐϰείνους εἶπε θεοὺς, πρὸς οὔς ὁ λόγος τοῦ Θεοῦ ἐγένετο, ϰαὶ οὐ δύναται λυθῆναι ἡ γραφή.

Ὅν ὁ πατὴρ ἡγίασε καὶ· ἀπέστειλεν εἰς τὸν ϰόσμον, ὑμεῖς λέγετε, ὅτι βλασφημεῖς, ὅτι εἶπον υἱός τοῦ Θεοῦ εἰμι ;


Jean, x, 31. Alors les Juifs prirent encore des pierres pour le lapider. Et de nouveau les Juifs prirent des pierres pour le lapider.
32. Jésus leur répondit : J’ai fait devant vous plusieurs bonnes œuvres de la part de mon Père ; pour laquelle me lapidez-vous ? Et Jésus leur dit : Je vous ai montré plusieurs bonnes œuvres de mon Père ; pour laquelle voulez-vous me lapider ?
33. Les Juifs lui répondirent : Ce n’est point pour une bonne œuvre que nous te lapidons, mais c’est à cause de ton blasphème, et parce que, étant homme, tu te fais Dieu. Les Juifs lui répondirent : Ce n’est point pour une bonne œuvre que nous te lapiderons, mais pour ton blasphème, parce que toi, étant homme, tu veux passer pour Dieu.

34. Jésus leur répondit : N’est-il pas écrit dans votre loi : J’ai dit : Vous êtes des dieux ? Et Jésus leur répondit : N’est-ii pas écrit dans votre loi : « Moi Dieu, je dis que vous êtes des dieux ? » S’il appelait dieux ceux à qui il parlait, et si l’Écriture reste intacte,
35. Si elle a appelé dieux ceux à qui la parole de Dieu était adressée, et si l’Écriture ne peut être rejetée,
36. Dites-vous que je blasphème, moi que le Père a sanctifié, et qu’il a envoyé dans le monde, parce que j’ai dit : Je suis le Fils de Dieu ? Alors, à celui que le Père aima 1) et envoya dans le monde, dites-vous : « Il blasphème », parce que j’ai dit que je suis le fils de Dieu ?

Remarques.

1) Dans plusieurs copies il y a ὁ πατὴρ ἡγάπγσε la même pensée qui se trouve dans l’entretien avec Nicodème (iii, 16), où, évidemment, ces paroles se rapportent à l’esprit de Dieu qui se trouve en chaque homme.


Εἰ οὐ ποιῶ τὰ ἔργα τοῦ πατρός μου, μὴ πιστεύετε μοι.

Εἰ δὲ ποιῶ, ϰᾄν ἐμοί μὴ πιστεύητε, τοῖς ἔργοις πιστεύσατε, ἵνα γνῶτε ϰαὶ πιστεύσητε, ὅτι ἐν ἐμοι ὁ πατήρ, ϰἀγώ ἐν αὐτῷ.


Jean, x, 37. Si je ne fais pas les œuvres de mon père, ne me croyez point. Si je ne fais pas ce que mon Père fait, ne me croyez point.
38. Mais si je les fais, et que vous ne voulez pas me croire, croyez à mes œuvres, afin que vous connaissiez et que vous croyiez que le Père est en moi et que je suis en lui. Mais si je fais ce que mon Père fait, alors ne me croyez pas mais croyez à mes œuvres, et vous comprendrez que le Père est en moi et que je suis en lui.


Jésus dit qu’il est Christ en ce sens qu’il a en lui l’entendement, seul Dieu que nous connaissons, et c’est pourquoi Dieu et lui sont identiques. Les Juifs veulent le tuer. Il leur demande : Pourquoi ? Est-ce que l’entendement a jamais fait quelque chose de mauvais ? Les œuvres de cet entendement, les œuvres du Père, étaient-elles mauvaises ? Pourquoi donc lapider ?

Ils répondent : Tu blasphèmes en t’appelant Dieu. Et lui leur dit : Qu’y a-t-il là de blasphématoire ? Dans l’Écriture il est dit : Vous êtes des dieux. En effet, dans le Psaume 82, où Dieu reproche leur injustice aux puissants de ce monde, il est dit : « Ils ne connaissent ni n’entendent rien ; ils marchent dans les ténèbres. J’ai dit : Vous êtes dieux et vous êtes tous enfants de Jéhovah ». Alors si les hommes mauvais, dans l’Écriture à laquelle vous croyez, sont appelés dieux, comment dites-vous de moi, qui accomplis la volonté de Dieu, que je blasphème, quand je dis que je suis le fils de Dieu ? Si mes actes sont mauvais, blâmez-les ; mais croyez que les œuvres de Dieu, que je fais, sont du Père. En accomplissant les œuvres de Dieu, je suis en le Père et le Père est en moi.


Εἶπεν αὐτῇ ὁ Ἰησοῦς· ἐγώ εἰμι ἡ ἀνάστασις ϰαὶ ἡ ζωή· ὁ πιστεύων εἰς ἐμὲ, ϰᾄν ἀποθάνη, ζήσεται.

Καὶ πᾶς ὁ ζῶν ϰαὶ πιστεύων εἰς ἐμὲ οὐ μὴ ἀποθανῃ εἰς τὸν αἰῶνα.


Jean, xi, 25. Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie : celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort. Et Jésus dit : Ma doctrine est la doctrine de l’éveil à la vie. Celui qui croit en ma doctrine, si même il meurt sera vivant.

26. Et quiconque vit et croit en moi ne mourra point pour toujours. Et quiconque vit et croit en ma doctrine ne mourra point.

Ἐζήτουν οὖν πάλιν αὐτόν πιάσαι, ϰαὶ ἐξῆλθεν ἐϰ τῆς χειρός αὐτῶν,

Καὶ ἀπῆλθε πάλιν πέραν τοῦ Ἰορδάνου, εἰς τὸν τόπον, ὅπου ἦν Ἰωάννης τὸ πρῶτον βαπτίζων· ϰαὶ ἔμεινεν ἐϰεῖ.

Καὶ πολλοί ἦλθον πρὸς αὐτὸν ϰαὶ ἔλεγον, ὅτι Ἰωάννης μὲν σημεῖον ἐποίησεν οὐδέν· πάντα δὲ, ὅσα εἶπεν Ἰωάννης περὶ τούτου, ἀληθῆ ἦν.

Καὶ ἐπίστευσαν πολλοί ἐϰεῖ εἰς αὐτὸν.

Ἐλθών δὲ ὁ Ἰησοῦς εἰς τὰ μὲρη Καισαρείας τῆς Φιλίππου, ἠρώτα τοὺς μαθητὰς αὐτοῦ, λέγων· τίνα με λέγουσιν οἱ ἄνθρωποι εἶναι, τὸν υἱόν τοῦ ἀνθρώπου ;

Οἱ δὲ εἶπον· οἱ μὲν Ἰωάννην τὸν Βαπτιστήν, ἄλλοι δὲ Ἠλίαν, ἔτεροι δὲν Ἰερεμιάν, ἤ ἕνα τῶν προφητῶν.

Λέγει αὐτοῖς ὗμεῖς· δὲ τίνα με λέγετε εἶναι ;

Ἀποϰριθείς δὲ Σίμων Πέτρος εἶπε· Σύ εἶ ὁ Χριστὸς, ὁ υἱός τοῦ Θεοῦ του ζῶντος.

Ῥήματα ζωῆς αἰωνίου ἔχεις.

Καὶ ἀποϰριθείς ὁ Ἰησοῦς εἶπεν αὐτῷ· μαϰάριος εἶ, Σίμων, βὰρ Ἰωνᾶ, ὅτι σὰρξ ϰαὶ αἶμα οὐϰ ἀπενάλυψέ σοι, ἀλλ’ ὁ πατήρ μου ὁ ἐν τοῖς οὐρανοῖς.

Κᾀγὼ δὲ σοι λέγω, ὅτι σύ εἶ Πέτρος, ϰαὶ ἐπὶ ταύτῃ τῇ πέτρᾳ οἰϰοδομήσω μου τήν ἐϰϰλησίαν, ϰαὶ πύλαι ᾅδου οὐ ϰατισχύσουσιν αὐτῆς.


Jean, x, 39. Ils cherchaient donc encore à se saisir de lui ; mais il échappa de leurs mains. Et les Juifs cherchaient de nouveau le moyen de le vaincre. Et il ne leur céda point.
40. Et il s’en alla de nouveau au delà du Jourdain, au lieu où Jean avait d’abord baptisé, et il demeura là. Et il s’en alla de nouveau au delà du Jourdain, au lieu où Jean avait autrefois baptisé. Et il y demeura.

41. Et il vint à lui beaucoup de gens qui disaient : Jean n’a fait aucun miracle ; mais tout ce que Jean a dit de cet homme-ci est vrai. Et plusieurs de ses disciples s’éloignèrent et dirent que Jean n’avait pas donné de preuves, mais que tout ce qu’il en avait dit était juste.
42. Et il y en eut là plusieurs qui crurent en lui. Et là, plusieurs crurent en sa doctrine.
Matthieu, xvi, 13. Et Jésus, étant arrivé dans le territoire de Césarée de Philippe, demanda à ses disciples : Qui disent les hommes que je suis, moi le Fils de l’homme ? Et Jésus s’en alla dans les villages de Césarée, Philippe, et il demanda à ses disciples : Comment les hommes comprennent-ils que je suis le Fils de Dieu ?
14. Et ils lui répondirent : Les uns disent que tu es Jean-Baptiste ; les autres Élie ; et les autres, Jérémie, ou l’un des prophètes. Ses disciples lui répondirent : Les uns comprennent comme Jean-Baptiste ; d’autres comme Elie ; d’autres encore comme Jérémie ou comme l’un des prophètes.
15. Il leur dit : Et vous, qui dites-vous que je suis ? Et il leur dit : Et vous, comment me comprenez-vous ?
16. Simon Pierre, prenant la parole, dit : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. Simon, dit Pierre, lui dit en réponse : Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant.
Jean, vi, 68. Tu as les paroles de la vie éternelle. Ici sont les paroles de la vie éternelle.
Matthieu, xvi, 17. Et Jésus lui répondit : Tu es heureux, Simon, fils de Jona ; car ce n’est pas la chair et le sang qui t’ont révélé cela, mais c’est mon Père qui est dans les cieux. Et Jésus lui répondit : Tu es heureux Simon, fils de Jona, car ce n’est pas un mortel 1) qui te l’a révélé, mais mon Père Dieu.
18. Et moi je te dis aussi que tu es Pierre, et que sur cette pierre je bâtirai mon Église, et les portes de l’Enfer ne prévaudront point contre elle. Et je te dis que tu es pierre, et sur cette pierre, je bâtirai ma réunion des hommes et la mort même ne vaincra pas cette réunion 2).
Remarques.

1) En hébreu, « la chair et le sang », signifie mortel.

2) Les paroles du verset 19 : « Tout ce que tu délieras », etc., sont placées ici arbitrairement ; pour les fins de l’Église on les a transposées de Matthieu, xviii, 18, où elles sont adressées non à un seul, mais à tous. Ici elles n’ont point de sens, et ne sont liées à rien.


Simon a parfaitement compris ce que Jésus disait de lui-même, et il l’a exprimé complètement. Il a dit : Tu es ce que tu dis ; tu es le fils de la vie ; ta doctrine est la vie. Et Jésus lui répond : Tu es heureux, car tu l’as compris non de moi, mortel, mais de l’esprit de Dieu. Maintenant qu’à la base de ta vie est, — non mes paroles ni ma prophétie, — l’entendement de Dieu, tu es ferme, et ce n’est que sur cet entendement que sera basée la véritable union des hommes.


Τότε διστείλατο τοῖς μαθηταῖς αὐτοῦ, ἵνα μηδενὶ εἴπωσιν, ὅτι αὐτὸς ἐστιν Ἰησοῦς ὁ Χριστός.


Matthieu, xvi, 20. Alors il interdit à ses disciples de dire à personne que lui, Jésus, fût le Christ. Alors il parla à ses disciples pour qu’ils ne disent à personne qu’il était le Christ 1).

Remarques.

1) Διαστέλλω signifie diviser, distinguer ; interpréter serait trop faible. Mais pourquoi l’a-t-on traduit par interdire ? La raison en est peut-être que plus loin Jésus dit à Pierre qu’il l’a compris comme Christ en sens de Fils du Dieu vivant, et il ajoute : car ce n’est pas de moi, Jésus mortel, mais de l’esprit de Dieu, et ce n’est que sur une telle compréhension que peut se fonder la réunion des hommes. Il dit à ses disciples, après cela, qu’il leur a expliqué en quel sens il est Christ, pour qu’ils ne tombent pas dans l’erreur en disant de lui : Jésus mortel de Nazareth est le Christ.

Ce verset se trouve dans les autres synoptiques, mais le mot διαστέλλω est remplacé par ἐπιτιμάω, c’est-à-dire interdit. Le sens, comme nous le voyons, est déjà un peu affaibli.

Voici les ratiocinations de l’Église[4].

Il interdit à ses disciples, etc. Cette interdiction pouvait être motivée d’un côté, par la crainte d’allumer prématurément les passions parmi le peuple avec ses idées fausses sur le Messie ; d’un autre côté par la crainte d’éveiller prématurément, chez les Pharisiens et les chefs, une colère démesurée qui pouvait mettre en danger sa vie avant que son heure fût venue. Enfin, c’était peut-être parce que les disciples ne l’avaient pas encore compris, puisqu’ils avaient encore de lui une idée fausse, le reconnaissant pour le Messie lui-même et non pour son précurseur.

Il fallait encore le temps que ceux qui pouvaient comprendre son activité et sa doctrine pussent s’expliquer. Pourquoi a-t-il interdit ? Afin qu’une fois ses ennemis éloignés, après la consommation de son martyre sur la croix, et toutes ses souffrances terminées, quand personne ne pourrait déjà plus faire d’obstacle à sa religion et lui nuire, l’idée juste sur lui se gravât profondément et nettement dans l’esprit de ses auditeurs. Mais tant que sa puissance n’était pas démontrée d’une façon éclatante, il voulait que les apôtres se missent à la propager ; que la vérité évidente de leurs paroles et la force des événements confirmassent leur prédication. Car il est à remarquer d’une part que tantôt il fait des miracles en Palestine, tantôt subit des persécutions, et, d’autre part, que tout l’univers l’adore et croit en lui ; et qu’il ne supporte déjà plus une seule des souffrances qu’il supportait. C’est pourquoi il a ordonné de ne rien dire à personne.

Si ceux qui ont vu plusieurs miracles et entendu tant de merveilles étaient séduits au bruit seul des souffrances, et non seulement les autres apôtres, mais même le premier d’entre eux, Pierre, alors on peut s’imaginer comment était séduit le peuple qui savait que Jésus-Christ était le Fils de Dieu, et le vit ensuite crucifié et bafoué ?… C’est donc tout à fait justement qu’il interdit de rien dire au peuple avant la croix.

Voici ce que dit Reuss (p. 395) :

La réponse de Simon, diversement formulée dans les trois textes, mais revenant partout au même sens, est la preuve que même, sous la déclaration positive de Jésus, il s’était formé dans l’esprit des disciples, spectateurs journaliers des miracles de leur maître et auditeurs permanents de son enseignement, la conviction arrêtée qu’il était le Christ, l’Oint de Dieu, le Messie promis, le Fils de Dieu, formules partout identiques pour le sens et qui ne disent rien sur la nature de la personne, mais qui expriment la notion de la dignité de l’envoyé. « Tu es celui que les prophètes ont annoncé, que le peuple attend, qui doit fonder le royaume de Dieu et restaurer Israël. » La spiritualité relative de la notion n’est pas déterminée par cette déclaration et nous allons en voir la preuve.

Tous les trois narrateurs ajoutent que Jésus interdit aux disciples de parler de cette conviction à d’autres personnes. Pourquoi cela ? Il n’y a qu’une seule réponse à donner à cette question : c’est que la notion qu’ils avaient du Christ n’était pas encore celle que Jésus voulait leur faire adopter et qu’il voulait faire prévaloir dans le monde. Leur éducation apostolique n’était pas terminée. Ils auraient répandu ou corroboré des erreurs en combinant, avec leur attachement à sa personne, les espérances populaires qu’ils partageaient.

Mais c’est affreux ! Jésus dit par tous les moyens d’expression qu’il est un homme comme tous les hommes mais qu’il propage la doctrine de l’esprit et de la filiation avec Dieu vivant, doctrine qui ne pouvait être exprimée autrement que par les paroles de Jésus. Il propage cette doctrine. Tous le comprennent à rebours. Ils comprennent qu’il s’est fait Dieu. Il se tue à dire : Je ne suis pas Dieu, vous tous êtes Dieu ; je suis un homme ; je fais mon salut par Dieu qui est en moi. Ce Dieu est en chacun ; c’est le Christ unique ; il n’y en aura pas d’autre. Mais personne ne veut le comprendre. Les uns crient : le fils de David, le reconnaissent comme Dieu et l’adorent. D’autres ne voient en lui qu’un homme et veulent le crucifier parce qu’il se dit Dieu. Enfin le disciple Simon-Pierre le comprend, et il explique aux autres disciples qu’il ne faut pas le considérer lui, Jésus, comme le Christ.

On recopie cette même phrase avec un petit changement, et il en résulte, on ne sait trop pourquoi, qu’il a ordonné de ne dire à personne qu’il est Jésus-Christ.

On a des oreilles qui n’entendent pas et des yeux qui ne voient point.


LA RÉSURRECTION DE LAZARE

Vient ensuite ce qu’on appelle la résurrection de Lazare.

Voici ce que dit l’Église[5].

Il s’attrista en esprit et se révolta. Le mot grec traduit par s’attrista contient la conception indignation, colère, dégoût, causés par un acte révoltant ; et le mot traduit par se révolta contient la conception tressaillement. Il serait donc plus exact de traduire toutes ces phrases par : se révolta et tressaillit.

Qu’était-ce donc qui révoltait ainsi l’âme du Seigneur en ce moment ? Quelque temps après, quand les Juifs qui étaient présents exprimèrent assez clairement leurs sentiments d’hostilité envers lui, il se révolta de nouveau ; cela laisse à supposer qu’en ce moment le Seigneur était révolté par le même fait, c’est-à-dire par la conduite des Juifs. L’évangéliste dit qu’il était révolté, quand il a vu Marie pleurer ainsi que les Juifs qui l’accompagnaient ; c’est-à-dire quand il a vu d’une part, les larmes sincères de la sœur du défunt, qui était profondément attristée, et de l’autre les larmes de ces hommes (ou de quelques-uns d’entre eux) qui paraissaient aussi sincères mais avaient une sourde hostilité contre lui, ami bien-aimé des sœurs dans l’affliction.

Le Seigneur était révolté jusqu’au fond de son âme par les larmes hypocrites de ses ennemis. En outre, le Seigneur savait que cette hostilité envers lui le conduirait à la mort, et voilà que ses ennemis sont ici, et vont assister au grand miracle qui va s’accomplir. Ce miracle, la manifestation la plus éclatante et la preuve de sa dignité de messie, aurait dû éteindre cette hostilité, mais au lieu de cela, il le savait, ce miracle allait être le motif suprême de son arrêt de mort.

De son plus grand miracle, Satan fait le signal de l’arrêt inéluctable de sa mort. Et voilà, ici, sont présents quelques membres de cette force fatale, et ils versent des larmes hypocrites. Le Seigneur se révolte en esprit ; et cette révolte était si grande qu’elle imprime une commotion physique à son corps, commotion qui, d’après le sens du mot grec, n’était pas complètement involontaire mais impliquait un certain effort du Seigneur lui-même pour retenir cette révolte spirituelle.

Plusieurs ont cru et quelques-uns sont allés chez les Pharisiens. De nouveau la division qu’indique ordinairement Jean s’élève parmi les Juifs, et elle est plus profonde qu’auparavant. Les moins aveuglés, frappés par la majesté du miracle incontestable qui s’est accompli sous leurs yeux, ont cru en Jésus comme le Messie. Mais les plus aveuglés deviennent pour ainsi dire complètement aveugles, et sont en fureur de leur méfiance. Ils vont trouver les pires ennemis du Seigneur, les Pharisiens, et leur disent ce que Jésus a fait. Aussitôt après leur dénonciation on réunit le Sanhédrin, et l’on décide de tuer le Seigneur ; il faut donc supposer que leur dénonciation fut des plus méchantes.

Dans le but de lui nuire ils ont sans doute déclaré aux Pharisiens qu’il a commis quelque chose de défendu, puisqu’il a fait ouvrir un sépulcre.

Cette méfiance haineuse et cet aveuglement en présence du miracle le plus grand et le plus indiscutable, sont extraordinaires et l’évangéliste lui-même en montre de l’étonnement. Ils ont probablement interprété à leur façon ce miracle comme ils l’avaient fait pour d’autres, disant qu’il avait eu recours à la force diabolique ou supposant une ruse quelconque. Jusqu’à quel point peut arriver l’aveuglement de l’homme dont le cœur est plein de colère, d’envie, de préjugés ?…

Reuss, (Nouveau Testament, p. 250.)

La prière prononcée par Jésus ne présente rien qui puisse mériter les reproches qu’on lui a fait quelquefois de nos jours, dès qu’on s’en tient au texte qui déclare que c’était une prière d’action de grâces. Jésus n’a pas demandé en ce moment le pouvoir exceptionnel de ressusciter un mort ; toujours uni à son Père, il ne peut pas être question entre eux d’une délégation de faveur pour une circonstance spéciale ; s’il a parlé à haute voix, c’est pour bien convaincre le monde que son pouvoir vient de Dieu, et que ses œuvres sont accomplies à la gloire de Dieu. S’il remercie Dieu d’avance, c’est une preuve d’autant plus irréfragable qu’il n’est pas un thaumaturge d’occasion, mais le dépositaire des forces divines, d’une manière permanente. On remarquera encore qu’il rappelle à Marthe qu’il lui avait prédit qu’elle verrait la gloire de Dieu, si elle avait la foi. Or, cette phrase est composée d’éléments des versets 4, 23 et 26, et prouve encore que la rédaction est faite pour le lecteur du livre, et non inspirée par les préoccupations d’une exactitude diplomatique. Prétendre que Jésus avait fait dire à Marthe, par quelque messager, ce que nous lisons au verset 4, c’est retomber dans l’ornière du rationalisme vulgaire, qui s’obstine à ne voir partout dans cet évangile qu’une narration à fleur de terre.

Quant au fond de l’histoire et au fait même de la résurrection de Lazare, il faut reconnaître que tous les essais d’écarter le miracle sont arbitraires, et reviennent en fin de compte à nier purement et simplement la crédibilité de l’auteur. Aucune explication, de toutes celles qu’on a proposées, ne porte en elle-même un caractère de vraisemblance et de simplicité tel, qu’on serait tenté de la substituer sans plus ni moins à la forme traditionnelle du récit. L’argument négatif le plus grave est tiré du silence des synoptiques, mais il peut être neutralisé par la considération de nombreuses lacunes que présentent leurs récits pris individuellement.

La tradition ayant conservé le souvenir de plusieurs faits analogiques, la présence de celui-ci ne compromet pas plus particulièrement l’autorité de notre auteur. Cependant il convient de faire remarquer ici, qu’après le rationalisme, l’orthodoxie a éprouvé à son tour le besoin d’amoindrir le miracle. Si elle ne parle plus d’une simple léthargie, elle prétend cependant que l’assertion de Marthe, au verset 39, repose sur une présomption erronée. Elle aussi ne peut se décider d’admettre le retour de la vie dans un corps dont la décomposition aurait commencé d’une manière sensible. La question physiologique n’est pas de notre compétence, mais nous soutenons qu’elle n’a pas arrêté le narrateur. Il ne fait pas dire à Jésus que Marthe se trompe, mais il oppose directement la gloire de Dieu à la désolation désespérée de l’homme, la réalité de la vie nouvelle à l’absolue destruction de la vie nouvelle première. En méconnaissant ce fait non seulement on marchande le miracle en lui-même, mais on efface aussi ce qu’il est destiné à mettre en relief dans l’économie de cet ouvrage, savoir, l’antithèse radicale entre la vie physique et la vie spirituelle. À ce point de vue, nous osons affirmer que l’odeur cadavéreuse émanant du tombeau, même avant la levée de la pierre, est un trait essentiel dans le récit.

Le point de vue de Reuss est celui de la ci-nommée science. Quelque claire que soit l’insanité de pareils miracles, grâce à l’obscurantisme millénaire que l’Église nous impose, cette insanité ne nous frappe pas d’un coup. Je ne crois donc pas superflu d’expliquer comment je comprends de pareils récits sur le miracle.

Lazare, un homme de la vie duquel on ne nous dit rien, est mort. Son corps dans le cercueil est déjà en décomposition quand arrive Jésus. Jésus prononce quelques paroles et Lazare ressuscite, et ce fait doit me prouver que Jésus était le fils de Dieu et qu’il est venu nous sauver et nous enseigner la doctrine de la vérité.

Tout d’abord, que signifie ressusciter un mort ? Si un homme est mort et se putréfie, cela signifie que la vie charnelle est terminée. L’homme se remet à vivre. Que signifie cela ? Ou bien l’homme n’est pas mort, c’est-à-dire n’a pas passé le processus de la mort, ou il est arrivé quelque chose qui détruit ma conception de la vie et de la mort, c’est-à-dire que, pour moi, il n’y a plus de différence entre la vie et la mort. Dans les deux cas, il n’y a rien d’étonnant. S’il n’est pas mort, toute discussion est inutile ; si mes conceptions de la mort et de la vie charnelle ne sont pas justes, il n’y a pas non plus de quoi s’étonner.

Mais oublions ce raisonnement et disons que la résurrection est la manifestation de la puissance de Dieu. S’il en est ainsi, alors avec la puissance de Dieu nous pensons involontairement à sa sagesse, et nous devons nous demander pourquoi il a ressuscité Lazare et ne lui a pas fait pousser des ailes et deux têtes ? et nous devons reconnaître que dans cet acte de Dieu, avec sa puissance ne s’est pas exprimée sa sagesse.

On dit que Jésus ressuscita Lazare parce qu’il avait pitié de ses sœurs. Cela n’est pas divin.

Mais négligeons cela aussi. La puissance de Dieu se manifeste pour prouver sa véracité. Mais si nous admettons cela, nous devons nous demander quel lien existe entre la véracité de Dieu et la résurrection de Lazare.

Je doute que la pièce de monnaie qu’on me donne est en or ; on me démontre que cette pièce a une qualité, par exemple, qu’elle sonne bien.

Il a ressuscité Lazare et la pièce de monnaie sonne comme une pièce d’or ; mais par quoi cela me prouve-t-il que Jésus est Dieu et que la pièce est en or ? Il n’y a aucun lien causal.

Mais oublions cela aussi et admettons que le miracle atteste la divinité. Jésus a prouvé sa divinité en ressuscitant un mort. Mais c’est là une mauvaise preuve de sa divinité puisque les sorciers ressuscitent aussi, et que les spirites ont matérialisé Ketty King ; les apôtres et les reliques des saints ont aussi fait des résurrections. Si Dieu voulait prouver sa puissance par un acte extraordinaire, il aurait pu en choisir un que personne ne pût imiter ; faire une étoile rectangulaire, par exemple.

Mais oublions cela aussi, et admettons que Dieu n’ait pas songé que les hommes feraient ou raconteraient de pareils miracles. Admettons encore que c’est un miracle unique, qui ne se répéta jamais. Dieu pour prouver aux hommes sa véracité a ressuscité Lazare. Or, je suis un homme, pourquoi donc, après 1800 ans, a-t-on besoin de me prouver que Dieu, il y a dix-huit siècles, en présence d’une dizaine de personnes, ressuscita un homme ? Je serais heureux d’y croire si je le voyais, mais je ne l’ai pas vu. Pourquoi Dieu n’a-t-il pas ressuscité l’homme et ne l’a-t-il pas laissé vivre jusqu’à présent ? Pour Dieu cela ne serait rien. Ou pourquoi n’a-t-il fait croître un arbre les racines en l’air, ou créé une étoile allongée en baguette et immobile ? Dans ces cas, il n’y aurait plus aucun doute ; car enfin, moi je n’ai rien vu. Je vois que les spirites font juste de pareilles opérations, et cela sous nos yeux, et ils les décrivent dans des livres en citant leurs témoins. Pourquoi donc croirais-je l’un plutôt que l’autre ? De sorte qu’on ne peut s’arrêter à rien ; et le résultat c’est que Dieu a échoué, qu’il a voulu prouver sa véracité et ne l’a pas fait, et que, de plus, par cet emploi de mauvaises preuves, il a reconnu qu’il n’a pas de bonnes preuves, que la pièce n’est pas en or et qu’on me veut donner une pièce fausse.

Le point de vue de Reuss, prétendu scientifique, comme il a été dit plus haut, n’est même pas un point de vue, mais un faux-fuyant pour détourner les yeux de la question. Je n’ai nul besoin de savoir ce que pensait l’auteur en l’écrivant, mais j’ai besoin de savoir ce que j’en dois penser ; or, Reuss ne me le dit pas. Si l’auteur a réellement cru que Jésus a ressuscité Lazare et que par ce fait il a prouvé son origine divine, force m’est de reconnaître que l’auteur ne comprend rien à la doctrine du Christ. Et cependant du livre lui-même je puise le vrai savoir sur la doctrine du Christ et même dans ce passage les paroles du verset 25 qui contredisent nettement le récit de la résurrection matérielle de mort. Jean, xi, 25 : « Celui qui croit en moi vivra quand même il serait mort. » C’est ce qui est dit dans toute la doctrine : que la vie n’est pas dans le temps et dépend de la volonté de l’homme.

Mais d’après le récit il résulte que la résurrection de Lazare s’est accomplie par la volonté de Jésus. S’il n’était pas venu, on ne lui eût pas fait savoir, de même qu’on ne lui avait pas fait savoir la mort de millions de gens qui avaient foi en lui ; et il n’eût pas ressuscité Lazare.

Voilà cette contradiction intérieure qu’il faudrait résoudre, alors que le ton pseudo-scientifique pour expliquer ce que pensait un écrivain symboliste quelconque ne peut intéresser personne.

Celui qui a compris la doctrine de Jésus et qui croit en cette doctrine ne peut accepter le chapitre de la résurrection de Lazare. Seuls les gens d’Église, ceux qui n’ont jamais compris la doctrine du Christ, ont pu accepter ce chapitre et d’autres analogues. Quant aux autres, ceux qui cherchent, il ne peut être question pour eux d’interpréter le récit de la résurrection, il ne signifie rien, comme tous les miracles. Il faut purifier et rejeter cela et ne retenir que les paroles des versets 25 et 26 du chapitre xi de Jean.

Jean xi, 25. Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi vivra, quand même il serait mort.

26. Et quiconque vit et croit en moi, ne mourra point pour toujours. Crois-tu cela ?


PREUVES DE LA VÉRACITÉ DE LA DOCTRINE
Exposé général du chapitre vii

Pour recevoir la vraie vie, il faut rendre la vie de la chair. La vie de la chair est l’aliment de la vraie vie. La doctrine de Jésus consiste à donner la vie de la chair pour la vraie vie.

Les Pharisiens et les savants disent à Jésus : Tu dis qu’il faut rendre la vie de la chair et toutes ses joies pour recevoir la vraie vie. Mais par quoi penses-tu le prouver ?

Et Jésus gémit de pitié pour ces hommes. Le fait qu’ils lui ont demandé des preuves, lui montre déjà qu’ils ne l’ont pas compris. Il dit : Les hommes veulent des preuves, et des preuves on ne peut leur en donner. Quelles preuves charnelles voulez-vous de la vie non charnelle ? Est-ce que vous avez la preuve de tout ce que vous savez ? Quand le soir vous regardez le couchant embrasé, vous supposez que le matin le temps sera beau, et quand le matin il fait sombre vous pensez qu’il pleuvra. Vous n’avez pas de preuves mais vous supposez d’après l’aspect du ciel, et vous savez raisonner. Pourquoi donc dans ce cas ne raisonnez-vous pas aussi juste ? Si vous raisonniez sur vous-mêmes aussi justement que sur les indices du temps, vous sauriez qu’aussi sûrement qu’après le vent de l’ouest vient la pluie, après cette vie temporaire arrive la mort.

C’est pourquoi il ne peut exister pour vous d’autres preuves de la véracité de ma doctrine que la doctrine elle-même.

Il ne peut être de preuves de l’entendement.

La reine du Midi ne venait pas demander des preuves à Salomon, elle venait entendre sa sagesse. Les Ninivites ne demandent pas à Jonas ses preuves, mais ils écoutent sa doctrine et se convertissent. Vous devez faire la même chose et ne pas demander de preuves.

Après cela les Juifs essayent de le condamner à mort.

Mais Jésus est allé en Galilée et vit avec des parents.


La fête juive arrive.


Les frères de Jésus se préparent à aller à la fête et ils demandent à Jésus de venir avec eux. Ils ne croient pas en la doctrine de Jésus et lui disent : Tu dis que le culte divin des Juifs n’est pas bon et que tu connais le vrai culte de Dieu par les actes ; si tu penses réellement que personne sauf toi ne connaît le vrai culte de Dieu, alors allons ensemble à la fête ; il y aura là beaucoup de monde, et devant tout le peuple tu déclareras que la doctrine de Moïse est fausse. Si tous te croient, alors il sera clair pour tes disciples que tu as raison. Pourquoi donc se cacher ? Tu dis que notre culte de Dieu est faux, que tu connais le véritable culte de Dieu, eh bien ! montre-le à tous.

Et Jésus leur dit : Pour vous il y a un temps et un lieu déterminés pour le culte de Dieu, pour moi il n’en est pas ; je travaille toujours et partout pour Dieu. Voilà ce que je montre aux hommes, et je leur fais comprendre que leur culte de Dieu est faux ; et c’est pour cela qu’ils me haïssent. Allez à la fête, moi j’irai quand il me plaira.

Ses frères vont à la fête, lui ne s’y rend que plus tard, vers le milieu de la fête. Les Juifs étaient vexés de ce qu’il ne respectait pas leurs fêtes et n’y était pas venu ; et ils discutaient sa doctrine. Pour les uns, il disait la vérité ; les autres l’accusaient de troubler le peuple.

Au milieu de la fête, Jésus pénètre dans le temple et se met à enseigner au peuple que leur culte de Dieu est faux, qu’il ne faut pas servir Dieu dans le temple, ni par des sacrifices, qu’il faut le servir en esprit et par les actes. Tous l’écoutent et admirent sa sagesse.

Jésus, apprenant qu’ils admirent sa sagesse, leur dit : Ma sagesse réside en ce que j’enseigne ce que je sais de mon Père. Ma doctrine consiste à exécuter la volonté de l’esprit qui me donne la vie. Celui qui suit cette volonté apprend que c’est la vérité parce qu’il fait non ce qui lui paraît bon, mais ce qui paraît bon à l’esprit qui vit en lui. Votre loi de Moïse n’est pas la loi éternelle ; c’est pourquoi ceux qui la suivent n’exécutent pas la loi éternelle, mais font le mal et le mensonge. Je vous enseigne l’accomplissement d’une seule volonté ; dans ma doctrine il ne peut être de contradiction, tandis que la loi écrite de Moïse en est pleine. Moi je vous donne telle doctrine avec laquelle l’homme devient supérieur à toutes les institutions et trouve la loi en lui-même.

Plusieurs dirent : On a prétendu qu’il était un faux prophète et cependant voilà qu’il condamne la loi et personne ne lui dit rien. Peut-être, est-il bien le vrai prophète ; les chefs l’ont peut-être reconnu. Mais il y a une chose qui n’est pas vraie : il est écrit que quand viendra l’envoyé de Dieu personne ne saura d’où il est ; tandis que lui, nous le connaissons, nous savons d’où il est ; nous connaissons toute sa parenté.

Le peuple ne comprenait toujours pas sa doctrine et toujours cherchait des preuves extérieures.

Alors Jésus leur dit : Vous me connaissez et vous savez d’où je suis, du point de vue corporel, mais vous ne savez pas d’où je suis par l’esprit. Vous ne connaissez pas celui de qui je suis par l’esprit, et c’est celui-là qu’il faut connaître. Si je disais que je suis le Christ, vous me croiriez, moi, un homme, et vous ne croyez pas à Dieu qui est en moi et en vous.

Et il ne faut croire qu’à Dieu seul. Moi je suis ici parmi vous pour peu de temps. Je vous montre la voie du salut, le retour à cette source de la vie d’où je suis descendu. Mais vous me demandez des preuves et vous voulez me condamner. Si vous ne connaissez pas cette voie, alors quand je ne serai plus, vous ne la trouverez pas. Il ne faut pas me condamner ; il faut me suivre. Celui qui fera ce que je dis saura si je dis la vérité. Celui pour qui la vie de la chair n’est pas devenue la nourriture de l’esprit, celui qui ne cherche pas avidement la vérité, celui-ci ne peut me comprendre.

Mais que celui qui est assoiffé de vérité vienne à moi et se désaltère. Celui qui croira en ma doctrine recevra la vraie vie ; il recevra la vie de l’esprit.

Et plusieurs croyaient en sa doctrine et disaient : Ce qu’il dit est la vérité, et vient de Dieu.

Les autres ne le comprenaient pas et cherchaient toujours, selon les prophéties, les preuves qu’il était l’envoyé de Dieu.

Plusieurs discutent avec lui, mais personne ne peut le vaincre. Les Pharisiens et les savants envoient leurs aides pour discuter avec lui ; mais ceux-ci reviennent et disent : Nous ne pouvons rien contre lui ; jamais aucun homme n’a parlé comme lui. Alors les Pharisiens disent : Cela ne signifie rien qu’on ne puisse le vaincre dans la discussion et que le peuple croie en sa doctrine. Nous autres nous ne croyons pas ; aucun des chefs ne croit ; et le maudit peuple est toujours stupide et ignorant.

Alors Jésus dit aux Pharisiens : Il ne peut exister de preuves de la vérité de ma doctrine, comme il ne peut en exister de la lumière. Ma doctrine c’est la vraie lumière, cette lumière grâce à laquelle les hommes voient ce qui est bien et ce qui est mauvais. C’est pourquoi on ne peut pas prouver ma doctrine, c’est elle qui prouve tout le reste. Celui qui me suivra ne sera pas dans les ténèbres mais il aura la vie en lui. La vie et la lumière, c’est tout un.

Cependant les Pharisiens exigent de lui des preuves de la vérité de sa doctrine et lui objectent : C’est toi seul qui le dis.

Il leur répond : Si même je suis seul à le dire, j’ai raison, car je sais d’où je suis venu et où je vais. Selon ma doctrine, le sens de la vie existe ; selon la vôtre, non. En outre, ce n’est pas moi seul qui enseigne, mais ce que j’enseigne, enseigne mon Père, l’esprit. Vous ne le connaissez pas, et cela même prouve la fausseté de votre doctrine. Vous ne savez pas pourquoi est votre vie et qui est le père de votre vie. Vous ne savez pas d’où vous êtes et où vous allez.

C’est moi qui vous conduis, et vous, au lieu de me suivre, vous demandez qui je suis. C’est pourquoi vous ne pouvez pas arriver au salut et à la vie à laquelle je vous mène. Or vous périrez si vous demeurez dans cette erreur et ne me suivez pas.

Et les Juifs lui demandent : Qui es-tu ? Il répond : Je ne suis pas quelqu’un de particulier ; en tant qu’homme je ne suis rien, mais je suis le principal, je suis la voix et la vérité, je suis l’entendement ; et quand vous ferez de l’esprit du Fils de l’homme votre Dieu, vous saurez qui je suis, car j’agis et parle non d’après moi, comme homme ; mais je dis et enseigne ce que m’a appris le Père.

Seul celui qui obéit à l’entendement, qui accomplit la volonté du Père, peut être enseigné par moi. Pour connaître la vérité il faut faire le bien. Celui qui fait le mal aime les ténèbres et marche dans les ténèbres. Celui qui fait le bien marche vers la lumière C’est pourquoi, pour comprendre ma doctrine, il faut faire le bien.

Celui qui fera le bien connaîtra la vérité ; et celui qui connaîtra la vérité sera délivré du mal et de la mort. Car quiconque est dans l’erreur devient l’esclave de son erreur. Et de même que les serviteurs ne vivent pas toujours dans la famille du maître tandis que le fils du maître y reste toujours, de même l’homme, s’il est tombé dans l’erreur et devient le serviteur de son erreur, ne vit pas toujours mais meurt. Celui seul qui est dans la vérité reste vivant toujours. Et la vérité est de ne pas être le serviteur mais le fils. De sorte que si vous êtes dans l’erreur, vous êtes des esclaves et vous mourrez. Si vous êtes dans la vérité, vous êtes les fils libres et vous vivrez.

Vous dites que vous êtes fils d’Abraham, que vous connaissez la vérité, et vous voulez me tuer parce que je vous dis la vérité. Abraham n’a pas agi ainsi. Si vous voulez tuer un homme, vous n’êtes pas les enfants du Père-Dieu, vous êtes les enfants de votre père et vous servez votre père. Vous n’êtes pas les fils du même père que moi, vous êtes les serviteurs de l’erreur et ses fils. Si votre père était le même que le mien, vous m’aimeriez parce que je suis aussi descendu de Dieu. Je ne suis pas né de moi-même, mais de Dieu. C’est pourquoi vous ne comprenez pas mes paroles, et mon entendement n’entre pas en vous. Si je suis du Père et vous du même père, vous ne pouvez pas avoir le désir de me tuer. Si vous voulez me faire mourir, c’est que nous ne sommes pas du même père. Je suis de Dieu et vous du diable. Vous voulez faire les vilenies de votre père, il fut toujours assassin et menteur, et il n’y a pas en lui la vérité. Si le diable dit quelque chose, c’est toujours quelque chose de personnel à lui et non de commun à tous ; il est le père du mensonge et de l’erreur. C’est pourquoi vous êtes les serviteurs de l’erreur et ses fils.

Vous voyez qu’il m’est aisé de dénoncer vos erreurs. Si je suis dans l’erreur, dénoncez-moi. Et s’il n’y a pas en moi d’erreur, pourquoi ne me croyez-vous pas ?

Alors les Juifs se mettent à l’insulter ; ils le traitent de fou. Il dit : Je ne suis pas fou mais je respecte le Père et vous voulez me tuer, moi, fils de Dieu. Ainsi vous n’êtes pas mes frères, vous êtes les enfants d’un autre père. Ce n’est pas moi qui affirme que j’ai raison, c’est la vérité qui parle pour moi. C’est pourquoi, je vous le répète, celui qui comprendra ma doctrine et la suivra, celui-ci ne verra point la mort.

Et les Juifs lui disent : Eh bien, n’est-ce point la vérité que tu es un Samaritain fou ? Tu te dénonces toi-même. Les prophètes sont morts. Abraham est mort et tu dis que celui qui suivra ta doctrine ne verra pas la mort. Abraham est mort, et toi, est-ce que tu ne mourras pas ? Es-tu donc plus grand qu’Abraham ?

Les Juifs s’attachent toujours à la question de savoir si ce Jésus de Galilée est un prophète important ou sans importance, et ils oublient toujours ce qu’il leur a dit de lui-même, en tant qu’homme ; ils oublient qu’il parle de l’esprit de Dieu qui est en lui.

Et Jésus dit : Je ne dis rien de moi-même. Si je parlais de moi-même, de ce qu’il me paraît à moi, alors tout ce que je dirais ne signifierait rien. Mais il existe ce commencement de tout, que vous appelez Dieu, et c’est précisément de lui que je parle. Vous autres vous ne connaissez pas le vrai Dieu, mais moi je le connais et je ne puis pas dire que je ne le connais pas. Je serais un menteur si je disais que je ne le connais pas. Je le connais et je connais sa volonté et l’accomplis. Abraham votre père n’est saint que parce qu’il a vu mon entendement et s’en est réjoui.

Les Juifs lui disent : Tu n’as pas encore cinquante ans, comment pouvais-tu vivre au temps d’Abraham ? Il leur répond : Avant qu’Abraham existât, moi j’existais, ce « moi » dont je vous parle, et qui est l’entendement.

Les Juifs prirent alors des pierres pour le lapider, mais il put leur échapper.

Et de nouveau Jésus enseigne le peuple, et dit : Je suis la lumière du monde. Celui qui me suivra ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie. Si l’homme ne voit pas la lumière, ni ses parents ni lui n’en sont coupables ; mais si la lumière est en nous, notre œuvre dans la vie ne consiste qu’à éclairer les autres. Tant que nous sommes dans le monde, nous sommes la lumière du monde. Si nous voyons les hommes privés de la lumière, nous leur découvrons la lumière de ce commencement qui nous a produits. L’homme qui voit la lumière change de telle façon que personne ne peut le reconnaître. L’homme reste le même homme mais, en lui, devient cette différence qu’ayant appris qu’il est fils de Dieu, il reçoit la lumière et voit ce qu’il ne voyait pas auparavant. L’homme qui ne voyait pas la lumière, puis l’aperçoit ne peut pas dire s’il est juste qu’il ait cessé d’être aveugle. Il ne peut que dire : Je suis régénéré ; je suis devenu autre. Auparavant j’étais aveugle, je ne voyais pas le vrai bien, et maintenant je le vois. J’ignore comment j’ai commencé à voir, mais je pense que celui qui m’a dévoilé la lumière est un homme de Dieu.

Et l’on aurait beau dire à l’homme qui a vu la lumière que cette lumière n’est pas véritable, qu’il doit prier un autre Dieu, celui qu’il ne voit pas, non celui qui lui a donné la lumière, il ne le croirait pas. Il dirait : Je ne sais rien de votre Dieu, je ne sais pas si l’homme qui m’a ouvert les yeux s’est trompé ou non, je ne sais qu’une chose : qu’auparavant je ne voyais rien et que, maintenant, je vois. Et on aura beau demander à cet homme comment ses yeux se sont ouverts, il ne dira qu’une chose : ils se sont ouverts parce que j’ai appris que le commencement de ma vie c’est l’esprit, et, ayant appris cela, je me suis senti régénéré. Vous aurez beau lui dire que la véritable loi de Dieu c’est la loi de Moïse, que Dieu lui-même l’a donnée à Moïse, que Dieu n’entre en rapport qu’avec les saints, tandis que celui qui a ouvert les yeux est un pécheur, l’homme ne répondra qu’une chose : Je ne sais rien de tout cela, mais je sais que j’étais aveugle et, maintenant, je vois. Et je sais que celui qui m’a ouvert les yeux est de Dieu, car s’il n’était pas de Dieu, il n’aurait pu le faire.

Un tel homme ne se fie qu’à l’esprit du fils de Dieu qui est en lui, et rien de plus ne lui est nécessaire.

Et Jésus dit : La doctrine sépare les hommes. Les aveugles se mettent à voir, mais ceux qui croient voir clair sont aveugles. Les hommes qui, de naissance, ne voient pas la lumière, ne sont pas coupables et peuvent commencer à voir. Mais ceux qui affirment qu’ils voient alors qu’ils ne voient rien, sont coupables.

Puis les Juifs se mettent à discuter. Les uns disent : Tout simplement, il devient fou. Les autres disent : Un fou ne peut pas ouvrir les yeux d’un homme.

Et Jésus, de nouveau, enseigne le peuple et dit : Les hommes s’attachent à ma doctrine non parce que je la prouve. On ne peut pas prouver la vérité. C’est la vérité qui prouve tout le reste. Mais les hommes s’attachent à ma doctrine parce qu’elle seule, et les hommes le savent, promet la vie. Ma doctrine est pour les hommes comme la voix connue du berger pour les brebis quand il entre par la porte de la bergerie et les rassemble pour les conduire au pâturage.

Mais personne ne croit en votre doctrine parce qu’elle est étrangère aux hommes et qu’ils voient en elle vos lubricités. Elle est pour les hommes ce qu’est pour les brebis la vue d’un homme qui n’entre pas dans la bergerie par la porte, mais qui escalade la haie. Les brebis ne le connaissent pas, mais elles sentent que c’est un larron.

Ma doctrine est la seule vraie comme il n’y a qu’une seule porte pour les brebis. Toutes vos doctrines de la loi de Moïse sont des mensonges, elles sont comme les voleurs et les larrons pour les brebis. Celui qui suivra ma doctrine trouvera la vraie vie, de même que les brebis sortent et trouvent la nourriture si elles suivent le berger. Le larron ne vient que pour piller, voler, tuer ; le pasteur ne vient que pour nourrir et donner la vie. Et c’est ma doctrine seule qui promet et donne la vie éternelle. Parfois les bergers sont des maîtres pour qui les brebis sont toute la vie et qui donnent leur vie pour les brebis. Ce sont les vrais bergers. Mais il y a des bergers mercenaires qui ne se soucient point des brebis, parce qu’ils sont des mercenaires et que les brebis ne sont point à eux. S’il vient un loup, ces bergers abandonnent les brebis. Ce ne sont pas de vrais bergers De même il y a des maîtres qui ne sont pas de vrais maîtres ; ils ne se soucient pas de la vie des hommes. Tandis que les vrais maîtres donnent leur vie pour la vie des hommes. Je suis un tel maître. Ma doctrine consiste à donner ma vie pour les hommes.

Personne ne me la prend, mais je la donne librement pour les hommes, afin de recevoir la vraie vie. Ce commandement je l’ai reçu de mon Père. Et comme mon Père me connaît, ainsi je connais mon Père. C’est pourquoi je donne ma vie pour les hommes. C’est pourquoi mon Père m’aime parce que j’exécute ses commandements. Et tous les hommes, non seulement ceux qui sont présents ici, mais tous, comprendront ma voix, tous s’uniront en un, et leur doctrine sera unique.

Alors les Juifs l’entourent et lui disent : Tout ce que tu dis est bien difficile à comprendre et ne concorde pas avec l’Écriture. Ne nous tourmente pas. Dis-nous tout simplement et clairement si tu es ce Messie qui, d’après nos livres, doit venir dans le monde ?

Jésus leur répond : Je vous ai déjà dit qui je suis. Je suis ce que je vous dis. Si vous ne croyez pas à mes paroles, croyez à mes actes, à la vie en Dieu que je mène. Selon mes œuvres vous comprendrez qui je suis et pourquoi je suis venu. Mais vous ne me croyez pas parce que vous ne me suivez pas. Celui qui me suit et fait ce que je dis me comprend. Et celui qui comprend ma doctrine et la suit reçoit la vraie vie.

Moi et le Père-Dieu, nous ne faisons qu’un.

Les Juifs, effrayés de ces paroles, veulent ramasser des pierres pour le lapider, Mais il leur dit : Je vous ai montré beaucoup de bonnes œuvres ; pour laquelle de ces bonnes œuvres voulez-vous me tuer ?

Ils lui disent : Ce n’est point pour une bonne œuvre que nous voulons te tuer, c’est parce que toi, un homme, tu veux te faire passer pour Dieu.

Et Jésus leur répond : Mais c’est précisément ce qui est dit dans vos Écritures. On rapporte que Dieu lui-même a dit aux mauvais chefs : Vous êtes des dieux !

S’il a appelé dieux des hommes pervers, alors pourquoi trouvez-vous sacrilège d’appeler fils de Dieu, ce que Dieu, ayant aimé, a envoyé dans le monde ? Chaque homme est fils de Dieu par l’esprit. Si je ne vis pas selon Dieu, ne croyez point que je suis fils de Dieu. Mais si je vis selon Dieu, d’après ma vie, croyez que je suis le fils de Dieu, et comprenez alors que le Père est en moi et moi en lui ; que moi et le Père ne faisons qu’un.

Et Jésus dit : Ma doctrine est le réveil de la vie. Celui qui croit en ma doctrine vivra même s’il meurt physiquement. Celui qui est vivant ne meurt pas.

Mais les Juifs ne savaient que décider à son égard et ne pouvaient le condamner.

De nouveau Jésus se rendit au delà du Jourdain et y demeura.

Et plusieurs crurent en sa doctrine et disaient qu’elle était vraie de même que la doctrine de Jean. Ainsi plusieurs crurent en sa doctrine.

Une fois Jésus demanda à ses disciples : Dites-moi comment les hommes ont compris ma doctrine sur le Fils de Dieu et le fils de l’homme ?

Ils lui dirent : Les uns comprennent de la même façon que la doctrine de Jean ; les autres comme la prophétie d’Élie ; d’autres encore disent qu’elle ressemble à la doctrine de Jérémie et ils comprennent que tu es prophète.

Il dit : Et vous, comment comprenez-vous ma doctrine ?

Et Simon Pierre lui dit : Selon moi, ta doctrine consiste en ceci : que tu es le fils élu du Dieu vivant. Tu enseignes que Dieu est la vie de l’homme.

Jésus lui dit : Tu es heureux, Simon, d’avoir compris cela. Ce n’est pas un homme qui pouvait te le révéler. Si tu l’as compris c’est que Dieu, en toi, te l’a révélé. Ce n’est pas un raisonnement ordinaire, ce n’est pas moi, avec mes paroles, qui te l’ai révélé, c’est Dieu mon père qui te l’a fait comprendre.

Et c’est sur cet entendement qu’est basée la réunion des hommes pour laquelle il n’y a pas de mort.

  1. Interprétation des Évangiles. Évangile de Jean, page 269.
  2. Les Interprétations des Évangiles par l’archevêque Mikhaïl, p. 297.
  3. Interprétations des Évangiles par l’archevêque Mikhaïl, p. 351.
  4. Les Interprétations des Évangiles, par l’archevêque Mikhaïl, p. 299.
  5. Les Interprétations des Évangiles, par l’archevêque Mikhaïl, p. 391 et 398.